Congo Actualité n° 124

 

A. ÉDITORIAL
B. JUSTICE: PROJET DE LOI PORTANT CRÉATION DE «CHAMBRES SPÉCIALISÉS MIXTES»
1. Il faut amender le projet de loi sur les chambres spécialisées, afin de renforcer la lutte contre l’impunité
2. Il faut renforcer le projet de loi visant à traduire en justice les auteurs de crimes de guerre
C. POLITIQUE: LES INCERTITUDES DU PROCESSUS ÉLECTORAL
1.La Ceni prépare un nouveau calendrier électoral   2. Majorité et opposition face aux prochaines élections
3. Un éventuel découplage de la présidentielle et des législatives  4. Le débat sur la mouture du nouveau calendrier électoral 5. Proposition d’une nouvelle loi électorale  6. Elections en RDC: Pas que des présidentielles?  7. Ce qui entrave le processus électoral  8. Vers un éventuel report des élections?   9. Enfin, la Ceni publie un nouveau calendrier électoral
D. NOUVELLES REGLES DE TRAÇABILITE POUR LES MINERAIS CONGOLAIS
1. La loi Dodd-Frank
2. Les nouvelles dispositions de l’EICC et de la GeS

 

ÉDITORIAL:

Le 1er octobre 2010, le Haut Commissariat de l’Onu pour les Droits de l’Homme avait publié le Rapport Mapping sur les crimes les plus graves commis en République Démocratique du Congo (ancien Zaïre) de 1993 à 2003, un rapport dramatique qui a porté à la lumière une longue série de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide perpétrés contre une population civile désarmée, victime déjà de la misère et de l’injustice. Cette violence inhumaine continue jusqu’aujourd’hui par des meurtres, vols, viols, attaques à main armée aux véhicules et aux villages, engendrant un climat de peur et de terreur. Une des causes pour lesquelles la violence ne s’est pas arrêtée est, certainement, l’impunité dont les responsable de tels crimes ont bénéficié jusqu’à présent. C’est la raison pour laquelle le Ministre congolais de la Justice est en train de préparer un projet de loi portant création de « chambres spécialisées mixtes ».

Il s’agit de juridictions judiciaires « spécialisées », car elles seront chargées d’ouvrir des enquêtes et de juger les responsables des crimes les plus graves perpétrés en RDCongo, tels que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide. Il s’agit de juridiction « mixtes », car elles seront composée par des magistrats, des juges et des avocats congolais et étrangers. La présence internationale, bien que temporaire et dégressive, est retenue nécessaire pour appuyer la justice congolaise même et assurer l’indépendance de ces juridictions vis à vis de possibles interférences politiques et militaires, tant sur le plan national que international.

Probablement, le gouvernement congolais s’est-il aperçu qu’on ne construit pas la paix en intégrant des anciens miliciens dans l’armée nationale ou en élevant à des degrés supérieurs des anciens seigneurs de la guerre, mais en les arrêtant et en les jugeant, en rendant ainsi justice aux nombreuses victimes, assassinées ou rescapées, de leurs crimes abominables.

Il est désormais reconnu par tous que, à la base de la guerre, de la violence et de l’insécurité au Congo et dans la région des grands Lacs Africains, se trouve l’exploitation illégale des ressources minières (coltan, cassitérite, or, niobium,…) du Congo. C’est pour cela qu’on avait lancé une campagne, qui est encore en cours, contre les « minéraux de sang » provenant de certaines zones de conflit. Il semble que telle campagne soit en train de donner les premiers résultats. La loi américain Dodd-Frank et les nouvelles dispositions de l’Electronic Industry Citizenship Coalition (EICC) et du Global eSustainability Initiative (GeSI) viennent d’interdire l’importation de minéraux provenant du Congo, si dépourvus de certification d’origine. Ces mesures ont été prises pour empêcher qu’un commerce illégal de ces minéraux puisse financer des conflits alimentés par des réseaux mafieux et des groupes armés, au détriment de la population locale. Un contrôle rigoureux sera nécessaire, pour éviter que le commerce illégal des minéraux continue dans la clandestinité et par la contrebande, surtout à la frontière avec certains Pays limitrophes. La lutte contre le commerce illégal des « minéraux sanglants » est un pas en avant vers la paix et le gouvernement congolais, au lieu de demander un moratoire, devrait plutôt collaborer avec tous les moyens à sa disposition. Un moratoire pourrait être possible dans le cas d’un surplus de production ou d’une mauvaise qualité du produit, mais ici il s’agit d’une implication grave dans le financement de certains réseaux maffieux et de groupes armés.

