Congo Actualité n. 138

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: En dialogue pour une solution partagée de la crise de légitimité

1. L’ARRIVÉE D’EXPERTS AMÉRICAINS EN APPUI DE LA COMMISSION ELECTORALE

2. LA PRISE DE POSITION DE L’EGLISE CATHOLIQUE CONGOLAISE

3. LE REPORT DE LA PUBLICATION DES RESULTATS DES LEGISLATIVES

4. POUR RESOUDRE LA CRISE POST ELECTORALE

 

ÉDITORIAL: EN DIALOGUE POUR UNE SOLUTION PARTAGEE DE LA CRISE DE LEGITIMITE

 

1. L’ARRIVÉE D’EXPERTS AMÉRICAINS EN APPUI DE LA COMMISSION ELECTORALE

Une mission couplée sous le signe de la méfiance.

Depuis le 4 janvier, le groupe des experts internationaux appelés à rescousse de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) était déjà sur place. Il s’agit d’apporter l’expertise nécessaire à la CENI pour crédibiliser les élections législatives 2011. Et éventuellement, prendre toutes les dispositions qui s’imposent de manière à ce que le processus électoral se poursuive normalement jusqu’à son terme.

Ces experts internationaux sont venus en RDC sur la demande de la Communauté internationale, mais pas de la CENI. Aussi, ont-ils reçu mission de vérifier seulement si le travail de la Ceni est «en conformité avec les procédures électorales» relatives à la transparence et à la crédibilité des opérations de compilation. Ils constituent seulement un appui technique à la CENI. Il est question de l’examen du processus de tabulation des résultats des élections du 28 novembre. Ils sont à huit, dont deux sont de National Democratic Institute (NDI), les deux autres proviennent de la Fondation internationale pour les systèmes électoraux, IFES, et les quatre derniers du Forum des commissions électorales de la SADC. Parmi ces experts, il y a ceux qui travaillent depuis longtemps avec la CENI. Il s’agit, notamment du directeur de l’IFES.

Cette «mission couplée» CENI-experts internationaux se déroule sous le signe de la méfiance. En effet, la CENI souligne qu’elle n’est pas demanderesse d’une telle collaboration qui, au contraire, lui a été proposée par les Etats-Unis et l’Angleterre. Et qu’en plus, elle n’est «pas en panne de technicité». Il revient à dire que la CENI pourrait bien se passer de la présence des experts internationaux. Puisqu’ils sont là, ces experts n’auront qu’à relever des irrégularités, mais qu’il revient à la CENI, en toute indépendance, de prendre la décision qui lui conviendrait le mieux.

 

Les attentes du peuple.

L’arrivée des experts de la communauté internationale suscite beaucoup d’espoir d’abord au sein du peuple congolais qui espère voir la vérité des urnes établie, ensuite chez les candidats députés toutes tendances confondues qui ont crié à la fraude et à la tricherie et puis, dans une certaine mesure, chez les contestataires des résultats des élections présidentielles.

Ils sont là pour trois semaines. Déjà Etienne Tshisekedi n’espère rien de cette visite du moment que beaucoup de preuves dont les procès-verbaux ont été altérées, manipulées, voire disparues. Mais la question que beaucoup de gens se posent est celle de savoir à quoi il faudra s’attendre dans les jours qui viennent.

D’abord, la première question que les Congolais se posent: Viennent-ils pour les élections présidentielles ou pour les législatives, ou pour les deux, étant donné que les deux se sont déroulées au même moment, le même jour? L’opposition exige qu’ils revoient les deux puisque les deux élections se sont passées conjointement. En effet, pour une élection couplée qui s’est déroulée le même jour, au même instant par le même électeur, il doit y avoir le même nombre de votants, le même nombre d’inscrits, le même taux de participation, d’abstentions et, probablement, le même nombre de bulletins de vote perdus. La seule différence réside dans les personnes élues. Le camp Kabila, lui, ne veut pas en entendre parler. Ils disent que Kabila a déjà prêté serment, point final. Mais les Congolais tant de l’intérieur que de l’extérieur veulent voir ces experts se pencher sur toutes les élections du 28 novembre 2011 et d’y apporter toute la lumière.

 

Les révélations de Ngoy Mulunda.

