Congo Actualité n° 126

ÉDITORIAL
POLITIQUE: – Processus électoral – Ministère de la Justice
KIVU – Encore une fois, la question de l’insécurité – Les militaires du CNDP: une armée dans l’armée – Des négociations en cours avec les FDLR
Butembo: ville de la résistance
TROIS TÉMOINAGES – Les parlementaires du Quartier FURU/Butembo: un exemple de «démocratie participative» – Le docteur Denis Mukwege face aux violences faites aux femmes
– Bukavu: Je fais un rêve…

ÉDITORIAL:

Nombreux sont les problèmes de la République Démocratique du Congo (RDCongo). La préparation des prochaines élections présidentielles et législatives apparaît très incertaine: l’enrôlement des électeurs avance très lentement et avec beaucoup d’irrégularités, les partis de l’opposition ne parviennent pas à s’accorder sur un candidat unique qui pourrait être une alternative crédible au président sortant. L’insécurité ne cesse pas d’augmenter, surtout à l’Est du Pays: les groupes armés et même des soldats de l’armée nationale continuent à tuer et piller une population aujourd’hui à l’extrême de ses forces. Cette violence, il a été dit à plusieurs reprises, est liée au contrôle de l’exploitation minière du coltan, de la cassitérite et de l’or. D’autres fois, elle est liée à une immigration clandestine et illégale qui, provenant surtout du Rwanda et facilitée par les troupes du CNDP intégrées dans l’armée, apparaît comme une véritable occupation rwandaise du territoire congolais. D’autres fois, il s’agit d’actes de banditisme commis par des soldats pas payés et livrés à eux-mêmes.

Mais il y a aussi des signes d’espoir.

À Butembo (Nord Kivu), la population s’est organisée par groupes de quartier, conçus comme des «lieux de rencontre pour le dialogue et l’échange», en vue de résoudre leurs nombreux problèmes de chaque jour et d’assurer la sécurité de leurs quartiers. Cette initiative, qui a commencé à partir de la base, montre une grande volonté de participation à la vie sociale et politique du territoire.

À Bukavu (Sud Kivu), à l’hôpital de Panzi, le Dr. Denis Mukwege soigne les femmes violées et ne cesse pas de condamner avec véhémence les causes de ces horribles violences sexuelles.

Toujours à Bukavu, les jeunes composent des hymnes pour exprimer leur attachement à la vie, à leur peuple et à leur pays, pour manifester leurs rêves de paix, de liberté, de justice et de fraternité et pour communiquer leur espoir dans un avenir meilleur.

À Kinshasa, le ministre de la Justice a présenté au Parlement deux projets de loi: l’un sur la création de chambres spécialisées au sein du système judiciaire congolais, chargées d’ouvrir des enquêtes et des poursuites pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide commis sur le territoire congolais et un deuxième sur la protection des défenseurs des droits humains. Si on est arrivé à cela, c’est parce que des dizaines d’ONG et des milliers de citoyens l’ont demandé avec insistance.

À propos de l’exploitation illégale des ressources minérales de la RDCongo, on fait actuellement pression sur les multinationales, afin qu’elles évitent d’importer des minerais qui peuvent financer des groupes armés et des conflits. Suite à cela, l’on commence à prendre des mesures concrètes, telles que la certification d’origine des minéraux, la démilitarisation des sites miniers, la publication des transactions financières et la lutte contre l’impunité.

Il s’agit de petits signes qui révèlent que le peuple congolais est en train de prendre conscience de lui-même et de sa dignité et qu’il veut construire un avenir meilleur. Cependant, le changement sera possible dans la mesure où les forces vives de la société vont unir leurs efforts, ce qui leur permettra d’isoler et de mettre hors d’état de nuire les forces négatives de la société: les mandataires, les auteurs et les complices des crimes, les corrompus, les conspirateurs et les profiteurs, quoi qu’ils soient: des personnalités politiques, des gouvernants, des militaires, des juges, des dirigeants ou des administrateurs de sociétés. En effet, la solidarité entre opprimés est plus forte que la complicité entre oppresseurs.

POLITIQUE

Processus électoral

Le 11 mai, le député national Jean Bamanisa, élu de la Province Orientale, a révélé que des échanges entre une ONG internationale et l’opposition ont permis de conclure la semaine dernière que la tenue des élections soit retardée d’une transition de deux ans, puisque tout n’est pas fin prêt.

L’élu de la Province Orientale reconnaît que le calendrier est serré et qu’il y a des glissements sans nul doute, car il y a de grosses difficultés sur l’opération d’enrôlement et sur le financement du processus, en vue de respecter la date du 06 décembre pour la publication des résultats. Il déclare personnellement être pour des élections dans un climat apaisé, car l’essentiel est d’y aller non pas dans la précipitation, mais plutôt dans un environnement politique calme et paisible, afin que le chef d’Etat qui sera élu, ne soit contesté. Il note que les acteurs de l’assemblée nationale devraient déjà être interpellés au sujet des textes constitutionnels devant régir une éventuelle “transition”.

