Congo Actualité n. 457

COMMISSION ÉLECTORALE: ENCORE SANS NOUVELLE ÉQUIPE

SOMMAIRE

1. CONFESSIONS RELIGIEUSES: PAS DE CONSENSUS SUR LE CANDIDAT NOUVEAU PRÉSIDENT
a. Introduction
b. Le processus de désignation dans l’impasse
c. Un ultimatum de 72 heures
d. La dernière plénière des confessions religieuses
e. Le rapport de l’Église catholique et de l’Église protestante
f. La conférence de presse des six autres confessions religieuses

1. CONFESSIONS RELIGIEUSES: PAS DE CONSENSUS SUR LE CANDIDAT NOUVEAU PRÉSIDENT

a. Introduction

La plateforme des huit confessions religieuses chargée de désigner le nouveau candidat à la présidence de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) n’est pas encore parvenue à trouver un consensus sur un candidat commun.
Deux camps se sont dessinés au sein de cette plateforme. D’un côté, il y a un bloc formé par les représentants de l’Église catholique – la Cenco – et ceux des protestants – l’Église du Christ au Congo (ECC) –; de l’autre, les représentants des six autres confessions religieuses.
La crise provoquée par l’absence de consensus entre les huit confessions religieuses pose la question de leur poids au sein de la société congolaise. Sur ce point, une étude menée par le cabinet Target, en 2020, apporte des réponses très précises. Sur les près de 2.000 Congolais interrogés en mars 2020, 34 % se réclamaient de l’Église catholique, 22 % se déclaraient de l’Église protestante, 10 % de l’Église pentecôtistes, 9 % de l’Église du Réveil, 5 % des branhamistes. 3 % des musulmans, 2 % des kimbaguistes, 2 % des méthodistes, 2 % des néo-apostoliques, 2 % des Témoins de Jehova et 6% d’autres.
Il faut noter que, en cas de vote, chaque confession religieuse exprime une seule voix. En mettant toutes les confessions religieuses sur un pied d’égalité, alors que sur le terrain elles ne représentent pas la même chose, cette disposition peut donner lieu à un problème de représentativité.
C’est ainsi qu’ils sont désormais nombreux ceux qui, au sein du bloc formé par l’ECC et la Cenco, réclament la refonte de cette disposition, considérant que la voix des confessions majoritaires devrait peser plus que celle des autres.[1]

Par exemple, en ce qui concerne les questions électorales, la plate-forme des confessions religieuses pourrait se doter, en plus du secrétariat technique, d’une commission spécifique, dont la composition et le fonctionnement devraient s’inspirer à l’article 10 de la loi organique no. 21/012 du 3 juillet 2021 portant organisation et fonctionnement de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), selon lequel «les confessions religieuses et les organisations de la société civile concernées (dans la désignation des membres de la CENI) sont celles dotées de la personnalité juridique, d’une présence effective sur le territoire et d’une compétence et d’une expérience avérées en matière électorale». Cela signifie que, pour la composition et le fonctionnement de cette commission, l’on pourrait se baser sur le principe de la proportionnalité, en tenant effectivement compte du nombre global (bien qu’approximatif) soit des fidèles, soit des observateurs électoraux dont chaque confession religieuse dispose sur le territoire national.

Il convient de rappeler aussi que, selon l’article 12 de la même loi, «les procès-verbaux de désignation des membres de la CENI et les pièces y afférentes sont transmis par les composantes à l’Assemblée nationale pour entérinement. A cet effet, une Commission paritaire Majorité-Opposition est constituée par la plénière pour examiner les dossiers individuels des personnes ainsi désignées au regard des conditions et critères prescrits par la présente loi. Les conclusions de la Commission sont soumises à l’approbation de l’Assemblée plénière de l’Assemblée nationale. En cas de non-entérinement de la désignation d’un ou de plusieurs membres de la CENI, le Bureau de l’Assemblée nationale demande à la composante concernée de désigner une autre personne. Cette nouvelle désignation est soumise à la même procédure d’entérinement que ci-dessus».[2]