Le président de la CENI, Ngoy Mulunda, a dévoilé qu’il a travaillé avec un expert de la communauté internationale, engagé spécialement pour l’aider dans la compilation. Il a travaillé dans tout le processus avec la MONUSCO: de l’élaboration du calendrier électoral jusqu’à la livraison des bulletins de vote dans les centres de vote répandus à travers le pays. Ce qui pousse Ngoy Mulunda à croire que tout ce qu’ils ont fait rencontre l’assentiment de cette même communauté dite internationale. Encore plus, selon ses déclarations, Ngoy Mulunda aurait fait appel, pour des raisons de transparence, à un expert de la communauté internationale pour l’aider dans les travaux de compilations des procès-verbaux. C’est donc lui qui, venu de New York, était chargé de la réception des procès-verbaux venant de tous les bureaux de vote et de l’assistance dans la compilation. Par cette révélation, Ngoy Mulunda veut se dédouaner aux yeux des Congolais. Donc sous-entendu, s’il y a eu fraudes ou manipulation des résultats, il faudrait se retourner à cet expert de la communauté internationale.

Des observateurs crédibles, comme le centre Carter et l’UE, ayant sorti des rapports qui jettent du discrédit sur les résultats, on se demande si les experts ne viennent pas pour confirmer ces mêmes résultats pour leur apporter un peu de crédibilité. Mais au cas où ils arrivent à constater, comme les autres observateurs, l’ampleur de toutes les tricheries massives avec l’intention malhonnête de remporter les élections, seront-ils capables de contredire le travail dans lequel l’un des leurs est impliqué?

 

Un départ précipité.

Le 13 janvier, selon des sources sûres, les experts américains en affaires électorales des organisations NDI et IFES ont arrêté leur mission et quitté la RDCongo. Ils étaient «restés bloqués» à Kinshasa, travaillant dans les bureaux de la CENI et ils n’ont pas été déployés dans les CLCR.

Ces experts se sont sentis pris au piège. Ils avaient le choix entre cautionner la CENI et « la passivité » de la Monusco, présente au sein du comité ad hoc de la CENI, ou confirmer la position des missions d’observations les plus critiques (MOE-UE, Carter. RENOSEC, etc .), sans avoir de preuves pour cela, faute d’avoir accès aux données qui ne sont « plus disponibles ». Ils ont décidé que dans ces conditions ils n’avaient « plus de raisons de rester ».

Ces experts devaient aider la CENI à crédibiliser le processus électoral à travers les résultats des législatives, notamment en ce qui concerne le comptage des voix et éventuellement procéder à l’identification des irrégularités, et au besoin, apporter des correctifs ou rectificatifs qui s’imposaient.

Les violons ne se sont pas accordés entre les parties congolaise et américaine au sujet des termes de référence en rapport avec le travail de compilation des résultats des élections législatives nationales qu’elles étaient censées réaliser ensemble. On laisse entendre que les partenaires de la CENI tenaient non seulement à jeter un coup d’œil dans le serveur, pour s’assurer de l’inexistence des programmes destinés à favoriser la fraude, mais aussi à vérifier l’état du fichier électoral, de la cartographie des bureaux de vote, des procès-verbaux de dépouillement des résultats, des urnes et des bulletins de vote, etc. Au fait, les experts américains cherchaient à obtenir des données physiques et techniques pouvant leur permettre d’émettre des avis autorisés sur le caractère transparent ou non des résultats des scrutins législatifs nationaux du 28 novembre.

Ils auraient refusé, indique-t-on, d’être traités comme de simples caisses d’enregistrement des chiffres pré-compilés par le personnel de la CENI et déjà rendus publics dans les médias ainsi que le site Internet de cette institution.

Selon certaines indiscrétions, les experts américains ont placé la barre très haut, dans leur quête de la vérité des urnes. En effet, il était matériellement et techniquement impossible à la CENI de mettre à leur disposition son serveur central, son fichier électoral, les procès-verbaux de dépouillement des scrutins, les bulletins de vote ainsi que les urnes, car la plupart de ces données qui auraient pu concourir à la contre-vérification des résultats avaient été soit perdues, soit détruites, soit encore complètement manipulées.

Le refus de mettre des éléments d’appréciation objective des résultats à la disposition des experts apparaît aux yeux des observateurs neutres comme un aveu en lettres majuscules des graves tripatouillages qui ont émaillé le double scrutin présidentiel et législatif, laissant ainsi la voie grandement ouverte a la contestation.

 

2. LA PRISE DE POSITION DE L’EGLISE CATHOLIQUE CONGOLAISE

Du 24 au 25 décembre, le Bureau national du Conseil de l’Apostolat des Laïcs Catholiques du Congo (CALCC) a organisé une session d’évaluation de la situation post électorale afin d’envisager des pistes d’action dans la crise qui se profile à l’horizon. Après avoir écouté le Secrétaire Général de l’UDPS, Me Shabani et un haut cadre du PPRD, Me Jean Mbuyu, les participants à la session ont fait le constat d’une impasse dans le discours de deux tendances. Pour l’UDPS, il n’y aura pas d’autre solution que la reconnaissance de la victoire de M. Etienne Tshisekedi par M. Joseph Kabila qui doit se démettre. Pour le PPRD, il n’existe pas de crise, Joseph Kabila a été élu régulièrement. Le PPRD reconnaît les irrégularités qui ne sont pas de nature à modifier l’ordre d’arrivée des candidats. Selon le CALCC, le dialogue pour une solution politique ne peut s’inscrire que dans le cadre des institutions, notamment après la publication des résultats des législatives.