Le 12 mai, en réaction à la recommandation de l’ONG  » International crisis group » (ICG) de produire un calendrier électoral consensuel et alternatif pour élaguer l’écueil d’inconstitutionnalité du pouvoir au-delà du 6 décembre 2011, le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication et des médias, Lambert Mende Omalanga, a déclaré au cours d’un point de presse que le gouvernement n’entend pas remettre en cause le calendrier électoral publié le 30 avril dernier par la Ceni. Dans l’entendement du Gouvernement, a dit le ministre, la proposition de ICG serait une sorte d’éternel recommencement du processus de démocratisation de la RDC à travers la négociation. «Une nouvelle modification du calendrier électorale n’est envisageable qu’à la seule initiative de la CENI et dans l’ hypothèse imprévisible d’un cas de force majeure», a encore dit M. Mende. Dans cette optique, a-t-il souligné, il sera fait application des dispositions des articles de la Constitution qui prévoient que le président de la République, les députés et les sénateurs restent en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu, de la nouvelle Assemblée nationale et du nouveau Sénat.

Le ministre Mende s’est dit heureux de constater que plusieurs partie de l’Opposition qui se sont exprimés sur cette question ont, au-delà de quelques critiques sur le calendrier électoral, pris acte des échéances établies et réaffirmé leur décision irrévocable de participer à ces échéances.

En effet, soit au pouvoir comme dans l’opposition, une unanimité s’est clairement dessinée en faveur de la tenue des élections, selon les termes fixés par la CENI.

Le 21 mai, lors d’une conférence de presse conjointe tenue à Kinshasa, deux organisations de la société civile, le G 1000 et l’Association africaine des droits de l’homme (Ashado), ont demandé le report de l’élection présidentielle prévue en novembre 2011 et appelé en même temps à des concertations politiques en vue de préciser un nouveau cadre en faveur des élections libres, crédibles, inclusives, transparentes et apaisées. Ces deux organisations se sont rendues compte que le processus préélectoral est encore long et qu’il y a encore beaucoup d’actions à poser. Logiquement, il est impossible, d’après elles, de les boucler avant le jour du vote. «Nous estimons que le calendrier pour organiser les élections n’est pas réaliste. Il ne faut pas faire semblant», a expliqué Serge Gontcho, président de G 1000. Quant au délai du report des élections, les deux ONG ont émis des point de vue divergents: le G 1000 a proposé 18 à 24 mois alors que l’Asadho a parlé de tout au plus une année.

Le 25 mai, l’Assemblée Nationale a adopté la nouvelle loi électorale avec 363 «oui» contre 2 «abstentions» sur 365 votants. Concernant les deux articles qui posaient problème, 115 et 118 relatifs respectivement à l’érection des communes de Kinshasa en circonscriptions électorales et au mode de scrutin pour la députation, la plénière a rejeté les dispositions telles qu’elles étaient proposées par le gouvernement. Donc, comme en 2006, la nouvelle loi électorale maintient les quatre circonscriptions de la capitale, qui correspondant aux quatre districts que compte Kinshasa dans son découpage territorial. De même, la disposition de l’article 118 qui proposait la proportionnelle avec un seuil de 10% dans le mode du scrutin, a été également rejetée par la majorité des députés nationaux. Comme en 2006, c’est la proportionnelle des listes ouvertes, au plus fort reste, qui sera en vigueur lors des législatives prochaines. Le projet adopté de révision de la loi électorale a été, dès lors, transmis à la Chambre Haute du Parlement.

Le 13 juin, le Sénat aussi a adopté la nouvelle loi électorale. Sur 81 sénateurs, 76 ont répondu oui, personne n’a voté non, 5 ont voté abstention. Comme leurs collègues de la chambre basse du parlement, ils ont reconduit le mode de scrutin proportionnel, déjà appliqué lors des élections de 2006. Comme lors des dernières législatives, il n’y aura pas de seuil de 10% de voix pour être élu dans sa circonscription comme le prévoyait le projet de loi électorale proposé par le gouvernement. Et comme en 2006, la loi électorale révisée maintient également les quatre circonscriptions à Kinshasa, qui correspondent aux quatre districts que compte la capitale. Le gouvernement avait pour sa part proposé l’érection des 24 communes de la ville-province de Kinshasa en autant de circonscriptions électorales.

Quant à la révision du fichier électoral, selon le bureau de la CENI, au 2 juin s’étaient déjà enrôlés 22 736 506 électeurs. Selon les statistiques fournies le 8 juin à la presse par la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (MONUSCO), au 6 juin, 23.256.811 électeurs s’étaient déjà enrôlés. Après la fin des opérations d’enrôlement des électeurs, la Ceni devra vérifier toutes les données et éliminer du fichier tous les cas irréguliers: les éventuels doublons, les mineurs et les cas de nationalité non congolaise. Dans le tableau suivant, les statistiques fournies:

