LA PROPOSITION DE LOI PORTANT «MODIFICATION DE LA LOI ÉLECTORALE»
SOMMAIRE
1. LA PRESENTATION DU TEXTE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE
2. LE DÉBAT PARLEMENTAIRE
a. Les interventions des députés
b. La réplique des co-auteurs de la proposition de loi
c. Déclarée recevable, la proposition de loi est envoyée à la Commission PAJ
1. LA PRESENTATION DU TEXTE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Le 14 avril, le Groupe des 13 (G13) a présenté à l’Assemblée nationale la proposition de loi portant «modification de la loi électorale», une des matières prioritaires de la session parlementaire de mars 2022. Cette proposition de loi électorale, dite loi Lokondo, propose plusieurs innovations pour corriger les irrégularités constatées au cours des élections de 2018. Ces innovations touchent principalement à «la transparence du processus de vote, le mode de scrutin et la certification des résultats». Parmi elles:
– le remplacement du seuil électoral par une condition de recevabilité des listes au prorata des (60%) de sièges en compétition,
– l’interdiction de cumul des candidatures, de porter comme suppléants un membre de sa famille, de la distribution de l’argent et des biens de valeur aux électeurs,
– l’abandon de la proportionnelle et l’adoption du scrutin majoritaire simple.
– la formalisation et la régulation de l’utilisation des « machines à voter » (vote semi-électronique),
– l’obligation de publier la cartographie des centres et bureaux de vote bien avant le déroulement des élections,
– l’obligation de fournir les procès-verbaux aux témoins des partis ou regroupements politiques.
– la possibilité de publier les résultats dans chaque circonscription électorale après le vote,
– l’obligation de publier les résultats électoraux bureau de vote par bureau de vote sur le site internet de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI),
– l’obligation du recomptage des voix au niveau du contentieux électoral, partant du pli des résultats réservés à la cour, sans exiger aux parties d’exhiber des procès-verbaux.[1]
Le Front Commun pour le Congo (FCC) a boycotté la plénière sur l’examen de la proposition de loi électorale. Dans une déclaration, la plateforme de l’opposition de Joseph Kabila a affirmé avoir appris avec étonnement la programmation de l’examen de cette loi sans qu’un consensus politique ne soit trouvé. «Nous exigeons que les grandes lignes de la loi électorale soient débattues préalablement entre les différentes parties prenantes et en dehors du Parlement qui est devenu une caisse de résonnance pour le pouvoir», a déclaré le député PPRD François Nzekuye.
Suite à l’absence des députés du FCC, le président de la Chambre basse du Parlement, Christophe Mboso, a annoncé le report du débat sur la loi électorale au 20 avril car, selon lui, il est important que toutes les familles politiques soient représentées, afin qu’un consensus soit trouvé, au sein du Parlement e pas en dehors de cette institution républicaine, sur les principales options à lever. [2]
2. LE DÉBAT PARLEMENTAIRE
Le 22 avril, l’Assemblée nationale a effectivement débuté le débat général sur la réforme de la loi électorale.
a. Les interventions des députés
À propos du retour à la présidentielle à deux tours, le député national Delly Sesanga a affirmé que cette réforme, qui exige la révision de la constitution, ne peut pas s’opérer actuellement, car une partie du pays se trouve sous état de siège depuis bientôt une année. Puisque pendant l’état de siège le débat sur la révision de la constitution est suspendu, il propose d’attendre la levée de cette mesure exceptionnelle pour reprendre le débat sur cette question précise.
Selon Delly Sesanga, cette proposition de loi va également instaurer un système de traçabilité des résultats électoraux, pour permettre à ce que ces résultats soient publiés bureau de vote par bureau de vote et que les résultats partiels publiés localement soient opposables à tous, ce qui pourra empêcher à ce que la commission électorale ne puisse manipuler davantage les résultats.
La loi propose aussi la suppression du seuil électoral, car il peut être facilement manipulé par la commission électorale pour faire passer tel candidat ou éliminer tel autre. Selon Delly Sesanga, ce qu’il est désormais souhaitable c’est que, au lieu d’avoir un seuil d’éligibilité, on exige des listes suffisamment représentatives sur le territoire national, c’est-à-dire présenter 60% des candidats pour le siège en compétition. Ceci est beaucoup plus transparent que le seuil, car il préalable et se fait a priori.