Malheureusement, la classe politique congolaise vit actuellement une période caractérisée par de nombreuses ambiguïtés et incertitudes, esclave d’une course insensée vers le pouvoir, justement à la veille de nouvelles élections.

Après avoir modifié la Constitution pour emmener les élections présidentielles de deux à un seul tour, ce qui pourrait favoriser la réélection du président sortant si l’opposition ne réussissait pas à présenter un candidat unique, la Majorité Présidentielle (MP), qui soutient le président actuel Joseph Kabila, a essayé aussi, sans succès, de présenter au Parlement une révision de la loi électorale qui aurait pu séparer les élections législatives des présidentielles, ce qui aurait pu assurer à la Majorité Présidentielle une majorité au Parlement aussi. De sa part, malgré certaines rencontres au différents niveaux, l’opposition n’est pas encore parvenue à identifier un candidat unique qui pourrait être une alternative valable au candidat actuel de la Majorité Présidentielle.

Jusqu’à présent, chaque parti essaye de soutenir son propre candidat.

Au début de mars, la Commission Électorale Nationale Indépendante (Ceni), avait annoncé la publication immédiate d’un nouveau calendrier électoral, mais elle ne l’a fait que le 30 avril (deux mois après) et ce retard a provoqué un climat d’incertitude, à tel point que beaucoup d’observateurs ont commencé à douter de la tenue des élections dans les délais prévus par la Constitution. Maintenant que la Ceni a fixé les élections présidentielles et législatives (élections des députés nationaux) au 29 novembre 2011, la classe politique devrait faire preuve de maturité et responsabilité, en s’engageant pour des élections vraiment démocratiques, libres et transparentes. Au cas contraire, le peuple congolais, les gens qui travaillent dans les champs et les marchés, les jeunes des universités, les femmes violées, les enseignants, les médecins, les infirmiers et tant d’autres, sauront retrouver, un jour, la force pour se rapproprier de la vie politique de leur Pays et courir ensemble vers la liberté.

JUSTICE: PROJET DE LOI PORTANT CRÉATION DE «CHAMBRES SPÉCIALISÉS MIXTES»

1. Il faut amender le projet de loi sur les chambres spécialisées, afin de renforcer la lutte contre l’impunité

Le 14 mars 2011, Georges Kapiamba, Vice-Président National de l’Association africaine de défense des droits de l’homme, Richard Dicker, Directeur du Programme Justice Internationale à Human Rights Watch, Raphaël Wakenge, Coordinateur National de la Coalition Congolaise pour la Justice Transitionnelle ont écrit une lettre au Ministre de la Justice, Luzolo Bambi Lessa:

au sujet de l’importante déclaration qu’il avait fait au début du mois, informant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (ONU) des mesures concrètes prises par le gouvernement congolais pour lutter contre l’impunité pour les crimes les plus graves. En particulier, il avait mentionné que, le 25 février, le Conseil des Ministres avait adopté un avant-projet de loi portant création de chambres spécialisées mixtes au sein du système judiciaire congolais ayant compétence pour les violations graves de droits humains. Après avoir examiner l’avant-projet de loi, les trois signataires de la lettre se sont dits préoccupés sur un certain nombre de problèmes qui, selon eux, pourraient porter atteinte à l’efficacité même des chambres spécialisées, s’ils ne sont pas résolus.

– Premièrement, ils estiment que l’avant-projet de loi devrait préciser que les chambres spécialisées mixtes fonctionnent dans le cadre d’une juridiction spécialisée créée en vertu de l’article 149 de la constitution congolaise (avec des sections séparées situées dans diverses cours d’appel). Cette précision a pour but de garantir l’indépendance des chambres en les soustrayant à la hiérarchie normale des tribunaux ordinaires. La création d’une juridiction spécialisée contribuerait à isoler les chambres de toute interférence politique, autant présumée que réelle. De plus, la création d’une juridiction spécialisée avec un seul greffier, président et procureur contribuera à assurer la cohérence des politiques et des approches entre les différentes chambres.