Sur le plan interne, un chef de l’Etat mal élu aura du mal à mobiliser les forces vives de la Nation et les énergies du peuple. A coup sûr, il sera l’objet d’un incessant chantage qui lui volera le temps de se consacrer en toute quiétude aux affaires nationales. Le même constat vaut aussi pour les membres de l’Assemblé Nationale.

Face à ces dangers, le Bureau National du CALCC aurait souhaité que toutes les forces politiques et diplomatiques se concentrent à rechercher à rétablir la vérité des urnes. Que ce soit Kabila qui ait gagné, qu’il gagne honnêtement. Si c’est Tshisekedi, qu’il gagne honnêtement. Mais, est-il possible de retrouver, à ce jour, les bulletins de vote et les PV affichés le soir du scrutin? Sans ces documents, la vérité des urnes ne sera jamais connue. Que faire alors?

Pour garantir la paix et la cohésion nationale, le Bureau National du CALCC propose

1. l’organisation d’un second tour de l’élection présidentielle. Ce scrutin doit être fortement encadré par la Communauté internationale. Les bulletins de vote pour ce second tour doivent être imprimés ici à Kinshasa sous la surveillance d’un comité mixte.

2. la démission du Bureau de la CENI

3. l’annulation des résultats des élections législatives sur toute l’étendue de la République

4. l’organisation, au courant d’une même semaine, de nouvelles élections législatives, des provinciales, municipales et locales.

Ces propositions sortent du cadre constitutionnel. A situation exceptionnelle, il faut une solution exceptionnelle. S’il faut convoquer une session extraordinaire du Parlement sortant pour légaliser cette démarche, cela vaut la peine, puisqu’il s’agit de préserver la paix, la cohésion, l’unité et la souveraineté nationales.

Le 5 janvier, dans une déclaration au sujet des élections de novembre, l’Association des Supérieurs Majeurs/Kinshasa (ASUMA/Kin), l’Union des Supérieures Majeures/Kinshasa (USUMA/Kin) et le Conseil de l’Apostolat des Laïcs Catholiques du Congo/Kinshasa (CALCC/Kin)

Constatent:

– que les élections ont été entachées de fraudes massives et d’irrégularités graves;

– que les résultats proclamés par la CENI et confirmés par la Cour Suprême de Justice n’ont pas reflété la vérité des urnes;

– que nous sommes en présence d’un pouvoir illégitime et illégal.

Exigent:

– l’annulation pure et simple de ces élections;

– la démission du bureau de la CENI ;

Invitent:

– toute la population congolaise à s’organiser dans des actions non violentes de désobéissance civile pour le rétablissement de la légitimité et de la légalité du pouvoir en RDC ;

– toutes les forces de l’ordre, police et armée, à ne pas réprimer les manifestations pacifiques (art. 28 de la Constitution).

Demandent:

– aux Evêques de continuer à faire preuve de courage prophétique et de travailler dans l’unité ;

– à la Communauté internationale de ne pas reconnaître le pouvoir illégitime et illégal en RDC.

Le 7 janvier, à la paroisse Saint Joseph Matonge/Kinshasa, une messe a été célébrée pour implorer la bénédiction de Dieu sur les assises de l’Assemblée des Evêques prévue dès le 9 janvier.

Intitulée «Toute autorité vient de Dieu et non pas nécessairement son exercice», l’homélie a été lue par l’Abbé P. Bosangia Ile B., Directeur du Centre «Lindonge». Voici quelques extraits:

«Dans les conditions normales des choses, le pouvoir civil est très honorable et le respecter est un devoir civique.

A ceux qui refusent à l’Eglise de parler de la politique alors qu’ils l’applaudissent quand elle s’occupe du domaine de la santé ou de l’éducation, domaines non religieux à première vue comme la politique, nous demandons de toujours terminer la phrase de Jésus « Rendez à César ce qui est à César » en Mt 22, 21: « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu ». En effet, la suite de la phrase insinue que César lui-même et pas seulement le peuple sous son autorité, doit « rendre à Dieu ce qui est à Dieu ».

Il se pose ainsi ici, un double problème par rapport à l’autorité politique: celui de sa légitimité et de la pratique de la justice selon les exigences de Dieu.

