Congo Actualité n. 169

SOMMAIRE:

ÉDITORIAL : Le prix d’un dialogue

1.  L’ARMÉE RWANDAISE A PARTICIPÉ À LA CHUTE DE GOMA

2.  LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

3.  UN VRAI «FAUX RETRAIT» DU M23 DE LA VILLE DE GOMA

a.  La chronique d’une farce

b.  Au-delà de la farce

4.  VERS UN DIALOGUE ENTRE LE GOUVERNEMENT ET L’M23 À KAMPALA

a.  Pour et contre les discussions de Kampala

b.  le contexte d’un dialogue qui s’annonce difficile

5.  LA SUSPENSION DU GÉNÉRAL GABRIEL AMISI

6.  L’ONU IMPUISSANTE FACE A L’AVANCÉE DU M23

 

ÉDITORIAL : Le prix d’un dialogue

1. L’ARMÉE RWANDAISE A PARTICIPÉ À LA CHUTE DE GOMA

D’après un nouveau document du groupe d’experts de l’Onu, plus de mille soldats rwandais auraient facilité la prise de Goma par le M23. Selon le texte, daté du 26 novembre et mis en ligne par le New York Times, plusieurs compagnies des Forces de Défense du Rwanda, FDR, sont entrées en territoire congolais et ont pris part à l’offensive sur Goma. Les forces gouvernementales rwandaises auraient aussi pris part aux combats à l’aéroport de la capitale de la province du Nord-Kivu. Un bataillon entier des FDR, soit entre huit cent et mille soldats, aurait été déployé dès la fin octobre sur les positions rebelles de Bukima et Tshengerero. Sept compagnies des FDR auraient par ailleurs appuyé les rebelles lors de la deuxième offensive sur Kibumba le 17 novembre.

Selon des photos publiées en annexe, le M23 aurait reçu des uniformes au camouflage et aux couleurs similaires à ceux des FDR, afin de permettre aux soldats rwandais d’être moins repérables, notamment lors de la prise de Goma. Le rapport fait aussi état de tirs d’artillerie, à partir du Rwanda, sur les positions des Forces Armées de la RDCongo (FARDC), afin d’appuyer la progression du M23. Selon les experts, le général Bosco Ntaganda, recherché par la CPI pour crimes de guerre, aurait dirigé les troupes du M23 stationnées à Kibumba. Mais le commandement de l’offensive sur Goma était avant tout une affaire rwandaise. Le général rwandais Emmanuel Ruvusha, déjà cité dans un précédent rapport, a supervisé sur place, l’exécution d’une attaque planifiée par James Kabarebe, le ministre rwandais de la Défense, et par son chef d’état-major Charles Kayonga. Les experts estiment enfin que les informations recueillies ces dernières semaines tendent à confirmer leur thèse selon laquelle «le gouvernement rwandais, avec l’Ouganda, a crée le M23, et qu’il a équipé, entraîné, conseillé, renforcé et commandé la rébellion du M23».[1]

Un article intitulé «Kinshasa: How Rwandan Defense Forces conquered Goma and M23 claimed victory», paru sur un journal américain du nom de «Afro America Network» le dimanche 25 novembre 2012, montre comment les Forces de Défense Rwandaises ont conquis Goma et ont laissé le M23 crier victoire. Selon le texte, le mardi 20 novembre 2012, les Forces de Défense Rwandaises ont investi Goma sur deux fronts : Le premier groupe de la Rwandan Defense Forces (RDF) s’est rendu à l’aéroport de Goma, puis à la station de la Rtnc, pendant que le 2ème groupe attaquait la ville de Goma par le centre. Les FARDC qui se préparaient à riposter à une attaque des M23 à partir du nord de la ville sont surprises de se voir attaquées par le lac Kivu au sud-est. Elles se sont repliées vers Sake, abandonnant armes et minutions derrière elles. Les Forces de Défense Rwandaises ont ainsi pris Goma et les rebelles du M23 en ont profité pour y faire leur entrée. Pour voiler la présence des milliers de soldats rwandais à Goma, les officiers du M23 ont déclaré que 2.000 soldats des FARDC se sont volontairement rendus et remis à peine 100 AK7. Les M23 ne sont qu’une brettelle des RDF. Ils reçoivent tout l’appui technique, armes, minutions et appareils de communication de l’armée et du gouvernement rwandais. Et reçoivent les ordres directs du ministre rwandais de la défense, le Général James Kabarebe. Le commandant des opérations militaires destinées à envahir la Rdc, c’est le Général Emmanuel Ruvusha. Le nombre de soldats rwandais morts répertoriés à Kanombe, à Kigali, Gisenyi et les camps militaires de Mukamira (localités rwandaises) est d’environ 100, rien que pour l’invasion de Goma seul.[2]