– Deuxièmement, l’avant-projet de loi autorise la participation de juges et d’experts internationaux dans les divers aspects du mandat des chambres spécialisées. Toutefois, les trois signataires pensent que la présence temporaire de personnel international devrait être rendue obligatoire dans le texte, ceci afin de renforcer la capacité des ressortissants congolais à juger des affaires criminelles complexes et de contribuer à protéger l’institution de toute ingérence politique potentielle. Plus particulièrement, ils estiment que l’avant-projet de loi devrait être modifié afin de garantir la présence de juges internationaux, non seulement en première instance, mais également en appel. Le personnel international pourrait être progressivement remplacé par des nationaux. Un processus de nomination qui garantisse l’indépendance et la meilleure qualification des membres de ce personnel international devrait également être élaboré.

– Troisièmement, ils estiment que l’avant-projet de loi devrait être amendé afin d’attribuer aux chambres une compétence première, plutôt qu’exclusive, pour juger les crimes internationaux. En pratique, les chambres ne seront pas en mesure de juger la totalité des allégations de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, ce qui signifie que les tribunaux civils ordinaires auront à intervenir, afin d’éviter l’impunité pour ces crimes. L’avant-projet de loi reconnaît implicitement cette réalité, mais au lieu de développer une stratégie pour répartir les affaires, il autorise que les délits soient requalifiés comme des crimes de droit commun pour permettre aux tribunaux civils d’exercer leur compétence.

– Enfin, des améliorations sont nécessaires dans la dernière partie de l’avant-projet de loi, qui traite des aspects de procédure, notamment en ce qui concerne les droits de la défense (où la représentation par un avocat doit être garantie au vu de la gravité des crimes), la protection des témoins et des victimes (où nous suggérons la création d’une unité de protection administrée par le greffe) et la participation des victimes aux procès.

– La modification de l’avant-projet de loi sur les chambres spécialisées sur les points soulevés ci-dessus est essentielle pour permettre aux chambres de fonctionner comme un outil véritablement efficace et indépendant dans la lutte contre l’impunité pour les crimes graves commis en RDC.

2. Il faut renforcer le projet de loi visant à traduire en justice les auteurs de crimes de guerre

Du 6 au 8 avril, des membres du gouvernement congolais, des diplomates, des fonctionnaires des Nations Unies, des représentants d’organisations internationales non gouvernementales, ainsi que des représentants de la société civile congolaise de chacune des onze provinces du pays se sont réunis à Goma, au Nord Kivu, pour discuter d’améliorations possibles au projet de loi du gouvernement congolais pour établir une cour spécialisée mixte au Congo, afin de juger les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et d’autres graves atteintes aux droits humains commises sur le sol congolais depuis 1990. Cette cour mixte sera une juridiction nationale avec un degré d’implication internationale. Le ministre de la Justice et des Droits humains Luzolo Bambi a indiqué que le projet de loi sera présenté à la session actuelle du parlement qui se termine le 15 juin.

Les participants de la société civile ont adopté une « Position commune » sur le projet de loi; ce document exprime le soutien global des organisations signataires à la cour mixte proposée, à condition que certaines modifications importantes soient apportées pour garantir son indépendance, sa crédibilité et son efficacité. Parmi les améliorations requises figurent la participation de personnel international dans tous les organes de la cour, l’extension de sa compétence pour inclure les crimes actuels, la clarification du rôle des victimes, la protection des témoins dans le cadre des procès, ainsi que le renforcement des droits des accusés.

Dans leur position commune, les 34 représentants des organisations de la société civile congolaise qui ont participé à la conférence de Goma du 6 au 8 avril 2011, se sont déclarés favorables au projet de loi proposé par le gouvernement, portant création au sein du système judiciaire national, d’une cour spécialisée mixte, composée de plusieurs chambres localisées près de certaines cours d’appel de province, ayant compétence pour connaître des violations graves des droits humains commises en RDC depuis 1990.

Toutefois, ces organisations insistent pour que certaines améliorations soient apportées à la version actuelle du projet de loi du gouvernement.

1) La cour spécialisée mixte devrait être compétente pour connaître des crimes passés et présents commis en RDC:

Actuellement, il est prévu dans le projet de loi du gouvernement que la cour spécialisée mixte sera compétente pour les crimes internationaux les plus graves commis sur le territoire de la RDC entre 1990 et 2003. Afin qu’elle soit un instrument de justice et de dissuasion véritablement efficace et qu’elle remplisse l’objectif de renforcement des capacités judiciaires nationales, la cour spécialisée mixte doit aussi avoir compétence pour les crimes internationaux les plus graves commis après 2003 et qui ne sont pas traités par la Cour pénale internationale. La compétence temporelle de la cour spécialisée mixte devrait donc être modifiée pour courir à partir de 1990 jusqu’au transfert de sa compétence aux cours ordinaires.