De fait, s’il est vrai que «toute autorité vient de Dieu» (Rm 13, 1), il n’est pas moins vrai que tout exercice de l’autorité ne vient pas nécessairement de Dieu. Par conséquent, on ne peut obéir qu’à une autorité légitime et à des lois justes et non par exemple, à une prescription issue de la tricherie.

En effet, l’autorité ne s’exerce légitimement que si elle cherche le bien commun du groupe considéré et si, pour l’atteindre, elle emploie des moyens moralement licites. S’il arrive aux dirigeants d’édicter des lois injustes ou de prendre des mesures contraires à l’ordre moral, ces dispositions ne sauraient obliger les consciences. « En pareil cas, dit le catéchisme de l’Eglise catholique, l’autorité cesse d’être elle-même et dégénère en oppression » (n°1903).

La mission prophétique de l’Eglise, à la suite des prophètes et de Jésus lui-même, fait obligation à l’Eglise de rappeler à tous, y compris les gouvernants, l’exigence de la justice, de la paix et de la vérité à tous les niveaux.

Ainsi, tout exercice de l’autorité qui contrevient à la justice rend cette autorité illégitime aux yeux de Dieu, car elle n’est pas dès lors, conforme à la loi de Dieu. Et l’Eglise ne peut se taire en pareille circonstance. Au contraire, elle doit intervenir chaque fois que la dignité humaine est en jeu et rappeler que « César doit rendre à Dieu ce qui est à Dieu s’il veut qu’il soit rendu ce qui est à lui ».

Aujourd’hui, l’Eglise de Kinshasa et d’ailleurs en RD Congo, en commençant par son Pasteur le Cardinal Laurent Monsengwo, prêche la vérité, condamne toute tricherie et tout mensonge, se souvenant de cet enseignement du Cardinal Malula d’heureuse mémoire qui disait: « je préfère être crucifié pour la vérité que de crucifier la vérité »».

À la fin de la messe, on a divulgué un «programme de formation à la non violence dans le cadre des actions des chrétiens en vue du rétablissement de la légitimité et de la légalité».

Le 12 janvier, à l’issue d’une Assemblée plénière extraordinaire qui s’est tenue à Kinshasa du 09 au 11 janvier, les Évêques membres de la CENCO ont publié un message intitulé «Le peuple congolais a faim et soif de justice et de paix – Le courage de la vérité». Voici quelques extraits:

«Dans l’Appel du 3 décembre 2011, la CENCO, tout en rappelant qu’elle n’avait pas pour objectif de publier des résultats que, par ailleurs, sa mission d’observation électorale n’a pas, invitait le peuple congolais, les acteurs politiques et la CENI à s’en tenir impérativement à la vérité des urnes. Dans la Mise au point de son Secrétariat général, le 8 décembre 2011, la CENCO a relevé des éléments positifs du processus électoral mais aussi elle a épinglé des irrégularités et des faiblesses inquiétantes, dont des cas de tricheries avérées et vraisemblablement planifiées. C’est dans cette même logique que, le 12 décembre 2011, s’inscrivait la Déclaration du Cardinal Archevêque de Kinshasa qui, au vu de ces irrégularités et faiblesses, a dénoncé la non conformité à la vérité et à la justice des résultats provisoires publiés par la CENI.

Eu égard à ce qui précède, nous estimons que le processus électoral a été entaché de graves irrégularités qui remettent en question la crédibilité des résultats publiés. Nous demandons aux organisateurs d’avoir le courage et l’honnêteté de tirer les conséquences qui s’imposent. Car, reconnaître ses erreurs est une preuve de grandeur. Mais si l’on prend le risque de continuer à gouverner le pays par défi, les tensions intérieures plus ou moins maîtrisées à court terme culmineraient, tôt ou tard, dans une crise grave et difficile à dénouer. Il est donc indiqué que dans une démarche inclusive, l’on privilégie la voie du dialogue pour l’intérêt supérieur de la nation congolaise. C’est l’heure du courage de la vérité.

A cet effet, nous ne nous lasserons pas de dénoncer tout ce qui met en péril l’édification d’un Etat démocratique. L’on ne construit pas un Etat de droit dans une culture de tricherie, de mensonge et de terreur, de militarisation et d’atteinte flagrante à la liberté d’expression. Si la démocratie est un pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple, l’on doit respecter ce peuple. Dans le contexte actuel, le peuple meurtri et frustré, assiste impuissant à un processus qui ne reflète toujours pas sa volonté et qui s’apparente par endroits à un arrangement entre certains acteurs politiques.

Le processus électoral devrait permettre la consolidation de la culture démocratique et la pacification du pays. Nous voulons la paix. Mais, celle-ci a des exigences auxquelles l’on ne saurait déroger, notamment la vérité, la justice et le respect du peuple.