b. Le processus de désignation dans l’impasse

Mi septembre, le processus de désignation des animateurs de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) est encore au point mort, à la suite du manque de consensus entre les chefs des confessions religieuses chargés de choisir le président de cette institution et un membre de plénière. À rappeler que, le 30 juillet, le présidium de la plateforme des 8 confessions religieuses avait déposé au Bureau de l’Assemblée Nationale un rapport de non consensus, signé par tous les membres de la plateforme. Toutefois, le même jour, 6 confessions religieuses avaient remis au même Bureau de l’Assemblée nationale un PV relatif à la désignation de Denis Kadima et de Roger Bimwala comme candidats respectivement à la présidence de la CENI et à la plénière de la CENI. De leur coté, la CENCO et l’ECC insistent sur l’intégrité, la probité et le courage exceptionnel du nouveau président de la CENI de proclamer les résultats des urnes et exigent le consensus dans le processus. C’est ainsi que, le 18 août, ces deux dernières ont, dans une correspondance adressée au chef de l’état, sollicité une audience et plaidé pour sa médiation, afin de décanter ce blocage.

Le 24 septembre, dans une interview à VOA. le Président de la République, Félix Tshisekedi, a dit qu’il a refusé l’invitation de l’Eglise catholique et de l’Eglise protestante qui demandaient de le voir, pour tenter de débloquer le processus de désignation des membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) qui est au point mort. Il a expliqué qu’il ne veut pas s’ingérer dans ce processus, de peur qu’il soit qualifié de partisan. Il a appelé les confessions religieuses à ses mettre d’accord et, le cas échéant, il a promis de prendre ses responsabilités le moment venu: «J’en appelle au bon sens de tout le monde. Nous avons un processus électoral à respecter, les élections à organiser dans les délais. Que tout le monde prenne ses responsabilités. Moi je prendrai les miennes le moment venu. Pour le moment, je ne peux rien faire. Il s’agit d’un débat au sein des confessions religieuses». Félix Tshisekedi a dit avoir donné des instructions au président de l’Assemblée nationale en ce qui concerne le processus de désignation des animateurs de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) qui piétine au sein de la plateforme des confessions religieuses. Si ces dernières n’arrivent pas à débloquer ce processus, «l’Assemblée nationale prendra ses responsabilités, en définissant la marche à suivre. Si elle aussi se bloque, on devra recommencer le processus», a-t-il conclu.[3]

c. Un ultimatum de 72 heures

Le 30 septembre, dans une communication faite au cours de la plénière du jour, le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso N’kodia, a annoncé aux députés nationaux qu’un délai supplémentaire ultime de 72 heures, à partir du 1er octobre, a été accordé aux chefs des confessions religieuses, pour dégager un consensus en rapport avec la désignation du futur président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). Il sied de noter que ce n’est pas pour la première fois que le bureau de l’Assemblée nationale accorde aux confessions religieuses un délai supplémentaire. Le tout dernier est celui du (mois de juillet) 17 août, qui n’avait pas conduit à un consensus.[4]

Le 1er octobre, le président de la plateforme des confessions religieuses, Monseigneur Marcel Utembi, a invité les chefs des confessions religieuses à prendre part à l’assemblée plénière de leur plateforme, qui se tiendra le 2 octobre au centre interdiocésain, siège de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) et de la plateforme. Pour les Églises catholique et protestante, le procès-verbal signé par les six autres confessions religieuses désignant Denis Kadima n’a pas de légalité et, selon elles, c’est ce que le président de l’Assemblée nationale reconnaitrait dans son courrier. Dans sa lettre d’invitation aux négociations de ce samedi matin, Mgr Utembi, président de la Cenco et de la plateforme des confessions religieuses, estime même que cet appel du président de l’Assemblée nationale correspond à «l’esprit» de la loi sur la Céni qui, dans son article 12 alinéa 5, stipule que, en cas de non-entérinement d’un candidat, demande à la composante concernée de désigner un autre candidat. Exit donc Denis Kadima.
Mais ce n’est pas l’avis des six autres confessions religieuses qui ont écrit pour répondre à cette invitation. Elles considèrent cette affirmation comme une grave erreur d’interprétation, étant donné que l’Assemblée nationale n’a pas encore procédé à l’entérinement. Toutefois, elles ont accusé réception de l’invitation et promis de prendre part à cette plénière, mais pour réaffirmer le travail déjà fait: «En dépit de sérieuses appréhensions sur le lieu où l’on nous a convoqués à notre insu et où certains d’entre nous sont menacés publiquement, nous viendrons à la plénière pour réaffirmer le travail déjà fait».[5]