Selon la BBC, le soutien du Rwanda au M23 pourrait être de plus grande ampleur qu’on ne le croyait. Deux anciens combattants rebelles ont déclaré à la BBC avoir reçu de l’argent en provenance du Rwanda pour mettre en place un nouveau front plus au sud. Ces anciens rebelles, originaires de la minorité Tutsi, ont déclaré qu’ils avaient rejoint, en juillet, le groupe rebelle «Mouvement Congolais pour le changement», pensant qu’il s’agissait d’un mouvement d’origine locale qui combattait pour assurer une vie meilleure à la population de l’est. «Puis, le président de notre mouvement est venu avec une délégation du gouvernement du Rwanda, en disant que le mouvement a été changé et que nous devions suivre les instructions du gouvernement du rwandais», a déclaré le capitaine Okra Rudahirwa à la BBC. Le capitaine a aussi dit que lui et ses hommes recevaient des sommes mensuelles – allant parfois jusqu’à $ 20.000 dollars, avec lesquelles ils achetaient la nourriture, des uniformes et des médicaments. Son commandant, le Colonel Besftriend Ndozi, a déclaré à la BBC qu’ils avaient également été mis en contact avec un haut gradé du M23, un certain colonel Manzi, qui les a invités à coordonner leurs efforts. «Le Colonel Manzi nous a dit que l’armée rwandaise lui avait donné l’autorité de nous soutenir et de nous commander», a affirmé le Colonel Ndozi. Ces deux hommes ont affirmé avoir décidé d’abandonner la rébellion après avoir pris conscience de l’ampleur de la participation du Rwanda.[3]

2. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

Le 28 novembre, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a appelé tous les dirigeants et les gouvernements de la région à «cesser et empêcher tout soutien au M23 depuis leur territoire», tout en soutenant activement la coopération des Etats de la région pour dégager une issue au conflit. Soulignant que 285.000  personnes avaient été contraintes de fuir devant son avancée, Mme Clinton a appelé le M23 à «mettre un terme à ses attaques, se retirer de Goma et revenir à ses positions du mois de juillet».[4]

Le 28 novembre, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté une résolution prolongeant jusqu’en 2014 l’interdiction de la vente et de la livraison d’armes aux groupes armés actifs en République démocratique du Congo notamment le Mouvement du 23 mars (M23), les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) et les Maï-Maï. La résolution proposée par la France exige au M23 et à d’autres groupes armés, y compris les FDLR, l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), les milices Maï-Maï, les Forces nationales de libération (FNL) et l’Alliance des forces démocratiques (FDA) de mettre immédiatement fin à toutes formes de violence et autres activités déstabilisatrices. Ces groupes sont appelés à libérer immédiatement tous les enfants soldats dans leurs rangs. Elle interdit également tout soutien à ces groupes et décide de reconduire les sanctions financières et les restrictions de déplacement contre les responsables politiques et militaires de ces groupes armés opérant en RDC.[5]

Le 30 novembre, le Royaume-Uni, allié traditionnel de Kigali et l’un des principaux contributeurs d’aide directe au budget rwandais, a annoncé qu’il ne verserait pas les 21 millions de livres (près de 26 millions d’euros) prévus pour le mois de décembre. Justine Greening, la secrétaire britannique au développement international, justifie cette décision par les «inquiétudes sur les rapports crédibles et convaincants d’un engagement du Rwanda aux côtés de la rébellion du M23 en RDC. (…) Ces preuves constituent une rupture des principes du partenariat […] et en conséquence, j’ai décidé de ne pas verser le prochain paiement de soutien au budget du Rwanda ». Simultanément à cette annonce, Londres a décidé une aide supplémentaire de 18 millions de livres (22 millions d’euros) « pour les besoins humanitaires immédiats en RDCongo». Kigali a estimé que ce gel « faisait du mal au Rwanda sans aider en rien la RDC», rejetant une nouvelle fois «des allégations fausses et politiquement motivées» à son encontre.[6]

3. UN VRAI «FAUX RETRAIT» DU M23 DE LA VILLE DE GOMA

a. La chronique d’une farce

Le 28 novembre, le porte-parole militaire du M23, Vianney Kazarama, a affirmé que le retrait des troupes du M23 de Goma irait commencer le lendemain, indiquant cependant que le matériel militaire et les équipements médicaux sont acheminés depuis le jour précédent dans les anciennes bases du mouvement à Rutshuru. Il a précisé que c’est à Kibumba, à 30 km au Nord de Goma, que son mouvement établira son état major général. Des habitants ont rapporté avoir «vu plusieurs dizaines de camions» civils de l’administration locale, réquisitionnés par les rebelles, «quitter Goma avec des vivres, des médicaments et des munitions». Ces véhicules se «dirigeraient vers Rutshuru et Rumangabo», où les rebelles tiennent des positions. Cependant aucun retrait massif de troupes n’a jusque-là été observé. La Croix-Rouge congolaise a indiqué que dans les jours ayant suivi la prise de Goma par le M23, elle a ramassé dans les rues 62 corps de civils et militaires.[7]

Le 28 novembre, le gouvernement congolais a accusé le M23 d’actes de pillages et de vandalisme depuis son entrée dans la ville de Goma, le 20 novembre. Au cours d’un point de presse tenu à Kinshasa, son porte-parole, Lambert Mende, parle de «razzia systématique», indiquant que tous les biens publics et privés pillés sont emportés vers un pays voisin sans le citer, mais dont le poste frontalier est proche de Goma. «Plusieurs résidences, immeubles publiques, entrepôts et véhicules officiels et privés ont été systématiquement pillés par les rebelles du M23 avant d’être emportés vers une destination inconnue hors du territoire congolais», a déclaré Lambert Mende. Selon lui, les charrois automobiles de l’Office de routes et de l’Office de voirie et drainage (OVD) ont été dirigés vers ce Pays voisin, le Rwanda. «Les rebelles ont cassé le bureau du ministère des Finances et emporté trois cents plaques d’immatriculation de véhicules. L’immeuble de l’assemblée provinciale a également été saccagé, des minerais stockés dans la ville ont été volés pour les emmener au Rwanda voisin», a ajouté Lambert Mende.[8]

Le 29 novembre, pendant la journée, les rebelles du M23 ont pillé plusieurs habitations et bâtiments de Goma. Plus tard dans la soirée, ils ont fait le porte à porte, extorquant des biens, emportant véhicules, argent et téléphones portables. Ce butin aurait été acheminé vers Kibumba, futur quartier général du M23, à près de 30 Km de Goma. Ce pillage a semé la panique au sein de la population.