Enfin, le député critique le clientélisme de la classe politique qui veut aujourd’hui tous les membres de la famille dans un bloc se présentent avec suppléants, cèdent leurs sièges à leurs membres de famille et cette patrimonialisation de l’espace politique par les familles n’est pas quelque chose de souhaitable.[3]
Le député national Daniel Mbau a appuyé l’idée de la suppression du seuil électoral, dont l’objectif était celui de réduire le nombre de candidatures fantaisistes mais, malheureusement, à l’issue des élections, il y a eu une régression infime de candidatures: en 2011, la CENI avait enregistré 18.864 candidatures et en 2018 en a enregistré 15.355, soit une réduction de 18,6%. Il a donc proposé de remplacer le seuil par la condition de recevabilité de listes au prorata de 60%, soit 300 sièges sur les 500 au niveau national.
En ce qui concerne le mode de scrutin, le député Daniel Mbau a plaidé pour le maintien du système proportionnel qui, d’après lui, renforce la diversité politique, la représentativité nationale et l’équité. Il a aussi affirmé que, sans le système proportionnel, le pays aura un parlement instable avec une majorité émiettée. Selon lui, le système majoritaire simple favorise les candidats et non les listes: «Si nous optons pour le système majoritaire, nous allons tuer nos partis politiques, nous allons favoriser les individus, et nous aurons une majorité qui sera frappée par la transhumance politique».[4]
Pour le député national Crispin Mbindule, le seuil doit être maintenu à 1%: «le seuil de 1% nous a permis de constituer des grands ensemble et de faire la politique en groupe. C’est quelque chose à encourager, nous devons rester avec le seuil de 1%». S’agissant de la question de la suppléance, il s’est opposé à la désignation de suppléants issus du premier degré. À l’en croire, un candidat peut tout proposer, sauf sa femme et ses enfants.[5]
Après avoir rappelé que la proposition de loi qui a été présentée demande de remplacer le seuil par le pourcentage au prorata des listes ou bien du nombre des candidatures selon le siège à pourvoir, le député national Jackson Ausse Afingoto a plaidé pour le maintien du seuil électoral comme dans la précédente loi électorale. Cet élu de Irumu (Ituri) dans la liste de Ensemble pour la République estime que, au regard de la grandeur du pays, les forces politiques doivent travailler ensemble et en groupe, afin d’assurer le développement du pays. Il a aussi insisté sur la nécessité d’obliger la commission électorale nationale indépendante à remettre aux témoins les PV à l’issue des élections. Pour lui, sans le PV, la tâche est difficile au candidat député lors des contentieux.[6]
Pour le député national Alphonse Ngoyi Kasanji, élu de Mbuji-Mayi dans la province du Kasaï Oriental, l’interdiction de porter comme suppléants un membre de famille au premier degré est discriminatoire, en violation de l’article 13 de la constitution, selon lequel on ne peut pas discriminer quelqu’un en raison de son appartenance familiale, religieuse, etc.
Cet élu s’oppose encore à l’interdiction des cadeaux des biens pendant la campagne électorale. Il justifie sa position par des coutumes d’origines: «nous avons la coutume selon laquelle, pour accéder au pouvoir coutumier, vous devez prouver que vous avez donné. Ce sont nos habitudes. Est-ce que le fait de donner c’est un acte de corruption?».[7]
Le député national Valentin Ngandu Kayembe, élu de Dimbelenge (Kasaï Central), soutient la suppression du seuil électoral et propose que la caution électorale soit renforcée et payée par candidats et non par liste. Il estime que la hausse de la caution permettra de réduire le nombre pléthorique des candidats. Il s’est exprimé également sur l’interdiction des cumuls des candidatures aux différents scrutins, en estimant qu’il revient aux partis politiques de régler ce problème.