d. La dernière plénière des confessions religieuses

Le 2 octobre, les 8 confessions religieuses se sont réunies au Centre Interdiocésain sans toutefois trouver aucun compromis sur la désignation des animateurs de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). Après la réunion, le Révérend Eric Nsenga, porte-parole de l’Eglise du Christ au Congo (ECC), a affirmé que les PV sanctionnant la fin des travaux ne sont pas encore établis: «La réunion était prévue sur deux jours. Comme c’est le week-end nous allons poursuivre les travaux le lundi prochain et il y aura une conclusion. Par conséquent, nous n’avons pas encore de PV qui sanctionnent nos réunions, donc nous allons avoir des PV définitifs à la fin de nos réunions». A la question de savoir si le groupe de six reviendra lundi, Dodo Kamba, représentant de l’église de réveil du Congo a répondu: «Ce n’est pas ce qui a été prévu. Nous avions 72 heures seulement. Il faut donc adresser au président de l’Assemblée nationale le rapport de ce qui a été fait aujourd’hui».[6]

Le 4 octobre, au cours d’une conférence de presse tenue au siège de la Commission d’intégrité et médiation électorale (CIME), le pasteur Dodo Kamba, représentant de l’église de réveil au Congo et porte-parole du groupe des six confessions religieuses, a déclaré qu’ils n’ont reçu aucune correspondance, ni invitation faisant étant d’une nouvelle réunion des chefs religieux ce lundi 4 octobre au sein de la plateforme des confessions religieuses pour poursuivre les travaux visant la désignation les animateurs de la CENI. Il a aussi fait savoir qu’à la sortie de leur dernière réunion de samedi dernier au siège de la CENCO, rien n’a été dit sur une nouvelle plénière: «L’invitation qui nous a été envoyée par le président de la plateforme, Mgr Utembi, nous parlait de la réunion du 2 octobre. Il n’a pas été prévu qu’il y ait un travail qui durerait 2 ou 3 jours. En plus, nous avons appris qu’une communication est passée et selon laquelle on devait se retrouver ce lundi. Moi aussi, je l’ai entendue. Mais comme je le dis, ce n’était pas prévu lorsqu’on était en train de se séparer d’autant plus que l’heure n’était pas donnée, il n’y avait rien de sérieux».
Au nom du groupe des six, il a appelé l’Assemblée nationale à entériner le PV désignant Denis Kadima président de la CENI et à mettre ainsi fin à la mission confiée aux chefs d’Église sur la désignation du futur président de la Céni: «Nous sommes convaincus que notre choix a été judicieux, objectif et conséquent. Par conséquent, nous estimons que l’Assemblée nationale peut entériner le PV que nous avons apporté depuis le 18 août, d’autant plus que le candidat présenté a été choisi par toutes les huit confessions religieuses qui ont reconnu ses capacités et son savoir-faire. Il n’y a donc aucun élément permettant de mettre de côté la candidature de Denis Kadima».[7]

Le 4 octobre, les catholiques et les protestants se sont retrouvés lundi avant midi au siège de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), où était censée se dérouler la suite de la réunion débutée samedi. Même sans les six autres confessions, ils se sont réunis pendant deux heures et ont élaboré un rapport. Dans ce document, ils constatent la persistance de la divergence, mais disent rester ouverts à la poursuite des échanges pour clore ce dossier. La Cenco et l’ECC avaient déjà demandé samedi dernier aux six autres confessions de présenter un candidat autre que Denis Kadima.[8]

Le 4 octobre, dans une interview accordée à la presse, le porte-parole de l’Eglise du Christ au Congo, le pasteur Éric Nsenga, est revenu sur l’échec des discussions sur le choix du candidat président de la CENI. D’après le pasteur Éric Nsenga, «les six confessions religieuses ont estimé que le travail était déjà bien fait, le PV était déjà déposé et nous n’avions qu’à nous inscrire dans leur démarche, ce qui ne pouvait pas aller, parce que nous n’avons jamais pris part aux travaux qui ont sanctionné ce PV, ni nous l’avons signé … Ce document qu’on qualifie de PV a été élaboré en dehors de notre plateforme et du cadre légal».[9]