Nous invitons nos fidèles catholiques et le peuple congolais dans son ensemble à la non-violence car la violence appelle la violence. Elle engendre la destruction et la misère. En ce sens, nous demandons à nos compatriotes vivant à l’étranger, avec qui nous partageons le souci pour un Congo nouveau, et dont nous reconnaissons les sacrifices qu’ils endurent pour venir en aide à ceux qui sont au pays, de ne pas recourir à la violence et de trouver les voies pacifiques pour apporter leur contribution à la construction d’un Congo réellement démocratique.

Nous recommandons :

– Au Peuple congolais tout entier, de ne céder ni au pessimisme, ni au désespoir, ni à la violence, ni au tribalisme, ni à la xénophobie mais, de s’unir autour des valeurs chrétiennes et démocratiques de justice et de vérité, de croître dans la conscience de son unité nationale et de son pouvoir de souverain primaire afin de l’exercer en toute vigilance et dans la légalité ;

– Aux Acteurs politiques, de faire preuve de maturité politique, d’avoir la capacité de s’organiser pour assumer pleinement leur responsabilité; d’élever le débat politique en mettant fin à des injures et des mensonges et en se souciant de l’éducation civique de la population et de son bien-être;

– A l’Equipe actuelle de la CENI, d’avoir le courage de se remettre en question, de corriger impérativement les graves erreurs fustigées qui ont entamé la confiance de la population en cette institution, sinon de démissionner ;

– Au Parlement, de revoir de toute urgence la composition de la CENI qui ne jouit plus de la confiance de la population et d’y intégrer la représentation de la Société civile pour plus d’indépendance; en outre, de se réaliser que le peuple n’admettra aucune tentative de modifier les articles verrouillés de la Constitution ;

– Au Gouvernement, de tirer des leçons de cette débâcle électorale, de prévoir les moyens pour les élections à venir et de les libérer à temps pour un meilleur déroulement ; d’arrêter de puiser dans le trésor public pour des intérêts personnels et de prendre conscience que le peuple veut le changement;

– A la Police nationale et aux Forces armées, de faire preuve de professionnalisme, de protéger la population et surtout de ne pas obéir aux ordres injustes;

– A la Cour Suprême de Justice, de dire le droit en conscience et en toute indépendance dans le traitement des contentieux électoraux. Car, il en va de la crédibilité du Pouvoir judiciaire dans notre pays ;

– A la Communauté internationale, de privilégier l’intérêt du peuple congolais, de ne pas être complaisante, d’appuyer le peuple congolais dans sa recherche de la justice et de la paix et de le respecter dans son auto-détermination».

 

3. LE REPORT DE LA PUBLICATION DES RESULTATS DES LEGISLATIVES

Le 12 janvier, la Ceni a annoncé que la publication de tous les résultats provisoires des élections législatives, initialement prévue le 13 janvier, est reportée au 26 janvier. Les résultats des circonscriptions des provinces seront donnés à partir du 18 janvier et complétés avec les quatre circonscriptions de la capitale Kinshasa le 26 janvier, précise un communiqué de la Céni.

Dans le souci de garantir la transparence et la crédibilité des opérations de compilation, la Commission indique que les membres de son bureau sont en mission dans les provinces en vue de procéder à la vérification et, le cas échéant, au recomptage des résultats dans des circonscriptions où des cas de contestation et de réclamation lui sont parvenus. La Céni justifie le report du 13 au 26 janvier par la suspension pendant deux semaines en décembre des opérations de compilation. La Céni avait déjà donné les résultats provisoires de 107 des 169 circonscriptions.

Les évêques catholiques congolais avaient demandé à la Céni de corriger impérativement les graves erreurs relevées lors des scrutins présidentiel et législatifs du 28 novembre 2011 ou de démissionner, jugeant inacceptable le processus en cours de compilation des résultats des législatives. Ils avaient déclaré que le processus électoral a été entaché de graves irrégularités qui remettent en question la crédibilité des résultats publiés pour la présidentielle, sans dire si elles changeaient l’ordre d’arrivée des candidats, ni demander l’annulation du scrutin.

 

4. POUR RESOUDRE LA CRISE POST ELECTORALE

Le 5 janvier, l’UDPS de Etienne Tshisekedi a réclamé un recomptage des voix de l’élection présidentielle du 28 novembre qui a donné la victoire – contestée – au président sortant Joseph Kabila, voire l’organisation d’un second tour entre ces deux candidats.

Un recomptage montrera que les chiffres qui donnent la victoire à Joseph Kabila sont faux, a affirmé le secrétaire national aux relations extérieures de l’UDPS – et fils du vieil opposant -, Félix Tshisekedi, au cours d’une conférence de presse à Bruxelles, en dénonçant les fraudes pratiquées par le pouvoir pour faire gagner le président sortant.