S’agissant de la problématique de la suppléance interdite aux membres de famille, il a appelé à la suppression pure et simple de cette disposition: «La loi doit avoir une portée générale, doit être impersonnelle, ne doit pas avoir des spectres de discrimination et ne doit pas ôter certains droits reconnus aux citoyens. La loi devrait se limiter à la vérification des critères d’éligibilité et non aller jusqu’à déterminer l’affiliation paternelle ou maternelle ou jusqu’à évoquer les aspects biologiques qui régissent les liens de sang. La question de la suppléance devra être revisitée dans le sens de l’annulation pure et simple de ladite proposition».[8]
Le député national Gaël Bussa a dit souhaiter que, conformément à la loi relative au financement des partis politiques en vigueur, la caution proposée et estimée à environ 1.600.000 FC soit revue à la baisse ou soit supprimée, pour les raisons ci-après: «a) Dans un système politique démocratique, l’exercice du droit à l’éligibilité est libre et ne peut pas être limité par l’argent. b) L’existence de la caution contrarie l’esprit de la loi n° 08/005 du 10 juin 2008 portant financement public des partis politiques, laquelle loi donne droit aux partis politiques d’être financés par l’État. L’existence de la caution oblige les partis politiques à financer l’État au lieu d’être financés par lui. c) La caution réduit particulièrement la participation des jeunes aux élections, ce qui heurte l’article 11.2 A de la charte africaine de la jeunesse, qui oblige les États à garantir l’accès aux jeunes au parlement et à tous les autres niveaux de prise de décision. Vu toutes ces raisons évoquées, la caution doit être payée sur liste et revêtir simplement un caractère symbolique».
Gaël Bussa a également fustigé la disposition dans la loi sous examen obligeant la recevabilité des listes des candidatures par la couverture des 60% des sièges à pourvoir. Pour lui, cette disposition ne facilite pas les jeunes partis politiques: «L’article 12 alinéa 2 de la présente proposition oblige la recevabilité des listes des partis politiques ou regroupements politiques que si elles couvrent au moins 60% des sièges à pourvoir. La République Démocratique du Congo est un pays continent 80 fois plus grande que la Belgique. Il y a des partis politiques à encrage provincial qui, eux aussi, doivent être représentés au parlement au niveau national, sans oublier certains partis politiques jeunes qui doivent également se développer».
Pour Gaël Bussa, la question sur la suppléance doit rester un choix libre à tout candidat de se choisir seul son suppléant: «Il convient de relever que le suppléant n’est qu’un remplaçant du député ou du sénateur en cas d’empêchement quelconque ou en cas de décès, il n’a aucune existence officielle, il n’est qu’un être virtuel à l’utilité éventuelle. Aussi, le droit positif n’accorde aucun statut officiel au suppléant, c’est ce qui explique le fait que dans l’article 101 in fine de la constitution renvoie à la loi électorale de déterminer les conditions d’élections et d’éligibilité uniquement des députés nationaux. Les suppléants devraient donc être choisis librement, soit par les partis ou regroupements politiques qui présentent les candidats, soit par les candidats seuls».[9]
Le député national Grégoire Kiro, élu du Nord-Kivu, a relevé quelques ambiguïtés en ce qui concerne la modalité de vote: le vote électronique ou le vote manuel. Face à cette situation, il a proposé qu’il soit clairement défini si lors des élections, les électeurs utiliseront ou non la machine à voter: «L’article 47 aborde la question du vote qui doit être soit manuel soit électronique. Je suis d’avis que, pour éviter toute ambiguïté, il faudrait que la proposition de loi sous examen tranche une fois pour toute à propos de la machine à voter, au lieu de laisser à la Commission électorale nationale indépendante le choix de décider par un acte réglementaire».
Il a aussi apporté son soutien à l’innovation interdisant les membres de la famille comme des suppléants (articles 116 et 16 bis): «Je crois qu’affilier son épouse, son enfant ou sa fille comme suppléant revêt un caractère immoral, indigne. J’ai entendu dire que c’est une question de confiance. Je suis tout à fait d’accord, mais je me pose la question suivante: ceux qui ont été élus par 40000 électeurs, 30000, 1000… est-ce que tous ces électeurs qui nous ont fait confiance sont membres de nos familles respectives? Non. Pourtant ils ont mis leur confiance en nous».