Le 5 octobre, le porte-parole de la CENCO, l’abbé Donatien Nshole, a déclaré que l’Église catholique ne s’oppose pas au profil technique du candidat Kadima. Toutefois, il a expliqué que, en élaborant les critères de sélection du candidat à la présidence de la Ceni, on avait établi, en plus des critères techniques, des critères éthiques aussi: «Sur le plan technique, personne ne reproche à Kadima sa professionnalité, mais il y a quand même un minimum d’éthique, dont nous devons tenir compte». Lorsque l’abbé Donatien Nshole parle de critères étiques, il ne se réfère pas à la personnalité de Denis Kadimalui même, mais à la situation générale qui s’est créée autour de sa candidature. Il  a évoqué des « preuves palpables » démontrant que la candidature de Kadima a été accompagnée par «des menaces, des intimidations et des tentatives de corruption, avec 100.000 USD à l’hôtel Béatrice ou une jeep».
À ce propos, il a rappelé le communiqué conjoint, signé le 23 juillet par toutes les 8 confessions religieuses, pour dénoncer tout cela. Il a même ajouté que «des acteurs politiques qui soutiennent le candidat Kadima ont fait pression sur l’ECC, afin qu’elle se désolidarise de la CENCO». Il s’est aussi posé la question suivante: si la candidature de Kadima est déjà soumise à de telles pressions, qu’en sera-t-il quand il devra proclamer les résultats électoraux? Sera-t-il suffisamment libre pour proclamer la vérité des urnes? Ou devra-t-il proclamer des faux résultats, comme l’ont fait ses prédécesseurs? Selon l’abbé Donatien Nshole, les responsables des confessions religieuses qui ont fait volte-face après le 23 juillet «ont cédé aux pressions politiques», ce qui explique le pourquoi de l’opposition de la CENCO et de l’ECC à la candidature de Denis Kadima.[10]