Dans un communiqué de presse, l’ONG Congo Peace Network a dénoncé ce pillage, exigeant que les rebelles du M23 restituent ces biens à la population avant toute négociation avec le gouvernement. Le Comité d’observateurs des droits de l’homme, pour sa part, a dénoncé, dans un communiqué, une «guerre d’agression sur fond des crimes de guerre et de haute trahison».[9]

Le 29 novembre, le porte-parole du M23, le colonel Vianney Kazarama, qui avait annoncé le retrait de la ville de Goma pour ce 29 novembre, a déclaré que, pour des problèmes d’ordre logistique et des «raisons organisationnelles», ce retrait va finalement débuter le jour après, le 30 novembre.[10]

Le 30 novembre, près 270 policiers sont arrivés, dans la matinée, à Goma pour sécuriser la ville après le retrait, encore peu visible, des rebelles du M23. Ils provenaient de Bukavu (Sud Kivu), où ils avaient fui après la chute de Goma. D’autres 450 doivent être déployés. L’armée régulière, les FARDC, prépare elle aussi son retour. Un bataillon sera en ville et une compagnie sera à l’aéroport, actuellement géré par la Monusco. A l’aéroport de Goma sont aussi attendus, à une date encore non précisée, une centaine de soldats tanzaniens, envoyés dans le cadre d’une force internationale de l’UA et d’une autre centaine de militaires du M23.[11]

Le 30 novembre, les troupes du M23 ont débuté leur retrait de Sake, à 27 km à l’Ouest de Goma (Nord-Kivu). Plusieurs centaines de rebelles du M23 (près de 500 hommes) en provenance des collines des alentours sont déjà entrés dans Sake, première étape d’un repli vers les positions initiales du M23 plus au Nord. Un officier du M23 a déclaré que c’est dans trois ou quatre jours que tous les rebelles pourraient arriver à Kibumba, à 30 km de Goma, futur quartier général de la rébellion.[12]

Le 30 novembre, en début d’après-midi, le chef militaire du M23, Sultani Makenga, a accusé la Mission des Nations unies en RDC de bloquer son retrait de la ville de Goma en les empêchant de récupérer leur logistique à l’aéroport, soulignant que si le contentieux avec la Monusco n’était pas réglé, le départ de Goma pourrait à nouveau être retardé. De son côté, la Monusco qualifie ces accusations de «prétexte» pour ne pas quitter la ville de Goma. «Le M23 a essayé d’entrer à l’aéroport ce matin et la Monusco s’y est opposée», a répondu le porte-parole de la Monusco, Manodje Mounoubai, en précisant que la logistique qui se trouve à l’aéroport appartient aux FARDC. «L’aéroport était sous le contrôle des forces de la Monusco. Donc en aucun moment, le M23 n’a eu l’occasion d’y stocker son matériel. Le matériel militaire qui se trouve à l’aéroport appartient aux FARDC».  «L’aéroport a toujours été sous notre contrôle et nous allons le tenir jusqu’à son transfert à la force tripartite – armée, Monusco et M23 – qui doit prochainement le gérer, selon une décision des Etats voisins de la région des Grands Lacs», a poursuivi Madnodje Mounoubai.[13]

Le 01 décembre, les troupes du M23 se sont retirées de leurs positions de Goma. Les différents postes stratégiques contrôlés par le M23 ont été officiellement remis aux responsables du mécanisme conjoint de vérification de la CIRGL ou à la Monusco. Il s’agit notamment de la grande et de la petite barrière à la frontière qui séparent le Congo et le Rwanda, du siège de la Banque centrale, du commissariat provincial de la police et du gouvernorat. Ces différents endroits sont actuellement sécurisés par des éléments de la Police Nationale Congolaise, venus de Bukavu, au Sud-Kivu. Avant le retrait des troupes du M23 de la ville, le Général Makenga a signifié que «pour lui, le travail n’est pas encore terminé». Il a souligné que le M23 laisse la place à la politique et à la diplomatie afin de trouver une solution, tel que l’a demandé la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL). Mais si rien n’est fait, le commandant du M23 a déclaré que le M23 achèvera le travail qu’il a commencé. Il a expliqué que le retrait des troupes du M23 de Masisi pourrait prendre trois ou quatre jours à cause des distances par rapport à la nouvelle base de Kibumba. «Nous sommes contents qu’ils s’en aillent, ils nous ont fait souffrir», a déclaré Parfait, jeune homme de 25 ans qui a ajouté: «Comme vous pouvez voir ils ont volé tellement de chose: véhicules, munitions, nourriture, argent, téléphones, matelas, tout».[14]

Le 02 décembre, le M23 a menacé de s’emparer à nouveau de la ville de Goma, si le gouvernement congolais n’ouvrait pas des négociations dans les prochaines 24 heures. Bertrand Bisimwa, porte-parole de la branche politique du M23, a déclaré: «Si les négociations ne commencent pas demain à 14h00, soit 48 heures après le retrait, et que des attaques surviennent contre des civils à Goma, nous allons reprendre la ville».[15]