2) Le caractère mixte de la cour spécialisée (c’est-à-dire l’intégration de personnel international) devrait être véritablement établi et effectif:

La participation de personnel international dans toutes les fonctions de la cour spécialisée est une caractéristique essentielle de ce projet. Elle remplit des fonctions importantes, parmi lesquelles celles d’assurer la poursuite de crimes internationaux les plus graves et de contribuer à préserver l’indépendance de la cour de toute interférence politique. A cet effet, il est impératif que les dispositions relatives à la présence internationale dans le projet de loi soient renforcées, pour garantir que cette présence internationale soit robuste et efficace. Plus spécifiquement, les organisations participantes demandent instamment que la participation internationale soit rendue obligatoire dans le projet de loi et qu’elle soit garantie dans tous les organes de la cour spécialisée (chambres, greffe, parquet, unités d’enquêtes). Par ailleurs, une coprésidence des organes entre acteurs nationaux et internationaux pourrait être envisagée. Ces organisations soulignent également l’importance de mettre en place un processus de nomination des magistrats congolais et internationaux qui garantisse la sélection des meilleurs candidats et leur indépendance totale. Ces organisations sont préoccupées par le rôle prépondérant accordé au Ministre de la Justice à ce propos dans la version actuelle du projet de loi. Ces dispositions devraient être modifiées. En ce qui concerne les magistrats nationaux, le processus de nomination habituel par le Conseil Supérieur de la Magistrature (consacré par la Constitution, articles 82 et 152) devrait être respecté.

3) L’intérêt des victimes et des témoins de crimes graves internationaux devrait être mieux pris en compte dans le projet de loi visant l’établissement de la cour spécialisée mixte:

Les organisations participantes demandent que le rôle et les droits des victimes devant la cour spécialisée mixte soient clairement spécifiés dans le projet de loi. Cela devrait impliquer la reconnaissance du droit des victimes à se constituer parties civiles, permettant une action collective ou individuelle, et à recevoir des réparations pour les crimes qu’elles ont subis. A cet égard, le projet de loi devrait prévoir notamment la création d’un fond indépendant pour les réparations au profit des victimes.

4) La cour spécialisée mixte devrait avoir une compétence première mais pas exclusive en matière de crimes graves internationaux:

Les besoins de justice en RDC sont immenses. Il est important qu’une dynamique positive s’institue entre la cour spécialisée mixte et les cours ordinaires, pour que le plus d’affaires possibles puissent être traitées. A cet effet, ces organisations insistent pour que la cour spécialisée mixte ait une compétence première, mais pas exclusive. La cour spécialisée mixte devrait se concentrer sur les affaires impliquant les plus hauts responsables. Il devrait être prévu dans le projet de loi que les affaires non traitées par la cour spécialisée mixte seront renvoyées devant les tribunaux ordinaires.

5) Les droits des accusés tels que prévus dans le projet de loi devraient être renforcés:

Pour que justice soit effectivement rendue, il est essentiel que les procès soient véritablement justes et équitables. Il est donc important que les droits des accusés soient scrupuleusement respectés devant la cour spécialisée mixte.

 

POLITIQUE: LES INCERTITUDES DU PROCESSUS ÉLECTORAL

La CENI prépare un nouveau calendrier électoral

Le 4 mars, le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le pasteur Daniel Ngoy Mulunda a déclaré que, selon un nouveau calendrier électoral qui sera rendu public prochainement, le nouveau Président de la République qui sera élu dans les prochaines élections prêtera serment le 6 décembre 2011. Selon la Constitution, le scrutin doit se dérouler 90 jours avant l’expiration du mandat du président en exercice, soit en septembre 2011. Une échéance qui parait difficile à tenir, compte-tenu de la lenteur de la révision du fichier électoral réalisée seulement dans trois des 11 provinces du pays.

Majorité et opposition face aux prochaines élections

Le 16 mars, dans une réunion tenue à Kingakati (Kinshasa), l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP) s’est muée en Majorité présidentielle (MP). Selon certaines fuites d’information, la MP rompt avec le passé. C’est-à-dire qu’elle se présente désormais comme une plate-forme politique dotée d’une nouvelle charte et donc d’une nouvelle vision. Anciens comme nouveaux membres, tous doivent se conformer aux nouveaux textes qui régissent la MP. Ils sont obligés, pour les premiers, de renouveler leur acte d’adhésion, la reconduction n’étant plus automatique. Il est fait état, entre autres obligations, de confirmation de son adhésion à la MP par la justification d’assises populaires réelles et appréciables. En termes mathématiques, le parti politique candidat devra compter au moins cinq députés nationaux et provinciaux et quelques sénateurs. Autre conséquence à tirer de cette nouvelle donne c’est que tous les accords signés avec l’AMP tombent caducs, celle-ci ayant cessé d’exister.