e. Le rapport de l’Église catholique et de l’Église protestante

Le 7 octobre, au cours d’une conférence de presse, le secrétaire général de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), l’Abbé Donatien N’shole,  et le porte-parole de l’Église du Christ au Congo (ECC), le pasteur Eric Nsenga, ont présenté un rapport global de la plateforme des confessions religieuses sur la désignation des animateurs de la CENI.
Selon ce rapport, «la Plateforme des confessions religieuses est une structure de consultation permanente, sans personnalité juridique, qui offre aux confessions religieuses membres un cadre d’échanges et de collaboration, afin d’adopter des orientations communes sur les différents sujets qui engagent la vie nationale.
Elle est composée de huit membres, à savoir : l’Église Catholique, l’Église du Christ au Congo, l’Église de Jésus-Christ sur la terre par son envoyé spécial Simon Kimbangu, la Communauté Islamique au Congo, l’Église Orthodoxe, l’Église du Réveil du Congo, l’Union des Églises Indépendantes du Congo et l’Armée du Salut.
Le présidium est actuellement assuré par l’Église Catholique représentée par le président de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) qui est le président de la Plateforme et l’Église du Christ au Congo (ECC) représentée par le président National de l’ECC qui est le Vice – Président de la Plateforme. Le Président, le Vice – Président le cas échéant, engage la Plateforme vis-à-vis des tiers sur la base de la personnalité juridique de leurs Confessions respectives.
L’article 10 point 3 de la loi portant organisation et fonctionnement de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), dispose que les confessions religieuses ayant une personnalité juridique, une existence effective sur le terrain et une expertise et une expérience avérée en matière électorale sont les seules concernées dans la désignation du Président de la CENI et d’un membre de la Plénière. C’est donc sur la base de cette disposition juridique que peut s’établir une majorité en cas de vote au sein de la Plateforme».
Les 8 confessions religieuses se sont réunies plusieurs fois, soit en plénière, soit au niveau du secrétariat technique, pour traiter les dossiers des candidatures, définir les règles des procédures, évaluer le climat dans lequel ce travail est fait.
«Quatre rencontres déterminantes méritent d’être mentionnées, à savoir:
– la plénière du 3 juillet 2021, au cours de laquelle les membres de la plate-forme ont pris connaissance de la loi organique de la CENI; fait l’état des lieux des candidatures enregistrées dans les secrétariat des huit confessions religieuses; défini les critères de traitement des candidatures au niveau du secrétariat technique et au niveau de la plénière; évalué l’atmosphère sécuritaire du travail en rapport avec les processus de désignation des animateurs de la CENI. Un communiqué conjoint a été publié à cette occasion pour dénoncer les intimidations et les menaces dont certains membres de la plate-forme étaient victimes.
– la plénière du 27 juillet 2021, au cours de laquelle les huit membres de la plate-forme ont examiné les dossiers des 4 candidatures retenues par le secrétariat technique qui s’est limité au volet technique. Les autres aspects devaient être traités en plénière. Il s’agit de Cyrille Ebotoko, présenté par la CENCO; de Daniel Kawata, présenté par l’ECC; de Denis Kadima, présenté par l’Église Kimbanguiste; de Roger Bimwala, présenté par l’Armée du Salut. Les travaux ont été suspendus pour divergence d’appréciation sur la dimension éthique du candidat Denis Kadima.
– la plénière du 30 juillet 2021, convoquée pour poursuivre les travaux suspendus le 27 juillet 2021 a été sanctionnée par un rapport dûment signé par les huit confessions religieuses faisant état d’un manque de consensus et les conditions pour le vote, conformément à l’article 17 de notre charte n’étaient pas réunies.  Sur ces entrefaites, les six confessions religieuses se sont réunies en dehors de notre cadre légal et à l’insu du Présidium pour désigner, en violation des articles 10 et 12 de la loi sur la CENI ainsi que les articles 8, 16, 17 et 18 de notre charte, deux membres de la CENI au nom de notre plate-forme.
– Ayant constaté que toutes les tractations menées jusque-là au sein de la plateforme ont échoué, le président de l’Assemblée nationale à accordé à notre plate-forme un ultime délai de 72 heures, afin d’harmoniser les vues et de désigner le président et un membre de la plénière de la CENI. Une plénière a été convoquée le 2 octobre 2021, malheureusement elle s’est soldée par une note de non consensus, suite à un conflit d’interprétation de la lettre du président l’Assemblée nationale».
Après avoir constaté l’échec des quatre principales réunions (du 23, 27, 30 juillet et du 2 octobre), toutes terminées sans aucune forme de consensus, le rapport explique que:
«Le principal point de divergence est l’appréciation de la candidature de Monsieur Kadima Denis sur fond de l’article 12 alinéa 1 de la loi sur la CENI et de l’article 8 de la Charte de la Plateforme.
En effet, pour le Présidium, le chois de Denis Kadima par les six Confessions religieuses a été entaché des irrégularités et des griefs importants, notamment : des menaces, pressions, intimidations, tentatives de corruption. Ces éléments suffisent pour démontrer que ce candidat est porté par un famille politique., mettant ainsi en cause sa crédibilité et son indépendance. Ce qui n’a pas permis d’évoluer avec lui jusqu’au vote, conformément à l’article 17 de la Charte. Par contre, les six Confessions religieuses relativisent les faits et les preuves. Elles ne considèrent que la compétence technique du candidat» et refusent de «évoluer sur base d’autres candidats tout aussi valables, sans rester figés sur ceux qui nous divisent».
Parmi les recommandations contenues dans le rapport, la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC) ont suggéré que, «en attendant la mise en place du bureau de la CENI, pour éviter un quelconque retard dans le processus électoral, au nom du principe de continuité des Institutions, il serait indiqué que l’administration électorale en place s’occupe des préparatifs techniques en vue de faciliter le travail à la nouvelle équipe».
La CENCO et l’ECC ont enfin demandé:
– Au Président de la République et Chef de l’Etat: de jouer son rôle de garant du bon fonctionnement des institutions et de la cohésion nationale, afin d’assurer à la nation des élections crédibles, inclusives et apaisées en 2023.
– Aux députés nationaux et aux sénateurs: d’être attentifs et objectifs dans le traitement des dossiers des candidats à la CENI, en vérifiant particulièrement la conformité aux articles 10 et 12 de la Loi portant organisation et fonctionnement de la CENI.
– Au peuple congolais: de exercer sa souveraineté, en barrant légalement la route à toutes les tentatives de prendre en otage le processus électoral par qui que ce soit».

