Nouveau rapport Global Witness sur les mines de l’Est: Le Rwanda au banc des accusés

(Le Potentiel 19/05/2011)
Loin d’être une source de sécurisation des ressources naturelles de la partie Est de la RDC, la forte présence militaire autour des mines entretient plutôt l’insécurité. Dans un rapport, publié le mercredi 18 mai 2011 à partir de son siège de Londres, l’Ong britannique Global Witness fait état de l’urgence de démilitariser les mines de l’Est pour, entre autres, mettre fin au commerce illicite des minerais, dits de sang. Entre-temps, elle charge de nouveau le Rwanda, principal point de passage des minerais congolais. Seul le rétablissement de l’autorité de l’Etat pourrait permettre à Kinshasa de récupérer le contrôle de la partie Est de la RDC, note-t-elle en fin de compte.
La très forte présence militaire dans les mines de l’Est est à la base non seulement de l’insécurité permanente dans cette partie du territoire national mais sert surtout de bras séculier au vaste commerce des minerais, dits de sang. Il y a donc urgence de démilitariser les mines de l’Est en remettant de l’ordre dans l’encadrement des exploitants. C’est l’une des recommandations contenues dans le rapport rendu public le mercredi 18 mai 2011 par l’Ong britannique Global Witness.

Le rapport, intitulé : « L’avenir du commerce de minerais congolais dans la balance : opportunités et obstacles associés à la démilitarisation », s’appuie sur une enquête récente de Global Witness sur le terrain. Cette enquête vise à mettre en évidence certaines évolutions significatives, tout en indiquant ce que doivent faire les acteurs-clés pour en tirer parti.

Le rapport révèle que « tandis qu’une grande partie du commerce de minerais dans l’Est du Congo reste placée sous contrôle armé, le départ de groupes armés de Bisié – la plus importante mine d’étain de la région – constitue une évolution prometteuse ».

Dans ses principales conclusions et recommandations, Global Witness charge de nouveau le Rwanda qui tire profit du commerce illicite qui s’est développé autour des mines de l’Est. Aussi, fustige-t-elle une complicité, certaine dans tous les cas, de Kigali qui se complait dans le chaos qui s’est installé dans la partie orientale de la RDC, malgré toutes les initiatives nationales et internationales mises en place pour contrer des réseaux maffieux qui opèrent dans les mines de l’Est.

A ce sujet, l’Ong britannique note que « le Rwanda, principal point de passage des minerais congolais, n’en fait pas encore assez pour exclure les minerais du conflit de ses chaînes d’approvisionnement en matériaux provenant de RDC. Bien que des dispositifs introduits il y a peu et reposant sur l’étiquetage et la traçabilité des minerais constituent un pas en avant prometteur, ils ne sont pas suffisamment exhaustifs ». « Le gouvernement rwandais, poursuit l’Ong, se doit d’introduire et d’imposer des exigences de diligence raisonnable complètes aux entreprises qui font le commerce des minerais et les transforment ».

Convaincue de l’influence nocive que joue le Rwanda sur le commerce illicite des minerais de l’Est, Global Witness demande à Kinshasa de prendre ses responsabilités pour remettre de l’ordre dans la cette partie de la République. Global Witness demande alors aux gouvernements congolais et rwandais de mettre en place des législations destinées à combattre l’exploitation illégale de ces minerais.

La raison, soutient-elle, est que « la plupart de ces minerais transitent par le Rwanda ».

L’URGENCE D’UNE ACTION INTERNATIONALE

Face à l’ampleur du drame de l’Est, Global Witness souligne l’urgence d’une action concertée, avec une forte implication de la communauté internationale, particulièrement la Monusco, pour alléger le poids de la souffrance infligée à la population locale par le fait d’une exploitation minière désordonnée où « des groupes rebelles et des membres de l’armée nationale congolaise dégagent des millions de dollars du contrôle illégal des mines d’étain, de tantale, de tungstène et d’or ainsi que des voies commerciales ».