Pour ce qui est de l’interdiction d’offrir des biens et services pendant la campagne électorale, Grégoire Kiro suggère de chercher une meilleure formulation, d’autant plus que le candidat, en tant que tel, devra poser certains actes de libéralité: «Dans le cadre de la moralisation de la vie publique, il est interdit de distribuer aux électeurs des biens et dons en nature ou en espèce, mais la mise en œuvre d’une pareille disposition est assez compliquée, dans la mesure où le candidat considère la distribution de dons en nature ou en espèce comme un moyen de faire la campagne électorale. Si l’on veut interdire cela pendant la campagne électorale, je doute de l’efficacité d’une pareille disposition. Si c’est pour lutter contre l’achat de conscience, je crois qu’il faudra trouver d’autres choses».[10]
Le député national Dieudonné Bolengetenge Balea, élu à Isangi dans la province de la Tshopo, a proposé «l’obligation de publier les résultats bureau de vote par bureau de vote au niveau des centres de vote, l’obligation de remettre un PV des opérations de vote à tous les témoins, le renforcement des sanctions sur les membres de la commission électorale nationale indépendante pour tout tripatouillage ou acte de fraude répréhensible».[11]
Le député national Jean-Pierre Kayembe Ilunga, membre de L’AFDC-A de Modeste Bahati Lukwebo et élu à Kananga dans la province du Kasaï Central, s’est opposé à la publication des résultats bureau par bureau. Craignant une cacophonie, il a justifié sa position par le fait que seul le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) est habilité à proclamer les résultats des élections.
Il a aussi plaidé aussi pour que le seuil de recevabilité des listes fixé à 60% soit appliqué au niveau des circonscriptions électorales plutôt qu’au niveau national: «Le seuil de recevabilité de 60% oui, mais au niveau de circonscription. Je donne un exemple. À Kinshasa je ne peux pas être en mesure d’avoir 60%, mais chez moi à Kananga, j’ai la possibilité de faire les 100%. Quand on propose d’appliquer le seuil de 60% au niveau national, on pénalise certains regroupements ou partis politiques qui peuvent ne pas avoir le seuil de 60% dans telle ville, mais ils l’ont dans une autre. Voilà pourquoi je suis pour le seuil de 60% pas au niveau national mais par circonscription électorale».
Jean-Pierre Kayembe s’est aussi opposé à la proposition du G13 interdisant à tout agent de l’État de postuler dans la partie de la République où il a exercé ses fonctions. Pour lui, c’est une discrimination, car c’est tout à fait normal de postuler là où l’on a rendu des bons services à la communauté: «Lorsque vous allez à l’article 10 bis, les auteurs de la proposition proposent que les mandataires et les animateurs des institutions d’appui à la démocratie cessent d’exercer au moins 6 mois ou trois ans avant de postuler et ils disent que le policier, militaire et autres agents de la territoriale ne peuvent pas postuler dans les circonscriptions où ils ont travaillé. On ne peut pas admettre ça lorsque quelqu’un a rendu des loyaux services on peut le soutenir et le voter mais alors pourquoi vouloir que ceux là ne postulent pas dans les circonscriptions où ils ont travaillé? Je demande qu’on élague ça».[12]
Le 26 avril, l’Assemblée nationale a clôturé le débat général sur la réforme de la loi électorale. Le député Delly Sesanga, porte-parole des initiateurs de la proposition de loi modifiant la loi électorale, a sollicité et obtenu 72 heures pour rencontrer les préoccupations soulevées par les députés lors des trois jours consacrés au débat général. Après les réponses des initiateurs, la plénière pourra se prononcer sur la recevabilité ou non du texte sous examen.[13]
b. La réplique des co-auteurs de la proposition de loi
Le 2 mai, la plénière de l’Assemblée nationale a été consacrée essentiellement aux réponses des co-auteurs de la proposition de loi électorale sous examen aux préoccupations soulevées par les élus nationaux lors du débat général.
D’après Delly Sessanga, avec cette loi, se met en place le système de proclamation des résultats électoraux bureau de vote par bureau de vote, ce qui ouvre la voie au principe de la transparence électorale: «Avoir des résultats bureau par bureau est une révolution. Aussitôt le vote clôturé, on peut déjà avoir les résultats partiels pour chaque bureau et chaque circonscription électorale car, à l’issue du vote, le bureau ne procède pas seulement à l’affichage, mais aussi à la publication, sur internet, de ces résultats partiels, dont tout le monde pourra avoir connaissance. Ce sont ces résultats partiels qui seront envoyés au centre national de publication et tout le monde (partis politiques, témoins, observateurs et société civile) pourra vérifier si les résultats publiés au niveau national correspondent à ceux qui ont été publiés au niveau local».