Le 7 octobre, dans l’une de ses interventions, le porte-parole de l’ECC, le révérend Éric Senga, a d’abord affirmé que la Charte de la plateforme des confessions religieuses n’a pas été élaborée pour désigner les candidats à la CENI: «La charte est un instrument juridique pour réguler le rapport entre les confessions religieuses». Il a ensuite abordé la problématique du vote en cas de manque de consensus, en déplorant la confusion qui, d’après lui, règne autour de cette question.
A l’en croire, la Charte de la Plateforme des Confessions Religieuses renvoie au vote seulement lorsqu’il s’agit des candidats qui répondent préalablement aux critères d’éligibilité:  «Le vote n’est pas un raccourci pour éviter des questions préalables. Avant qu’on en vienne à un vote, il faut que les candidats rentrent dans les critères de l’éligibilité. Ça, c’est très important (…), car on dit que, en cas de non-consensus, on passe au vote. Ça ne se passe pas comme ça». Le révérend Éric Senga a souligné que «l’article 17 de la charte nous envoie au vote lorsqu’il reste, par exemple, 2 ou 3 candidats qui sont dans les critères d’éligibilité et qu’il faut les départager. C’est là où le vote intervient comme mécanisme, pas de résolution de conflit, mais d’interprétation de la Loi par rapport à l’appréciation d’une candidature. Donc, le vote vient départager les candidats, les meilleurs». Le porte-parole de l’ECC a précisé que 4 candidats étaient restés et que les 8 confessions religieuses ne sont encore qu’au deuxième niveau d’évaluation, celui de l’éthique des candidats, le premier niveau étant celui de la technicité.[11]

Le porte-parole de l’ECC, le révérend Éric Senga, a déclaré que l’Assemblée nationale ne peut pas entériner le PV déposé par les six confessions religieuses, sans les 2 deux autres, car étant illégal. À en croire la même source, plusieurs aspects démontrent le caractère illégal du PV déposé par le groupe des 6: «Premièrement, c’est un document fait en dehors du cadre légal de la plateforme. Deuxièmement, ce document a été rédigé par des personnes qui n’ont ni qualité ni compétence, parce qu’il n’y a que le rapporteur qui peut établir un PV. Troisièmement, c’est en violation des articles 10 et 12 de la Loi sur l’organisation et le fonctionnement de la CENI».[12]

Selon le révérend Éric Senga, le groupe de six qui a déposé le PV à l’Assemblée nationale n’a pas de personnalité juridique pour le faire. «Quand six confessions religieuses vont déposer le PV en tant que corps, quelle est la nature juridique de ce groupe?», se demande Eric Nsenga, selon qui ce groupe n’a pas de personnalité juridique qui puisse lui donner le droit d’agir en tant que tel: «Du point de vue juridique, le groupe des six n’existe pas. Il pourrait exister si chacune des confessions religieuses agissait individuellement, en vertu de sa propre personnalité juridique. Ceci remet donc totalement en cause cette notion générique qu’on est en train d’annoncer de la majorité».
Pour le tandem CENCO-ECC, l’Assemblée nationale ne peut pas entériner ledit PV, sauf si elle a l’intention délibérée de violer la loi. Selon le porte-parole de l’ECC, «le Parlement ne peut pas faire l’appréciation de la majorité ou de la minorité, car c’est un débat interne de la plateforme. Le Parlement doit s’assurer de la régularité de procédure et de la validité des dossiers, conformément aux articles 10 et 12 de la loi sur la CENI. C’est ça le travail du Parlement. Ce dernier ne peut pas entrer dans cette polémique et l’institutionnaliser pour commencer à dire que les uns sont majoritaires et les autres sont minoritaires, sauf s’il a l’intention délibérée de violer la loi. Et là nous tirerons les conséquences».[13]

Le porte-parole de la CENCO, l’abbé Donatien Nshole, a confirmé que le choix de la candidature de Denis Kadima porté par les six confessions religieuses a été entaché de plusieurs irrégularités, notamment des menaces, pressions, intimidations et tentatives de corruptions. Il a déclaré qu’on a enregistré les débats qui ont eu lieu lors des rencontres, pour pouvoir verser les preuves ainsi obtenues au Bureau de l’Assemblée nationale, s’il s’avérait nécessaire, en ajoutant: «S’il faut aller en prison parce que j’ai enregistré sans autorisation, j’irai en prison mais, au moins, ce sont des vérités qui vont libérer tout un peuple».[14]