Au centre des discussions politiques du mois de mars dernier il y avait l’initiative de la création d’un front commun de l’Opposition, en vue de l’élection présidentielle prochaine. L’UDPS et l’UNC ont adopté un protocole d’action pour aboutir à un front commun de l’Opposition.

Avec le Mouvement de libération du Congo, Kamerhe souligne que «les échanges politiques sont très avancées». Et de poursuivre: «l’axe «UDPS, UNC et MLC constitue un triangle nucléaire pour gagner ensemble les élections prochaines. Avant tout regroupement, chaque parti politique de l’Opposition doit d’abord organiser son congrès et viendra ensuite l’étape de la création du front commun de l’Opposition». «Nous avons tous besoin du rassemblement de l’Opposition et nous devons lutter ensemble, pour que nous ayons des élections transparentes», explique Vital Kamerhe.

À l’UDPS, Étienne Tshisekedi reste ouvert au rassemblement des forces du changement qui n’est pas impossible: «Je crois qu’il est possible de constituer une plate-forme pour une lutte commune et pour des objectifs précis, afin de mettre fin à la farce qui nous gouverne». Pour lui, «le pouvoir est à la portée de l’Opposition pour une alternative crédible». Des partis politiques et des associations répondent déjà à son appel sur le regroupement des forces du changement pour une alternance crédible et productive au pouvoir actuel dépourvu de «toute capacité visionnaire». Comment réaliser ce regroupement? «Le premier devoir d’un dirigeant d’un parti politique, c’est d’organiser son parti. La deuxième étape est celle d’envisager une plate-forme pour l’action commune», répond Étienne Tshisekedi.

Un éventuel découplage de la présidentielle et des législatives

Le 14 mars, selon l’hebdomadaire parisien «Jeune Afrique», Joseph Kabila a réuni pendant plus de deux heures les plus hauts responsables de l’État au Palais du peuple. Parmi les présents: le procureur général, le Premier ministre, celui de l’Intérieur, les présidents du Sénat, de l’Assemblée nationale et de la Commission électorale nationale indépendante. Les participants ont examiné de près le scénario d’un «découplage» de la présidentielle et des législatives. «La première pourrait se tenir en octobre prochain, les secondes au début de 2012», précise-t-il. «Un moyen, ajoute le magazine parisien, pour le chef de l’Etat fraîchement élu de profiter, lors des législatives, de la tendance des électeurs à voter pour le vainqueur de la présidentielle. Et donc de s’assurer la haute main sur le Parlement». Pour «J.A», l’argument (nécessité de faire des économies ) avancé jadis par le «clan kabiliste» pour justifier la suppression du second tour de la présidentielle «n’était qu’un prétexte», d’autant plus que «le découplage nécessite en effet l’organisation de deux scrutins au lieu d’un».

Le 18 mars, l’Association africaine des droits de l’homme (Asadho) dénonce avec force le désaccouplement et la séparation de l’élection présidentielle des législatives. Cette ONG congolaise estime que cette initiative contient des germes de conflits. Le président élu aurait du mal à travailler avec un gouvernement non issu de la majorité législative, a estimé le vice-président de l’Asadho, Georges Kapiamba, en ajoutant que «en renvoyant les élections législatives, nous craignons aussi que cela ne soit pas oublié comme c’est le cas avec les élections locales».

Le débat sur la mouture du nouveau calendrier électoral

Le 7 avril, une délégation de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) conduite par son secrétaire général, Jacquemain Shabani Lukoo, a été reçue au siège de la CENI, où elle a déposé un cahier des charges relatif aux observations sur la mouture du calendrier électoral.

L’UDPS qui a salué la méthodologie de travail du bureau de la CENI en initiant le dialogue constructif avec les acteurs politiques majeurs, a malheureusement constaté qu’en ce qui concerne le calendrier électoral, «la CENI accuse aujourd’hui de graves manquements sur plusieurs plans, notamment sur le plan technique et logistique, budgétaire et politique». Et d’ajouter: «Après 5 ans, nous sommes incapables de voler de nos propres ailes. Les institutions du pays ont été incapables de poursuivre le processus démocratique par l’organisation des élections municipales et locales. Nous sommes incapables d’organiser les élections dans les délais constitutionnels».