Le 02 décembre, le porte-parole de la société civile du Nord-Kivu, Omar Kavota a salué le retrait de ces rebelles. Selon lui, ce retrait constitue «un premier pas qui doit entraîner le rétablissement de l’autorité de l’état au Nord-Kivu». Mais il a souhaité «qu’on puisse en finir même avec cette rébellion». Omar Kavota a également réclamé des sanctions contre les rebelles qui, selon lui, se sont illustrés par des graves violations des droits humains. «La plupart des biens publics ont été saccagés. Plus de trois cents véhicules des particuliers ont été pillés. Nous avons documenté plus d’une vingtaine de cas de femmes violées et des personnes assassinées», a-t-il énuméré, indiquant que tous ces actes ne doivent pas rester impunis.[16]

Le 03 décembre, le gouverneur Julien Paluku, le vice-gouverneur Feller Lutaichirwa, le maire Kubuya Ndoole, quelques membres du gouvernement provincial et de l’Assemblée provinciale ainsi que plusieurs personnalités politiques sont rentrées à Goma depuis Béni, où elles avaient fui après la prise de la ville par le M23. Un bataillon de l’armée régulière (FARDC) est entré dans la ville en milieu d’après-midi. La vie a repris petit à petit son cours normal. Ecoles, commerces et administrations ont redémarré. Seules les banques étaient encore fermées. Mais Goma est encore à portée de canon de la rébellion. Ses avant-postes se trouvent à Munigi, soit à 3500 mètres de l’aéroport et à 6 kilomètres du centre-ville. Le maire a accusé des éléments du M23 d’être restés à Goma, qu’ils «infiltrent» afin, selon lui, de déstabiliser la ville et «montrer que le gouvernement n’est pas efficace pour restaurer la sécurité». Selon certaines rumeurs qui circulent en ville, beaucoup d’entre eux auraient abandonné la tenue militaire du M23 pour revêtir celle des policiers nationaux ou pour se mélanger à la population civile.[17]

Le 4 décembre, à Goma, le ministre congolais de l’Intérieur, Richard Muyej, a assuré que l’aéroport de Goma restera sous contrôle exclusif des casques bleus de la Monusco «jusque dans un avenir proche». Il a affirmé que des dispositions seront prises pour que la sécurité de l’aéroport soit gérée de manière consensuelle entre les forces de la Monusco, des FARDC et du M23. «L’essentiel est que l’aéroport soit totalement sécurisé et qu’il n’y ait pas de coexistences dangereuses qui puissent susciter des suspicions qui nous amèneraient à un nouveau conflit», a-t-il déclaré. Il a aussi annoncé que la ville de Goma a été proclamée «cas d’urgence» par le gouvernement congolais, des suite aux «énormes dégâts» qui ont été causés pendant les 10 jours d’occupation par le M23.[18]

b. Au-delà de la farce

Face aux pressions internationales pour qu’ils se retirent de Goma, Jean-Marie Runiga Lugerero et Sultani Makenga, chefs des branches politique et militaire du M23, ont résolu d’adopter la technique du double langage, du camouflage et de l’agenda caché. Tout en faisant semblant de cantonner ses troupes à plus de 20 kilomètres du chef- lieu du Nord-Kivu, le M23 est occupé à recycler de faux civils dans les rouages de l’administration publique et des services publics. Ces insurgés qui crient à la démilitarisation de Goma, sont les premiers à la militariser, en faisant passer pour des civils, des milliers de militaires soustraits du processus de retrait. C’est la dynamique du vrai-faux retrait, d’un retrait sans retrait. [19]

Selon certains observateurs, taxé de «force négative» et de «groupe terroriste» il y a encore peu, le M23 a acquis, à la faveur des résolutions du dernier sommet de Kampala, le statut d’interlocuteur officiel du gouvernement de Kinshasa. En le sommant de simplement se retirer de Goma pour se replier à une vingtaine de Km. au nord de la ville, il contrôle un territoire désormais lui reconnu officiellement par les participants au même sommet. Une nouvelle République est donc née dans la partie Est de la RDCongo, avec pour capitale Goma. Entre-temps, Kagame et Museveni, sont désormais mis hors cause dans une crise redevenue congolo-congolaise.[20]

Malgré son implication dans la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), le Rwanda n’a jamais rompu avec son ambition hégémonique sur l’est du territoire congolais. En apportant son soutien au M23 dans la dernière invasion de la ville de Goma, Kigali a dévoilé ses réelles intentions. L’adhésion du Rwanda aux décisions de la CIRGL n’était que de façade; bien plus, une façon de gagner du temps. A Kigali, tout est calibré pour pousser Kinshasa à reconnaître publiquement le M23 comme interlocuteur incontournable du gouvernement congolais dans la résolution du conflit qui sévit à l’est de la RDCongo. Pendant ce temps les deux agresseurs de la RDCongo, le Rwanda et l’Ouganda, se sont dédouanés en douceur et totalement du drame qui s’abat de nouveau dans la partie Est du Pays. La prise de Goma par le M23 appuyé par des troupes rwandaises, a été une stratégie montée par Kigali et Kampala en vue de contourner les sanctions prévues dans le rapport du groupe des experts de l’ONU.[21]

4. VERS UN DIALOGUE ENTRE LE GOUVERNEMENT ET L’M23 À KAMPALA

a. Pour et contre les discussions de Kampala

C’est finalement Kampala, capitale de l’Ouganda, qui abritera des «pourparlers» directs entre les autorités de Kinshasa et les rebelles du Mouvement du 23 (M23). Si pour le M23, la rencontre de Kampala rime avec des négociations, à Kinshasa on pense le contraire. Dans l’entendement de Kinshasa, la rencontre devait se limiter à une évaluation de l’accord de Goma du 23 mars 2009 sur lequel le M23 fonde son action.[22]