Global Witness note tout de même quelques points positifs. Il s’agit notamment de la démilitarisation récente de l’une des plus grandes mines d’étain dans le Nord-Kivu. Cette situation représente une opportunité pour le gouvernement de la RDC, pour les communautés locales ainsi que pour la communauté internationale. C’est aussi, poursuit-elle, une opportunité pour des compagnies et entreprises qui achètent les minerais d’avoir un approvisionnement en minerais du Congo qui est propre et qui ne finance pas les conflits « Il existe de réelles opportunités de remettre de l’ordre dans le commerce de minerais de l’Est du Congo, mais elles sont localisées, fragmentées et susceptibles d’être éphémères », a déclaré Annie Dunnebacke, responsable de campagne à Global Witness. «Pour en tirer parti, les entreprises se doivent d’appliquer des contrôles de la chaîne d’approvisionnement conformes aux normes internationales afin que le secteur minier encourage le développement au lieu d’alimenter la violence. Le gouvernement congolais et l’ONU doivent aussi coopérer avec le secteur privé afin de permettre aux zones récemment démilitarisées comme celle de Bisié de voir s’instaurer un commerce propre, et ce, avant que l’armée et d’autres groupes armés puissent y retourner. Mais il faut agir vite, faute de quoi l’opportunité sera manquée ».

Outre le Rwanda, nommément indexé dans le rapport, dans ses principales conclusions et recommandations, Global Witness se félicite qu’ « en mars, l’armée congolaise s’est enfin retirée de Bisié, la mine d’étain la plus importante de la région, après l’avoir contrôlée illégalement pendant plus de cinq ans ».

Dès lors, « il est primordial, rappelle-t-elle, qu’un commerce légitime de minerais provenant de Bisié soit désormais établi au moyen d’une surveillance efficace de la région et de l’imposition rapide par les entreprises de contrôles performants de leur chaîne d’approvisionnement. La force de maintien de la paix de l’ONU, la MONUSCO, doit assumer son rôle en contribuant à garder Bisié et d’autres sites démilitarisés libres de toute unité militaire et d’autres groupes armés ».

Cependant, l’Ong britannique ne cache pas son indignation. C’est surtout lorsqu’elle constate que « les entreprises qui opèrent en RDC et dans les pays voisins ne se conforment pas pour l’instant aux normes de diligence raisonnable formulées par le Conseil de sécurité de l’ONU et l’OCDE ». « Cela, conclut-elle, freine les efforts visant à éliminer le lien entre les minerais et la violence armée dans l’Est du Congo et empêche l’instauration d’un commerce de minerais propre ».

L’évolution sur le terrain de l’Est, dont fait mention Global Witness, intervient à un stade crucial des efforts internationaux visant à endiguer le flux de minerais du conflit en provenance de RDC.

En effet, pour décourager la maffia politico-militaire qui s’alimente du commerce illicite des minerais de l’Est de la RDC, le Conseil de sécurité de l’ONU et l’OCDE ont récemment avalisé de nouvelles normes de diligence raisonnable au titre desquelles les entreprises doivent soumettre leur chaîne d’approvisionnement à des contrôles normalisés et audités de manière indépendante pour montrer qu’elles ne financent pas les parties belligérantes de la région.

Entre-temps, l’autorité américaine de régulation, la Securities and Exchange Commission (SEC), rapporte Global Witness, devait annoncer, dans les tout prochains, ce que doivent faire les entreprises pour se conformer à une nouvelle législation sans précédent dont l’objectif est d’éliminer les minerais du conflit du commerce mondial.

« Le choix auquel le Congo est confronté n’est pas, contrairement à ce qu’affirment certaines entreprises, entre l’imposition d’un embargo et le maintien du statu quo, avec toutes les conséquences humaines brutales qui y sont associées », a déclaré Dunnebacke. « Les entreprises peuvent considérablement modifier l’état de choses en mettant en œuvre des contrôles de la chaîne d’approvisionnement appropriés et conformes aux normes internationales convenues. Ainsi, les citoyens congolais pourront enfin bénéficier d’une partie de leur richesse minière au lieu de la voir s’échapper au profit de milices et de groupes armés prédateurs ».

Pour rappel, les groupes armés se servent des minerais du conflit pour financer la violence et l’insurrection. Depuis plus de dix ans, l’Est de la RDC est en proie à des combats encouragés par le commerce de minerais précieux. Des millions de personnes sont mortes, et de nombreuses autres ont été déplacées. Les principaux minerais exploités à l’Est de la RDC sont au nombre de quatre : la cassitérite (minerai d’étain), le coltan (minerai qui permet d’obtenir un métal rare, le tantale), le wolframite (minerai de tungstène) et l’or.