CENI au 2 juin MONUSCO au 6 juin

Province Electeurs attendus Electeurs enrôlés % Electeurs enrôlés

Kinshasa 3 573 399 1 334 000 37 1.480.351

Bas-Congo 1 485 850 1 502 939 101 1.502.939

Bandundu 3 555 702 2 262 264 64 2.318.446

Equateur 3 584 982 2 601 720 73 2.667.328

Prov. Orientale 3 927 123 2 584 671 66 2.636.042

Nord Kivu 2 968.297 1 956 477 66 2.031.214

Sud Kivu 2 009 336 1 343 931 67 1.378.106

Maniema 759 427 874 009 115 874.809

Katanga 4 241 326 3 948 363 93 3.978.919

Kasaï Oriental 2 437 108 2 437 108 100 2.060.232

Kasaï Occidental 2 457 453 2 292 491 93 2.328.425

Total 31 000 003 22 736 506 73 23.256.811

Dans une « brève » de son édition n°2631 datée du 12-18.06.2011, se fondant sur un « document de travail » interne à la Ceni, daté de la fin mai et intitulé « Chronogramme élections présidentielle et législatives 2011 », l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » annonce que la Ceni aurait programmé une nouvelle date pour les deux scrutins des élections présidentielles et législatives: le 24 décembre.

« Cette date, commente ce journal, risque de susciter la polémique ». Au motif que « le 30 avril, déjà, à l’annonce que la prestation de serment aurait lieu après le 6 décembre, plusieurs opposants avaient dénoncé un « vide constitutionnel ». Dans le même numéro de « J.A », on apprend qu’Etienne Tshisekedi wa Mulumba, président de l’UDPS et candidat déclaré à l’élection présidentielle, a évoqué avec ses interlocuteurs à Londres et Paris l’hypothèse du report des élections. « Si les élections de novembre prochain sont reportées, écrit Jeune Afrique, Tshisekedi réclame une période de transition négociée entre l’opposition et le pouvoir congolais.

Ministère de Justice

Le 13 juin, le ministre de la Justice et des droits humains, Luzolo Bambi Lesa, a présenté deux projets de loi à l’Assemblée nationale. Le premier porte sur la création des chambres spécialisées au sein des juridictions congolaises. Le but: sanctionner les plus graves violations des droits de l’homme. Le second porte sur la protection des défenseurs des droits de l’homme.

Selon Luzolo Bambi, le premier projet vise à lutter contre l’impunité des crimes internationaux graves commis en République démocratique du Congo (RDC). La création de ces chambres avait été évoquée lors de la publication, début octobre 2010, du rapport Mappingde l’Onu sur les plus graves violations des droits de l’homme commises en RDC entre 1993 et 2003.

Le rapport du Haut commissaire de l’Onu aux droits de l’homme, Navi Pilay recommandait notamment la création des chambres mixtes composées de juges congolais et étrangers pour juger tous les crimes commis dans la période concernée dans le rapport. Le projet de loi déposé à l’Assemblée prévoit la présence temporaire des magistrats internationaux pour accompagner la réforme de la justice au Congo et agir comme conseillers auprès de ces chambres spécialisées.

Le rapport Mapping accusait des officiers et des personnalités de l’armée congolaise et de sept pays impliqués dans les conflits armés en RDC.

Concernant le projet de loi sur la protection des défenseurs des droits de l’homme, Luzolo Bambi a déclaré: «Etant donné les dégâts causés par ceux qui détournent les deniers publics, ceux qui sont dans la corruption et qui nous soumettent tous dans la misère, je crois que cette loi est nécessaire. Les défenseurs des droits de l’homme dénoncent ceux qui pratiquent la corruption. Ils doivent être protégé par un système judiciaire légal».

L’Association africaine des droits de l’homme (Asadho) s’est réjouit des ces deux projets de loi. Mais elle s’est dit inquiète de certaines des leurs dispositions. Le vice-président de l’Asadho, Georges Kapiamba, a affirmé que l’article 16 du projet de loi sur la création des chambres spécialisées au sein des juridictions congolaises tend à soustraire les responsables de l’armée et de la police de la compétence de la cour spécialisée mixte. Le débat général sur les deux projets de loi devrait intervenir mercredi 15 juin.

KIVU

Encore une fois, la question de l’insécurité

Récurrence d’activités des éléments issus des rangs des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda, multiples exactions des militaires intégrés dans les Forces Armées de la RDC… La partie orientale de la République Démocratique du Congo est encore en ébullition, malgré tous les moyens déployés aussi bien par le gouvernement que par la communauté internationale, pour venir à bout de ces forces invisibles, dites «incontrôlées».

Depuis le lancement en fanfare des opérations de neutralisation des FDLR, avec le concours – tant décrié – des troupes de l’armée rwandaise, l’on pensait que les FDLR n’étaient plus une menace pour la région. Bien au contraire. Les FDLR ont réussi à accroître leur capacité de nuisance. Dans tous les cas, plus fortes qu’elles ne l’étaient avant. Tout se passe comme si les opérations aux dénominations aussi diversifiées que prémonitoires (Kimia, Umoja, Amani) n’ont eu pour seul avantage que d’aider les FDLR à se replier aux fins de se reconstituer.

L’autre menace qui persiste à l’Est de la RDC est le fait des ratés des opérations – dans un premier temps, de brassage et intégration, puis de mixage – mises en œuvre, avec l’assistance de la communauté internationale, pour venir à bout des groupes armés incontrôlés disséminés dans cette partie de la RDC. Là encore, les choses se sont passées sans qu’on en ait au préalable mesuré les conséquences. Ainsi, des troupes issues du CNDP du général dissident Laurent Nkunda et de diverses milices ont été intégrées dans une précipitation indescriptible dans les Forces armées de la RDC. Aujourd’hui, alors qu’ils portent les uniformes des FARDC, les éléments du CNDP intégrés et mixés sont devenus les nouveaux maîtres des mines de l’Est et sèment terreur et désolation sur leur passage.