Dans le même document, l’UDPS poursuit: «Les atermoiements en ce qui concerne l’examen et le vote de la loi organique de la CENI, le temps volontairement gaspillé pour la mise en place du bureau de la CENI, le tripatouillage de la constitution de la République et l’inexistence d’une nouvelle loi électorale, sont autant des preuves parmi tant d’autres de la volonté du pouvoir en place de modifier unilatéralement les règles du jeu en vue de fragiliser les institutions de la République et confisquer la souveraineté du peuple».

Selon l’UDPS, à propos du dysfonctionnements sur le plan technique et logistique, non seulement le nombre d’équipements déployés sur le terrain comparativement au cycle électoral précédent est fortement réduit, mais aussi la vétusté des kits et autres équipements nécessaires aux opérations préélectorales et électorales, constituent un gros handicap pour la réussite de la mission confiée à la CENI par le législateur. L’UDPS a relevé aussi que « le retard accumulé à ce jour dans la constitution du fichier électoral est également la conséquence qui met regrettablement, et peut-être irrémédiablement en danger tout le processus électoral en cours». En clair, soutient le document, l’UDPS note que l’on «veut réinstaller la dictature; ce qu’il n’acceptera pas».

Le 8 avril, dans une déclaration commune, l’opposition a dévoilé sa position sur le processus électoral: 1. La tenue des élections dans les délais constitutionnels, avec la conséquence qu’au-delà du 6 décembre 2011, date de prestation de serment du président de la République élu, l’actuel président de la République devient illégitime; 2. Le maintien du couplage des élections présidentielles et législatives nationales». La question que d’aucuns se posent est celle de savoir ce qui pourrait se passer dans une situation de vide juridique à la date fatidique du 6 décembre 2011. L’Opposition pense déjà à des concertations directes dans la classe politique pour parvenir à un compromis. Comme on le voit, il se profile en filigrane l’idée d’un accord pour une petite transition sanctionnée par la formation d’un gouvernement d’union nationale qui intégrerait les membres de l’Opposition. La transition étant comprise comme une période de ni vaincu, ni vainqueur. Ledit gouvernement aurait comme tâche de réunir les finances, la logistique et l’arsenal juridique dont la CENI a besoin pour organiser les prochains scrutins à tous les niveaux.

Proposition d’une nouvelle loi électorale

Depuis quelques jours, un projet de loi électorale circule en sous le manteau dans les couloirs du Parlement. Selon certaines indiscrétions, pour prétendre au poste de candidat président de la République, les candidats doivent payer une caution non remboursable de 100.000 USD, contre 50.000 en 2006. Des candidats députés nationaux, il sera exigé 5.000 USD de caution, contre 250 en 2006, soit une augmentation de 2.000%.

Selon certains observateurs, ces conditions portent le germe de l’exclusion d’une certaine catégorie de Congolais». Ils estiment que le projet est concocté dans le but avoué d’empêcher le Congolais moyen, vu son pouvoir d’achat, d’exprimer des ambitions politiques.

Le 11 avril, les députés nationaux ont rejeté, au cours de la plénière, la proposition de loi portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, municipales et locales du député Tunda Ya Kasenda. Ce rejet fait suite à la motion incidentielle présentée par son collègue Lumeya Dju Malegi qui a fait remarquer que la proposition de Tunda était carrément une nouvelle loi.

«Or, a-t-il expliqué, la logique voudrait que l’on apporte simplement certaines modifications à l’ancienne loi électorale, conformément à la récente révision de la constitution. Ce qui n’a pas été le cas». Lumeya Dju Malegi indique, pour illustrer son propos, que l’ancienne loi comporte soixante-huit articles alors que la loi proposée par le député Tunda en compte deux cent quarante-huit.

La plénière a accordé soixante-douze heures à l’auteur de la proposition de loi, pour la reformuler.

Ce dernier, devrait préciser les dispositions ou les articles de cette loi qui doivent faire l’objet de débat en vue de leur modification. En définitive, les députés ont opté pour une simple révision du texte dont s’est servi la CEI en 2006.