f. La conférence de presse des six autres confessions religieuses

Le 9 octobre, dans une conférence de presse à la Commission d’Intégrité et de Médiation Électorale (CIMÉ), les 6 autres confessions religieuses n’ont pas manqué de fustiger le rapport global sur la désignation des animateurs de la CENI rendu public par la CENCO et l’ECC. D’après les six confessions religieuses, la CENCO  et l’ECC ont fait, dans leur rapport, une œuvre de désinformation et de déformation de la vérité du processus de désignation des délégués des confessions religieuses à la CENI.
Les six confessions religieuses ont réfuté le concept « Présidium » évoqué plusieurs fois par la CENCO et l’ECC pour la conduite des travaux. Selon elles, la plateforme est dirigée par un président (Mgr Marcel Utembi) et un vice-président (Rév André Bokondoa). «Le Président signe les décisions avec les autres chefs des confessions religieuses ou seul, après concertation avec ses pairs. Il ne signe donc jamais de son propre chef, ni avec le Vice-Président», ont-elles fait savoir.
Parlant de la plénière du 2 octobre évoquée par le duo CENCO-ECC qui se serait soldée par une note de non consensus suite à un conflit d’interprétation de la lettre de Mboso, ces six confessions religieuses ont rétorqué que cette plénière n’a pas eu lieu: «Cette plénière n’a pas eu lieu et il y a des raisons: première raison, ni le président de la plateforme qui a signé l’invitation, ni son vice-président dont l’attribution est de remplacer le président en cas d’empêchement n’était présent. Par contre, pour présider la plénière, ils ont envoyé, en violation de la charte, le vice-président de la CENCO, qui ne connaît pas toutes les difficultés auxquelles les chefs des confessions religieuses se sont butés pendant le processus».
Les six confessions religieuses ont dit pourquoi elles portent leur choix sur Denis Kadima: «Son expertise avérée dans le processus électoral, son intégrité, son expérience dans l’accompagnement électoral dans plusieurs pays en Afrique, au moins 60 élections accompagnées». Pour les six confessions religieuses, c’est le meilleur candidat. De facto, en rejetant cette candidature, le duo CENCO-ECC prouve suffisamment son hostilité «à l’excellence dans le domaine électoral».
Les six confessions ont balayé d’un revers de la main les raisons d’éthique qui disqualifieraient M. Kadima: «Il a été reproché au candidat Denis Kadima des considérations liées à l’éthique, dont ses présumées relations avec le Chef de l’État. Tout ce qu’on raconte au sujet de Denis Kadima se réfère à des accolades, à ce qu’un conseiller du Chef de l’Etat a dit, à ce que tel a dit à tel autre. Où sont les preuves qu’il y a une connexion entre le candidat et celui-là?». Pour les six confessions religieuses, il est clair que les catholiques et les protestants ont des « problèmes » avec le Président Félix Tshisekedi: «Visiblement on sent que la CENCO et l’ECC ont des problèmes avec le Président de la République. Au lieu de régler les comptes directement avec le Président de la République, elles préfèrent un raccourci, et le raccourci c’est Denis Kadima».
Les six confessions religieuses ont déploré l’acte d’enregistrement «illicite» des débats lors des réunions: «L’enregistrement des individus à leur insu est illégal et il est passible de la peine, y compris celle d’emprisonnement».[15]

[1] Cf Stanis Bujakera Tshiamala – Jeune Afrique, 02.08.’21  https://www.jeuneafrique.com/1212092/politique/ceni-en-rdc-que-pesent-vraiment-les-confessions-religieuses/
[2] Cf http://www.leganet.cd/Legislation/Droit%20Public/elections/Loiscoordonnees.03.07.2021.htm
[3] Cf Radio Okapi, 25.09.’21; Clément Muamba – Actualité.cd, 25.09’21
[4] Cf Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 30.09.’21
[5] Cf Moise Dianyishayi – 7sur7.cd, 01.10.’21; RFI, 02.10.’21
[6] Cf Clément Muamba – Actualité.cd, 02.10.’21
[7] Cf Clément Muamba – Actualité.cd, 04.10.’21
[8] Cf Patient Ligodi – RFI, 05.10.’21
[9] Cf Bernard Mpoyi – Politico.cd, 05.10.’21
[10] Cf Stéphie Mukinzi – Politico.cd, 05.10.’21
[11] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 07.10.’21
[12] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 08.10.’21
[13] Cf Clément Muamba – Actualité.cd, 07.10.’21
[14] Cf Dominique Malala – Politico.cd, 07.10.’21
[15] Cf Christian Okende – Politico.cd, 09.10.’21 ; Jordan Mayenikini – Actualité.cd, 09.10.’21