C’est donc la loi de la jungle qui s’est installée dans la partie orientale du pays. L’Etat congolais n’existe que de nom. Rien de ce qui se fait sur le terrain n’atteste une quelconque présence de l’Etat. La puissance publique y est désormais incarnée par les FDLR et des hommes armés incontrôlés, mais reconnus comme appartenant aux FARDC.

Les militaires du CNDP: une armée dans l’armée

Aujourd’hui, le commandement militaire de toutes les villes et cités de la région est passé entièrement entre les mains des officiers issus du CNDP (cas du Colonel BISAMAZA, Commandant Secteur 11 de Beni-Lubero; Colonel Eric Ruhorimbere, Commandant du Secteur Beni), voire du PARECO (cas du Colonel MUGABO du 801 régiment base à Beni). La douane, la DGM, les affaires foncières ainsi que tous les services de sécurité sont passés progressivement entre les mains des officiers rwandais du CNDP.

Deux armées dans une armée: c’est le cas des troupes du CNDP et celles des combattants de BANYAMULENGE, les premières opérant dans le territoire de Masisi et Rutshuru au Nord Kivu et les secondes sur les plateaux de Minembwe, dans le Sud Kivu. Dans les deux groupes armés se retrouvent des combattants qui se recrutent au sein des populations parlant la langue Kinyarwanda et qui disent combattre les rebelles hutu rwandais des FDLR qui menacent la sécurité physique de leurs congénères, empêchant ainsi des milliers des réfugiés tutsi de rentrer dans leurs villages respectifs. Chaque jour on annonce des massacres, tueries, viols, destructions méchantes perpétrés par des Interahamwe, mais l’on oublie souvent les représailles sanglantes opérées par les groupes armés des rwandophones, au Sud et au Nord Kivu. Sur la route menant vers la localité frontalière de Bunagana, dans le Nord Kivu, les conducteurs des véhicules de transport déplorent les tracasseries perpétrées régulièrement par des éléments du CNDP, notamment la majoration des taxes et autres amendes pécuniaires à chaque passage, c’est-à-dire à l’aller et au retour sur ce tronçon conduisant vers le port de Mombassa au Kenya. Outre les taxes pour les véhicules de transport, le CNDP a imposé d’autres pour les tonnages des marchandises et des passagers à un taux exorbitant. Ces pratiques sont formellement interdites par les autorités administratives et politiques de la province.

L’on rapporte que ces militaires du CNDP qui avaient été intégrés dans les FARDC lors des cérémonies d’intégration de Bunagana en janvier 2009, ont juste fait un aller et retour pour rejoindre leurs bases originaires. En effet, certains milieux politiques croient dur comme fer que le gros des troupes du CNDP est constitué des réservistes de l’armée régulière rwandaise envoyés en RDC, pour protéger les trafics illicites des matières précieuses.

Des négociations en cours avec les FDLR

Selon certains observateurs, le président Joseph Kabila aurait ouvert, mi-mars, des négociations – qui semblent bien avancées – pour relocaliser plus à l’ouest de la République démocratique du Congo, des milliers de rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) en les désarmant. Ces forces rebelles sont actuellement présentes dans la province du Nord-Kivu. Joseph Kabila aurait proposé à la direction des FDLR de déménager leur quartier général de la région de Walikale et Masisi (au nord de Goma, le chef-lieu du Nord-Kivu) vers le Maniema, plus à l’ouest – et donc plus loin de la frontière rwandaise – en échange d’argent et d’autres avantages, mais moyennant leur désarmement. Quelque 1500 hommes des FDLR seraient ainsi concernés « dans une première phase », qui devrait intervenir avant l’élection présidentielle et les législatives du 28 novembre prochain. Il resterait 3000 miliciens dans les deux provinces du Kivu prêts à respecter une «trêve».

A en croire le quotidien flamand «Het Belang Van Limburg» (HBVL), dans son édition datée du mercredi 8 juin, l’action que tente Joseph Kabila n’est pas dénuée d’arrière-pensées électoralistes à quelques mois de l’élection présidentielle. Le président sortant entend prouver qu’il œuvre pour la restauration de la paix dans les deux Kivu. «La popularité de Kabila au Nord et Sud Kivu est au plus bas», note le journal flamand. Celle de Vital Kamerhe «a atteint le zénith», ajoute-t-il. Et de souligner que «Kabila» tente de récupérer le terrain qu’il a «déjà perdu» au profit de Kamerhe.

Selon le site www.afroamerica.net, la délocalisation des FDLR procèderait de la crainte du régime de Kigali de voir les miliciens hutus s’allier aux généraux dissidents Patrick Karegeya et Faustin Kayumba Nyamwasa.