Après le rejet en bloc de la proposition Tunda par la plénière de l’Assemblée nationale, le gouvernement a élaboré un projet de loi portant modification de certaines dispositions de la loi électorale de 2006. Le texte aurait déjà été déposé au bureau de l’Assemblée nationale avant d’être distribué aux élus nationaux. Il ressort d’indiscrétions obtenues, que certaines préoccupations soulevées par les élus du peuple lors de la plénière du 11 avril dernier pourraient être rencontrées dans le projet présenté par le gouvernement. Il s’agit notamment de la réduction de la caution à payer par les candidats aux différents scrutins. Les chiffres qui ont circulé et créé la panique seront revu à la baisse lors du débat en plénière. Par exemple, les candidats aux législatives nationales pourraient payer 500 USD au lieu de 5.000 USD qui avaient été mentionnés dans la proposition de loi Tunda. Une autre préoccupation qui aurait calmé, voire rassuré les députés nationaux membres de la MP se trouve être le mode de scrutin proposé par le projet de loi électorale du gouvernement. Une unanimité se serait dégagée sur le mode proportionnel avec un seuil d’au moins 10 à 20 %. Contrairement au mode majoritaire proposé par le député Tunda, le mode proportionnel avec ce seuil minimal permettrait une visibilité de l’élection de chaque candidat présenté sur une liste de parti.

Elections en RDC: Pas que des présidentielles?

Selon EurAc, le réseau des Ong européennes actives dans la Région des Grands Lacs, a révision de la constitution congolaise en janvier dernier a pris de cours tous les acteurs et observateurs congolais et internationaux. Néanmoins, on ne peut pas surestimer son importance. Elle empêchera les partis politiques d’utiliser le premier tour comme un premier tri pour pouvoir s’organiser autour de l’ultime challenger dans le deuxième tour. Si l’opposition ne s’organise pas autour d’un seul challenger, il sera très improbable de battre Kabila. La communauté internationale aura des difficultés à trouver un ton et un contenu à ses éventuels messages critiques sur le processus, n’ayant pas réagi à la révision constitutionnelle.

Les nouveaux enjeux deviendront le fonctionnement (autonome ou pas) de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), la loi électorale (qui définira ou pas un cadre encore plus restrictif) ; l’installation et le fonctionnement du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Les enjeux seront aussi la sécurisation du processus (y compris la question si l’opposition sera capable de s’adresser à l’électorat dans une campagne normale) ; l’indépendance de la Cour constitutionnelle, qui traitera tous les litiges électoraux. Il est probable que le gouvernement avancera sur ces terrains de la même manière que la constitution a été revue, avec des irrégularités formelles, mais pas assez pour pouvoir parler d’une démarche illégale. Aujourd’hui, on ne peut pas exclure que la CENI décidera de découpler les élections présidentielles des élections législatives, afin d’accélérer le processus des présidentielles pour que le Président prête serment avant que son mandat actuel n’expire. Dans ce scénario, les élections législatives pourraient être organisées au plus tôt en mars-avril 2012.

Le premier souci est que des législatives organisées par un Président déjà réélu et installé pourront avoir un résultat entièrement différent que des législatives organisées comme étape dans un nouveau cycle électoral où tout est encore ouvert. Le deuxième souci est que les législatives pourraient être considérées comme beaucoup moins prioritaires. Certains n’excluent pas que les législatives seront reportées sine die, pour des raisons de sécurité, financières ou autres. Surtout quand on se rend compte que le cadre légal doit être mis en place par un Parlement dont beaucoup d’élus sont quasi sûrs de ne pas être réélus. C’est pourquoi l’opposition a un focus presque exclusif sur les élections présidentielles, et en fait une question « maintenant ou jamais, tout ou rien. » Ceci augmente let potentiel violent du processus. Leurs leaders font référence à leur capacité de mobiliser la rue au cas où ils ne se reconnaissent pas dans le résultat des élections.

Le manque d’importance qu’on attribue aux législatives est inquiétant. La croissance d’une démocratie est un processus à long terme, et la qualité de son Parlement est un indicateur important de son évolution. C’est dommage qu’on n’en parle pas beaucoup au Congo, ces jours-ci. Et ce qui est carrément triste est que les élections locales ne semblent exciter absolument personne. Sauf nous bien sûr, à EurAc, on continue à croire qu’une démocratie qui commence à haut sans arriver en bas est un édifice qui a un toit imposant mais pas de murs. Il s’écroulera.

