LA NOMINATION DU NOUVEAU PREMIER MINISTRE → UNE « ENTORSE » À L’ACCORD DU 31 DÉCEMBRE

 

Editorial Congo actualité n.319 Par le Reseau Paix et Congo

 

 

La déclaration de la CENCO

 

Le 20 avril, la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) a publié une déclaration dans laquelle elle présente l’actuelle situation concernant l’application de l’Accord du 31 décembre 2016. Selon le CENCO, «cet accord historique a l’avantage de contenir plusieurs acquis dont l’application ne nécessite pas un arrangement particulier, notamment:

  1. Le Chef de l’État ne briguera pas un troisième mandat;
  2. Le Président de la République reste cependant en fonction jusqu’à l’installation du nouveau Président élu;
  3. Les élections présidentielle, législatives et provinciales seront tenues avant fin décembre 2017;
  4. Aucune initiative de révision de la Constitution et de son changement sera consentie ni par voie référendaire ni par voie parlementaire pendant la période pré-électorale et électorale».

Après avoir rappelé que, selon l’accord du 31 décembre 2016, «le Gouvernement de la République est dirigé par le Premier Ministre présenté par l’Opposition politique non signataire de l’Accord du 18 octobre 2016 / Rassemblement et nommé par le Président de la République conformément à l’article 78 de la Constitution», la CENCO déplore que «les consultations entre le Chef de l’État et le Chef de délégation du Rassemblement aux négociations, au terme desquelles allait être nommé le Premier Ministre, n’aient pas eu lieu. Malgré tout, un Premier Ministre a été nommé. Ceci constitue une entorse à l’Accord de la Saint-Sylvestre et explique la persistance de la crise».

C’est cette dernière phrase qui a suscité plusieurs réactions, notamment des membres de la Majorité Présidentielle (MP), du Rassemblement de l’opposition / aile Joseph Olengankoyi, de l’opposition politique signataire de l’Accord du 18 Octobre 2016 et des représentants de certaines confessions religieuses.

 

Les réactions suscitées

 

Ces réactions se concentrent sur certains points, dont les trois suivants:

  1. La déclaration de la Cenco est considérée comme un point de vue non contraignant d’un groupe privé et sans aucun impact d’ordre institutionnel ou législatif.

En effet, la mission officielle et institutionnelle de médiation que les évêques de la Cenco ont joué au cours du dialogue du Centre Interdiocésain, avec l’approbation du Président de la République, est terminée quand ils ont mis fin aux travaux du dialogue et ont présenté leur rapport final au Président de la République.

  1. La déclaration de la Cenco a été considérée comme un acte de concurrence vis-à-vis du Président de la République qui a nommé le nouveau Premier Ministre.

En fait, n’ayant pas pu obtenir de la classe politique le consensus tant souhaité sur les modalités de désignation et de nomination du futur Premier ministre et sur la question de la présidence du Conseil National de Suivi de l’Accord (CNSA), les évêques de la Cenco avaient eux-mêmes demandé au Président de la République de s’impliquer personnellement dans la résolution de ces deux questions. C’est en réponse à cette requête que le chef de l’État a entamé une série de consultations avec les différentes parties impliquées dans le dialogue du Centre Interdiocésain. À ces consultations ont participé presque toutes les parties prenantes, à l’exception du Rassemblement de l’Opposition / aile Félix Tshisekedi – Pierre Lumbi. Au cours de ces consultations, le Rassemblement de l’Opposition / aile Joseph Olengankoyi a même présenté une liste de cinq noms de candidats au poste de Premier Ministre. C’est suite à ces consultations que le Président de la République a nommé le nouveau Premier ministre.

  1. La déclaration de la Cenco a été considérée comme une prise de position en faveur du Rassemblement de l’Opposition / aile Félix Tshisekedi – Pierre Lumbi.

Dans leur déclaration, en effet, les évêques de la Cenco ne font aucune mention des divisions actuelles au sein du Rassemblement de l’Opposition (aile Limete, aile Kasavubu, aile Coalition des Alliés d’Etienne Tshisekedi), divisions qui ont certainement contribué à créer une certaine confusion au dialogue du Centre interdiocésain. Malgré cela, la Cenco n’a reconnu comme interlocuteur officiel que l’aile Félix Tshisekedi, pour le simple fait que, à la date de la signature de l’Accord du 31 décembre 2016, il était le chef de la délégation du Rassemblement au dialogue.

Mais le décès du Président du Comité des Sages du Rassemblement, Etienne Tshisekedi, le 1er février 2017, a bouleversé la vie interne du Rassemblement et les évêques ont donné l’impression de ne l’avoir pas pris en compte.

En outre, les évêques de la Cenco n’ont jamais désapprouvé ouvertement l’intransigeance et le manque de flexibilité démontrées par le Rassemblement de l’Opposition qui, en ce qui concerne la désignation du futur Premier Ministre, a toujours insisté sur la présentation d’un seul nom, au lieu d’une liste de plusieurs noms, tel que proposé par la majorité présidentielle. Il est tout à fait vrai que l’accord du 31 décembre, selon lequel « le gouvernement est dirigé par le Premier Ministre présenté par l’Opposition non signataire de l’accord du 18 octobre / Rassemblement) semble suggérer un seul nom, mais le paragraphe immédiatement suivant stipule que les modalités de désignation seront spécifiées dans un accord additionnel, ce qui laisse entendre qu’il n’est pas à exclure la possibilité d’une éventuelle liste. Enfin, les évêques de la Cenco ne font aucune mention de la stratégie de boycott adoptée par l’aile Limete du Rassemblement qui n’a participé ni aux consultations du Président de la République en vue de la nomination du nouveau Premier Ministre, ni à celles du nouveau Premier Ministre pour la formation d’un nouveau gouvernement d’unité nationale.

 

Et si la CENCO avait raison?

 

Cependant, tous ceux qui ont formulé ces critiques vis-à-vis des évêques de la Cenco, tôt ou tard, devront reconnaître que, en déclarant que «la nomination du nouveau Premier Ministre constitue « une entorse » de l’accord du 31 décembre», ils n’ont dit que la vérité.

En effet, conformément à l’article III.3.4. de l’accord, selon lequel «les modalités pratiques de mise en œuvre des principes énoncés ci-dessus (y compris la nomination du Premier Ministre, mentionnée dans le paragraphe précédent, le III.3.3.) seront déterminées dans un accord successif conclu entre les différents composantes participant au dialogue et partie intégrante de cet accord», le Président de la République aurait dû conclure d’abord cet «accord additionnel» et, seulement après, nommer la Premier Ministre. Seulement cet « accord additionnel » aurai permis au Président de la République de disposer d’un texte consensuel qui lui aurai permis d’agir dans la légitimité.