Selon cette dernière source, outre le «rétablissement de la paix » dans les provinces du Kivu – en prévision de l’élection présidentielle prévue le 28 novembre prochain – le gouvernement congolais entend «relancer» l’Accord de Rome signé en 2005 entre la RD Congo et les FDLR. Cette convention donnait aux réfugiés hutus le choix entre «l’installation définitive» dans une des régions congolaises ou le «rapatriement volontaire» au Rwanda. Les autorités de Kinshasa escomptent également obtenir l’arrêt des attaques des FDLR et le désarmement des « délocalisés ».

Les dirigeants des FDLR, eux, posent au gouvernement congolais trois conditions majeures. Primo : procéder au versement d’un montant oscillant entre 250 000 et un million US $ promis à Rome en 2005. Secundo : convaincre le régime de Kigali d’engager des « négociations directes » avec la milice hutue et enfin: arrêter toute attaque contre les miliciens. «Les observateurs, commente ce site, restent sceptiques, quant à l’aboutissement de ces négociations » engagées, il est vrai, à l’initiative du gouvernement de Kigali qui redoute de voir les FDLR faire jonction avec les généraux dissidents Kayumba Nyamwasa et Patrick Karegeya». Selon cette source, le gouvernement rwandais attend du gouvernement congolais non seulement le transfert mais aussi le désarmement des FDLR après leur installation au Maniema. «Après le désarmement, Kigali caresse le rêve secret d’anéantir les miliciens désarmés», ajoute la même source. De sa part, « Kabila » serait disposé à verser la somme exigée par les FDLR. Depuis la « réconciliation » entre Kinshasa et Kigali, fin décembre 2008, «Joseph Kabila» semble tiré par le bout du nez par son homologue et ex-parrain rwandais à qui il obéit désormais au doigt et à l’oeil. «Joseph Kabila» travaille-t-il au service de la sécurité nationale du Rwanda au Congo? Le président congolais semble avoir engagé le redoutable pari de défier l’opinion congolaise en quittant le «masque» derrière lequel il dissimulait, depuis une décennie, son passé d’ancien sous-officier de l’Armée patriotique rwandaise (APR).

Butembo: ville de la résistance

L’occupation rwandaise du territoire de Lubero

Au cours de ces derniers mois, la population a vu l’arrivée des «retournés» qui s’appellent sous divers noms, tels «Hutu-Nande», «retournés du Rwanda», «réfugiés congolais du Rwanda et de l’Ouganda», «rwandophones», ou «rwandais» tout court. Ils arrivent la nuit comme le jour, tantôt dans des camions, tantôt dans des bus, tantôt à pieds. Parmi les retournés (cas de Luofu) on retrouve des anciens FDLR qui étaient rapatriés par la fameuse opération DDRR, au point qu’on se demande par quelle magie ces anciens FDLR sont-ils devenus congolais.

Sur terrain, la proposition de l’identification des retournés déjà sur place par les chefs coutumiers, les notables, les chefs terriens en collaboration avec les services publics, est perçue par la population locale comme une légalisation pure et simple des retournés, malgré leur violation des lois de l’immigration au Congo. La crainte est, corruption et intimidation aidant, que les congolais devant identifier les retournés ne signent sous pression la légalisation d’une immigration illégale.

La participation de la société civile, des ONG de droits humains, des églises, de toutes les forces vives des localités concernées, le contrôle des frontières de la RDC avec le Rwanda et l’Ouganda par des forces qui ne sont pas issues du CNDP, parait aujourd’hui comme la condition de crédibilité de l’opération d’identification des retournés.

Le 21 mai, la population de Butembo a organisé une marche contre l’occupation rwandaise du territoire de Lubero. Le déploiement d’un millier des policiers par la Mairie a démontré que quand il s’agit de dénoncer l’occupation rwandaise du territoire de Lubero, la Mairie ne manque pas des policiers et de logistique de combat. Mais quand il s’agit de protéger les congolais dans leurs quartiers contre les hommes en armes et protéger les centres d’enrôlement, il n’y a pas de policiers et quand il y en a, ces policiers ne sont pas bien équipés. La conclusion est que la Mairie de Butembo a choisi son camp, c’est-à-dire, défendre le pouvoir et brimer la libre expression de la population congolaise. En termes techniques, cela s’appelle dictature, autoritarisme, etc.

En outre, les associations organisatrices de la marche avaient constatées que certains politiciens de la Majorité Présidentielle (MP) étaient derrière certains organisateurs de la marche. Ce constat a poussé certaines associations de retirer leurs manifestants deux heures avant le début de la manifestation. On a demandé des explication pour tirer au clair ce soutien de la MP qui est pourtant reconnue comme complice de l’occupation rwandaise du Kivu. Des enquêtes sont en cours pour déterminer les acteurs de cette tentative de récupération politique de la marche.

Meurtres dans des centres d’enrôlement des électeurs

L’ONG de défense des droits de l’homme Voix des sans voix (Vsv) dénonce le comportement inhumain des éléments de la police locale dans les centres d’enrôlement des électeurs. Selon cette ONG, à moins de deux mois, des policiers ont tué deux personnes dans des centres d’enrôlement.