Le 5 décembre, le chef politique du M23, Jean-Marie Runiga, a affirmé, depuis Bunagana, que si «Kinshasa parle seulement des accords du 23 mars 2009, de notre côté, nous avons prévu de pouvoir parler (…) d’autres questions politiques et juridiques, ayant trait à la défense et à la sécurité, à l’économie et aux finances, au social et au développement». Le chef rebelle entend parler de cas de violations de la Constitution, de mandats d’assemblées provinciales qui auraient dû prendre fin «depuis longtemps», et même de «violations des droits de l’homme» contre opposants et journalistes.[23]

Interrogé sur la participation des députés aux pourparlers de Kampala, l’élu de la majorité, Clément Nzau, se dit favorable à la présence des parlementaires. De son côté, le député de l’opposition, Franck Diongo, estime que la présence des représentants de l’opposition, de la société civile, du gouvernement et des tous les groupes opérant en RDC est nécessaire. Selon lui, tous ces acteurs devraient participer activement à ces pourparlers et non pas être des simples observateurs ou témoins. Mais il s’oppose à l’organisation de ces discussions en Ouganda, «étant donné que ce pays est accusé d’être en intelligence avec ceux qui combattent le Congo militairement». Il propose que le dialogue se déroule au Congo Brazzaville.[24]

Les quatre groupes parlementaires de l’Opposition politique, à savoir l’UDPS-FAC, l’UNC et alliés, le MLC et alliés et les Libéraux sociaux démocrates et autres acteurs de l’opposition extra-parlementaire se déclarent non concernés par les négociations de Kampala.

Le député national MLC Jean-Lucien Bussa a affirmé: «Nous sommes d’accord avec le dialogue. Nous l’avons toujours réclamé. Cependant, il doit être franc et responsable. Nous estimons que ce qui se passe à Kampala ou en dehors de la capitale ougandaise implique tous les acteurs, le gouvernement, l’Opposition politique, le M23 et la Société civile. L’Opposition ne pourra y aller que comme l’une des composantes importantes au dialogue disposant d’un droit de parole et non en tant qu’observateur ou témoin Voilà pourquoi les quatre présidents des groupes parlementaires ne sont pas encore partis». L’opposition se réserve cependant la possibilité de participer aux pourparlers dans un deuxième temps si on lui donne vraiment la parole.

Selon le député national Martin Fayulu, coordonnateur de la plate-forme des forces acquises au changement (FAC) «l’accord du 23 mars 2009 est un accord privé qui n’a jamais été ratifié ou approuvé par le Parlement congolais conformément à l’article 214 de la Constitution et n’a jamais été publié dans le Journal officiel de la République démocratique du Congo, pour être opposable à tous».

Le député Lisanga Bonganga, modérateur des Forces acquises au changement, a pour sa part déclaré que «la rencontre de Kampala prévue entre le M23 et le gouvernement congolais n’engage pas l’opposition congolaise». Cette position des FAC, selon lui, se justifie par le fait que les accords du 23 mars 2009 et celui du sommet de Kampala, le 24 novembre 2012, n’ont jamais été ratifiés par le parlement congolais. Par conséquent, précise-t-il, ces deux textes n’engagent que leurs signataires, estimant qu’ils ne jouissent «d’aucune légalité et d’aucune légitimité et ne peuvent être opposables à tous». La plate-forme des FAC met également en doute l’impartialité de l’Ouganda dans la médiation: «Pour avoir été pointé du doigt par les experts des Nations unies comme l’un des pays agresseurs de la RDC, l’Ouganda est donc disqualifié pour abriter un quelconque sommet concernant la crise sécuritaire à l’Est de la RDCongo», a conclu Lisanga Bonganga.[25]

L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) a déclaré haut et fort de ne pas prendre part à ce qu’elle considère comme une messe- noire” contre la RDCongo. Pour l’UDSP, cette crise à l’Est du pays a toujours été voulue et entretenue par certains hauts responsables du pays qui l’ont géré comme s’il était «une foire» où tout le monde peut entrer et sortir à son gré. Selon certaines sources, l’UDPS n’a pas été invitée par les organisateurs de ce dialogue, parmi lesquels le CIRGL.[26]

Le 7 décembre, le porte-parole du gouvernement ougandais, Fred Opolot, a déclaré à la presse que les discussions porteraient en premier lieu sur les modalités techniques (dates, ordre du jour, …) des pourparlers à venir et à la présence ou non des observateurs. Le début des rencontres entre le gouvernement congolais et le M23, prévu le vendredi 7 décembre à Kampala (Ouganda), pourrait avoir lieu dimanche 9 décembre, puisque la délégation du M23 serait encore en route.

La délégation de Kinshasa, composée de 26 personnes, est conduite par le ministre des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda Tunga Mulongo, est présente à Kampala depuis mercredi.

La délégation congolaise est composée, entres autres, du vice-président de l’Assemblée Nationale Charles Muando Nsimba, de deux présidents de la société civile des provinces des Nord et Sud-Kivu. L’opposition n’a pas voulu être de la partie, en dehors de quelques individualités comme par exemple François Mwamba, de l’Alliance pour le développement et la République (ADR) et ancien secrétaire général du Mouvement de libération du Congo (MLC) et Christian Badibangi, député élu de l’UDPS. L’Abbé Apollinaire Malu Malu est aussi de la délégation mais il conduit le groupe des experts. Philippe Gafishi, président du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) est aussi de la partie.