Toujours selon Delly Sesanga, une autre question évoqué est celle liée à la cartographie électorale qui ne correspond pas aux limites administratives, ce qui est source des tensions entre les communautés locales. La loi va donner lieu à une cartographie électorale qui soit élaborée et publiée bien avant le déroulement des élections, afin de donner aux citoyens la possibilité de connaître leurs bureaux de vote avant les scrutins. Le vote sera mi-électronique, mi-manuel, c’est-à-dire on va utiliser la machine à voter, mais les règles d’utilisation de cette machine vont être fixées dans la loi. Les machines doivent être géo-localisées, pour éviter qu’on ait des machines gardées dans des domiciles des particuliers.[14]
Lors de sa réplique à la plénière, le Groupe des 13 (G13) a proposé une réduction significative des cautions de candidature par le mécanisme de paiement des frais de dépôt par liste et non par siège et le remboursement des cautions pour les candidatures déclarées irrecevables. Le G13 estime que cette réduction du montant de la caution pourra faciliter les citoyens moins nantis, qui pourront ainsi plus facilement postuler et pourra contribuer à la réduction du taux de détournement des deniers publics, dans la mesure où la plupart de chefs politiques prennent part à la gestion du pays et sont de plus en plus tentés de toucher à la caisse de l’Etat pour financer les élections au sein de leurs partis.
Le G13 insiste aussi sur la nécessité d’exclure du jeu électoral toutes les personnes qui ont été condamnées pour des crimes dits « imprescriptibles », notamment les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de haute trahison.[15]
Dans leur réplique devant les députés nationaux, les membres du G13 ont réaffirmé leur position à faveur de l’interdiction de l’alignement des membres de famille à la chaîne de suppléance pour les élections législatives et sénatoriales. Pour ce groupe, cette manière de faire va à l’encontre de la constitution qui, dans sa préambule, interdit le népotisme, le clientélisme, le tribalisme et le régionalisme. Selon le député national Jacques Djoli, membre du G13, «lorsque nous posons cette question, nous ne voulons pas interdire aux enfants, aux épouses de faire la politique. Si vous êtes candidat député national, votre fils peut se porter candidat comme député provincial. Nous devons éviter de transformer la République une sorte de monarchie familiale, confisquant et transmettant en donation les charges étatiques, comme en droit privé, sous couvert de suppléance. On aurait pu laisser cette question dans le domaine de la morale, comme l’a proposé le collègue Garry Sakata mais, lorsque l’interdit n’est plus interdit, le droit doit répondre».
Pour ce cadre du MLC et constitutionnaliste, le mandat obtenu par élections est un mandat public différent d’un bien privé qu’un parent peut céder à sa progéniture, sans rendre de compte à quiconque: «Le droit public est différent du droit privé. Le droit privé, c’est l’intérêt privé, le droit public c’est l’intérêt général. La charge du député est une charge publique. Vous pouvez donner à votre enfant votre droit de propriété, votre champ, votre parcelle et tant d’autre, mais vous ne pouvez lui donner votre mandat public, car ça appartient à l’État. Voilà pourquoi nous avons exclu de la chaîne de suppléance un parent à ligne collatérale ascendante et descendante».[16]
À propos de l’interdiction du cumul de candidatures par une même personne, le député André Claudel Lubaya, membre du G13, a déclaré que «il n’est pas normal qu’un seul individu se porte candidat à la fois aux législatives nationales et provinciales. C’est ça que nous voulons interdire, pour ramener l’élection à un niveau plus compétitif possible».[17]
À propos de l’interdiction du partage de l’argent ou des biens pendant la campagne électorale, le député Jean-Jacques Mamba, membre du G13, a affirmé que accepter d’être jugé ou évalué sur base de réalisations sociales c’est une manière de tuer le pays mais aussi dispenser le gouvernement central de ses responsabilités: «Le G13 rappelle que la mission des députés est celle de légiférer et de contrôler l’action du gouvernement. Nous avons consacré une pratique qui fait des élus des auxiliaires du gouvernement et chacun de nous, comme il peut, devient ministre provincial des infrastructures et des travaux publics en construisant des ponts, ministre provincial de la santé en construisant des dispensaires, ministre provincial de l’agriculture en distribuant des intrants agricoles et j’en passe. Continuer à se faire élire sur cette base, c’est discréditer la fonction du député, qui est d’abord et avant tout un travail législatif et de contrôle».