Selon cette ONG, le meurtre le plus récent remonte au jeudi 9 juin. Mlle Kavugho Sifa, 20 ans, a été abattue au centre d’enrôlement de Burindi. Un policier commis à la garde du Centre d’Enrôlement de Vulindi et apparemment ivre voulait récupérer les 400 Francs congolais (0,40 $) qu’il avait remis à la fille, en échange de la boisson locale qu’elle vendait. Face au refus de la vendeuse, le policier lui a logé une balle. La victime est morte sur le coup.

Exaspérée, la population a organisé une marche de colère à partir de Vulindi après avoir incendié le poste de police du centre d’enrôlement. Avec des morceaux de bois, des feuilles vertes aux cous et aux hanches, des pierres comme des intifadistes, cette expédition en colère a traversé la ville pour atteindre le quartier VUNGI où se trouve le bureau central de la CENI.

Le deuxième meurtre avait été commis au centre d’enrôlement de Butshindo au début du mois de mai. Il s’agit d’une femme qui allait se faire enrôler à 16 heures locales. Vers 20 heures, les voisins ont entendu des coups de feu, tirés sans doute par les deux policiers commis à la surveillance du centre. Le lendemain, les deux agents de l’ordre s’étant volatilisés, le corps de la victime a retrouvé inerte, criblé de balles.

Face à cette insécurité, la VSV demande au gouvernement de prendre des mesures urgentes, pour réformer la police et envisager sa professionnalisation. Elle demande aussi le paiement régulier de la solde des policiers et soldats.

Drogue dans des camps militaires

Non seulement les militaires congolais sont accusés de tuer, violer, voler les congolais qu’ils sont supposés protéger, mais aussi ils pratiquent le commerce de la drogue. Ce triste constat ressort de la saisie d’une importante cargaison de chanvre dans le camp militaire de l’aéroport de Rughenda/Butembo par le parquet militaire de Butembo le 17 mai 2011. Lors de cette perquisition, plusieurs colis estimés à près de 50 sacs de chanvre comprimé ont été saisis dans les domiciles des militaires du Camp de Rughenda. Ces colis de chanvre retrouvés dans des domiciles des militaires seraient destinés à alimenter le réseau des narcotrafiquants dans plusieurs villes du pays. Les militaires et leurs femmes qui se chargent de la commercialisation de cette drogue ne seraient que des intermédiaires dans un réseau plus vaste.

Il n’est pas impossible que la consommation abusive de la drogue soit souvent à la base de plusieurs bavures commises par les militaires.

Interrogée au sujet du trafic de chanvre et autres stupéfiants, une épouse militaire qui a requis l’anonymat a confirmé que cette pratique est courante dans tous les camps militaires où elle a séjourné. Et d’ajouter que c’est l’irrégularité de la solde de leurs maris qui les pousserait à trouver un autre métier beaucoup plus rentable. Cette épouse d’un militaire a dit que plusieurs épouses des militaires se livrent à l’importation et ou à la vente du chanvre et des boissons fortement alcoolisées dites Mbandule (Kintingi) pour nourrir leurs familles.

Au sujet des lieux d’approvisionnement en chanvre, notre source a parlé du Graben le long de la frontière ougandaise, mais aussi des localités reculées du Territoire de Lubero telles Muhanga, Bunyatenge, Kasugho, etc.

TROIS TÉMOIGNAGES

Les parlementaires du Quartier FURU/Butembo: un exemple de «démocratie participative»

Dans leur quête des modèles efficaces en politique et en développement, plusieurs «acteurs politiques» Congolais sont tentés d’aller chercher ailleurs. Notre héritage politique et certaines expériences politiques locales ne semblent pas retenir leur attention. Et pourtant, le cas des Parlementaires du Quartier FURU/ville de Butembo est un exemple de création politique locale digne de ce nom.

La guerre d’agression de 1996 a paradoxalement poussé certains concitoyens à créer «des lieux de rencontre, de concertation et d’échange» sur les questions que pose le vivre-ensemble au quotidien. Cette invention politique bubolaise ne semble pas avoir retenu suffisamment l’attention des «acteurs politiques» Congolais en quête de modèle de «démocratie» pour un Congo libre et prospère. Certains parmi eux cherchent à reproduire des modèles ayant réussi sous d’autres cieux et ne semblent pas s’intéresser à ce qui s’invente localement à l’Est de notre pays.

Le cas du Quartier Furu/Ville de Butembo mérite une attention particulière. Face à la menace permanente des forces négatives et à la démission du pouvoir de Kinshasa, les populations de ce Quartier ont créé des lieux d’échange et de dialogue leur permettant de mettre sur pied des groupes d’auto-défense. À partir des Parlements, les jeunes, les vieux, les étudiants, les chômeurs, les commerçants, les professeurs se sont engagés dans la lutte contre les antivaleurs et pour les droits humains. La légalité et la non-violence, notent certains parlementaires, caractérisent les actions des Parlements des Populations de la ville de Butembo. Les militaires, les policiers arrêtés en flagrant délit (cambriolage, vol, homicide, viol, …) sont remis à leurs QG pour qu’ils soient jugés par la loi.

Dans leur approche critique des élus de 2006, les membres du Parlement de FURU décrient une dérive politicienne: la rupture de contact entre ces élus et leur base. Ils posent fondamentalement la question de la légitimation politique. Celle-ci ne peut pas se réduire à la légitimité issue des urnes. Le consensus citoyen exprimé à travers le vote est un élément insuffisant de la légitimité politique. La légitimation d’un pouvoir citoyen exige un débat permanent entre les élus et les électeurs dans un espace public où tous jouissent d’une égale liberté et dignité.