A la question de savoir quel rôle va jouer l’opposition dans l’évaluation des accords dont elle n’a pas été signataire, le député élu de l’UDPS, Christian Badibangi a justifié sa présence en Ouganda par son statut de député national et il a déclaré que l’opposition politique congolaise va jouer le rôle «d’observateur», en ajoutant que «on va contrôler les choses pour qu’elles ne dérivent pas dans le sens des négociations». Christian Badibangi a souligné: «Bien que nous ne sommes pas signataires des accords du 23 mars 2009, j’ai toujours estimé que derrière cette guerre peut-être qu’il y avait des choses cachées telles que les accords de Lemera».

Les accords de Lemera ont été signés le 23 octobre 1996 entre l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération de la RDC (AFDL) de Laurent Désiré Kabila et ses alliés. Quelques dispositions de ces accords prévoyaient notamment ce qui suit :

Dès que l’Alliance aura gagné la victoire, une rétribution spéciale sera allouée aux Alliés. Sa détermination est de la compétence de l’instance supérieure de l’Alliance. La nationalité congolaise sera accordée collectivement aux « camarades Banyamulenge et aux autres populations d’origine rwandaise» établies au pays avant la date de l’indépendance de notre pays (le 30 Juin 1960).[27]

Le 7 décembre, partie de Bunagana (Nord-Kivu) le matin, la délégation du M23 est arrivée tard dans la nuit à Kampala (Ouganda). En l’absence du chef politique Jean-Marie Runiga, c’est le secrétaire aux Relations extérieures René Abandi qui conduit la délégation. Les discussions vont débuter sans le président Joseph Kabila et le chef politique du M23 Jean-Marie Runiga. «Aucune disposition officielle dit que le président Kabila doit être lui-même présent. On a voulu trop personnaliser cette affaire. C’est le gouvernement qui avait signé les accords du 23 mars 2009», avait déjà indiqué une source de la présidence en RDC citée par RFI. Du côté du M23, son chef politique Jean-Marie Runiga avait conditionné sa participation aux négociations à celle du chef de l’Etat congolais.[28]

b. le contexte d’un dialogue qui s’annonce difficile

Aux termes des échanges du 3 décembre entre la plénière du Sénat et les ministres en charge de la Défense Nationale, des Affaires Etrangères ainsi que le vice-ministre de l’Intérieur, il a été constaté que le M23 est une rébellion créée de toutes pièces parle Rwanda et l’Ouganda, avec pleins d’infiltrés civils et militaires de ces deux pays.

Par les accords du 23 mars 2009, l’Exécutif national congolais est tombé dans plusieurs pièges, notamment celui du découpage du territoire national pour satisfaire les caprices d’une ethnie aux velléités séparatistes, de la création d’une police spéciale et d’une administration spéciale pour sa sécurité, de la privatisation des chaînes de commandement de l’armée et de la police nationale à son seul profit, de l’amnistie générale des crimes de ses membres depuis 2003, du placement de ses « chômeurs » dans les institutions de la République, les entreprises publiques et l’administration publique, de la prise en charge de la nébuleuse des réfugiés, etc. L’Accord du 23 mars offre, aux parrains de ce mouvement rebelle, toutes les opportunités de positionner leurs, hommes de mains congolais, rwandais et ougandais dans tous les rouages de la vie nationale congolaise.
Il importe du reste de souligner qu’à la lumière d’alliances à répétition entre les rébellions congolaises et les maîtres de Kampala et Kigali, le système congolais de défense et de renseignements n’a plus de secret pour ceux-ci. A partir de Kampala ou de Kigali, les officiers et soldats rwandais ou ougandais savent à quel point frapper pour mettre l’armée congolaise à genoux. Il a été donné d’apprendre que les chaînes de commandement de l’armée et de la police nationale congolaises sont truffées de sujets rwandais et ougandais.

Dans le contexte actuel, si l’Accord du 23 mars 2009 est mal évalué dans ses volets politiques, militaires, administratifs, économiques et sociaux, l’on va assister à une nouvelle infiltration des FARDC, de la Police nationale congolaise et des centres de décision de la République par des Congolais, des Rwandais et des Ougandais ayant un pied dedans et un pied dehors. Le décor planté avec l’Accord du 23 mars 2009 fait peser sur la RDC la menace de voir le Nord-Kivu basculer dans l’escarcelle du Rwanda, et la Province Orientale dans celle de l’Ouganda.[29]

Le président du CNDP Philippe Gafishi aussi participera aux pourparlers de Kampala. Déjà en 2010, il avait dénoncé le non respect par le gouvernement des accords de paix de Goma, à cause de « l’absence » de ses représentants dans la 2ème équipe gouvernementale du Premier ministre Muzito publiée le19 février 2010. Lors d’une conférence de presse le 22 février à Goma, il avait affirmé: «Cette absence constitue une violation des accords de paix signés à Goma en 2009. Nous constatons que le point qui concerne l’intégration politique du CNDP qui était attendue n’a pas été le cas. Il est donc tout à fait normal que la non participation au nouveau gouvernement qui vient d’être formé soit une déception de sa part», en rassurant que «Le CNDP estime que sa participation dans les institutions du pays est un des points de ces accords qui devraient être mis en œuvre dans sa globalité. Nous sommes résolus à continuer à accompagner le processus de paix. Nous sommes un parti politique, nous avons un autre champ de bataille qui est une bataille politique. Et donc la reprise des armes il n’en est pas question».[30]