Il a toutefois admis qu’un recomptage « total » des voix pour les deux scrutins (présidentiel et législatif du 28 novembre) sera « difficile » en raison du désordre qui a été constaté dans les centres locaux de compilation des résultats.

Félix Tshisekedi, qui s’est aussi présenté comme candidat député au scrutin législatif, a pour cela réclamé, à titre personnel, l’organisation d’un second tour, en dépit du changement de la Constitution intervenu en janvier 2010 et qui a réduit le scrutin présidentiel à un tour unique.

« Nous demandons un deuxième tour sous le contrôle de la communauté internationale », a-t-il dit « à titre personnel », tout en reconnaissant les problèmes constitutionnels et pratiques que poserait l’organisation d’un tel nouveau scrutin.

Félix Tshisekedi a évoqué, parmi les nombreuses irrégularités commises selon lui lors des scrutins « l’existence de bureaux de vote fictifs » – « c’est de là que sont venus les trois millions de voix de Kabila qui font la différence », a-t-il dit -, la soustraction de voix allant au candidat Tshisekedi pratiquée par la Céni pour les attribuer à son rival et le bourrage des urnes.

Le 8 janvier, l’ONGDH «La Voix des Sans Voix» pour les droits de l’Homme (VSV) a tenu un point de presse dans la salle de conférence de la paroisse Notre-Dame de Fatima pour présenter son Rapport final sur l’observation des élections présidentielle et législatives du 28 novembre.

La VSV affirme que les irrégularités dénoncées dans son rapport ne sont pas dues à une quelconque inexpérience de l’administration électorale congolaise, comme tentent de le faire croire certains acteurs et actrices politiques de la République démocratique du Congo, mais sont le fruit d’une longue et minutieuse préparation en amont et en aval de tripatouillage électorale pour le besoin de la cause.

«Il y a une crise réelle de légitimité de pouvoir en RDC à cause des irrégularités flagrantes constatées dans la tenue des élections du 28 novembre dernier», affirme Rostin Manketa, directeur exécutif adjoint de l’Ong.

Pour la VSV, le dialogue entre l’opposition politique et le pouvoir en place en général, et particulièrement entre MM. Etienne Tshisekedi et Joseph Kabila s’avère nécessaire pour une gestion consensuelle de la chose publique. Et ce, avant l’organisation des élections crédibles sous la supervision de nouveaux animateurs impartiaux de la CENI et la certification des résultats par la communauté internationale, devant déboucher effectivement sur le respect de la vérité des urnes sans contestations dues aux graves et flagrantes irrégularités.

La déclaration de la Voix des sans voix (VSV) appelant Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi à dialoguer «pour une gestion consensuelle de la chose publique avant l’organisation des élections crédibles» est diversement appréciée dans la classe politique congolaise. A l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d’Etienne Tshisekedi, on indique que la recherche de la vérité des urnes est nécessaire avant d’envisager tout dialogue. Pour la Majorité présidentielle (MP), «le choix du peuple confirmé par la Cour suprême de justice» doit être respecté.

Albert Moleka, directeur de cabinet et porte-parole d’Etienne Tshisekedi, a déclaré que la proposition de la VSV a le mérite de chercher une solution à la crise que connaît actuellement le pays. Mais il a précisé: «Cette solution prend pour postulat que tout le monde a le souci de rechercher la vérité par respect du peuple congolais. Donc, c’est ce postulat là qu’il faut d’abord voir réaliser avant de penser à un dialogue. Sans ce postulat, il est difficile d’établir un dialogue».

A l’heure actuelle, a-t-il ajouté, «un dialogue n’est pas à l’ordre du jour».

Reprochant à l’initiative de la VSV une approche politicienne, le secrétaire général de la MP, Aubin Minaku, a indiqué, pour sa part, qu’il faut respecter «le choix du peuple congolais et le schéma républicain». Reconnaissant qu’il y a eu des difficultés dans l’organisation des élections, il a affirmé que «la vérité émanant du peuple c’est que quelles que soient les imperfections, il y a un candidat qui est sorti du lot au niveau de la présidentielle et c’est Joseph Kabila. Il a été élu par le peuple congolais. Il a été confirmé par la Cour suprême de justice et il a été investi».

Ce qui reste, a conclu le secrétaire général de la MP, «c’est de donner des conseils au candidat Joseph Kabila pour qu’il mette en place un gouvernement qui comprenne tous les fils de la République qui ont une vocation de patriote».