Les parlementaires du Quartier FURU pointent du doigt un élément important jouant en défaveur de la légitimation populaire du pouvoir des élus de 2006: leur appui aux multinationales, ces entreprises privées qui n’ont aucun compte à rendre à nos populations. Ce point mérite une grande attention dans la mesure où la guerre d’agression qui sévit à l’Est de notre pays est une guerre de prédation dans laquelle certaines multinationales sont impliquées.

Dans le cadre d’une expérience de «démocratie participative», ce que les Parlementaires de FURU ne comprennent pas c’est le refus de commencer les élections probables de novembre 2011 par les locales: ce refus pourrait symboliser le rejet de la réappropriation du pouvoir politique « par le peuple et pour le peuple », à la base.

De toutes les façons, il y a là une création politique locale qui interpelle «les acteurs politiques» Congolais en quête de modèles. Les parlementaires de FURU définissent à leur manière la politique comme lieu de «rencontre, de concertation et d’échange sur l’auto-prise en charge de chaque quartier en matière de sécurité, de lutte pour les droits humains et de lutte contre les antivaleurs de toutes sortes». Ils sont en train de prouver que «faire cette politique» est accessible à tout le monde, à partir de là où l’on vit, malgré les vents et les marées.

Le docteur Denis Mukwege face aux violences faites aux femmes

Médecin à l’hôpital de Panzi à Bukavu, le gynécologue Denis Mukwege lance un véritable cri d’alarme et de colère dans une interview accordée au «Soir» du 24 mai à Bruxelles, où il s’est rendu pour recevoir le Prix International Roi Baudouin pour le Développement 2010/2011. Le médecin fustige l’impuissance de l’Etat face aux violences faites aux femmes. «Tous les jours, il y a des viols, des tueries», dit-il. Contrairement à une opinion fort répandue, les auteurs de ces viols ne se recrutent pas seulement parmi les combattant des groupes armés. Les forces de l’ordre chargées «de protéger la population» s’y livrent également.

Denis Mukwege est très critique vis à vis des opérations d’intégration des anciens combattants des groupes armées dites «mixage». Pour lui, «le mixage des groupes armés, la démobilisation des combattants et l’intégration dans l’armée ont été réalisés sans que tous ces jeunes qui, durant trop longtemps, ont été habitués à tuer et à violer soient préalablement détraumatisés». Mukwege brandit littéralement un «carton rouge» en direction des gouvernants congolais en suggérant implicitement la dissolution de l’armée nationale et le recrutement des nouvelles unités – « des hommes nouveaux » – sur base d’une rigoureuse sélection et non en «recyclant des rebelles: «La réforme de l’armée a été un gâchis, il faut repartir à zéro. Au nom de la paix et de la réconciliation, on a refusé d’opérer un tri parmi les combattants». Le médecin d’asséner une phrase lourde de sens: «L’impunité a été le prix de la paix, les femmes ont été les victimes de ces choix, et la paix n’est pas là…».

Parlant des victimes de ces violences, le médecin décrit un le drame humain vécu par les femmes violées.

Grâce au soutien d’Echo, l’aide humanitaire européenne, l’hôpital de Panzi soigne de 3000 à 3600 femmes chaque année en prenant en charge le transport, les soins, la nourriture.

Bien souvent, avant d’opérer, il faut traiter l’état général, car ces femmes sont sous-alimentées et doivent aussi être aidées sur le plan psychologique. Lorsqu’elles restent dans cet état où elles perdent les urines, les matières fécales, où personne ne veut s’approcher d’elles, elles se sentent « hors caste ». Il y a aussi 5% des femmes qui, malgré toutes les réparations, ne guériront pas.

En outre, bien souvent l’entourage croit que ces femmes violées sont désormais porteuses du Sida, ce qui n’est le cas que pour 5 à 7% d’entre elles … Lorsqu’une femme est violée, c’est toute la communauté qui est traumatisée. Parfois, des communautés acceptent de réintégrer la femme, mais refusent d’accepter l’enfant issu du viol et appelé « l’enfant du serpent », le « fils du péché » … Parfois, des hommes acceptent d’épouser la femme, mais refusent de prendre l’enfant qui l’accompagne … Les équipes de médiation doivent montrer que la femme n’a pas commis de faute, qu’elle est une victime. Demander l’abandon de l’enfant, c’est infliger à la mère un traumatisme supplémentaire.

Le suivi psychologique est important: lorsqu’une femme a été violée en public, devant son mari et ses enfants, elle a le sentiment qu’elle n’est plus la femme qu’elle était. Un chef de village, dont la femme a été violée en public, ne se sentira plus à même, par la suite, d’exercer ses fonctions; son autorité aura disparu. A la perte d’identité personnelle, pour un mari, un père de famille, s’ajoute la déstructuration sociale. Il arrive que des hommes fuient, prennent des destinations inconnues, honteux d’avoir été incapables de protéger leur femme, regrettant de ne pas s’être donné la mort …

il y a des milliers d’enfants qui n’ont aucune filiation, ils ont été abandonnés par leur mère et ne savent rien de leur père. C’est une génération perdue, qui a besoin d’une prise en charge psychologique de longue durée. Ces enfants-là sont une vraie bombe à retardement … Les autorités congolaises n’ont pas encore mesuré l’ampleur du problème, ce sont des chercheurs américains qui nous disent que chaque jour, 1.100 femmes sont violées dans la province.