5. LA SUSPENSION DU GÉNÉRAL GABRIEL AMISI

Le 22 novembre, le président Joseph Kabila, commandant suprême des Forces armées de la RDC a suspendu le général major Gabriel Amisi Kumba de ses fonctions de chef des forces terrestres de l’armée congolaise pour raison d’enquête. Ce dernier est accusé dans un rapport d’experts de l’ONU publié le 21 novembre de vendre des armes aux groupes armés opérant dans l’est de la RDCongo. Le rapport indique que «le Général Gabriel Amisi supervise un réseau de distribution de munitions de chasse pour les braconniers et les groupes armés, y compris Raïa Mutomboki». Le rapport indique également que le général Amisi dit Tango Four a ordonné que 300 fusils d’assaut AK 47 soient donnés à un autre groupe armé opérant dans l’est du Congo, connu sous le nom de Nyatura, une autre milice locale. Selon l’ONU, le réseau se déploie jusqu’au Congo-Brazzaville où les munitions sont achetées. Elles sont ensuite acheminées clandestinement jusqu’à Kinshasa puis transportées à l’Est grâce à de nombreux collaborateurs, dont certains sont membres de la famille du général Amisi.[31]

Le 23 novembre, après la suspension du Général Gabriel Amisi pour raison d’enquête suite aux accusations qui pèsent sur lui, le Président Joseph Kabila vient de désigner le Lt-Général Olenga Tete pour assumer provisoirement les fonctions de Chef d’Etat-major des Forces Terrestres.[32]

Le 25 novembre, le secrétaire général intérimaire des Forces Novatrices pour l’Union et la Solidarité (Fonus), Emery Ukundji, a demandé au président de la République, Joseph Kabila, d’arrêter et livrer à la justice le Général Gabriel Amisi.[33]

Le 26 novembre, un haut magistrat qui a requis l’anonymat a expliqué que la justice militaire n’a aucun magistrat qui a le grade du général-major comme le chef des forces terrestres suspendu de ses fonctions pour une instruction judiciaire. L’auditorat militaire ne peut pas, donc, se saisir du dossier du général Amisi Kumba «Tango Fort» pour l’auditionner. Il a ajouté qu’à l’étape actuelle il n’y a que le chef de l’Etat qui a la latitude de le mettre en accusation mais qu’il se posera toujours le problème de la compétence des magistrats militaires devant l’auditionner. Des sources de la justice militaire indiquent que si la justice militaire est incompétente pour juger le général Amisi suspendu, il devra être entendu par le Conseil de discipline constitué des généraux de même grade que lui ou plus.[34]

Selon plusieurs observateurs, les traîtrises, les compromissions et les détournements des soldes de militaires, tout comme les ventes d’armes aux groupes armés ont bénéficié de multiples complicités. Des cas comme celui du général Gabriel Amisi dit Tango Four sont légion. Au sein des institutions, nombreux sont ceux qui flirtent avec les agresseurs et des forces négatives pour des raisons multiples. Des louches relations d’affaires sont nouées au point de rabattre l’intérêt supérieur de la nation en dernière position. D’autres «Tango Four» sont tapis à l’ombre dans les institutions. Dans ces conditions, rendre les écuries propres devient une urgence nationale. Le nettoyage des écuries s’impose au sein des institutions de la République. Il faut se débarrasser de ces personnages affairistes et véreux.[35]

6. L’ONU IMPUISSANTE FACE A L’AVANCEE DU M23

Des voix s’élèvent pour s’interroger sur le rôle de la Monusco (mission de l’ONU pour la Stabilisation en RDCongo) depuis la prise de Goma par les rebelles du M23. Le 21 novembre, le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius déclarait que «le mandat de la Monusco est à revoir. La Monusco n’a pas été en situation d’empêcher ce qui s’est passé à Goma. Déployer 17 000 hommes et fixer un mandat qui ne permet pas d’intervenir, c’est absurde». «C’est la plus grande opération des Nations unies dans le monde! Comment se fait-il qu’on n’arrive pas à arrêter une rébellion?», s’interrogeait à son tour le ministre belge des affaires étrangères, Didier Reynders, le 20 novembre.

Créée en 1999 par le Conseil de sécurité, la Monusco compte, au 30 septembre 2012, 19 109 personnes en uniforme sur le terrain (16 996 soldats, 721 observateurs militaires et 1 392 policiers), 965 membres du personnel civil international, 2 886 membres du personnel civil local et 577 volontaires des Nation Unies. Soit un total de 23 537 personnes. Pour quel budget ? 1,4 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros) pour la période courant du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013. Le mandat de la Monusco est clair (résolution 2025): les casques bleus sont autorisés à utiliser tous les moyens nécessaires en vue, notamment, « d’assurer la protection des civils, du personnel humanitaire et du personnel chargé de défendre les droits de l’homme se trouvant sous la menace imminente de violences physiques et pour appuyer le gouvernement de la RDC dans ses efforts de stabilisation et de consolidation de la paix». À Goma, l’ONU compte un détachement de 1.600 casques bleus. Pourquoi le M23  a-t-il pu prendre la ville?