Le 9 janvier, un groupe de neuf sénateurs a publié une déclaration sur le processus électoral. Il rappellent d’abord que, au cours des années 2010 et 2011, ils avaient *plaidé pour l’institution de deux organes au sein de la CENI, à savoir: une plénière et un bureau, ainsi que pour l’intégration en son sein de la société civile, afin de garantir l’indépendance et la transparence; *dénoncé et boycotté le Congrès convoqué pour modifier la Constitution, en vue de l’instauration du scrutin présidentiel à tour unique, faisant ainsi reculer la démocratie dans le pays; *condamné l’instauration progressive d’un parti unique sur le territoire national par l’enrôlement obligatoire de tout le personnel de l’Etat et des entreprises publiques dans le parti présidentiel; *exigé l’audit du fichier électoral et la révision du calendrier, afin de garantir la transparence et l’apaisement du processus.

Malgré les réticences, conseils et recommandations, la CENI, totalement soutenue par le gouvernement, a organisé quand même le scrutin le 28 novembre 2011. Qu’a-t-on constaté avant, pendant et après le scrutin?

En période de campagne électorale, la CENI a violé plus d’une fois et intentionnellement la loi électorale du 25 juin 2011. Il y a lieu de signaler notamment : a ) le traitement complaisant des dossiers de candidature; b) la publication hors délai des listes des candidats; c) l’utilisation abusive des ressources humaines, matérielles et financières de l’Etat à des fins de propagande par les candidats du pouvoir: Président sortant, ministres, gouverneurs de province, mandataires publics; d) l’apposition des affiches sur les édifices publics; e) l’affichage des listes électorales la veille du scrutin contrairement au délai légal de 30 jours; f) la monopolisation des médias publics, particulièrement la RTNC, par le Président de la République et les candidats des partis affiliés au pouvoir; g) le refus de donner accès au fichier électoral tant aux partis de l’opposition qu’à la société civile.

Le 28 novembre 2011, le scrutin fut émaillé de graves irrégularités et de plusieurs incidents remettant en cause la validité des résultats et le classement des candidats tant à l’élection présidentielle qu’aux législatives tels que rendus publics par la CENI. Entre autre, on peut rappeler les faits suivants: a) la présence des groupes armés nationaux et étrangers qui ont influencé le vote en faveur du président sortant, en particulier dans les provinces de l’Est; b)la localisation et la délocalisation, le jour du scrutin, des centres et bureaux de vote, sans tenir compte de la distance à parcourir par les électeurs; c) le marchandage des bulletins de vote et le bourrage des urnes soit par les autorités politiques et administratives soit par les candidats avec la complicité des agents de la CENI; d) le nombre scandaleusement élevé des dérogations (plus d’un millions); e) l’existence dans tous les bureaux des bulletins de vote pré-cochés; f) le détournement des électeurs analphabètes par les membres des bureaux de vote ou les témoins des partis membres de la majorité présidentielle; g) la mise à sac de certains bureaux de vote par la garde présidentielle.

Après le scrutin du 28 novembre 2011, le vote s’est poursuivi contre toute attente dans plusieurs circonscriptions électorales. Entretemps, on a assisté: a) à l’arrivage de cargaisons de bulletins de vote, particulièrement dans la Province du Katanga; b) à la suspension, par le gouvernement, de l’émission et de la réception des SMS; c) au déploiement des forces armées et des matériels de guerre, afin d’intimider la population et d’étouffer dans l’œuf toute manifestation; d) à l’absence des témoins ainsi que des observateurs nationaux et étrangers à toutes les opérations de compilation sur ordre du Bureau de la CENI; e) à l’ordre intimé aux présidents des bureaux de vote de se référer au Bureau de la CENI avant tout affichage des résultats; f) à la disparition de nombreux colis contenant des résultats de vote.

L’organisation précipitée des élections du 28 novembre 2011 ne pouvait déboucher que sur des résultats contestables. Diverses organisations de la société civile nationales et internationales ont en effet mis en cause leur fiabilité. La CENI s’est rendue coupable de manipulation éhontée qui fait d’elle une institution partiale, corrompue et d’appui à un système oligarchique. De même, la Cour suprême de justice qui a avalisé les résultats frauduleux a démontré son inféodation au pouvoir exécutif.

La CENI et la Cour suprême de justice ont perdu la confiance du peuple. Le Président de la République, maintenu au pouvoir par la fraude, est incapable de gouverner sans recourir à la violence.

Enfin, les neuf sénateurs déclarent ne pas reconnaître les résultats des scrutins du 28 novembre 2011. En conséquence, ils exigent: 1. la démission immédiate du Bureau de la CENI; 2. l’invalidation des scrutins présidentiel et législatif; 3. la convocation toutes affaires cessantes de la classe politique, en vue d’instaurer un dialogue nécessaire devant aboutir à l’établissement d’une feuille de route pour la sortie rapide de la crise.