Ce qui le désespère, ce sont les récidives. Comme le cas d’une femme qui, après avoir été soignée à l’hôpital, avait bénéficié d’un micro crédit. Après avoir redémarré sur le plan économique, elle et sa fille ont été violées une nouvelle fois, en pleine ville.

Pour lui, la sécurité à l’Est ne sera guère rétablie par les FARDC (Forces armées de la RD Congo). Il ne se fait pas non plus d’illusion sur la capacité des forces de la Monusco, même « s’il n’est pas prêt à demander leur départ». Le «gynéco» de lancer une idée qui ne manquera pas de provoquer des grincements de dents – au nom de la «souveraineté nationale» outragée – dans le petit cercle des pseudo-nationalistes qui dirigent la RDCongo: «Aux Etats-Unis les gens ont compris et l’opinion se mobilise. Il faut qu’en Belgique aussi, les citoyens fassent savoir aux politiques que ce qui se passe est inacceptable, intolérable. Ne nous voilons pas la face: la protection des femmes, c’est aussi une question militaire. Je suis certain qu’une intervention militaire des Belges permettrait de résoudre en grande partie le problème. Le droit international prévoit la protection des civils. Pourquoi ce droit est-il valable pour les Libyens, et pas pour les populations du Kivu?».

Bukavu: Je fais un rêve…

Je rêve pour ma ville, Bukavu, et ma province, le Sud-Kivu,

que prennent fin l’insécurité et l’injustice,

qu’on passe de la violence à la non-violence,

que, grâce à la force et l’amour de ses habitants,

tout le monde y connaitra

une justice et une paix durables et le bien-être ;

que toutes ces femmes, hommes et enfants

qui ne cessent de mendier dans les routes

trouvent enfin une amélioration de leur condition de vie.

 

Je rêve pour mon pays tout entier, le Congo,

qu’un jour on changera les montagnes en plaines

en consolidant la paix,

en garantissant la sécurité,

en construisant nos routes,

en luttant contre la corruption,

en mettant fin à la prime des enseignants,

en donnant à chacun ce qui lui est dû,

en songeant aux pauvres et aux esclaves,

en créant des emplois

pour assurer de meilleurs conditions de vie pour tous.

 

Que tout citoyen voie reconnu son droit

à la liberté d’expression, au respect,

qu’il se sente libre, fier de lui-même et de la vie qu’il mène.

 

Que change la mentalité de nos peuples et de nos dirigeants,

que ces derniers se soucient de la population

et qu’un jour gouvernants et gouvernés se mettent ensemble pour construire un pays de droit

où la loi gouverne les uns et les autres.

Je rêve qu’un jour une femme sera présidente du pays,

et qu’elle mettra fin à la guerre et aux crimes.

 

Je rêve un Congo démocratique, prospère et sans hypocrisie,

bâti sur la paix, la justice, la vérité, l’amour, la collaboration,

un Congo uni, développé, solidaire, courageux, ordonné,

qui sera à la première place dans la production mondiale,

un Congo qui ne dépendra pas du blanc ni d’autres étrangers

un Congo comparable à un paradis, sur tous les plans,

qui marquera le monde et les citoyens du monde.

 

Je rêve que les Congolais seront conscients de leur pays,

qu’ils se promèneront partout au monde et seront considérés.

Je rêve pour tout homme et toute femme…

qu’il se sente dans une vie merveilleuse,

où il trouve réponse à ses besoins physiques, sécuritaires,

d’amour de soi et d’appartenance,

de respect de soi et de réalisation de soi.

 

Je rêve pour moi-même

de terminer mes études et d’avoir un travail bien rémunéré

et que les marginalisés en profitent,

ainsi que toute la communauté ;

qu’un jour je serai responsable d’une école

ou je travaillerai dans un organisme international,

mais aussi que je serai un leader politique de ce pays,

un bâtisseur de paix comme Steve Biko,

un citoyen exemplaire,

pour combattre la pauvreté et le tribalisme

et construire le pays à tous les niveaux.

 

J’en suis sûr, le peuple congolais obtiendra un jour la liberté, la paix, la sécurité,

par son propre effort, en rejetant le fatalisme et l’attentisme.

L’avenir de notre pays sera meilleur que l’aujourd’hui

grâce à la jeunesse que nous sommes,

grâce à Dieu qui nous en donne l’inspiration et la force.

 

Notre ville peut changer en un clin d’œil,

notre pays sera changé à travers notre courage,

grâce à ce que nous pouvons faire,

nous jeunes du Congo et futur de demain,

grâce à notre solidarité et à la conscience

que nous pouvons opérer ce changement!

Bukavu, le 8 juin 2011.
Des jeunes de Bukavu
(propos recueillis par Teresina Caffi)