Dans le même registre, il a justifié cette innovation par le fait qu’il faut lutter contre la corruption électorale, pour éviter d’installer une démocratie des riches, mais aussi pour éviter que les Chefs des partis politiques représentés au gouvernement soient tentés de détourner les fonds publics pour financer les campagnes électorales: «Lors des élections de 2018, nous avons vu des ministres en fonction utiliser les moyens de l’État pour corrompre les électeurs lors de la campagne électorale sans être aucunement inquiétés. Donner de l’argent pendant la campagne électorale pour acheter les consciences équivaut à détourner l’argent de la population pour continuer la prédation».[18]
c. Déclarée recevable, la proposition de loi est envoyée à la Commission PAJ
Le 2 mai, l’Assemblée nationale a déclaré recevable la proposition de loi modifiant et complétant la loi électorale. Après cette décision de recevabilité, le président de l’assemblée nationale, Christophe Mboso, a appelé les députés à identifier, dans cette proposition de loi, les dispositions qui sont objet de consensus et celle qui ne le sont pas. La plénière a décidé que ce travail se fasse avant l’envoi du texte en commission pour examen approfondi.
Il s’agit d’une possibilité accordée aussi aux élus du FCC qui ont boycotté les plénières relatives à la loi électorale, pour qu’eux aussi puissent apporter leur contribution. À ce propos, Christophe Mboso a rappelé que les discussions autour de cette proposition de loi ne seront que parlementaires: «L’heure n’est plus à discuter de cette loi dans la rue. Ce sera ici à l’assemblée nationale. Les discussions relatives à cette loi n’auront lieu qu’ici et nulle part ailleurs. C’est seulement au parlement. Revenez au débat, chers collègues de l’opposition».
Les députés du FCC ont boycotté les plénières de l’examen du projet de loi sur les réformes électorales à l’Assemblée nationale. Ils exigent un dialogue politique en dehors des institutions, afin de trouver un consensus préalable. Mais pour le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, tout dialogue ne se fera que dans le cadre institutionnel.[19]
Le 10 mai, la conférence des présidents des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale, après avoir constaté que les députés membres de l’opposition n’ont réservé aucune réponse à l’appel du président Mboso, a décidé de poursuivre le processus de réforme de la loi électorale sans eux.
Le Président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, a donc convoqué une plénière prévue le 12 mai et consacrée à la levée des options en rapport avec la réforme de la loi électorale. Il en a dévoilé la méthodologie de travail. Sur les 17 thématiques proposées par le G13 dans sa proposition de loi, les élus devront lever leurs options et passer directement au vote sans débat. Les points à la base de discorde seront réécrits. Pour ce faire, la prise de parole est accordée à deux députés nationaux par groupes parlementaires et deux députés nationaux pour les non inscrits. 5 minutes sont accordées à chaque intervenant. «La méthode de travail consiste à examiner les 17 thématiques retenues par le G13 l’une après l’autre, de manière à permettre aux intervenants désignés par les groupes parlementaires et les non inscrits de se prononcer chacun en raison de deux intervenants. À l’issue des interventions, l’option retenue sera mise au vote, en vue de son adoption par la plénière. Dans le cas contraire, l’option non adoptée fera l’objet d’une nouvelle écriture», a expliqué Christophe Mboso.[20]
Le 12 mai, après avoir entendu la méthodologie de travail communiquée par Christophe Mboso pour la séance consacrée à la levée des options en rapport avec la réforme de la loi électorale, le Groupe des 13 (G13), initiateur de la proposition de loi, a quitté la salle de plénière, car il souhaitait prendre la parole pour réagir sur les options qui seraient levées. Selon le député national, membre du G13, Jacques Ndjoli, on ne peut pas lever les options tant qu’il n’y a pas débat: «Nous avons sollicité un débat, mais nous constatons qu’il n’y a pas de débat. Les options se lèvent en discutant et on ne peut pas lever les options si on n’a pas discuté. Ici il s’agit tout simplement de positions des groupes parlementaires. Nous préférons attendre que le débat ait lieu au niveau de la commission PAJ».[21]
Le 12 mai, la plénière de l’Assemblée nationale a levé les options sur la réforme de la loi électorale. Sur les 18 thématiques proposées par le G13 pour la révision de la loi électorale, les députés nationaux n’en ont maintenu que 5 et les 13 autres ont été simplement rejetées. Les options non adoptées par la plénière feront l’objet d’une nouvelle écriture.