Le porte-parole civil de la Monusco, Mounoubai Madnodje, a répondu que «Le verrou de protection de Goma était mis en place avec les FARDC. Et la Monusco a mis ses moyens aériens et terrestres à la disposition de l’armée congolaise dans ses actions. Mais quand les FARDC ont décroché et se sont retirées, on ne pouvait  pas soutenir des gens qui n’y étaient plus», en ajoutant que «Cette armée est chargée de défendre ce pays et c’est sa première mission. Défendre l’intégrité territoriale de ce pays. Ce n’est pas le travail de la Monusco. Si ce bouclier national ne fonctionne pas, alors la Monusco n’est pas la seule responsable de ce qui s’est passé». Autrement dit, l’armée gouvernementale ayant déserté Goma, la Monusco ne pouvait pas soutenir des soldats absents.

Le porte-parole militaire, le colonel Félix Basse, a affirmé que «La Monusco n’a pas laissé le M23 entrer librement dans la ville de Goma. Elle a plutôt combattu aux cotés des FARDC depuis Kibumba jusqu’à ce que celles-ci se sont retirées de la ville de Goma». Pour lui, le mandat de la Monusco se limite à appuyer les FARDC dans différentes opérations qu’elles mènent. Il a aussi indiqué que les forces de la Monusco n’ont pas combattu dans la ville de Goma pour éviter des atrocités en pleine ville. Selon Hervé Ladsous, responsable des opérations de maintien de la paix aux Nations unies, «la Monusco est une mission de paix des Nations unies. Et quand on dit mission de paix, ça suppose qu’il y ait un minimum de volonté de faire cesser les violences, ce qui n’est pas le cas de la RDCongo! Et encore une fois, notre mission n’est pas d’entrer en conflit frontal avec tel ou tel groupe armé. Elle est d’appuyer les forces armées congolaises et puis, d’empêcher les abus qui mettent en cause les civils».[36]

Le 21 novembre, l’ambassadeur français à l’ONU, Gérard Araud, a demandé une révision du mandat de la Monusco, estimant «absurde» que celui-ci ne lui permette pas d’intervenir. L’ambassadeur français a aussi souligné qu’une option actuellement à l’étude serait de donner à la Monusco un «mandat de contrôle des frontières». La direction des opérations de maintien de la paix a demandé aux trois pays impliqués dans la crise d’autoriser l’usage de drones de surveillance. Le Congo soutient l’idée, mais le Rwanda et l’Ouganda doivent encore l’approuver. «Au Congo, les drones pourront repérer tout mouvement de troupes, d’armes et de cargaisons de minerais passant la frontière, ce qui est une bonne chose. Mais beaucoup de pays ont des choses à cacher», explique un diplomate d’un pays membre du Conseil.[37]

Le 21 novembre, face à l’avancée des rebelles du M23, le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, a admis qu’il s’agit d’un véritable échec de la Monusco, car on ne l’a pas dotée des moyens suffisants pour mener des «missions offensives, dans un contexte de rebellions et de groupes armés». En effet, le mandat de la Monusco se limite à la protection des civils – et non celle des localités, qui relève des autorités nationales. «Il faut renforcer ce mandat», a précisé Reynders, en évoquant également la possibilité d’«augmenter le nombre d’hommes » de 2.000, comme le permet le mandat. Mais, selon lui, ces renforts devront être fournis par les pays de la région car «l’Europe ne souhaite pas aujourd’hui envoyer des troupes européennes au combat».[38]


[2] Cf L’Avenir Quotidien – Kinshasa, 27.11.’12. http://www.groupelavenir.cd/spip.php?article47936

[4] Cf AFP – La Libre Belgique, 29.11.’12

[5] Cf Radio Okapi, 29.11.’12

[6] Cf Pierre Boisselet – Jeuneafrique.com, 30.11.’12

[7] Cf Radio Okapi, 28.11.12; AFP – Goma, 28.11.’12

[8] Cf Radio Okapi, 28.11.’12

[9] Cf Radio Okapi, 30.11.’12

[10] Cf Radio Okapi, 29.11.’12

[11] Cf AFP – Goma, 30.11.’12

[12] Cf Radio Okapi, 30.11.’12

[13] Cf Radio Okapi, 30.11.’12

[14] Cf Radio Okapi, 01.12.’12; AFP – Goma, 01.12.’12

[15] Cf AP – Sipa – Goma, 02.12.’12

[16] Cf Radio Okapi, 02.12.’12

[17] Cf Radio Okapi, 03.12.’12; AFP – Goma, 03.12.’12

[18] Cf Radio Okapi, 05.12.’12

[19] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 29.11.’12

[20] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 27.11.’12

[21] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 04.12.’12

[22] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 04.12.’12

[23] Cf AFP – Goma, 05.12.’12

[24] Cf Radio Okapi, 05.12.’12; RFI, 05.12.’12

[25] Cf Pitshou Mulumba – Le Potentiel – Kinshasa, 05.12.’12; Radio Okapi, 06.12.’12

[26] Cf Radio Okapi, 05.12.’12; RFI, 05.12.’12

[27] Cf Radio Okapi, 07.12.’12 ; RFI, 07.12.’12

[28] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 08.12.’12

[29] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 05.12.’12

[30] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 07.12.’12

[31] Cf Radio Okapi, 22.11.’12

[32] Cf Digitalcongo, 24.11.’12

[33] Cf Radio Okapi, 25.11.’12

[34] Cf Radio Okapi. 26.11.’12

[35] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 25.11.’12

[36] Cf Laurent Larcher – La Croix, 21.11.’12; Radio Okapi, 21.11.’12; Boniface Vignon – RFI, 21.11.’12

[37] Cf Karim Lebhour – RFI – New York, 20.11.’12;  Adèle Smith – Le Figaro, 21.11.’12

[38] Cf Belga – 7×7.be, 21.11.’12