Le 15 janvier, la Mission nationale d’observation électorale a rendu public, au Grand Hôtel Kinshasa lors d’un point de presse, son rapport à mi-parcours de l’observation des élections du 28 novembre.

Selon la mission nationale d’observation, les opérations de compilation des résultats des élections législatives ont été entachées d’irrégularités qui posent la question de la « légitimité des résultats ».

Le rapport fait état des problèmes liés à la gestion des procès-verbaux de dépouillement: ceux non remis aux témoins des partis politiques et des candidats, ceux non signés par les présidents des bureaux de vote et de dépouillement et ceux partiellement ou mal remplis. Le rapport fait allusion au transfert non sécurisé des plis, à l’obstruction au travail des observateurs et des témoins, à la perte des colis ou des documents essentiels, aux écarts de données d’un document à l’autre, à la compilation sans cesse interrompue, opaque et incomplète, à la falsification des résultats et fraude électorale dans certains Centres locaux de compilation (CLCR), etc.

Sur le site de la BBC, Léonie Kandolo, responsable de la mission, explique qu’au « regard des irrégularités constatées, l’éloignement des observateurs et des témoins des opérations de compilation des résultats des élections législatives procède d’une volonté délibérée de fraude et de tricherie ». Elle explique également que la mission « a du renoncer à publier les résultats de façon indépendante », « ce qui la pousse à remettre en cause l’ensemble du processus ».

La mission exige l’annulation des législatives et recommande un dialogue politique pour résoudre la crise de légitimité des résultats des scrutins présidentiel et législatif.

Tirant les leçons des élections du 28 novembre 2011 en vue d’améliorer les processus électoraux à venir, le rapport souligne que les élections ne s’improvisent pas. Tout processus électoral se doit de se fonder sur une large concertation politique et un minimum de consensus. Bien qu’étant un signe d’ouverture et de large participation politique, la multiplicité des candidats n’est pas à l’avantage ni de la démocratie ni de l’organisation logistique du scrutin. Toujours selon le rapport, la professionnalisation des élections concerne aussi bien la CENI que les partis politiques.

A signaler que la Mission est composée de quatre réseaux d’observation dont le Réseau national pour l’observation et la surveillance des élections au Congo (RENOSEC), le Réseau d’observation des confessions religieuses (ROC), le Cadre permanent de concertation de la femme congolaise (CAFCO) et le Conseil national de la jeunesse (CNJ).

Le 17 janvier, c’est dans une déclaration politique lue au restaurant de l’Hôtel KABE de Kinshasa, devant la presse, que Léon Kengo, Antipas Mbusa et Adam Bombole, trois candidats de l’opposition à la présidentielle du 28 novembre dernier, ont réagi au message de la CENCO aux fidèles catholiques. Ces trois candidats félicitent vivement les Evêques

a) pour avoir dénoncé le climat chaotique dans lequel se sont déroulées les élections, les défaillances et tricheries avérées et vraisemblablement planifiées, le climat de terreur entretenu et exploité à dessein pour bourrer les urnes et la conduite actuelle de la compilation des résultats des élections législatives, de manière inacceptable et honteuse pour le pays .

b) pour avoir rappelé le chemin incontournable du dialogue qui seul permet à la classe politique en général et aux organisateurs du processus électoral en particulier, notamment: d’avoir le courage et l’honnêteté de reconnaître leurs erreurs. Cela aiderait la Nation à tirer les conséquences qui s’imposent, au regard des graves irrégularités qui ont remis en question la crédibilité des résultats électoraux publiés, ouvrant ainsi une brèche à une crise de légitimité. Selon les trois candidats, les Evêques invitent aussi à ne pas vouloir gouverner le pays par défi mais dans une démarche inclusive privilégiant l’intérêt supérieur de la nation congolaise.

Face à cet appel pressant au dialogue lancé par les évêques, Léon Kengo, Antipas Mbusa et Adam Bombole proposent la convocation, par le Chef de l’Etat, Joseph Kabila, d’une Table Ronde Nationale, avant la publication définitive des résultats des élections législatives, pour discuter de la problématique de la validation ou de l’invalidation des élections, d’un nouveau calendrier électoral et de la réorganisation de la CENI.

Parmi les participants, les trois leaders politiques proposent le Président de la République et son délégué, les membres des bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, le Premier Ministre, les membres du Bureau de la CENI, les 11 candidats à la présidentielle du 28 novembre, les délégués des plates-formes politiques, les délégués des confessions religieuses, des corporations professionnelles et des organisations non gouvernementales et les représentants de la communauté internationale, notamment: MONUSCO, UA, UE, SADC, CEPGL, CEEAC, COMESA.