Voici quelques propositions retenues par l’Assemblée plénière:
– La suppression du seuil de représentativité, située au stade actuel à 1%. Il sera remplacé par le seuil de recevabilité des listes, au prorata de 60% des sièges en compétition. C’est-à-dire, pour qu’une liste électorale soit déclarée recevable, elle doit avoir au moins 300 candidats sur les 500 sièges à la députation nationale.
– La publication des résultats électoraux bureau de vote par bureau de vote sur le site de la Commission électorale indépendante (CENI);
– La consolidation des résultats dans un résultat provisoire au centre local de compilation.
– La légalisation du vote semi électronique (« usage de la machine à voter »);
– La distinction des inéligibilités définitives et temporaires, selon la gravité du crime ayant conduit à la condamnation du candidat. Ceci ouvre la possibilité, par exemple, à Jean-Pierre Bemba de se représenter à la prochaine présidentielle.
Parmi les propositions rejetées, l’on note entre autres :
– L’interdiction de distribuer de l’argent ou des biens en nature pendant la campagne électorale.
– La proposition du scrutin majoritaire simple. On maintient le mode de scrutin “proportionnel”.
– La publication de la cartographie électorale avant la publication du calendrier électoral;
– L’obligation de remettre les PV des opérations de vote à tous les témoins et observateurs.
– L’interdiction de cumul des candidatures.
– L’interdiction aux candidats députés d’avoir comme suppléant un membre de famille, en ligne directe ou collatérale.
Les élus nationaux ont décidé d’envoyer ce texte et les options levées à la commission Politique administrative et juridique (PAJ), pour un examen plus approfondi. Cette commission a 10 jours pour soumettre à l’approbation de l’assemblée plénière un texte toiletté.[22]
[1] Cf Radio Okapi, 14.04.’22
[2] Cf Radio Okapi, 14.04.’22
[3] Cf Clément Muamba et Berith Yakitenge – Actualité.cd, 16.04.’22
[4] Cf Berith Yakitenge et Thérèse Ntumba – Actualité.cd, 22.04.’22; Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 23.04.’22
[5] Cf Actualité.cd, 24.04.’22
[6] Cf Actualité.cd, 24.04.’22
[7] Cf Actualité.cd, 24.04.’22
[8] Cf Berith Yakitenge et Clément Muamba – Actualité.cd, 25.04.’22
[9] Cf Actualité.cd, 26.04.’22
[10] Cf Clément Muamba et Berith Yakitenge – Actualité.cd, 26.04.’22
[11] Cf Clément Muamba et Berith Yakitenge – Actualité.cd, 26.04.’22
[12] Cf Clément Muamba et Berith Yakitenge – Actualité.cd, 28.04.’22
[13] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 27.04.’22
[14] Cf Christian Okende – Politico.cd, 03.05.’22
[15] Cf Moïse Dianyishayi – 7sur7.cd, 02.05.’22
[16] Cf Clément Muamba et Berith Yakitenge – Actualité.cd, 03.05.’22
[17] Cf Radio Okapi, 05.05.’22
[18] Cf Clément Muamba et Berith Yakitenge – Actualité.cd, 03.05.’22
[19] Cf Actualité.cd, 02.05.’22
[20] Cf Actualité.cd, 12.05.’22
[21] Cf Actualité.cd, 12.05.’22
[22] Cf Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 13.05.’22 ; Actualité.cd, 12.05.’22 ; Radio Okapi, 13.05.’22