Ce qui entrave le processus électoral

Selon le site Beni Lubero Online, d’aucuns se demandent pourquoi on ne peut pas, ou on ne veut pas, organiser les élections dans le délai constitutionnel et pourquoi la CENI ne parvient pas à fixer un calendrier électoral? La réponse est simple. Depuis le début de l’agression rwando-ougandaise de la RDC, la vie politique en RDC tourne autour des intérêts des multinationales exploitant les richesses de la RDC par l’action des armées du Rwanda et de l’Ouganda. La RDC s’est toujours inclinée devant les desiderata de ces agresseurs et leurs marionnettes congolaises, sous l’euphémisme de privilégier l’intérêt supérieur de la nation.

En effet, il apparaît que tous les accords publics et secrets conclus entre la RDC et le Rwanda n’avaient comme but que d’avancer l’agenda de l’occupation rwandaise de l’Est de la RDC. La dernière victoire de cet agenda est l’occupation du Kivu et de la Province Orientale par le CNDP et le Rwanda sur le plan militaire, sécuritaire et économique. La résistance congolaise à cette occupation est ce qui retarde encore l’occupation administrative et politique de cette partie du pays et le retour des milliers des rwandais qui attendent coloniser le Kivu et la Province Orientale.

Selon certains observateurs, les tergiversations constatées dans la mise en place du processus électoral s’expliquent par la lenteur de l’opération dite de retour des réfugiés congolais du Rwanda et de l’Ouganda. En effet, le Rwanda ne peut réussir son plan d’occupation en douceur que si pendant les prochaines élections, les retournés du Rwanda et de l’Ouganda réussissent à faire élire à la majorité simple un nombre des rwandophones requis pour avoir la majorité dans les assemblées provinciales du Nord-Kivu, Sud-Kivu, Maniema, et Province Orientale. Cette majorité permettrait aux rwandophones d’élire des rwandophones comme gouverneurs de province et de boucler la boucle par l’organisation d’un referendum d’auto-détermination des Hutu-Tutsi ( ou Hutsi) de l’Est de la RDC.

Au jour d’aujourd’hui, la résistance congolaise est tellement une réussite que seuls les militaires rwandais sont sur le sol congolais camouflés sous l’uniforme FARDC, FDLR, ADF-NALU, LRA, PARECO, MAI-MAI pour y mener des opérations de représailles contre les congolais, afin de les obliger à accepter le diktat des occupants. Mais les civils qui devraient remplacer la population actuelle de l’Est du pays attendent toujours de l’autre côté de la frontière congolaise. Pour donner à cette opération le temps nécessaire, il faut retarder la date des élections par tous les moyens possibles. Ceci explique ainsi les longues consultations de la CENI avec les partis politiques, à qui on voudrait faire porter le chapeau de la non tenue des élections dans le délai constitutionnel.

La vraie opposition politique de la RDC devrait ainsi faire coalition avec la résistance du peuple congolais et s’en inspirer pour battre campagne. En effet, seule cette résistance permet au Congo de subsister encore aujourd’hui comme un pays souverain et indivisible.

Vers un éventuel report des élections?

Selon le journal kinois Le Potentiel, des indices sérieux indiquent que la peur des élections gagne du terrain aussi bien dans le camp de la Majorité que dans celui de l’Opposition. Des déclarations se multiplient chaque jour davantage comme pour préparer l’opinion à l’éventualité d’un report des élections au-delà de 2011, avec en toile de fond le retour à la surface des concertations politiques pour couvrir le vide juridique qui s’en suivrait. L’exécution de pareil plan conduirait au chaos et remettrait en cause le processus mis en place depuis 2006. Certains membres de la classe politique congolaise voudraient rééditer l’exploit de 2003 qui a sanctionné le Dialogue inter congolais à Sun City en Afrique du Sud. Ils se montrent défaitistes par rapport à l’aboutissement heureux du processus électoral en cours. Par des manœuvres dilatoires, ils s’apprêtent à brandir le spectre d’un vide juridique et placer le peuple congolais devant un fait accompli. Ce qui ouvrirait, ainsi, la voie à des négociations politiques pour un partage du pouvoir (équitable et équilibré) entre les parties en présence.

Cette peur de la tenue d’élections dans les délais constitutionnels est également notée au niveau du Parlement. Les 620 locataires de l’hémicycle du palais du peuple ne se montrent pas pressés d’aborder le cadre législatif nécessaire pour la tenue d’élections réellement libres, démocratiques et transparentes en 2011. Le retard délibérément entretenu dans la mise en place du bureau de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) en témoigne. Six mois se sont écoulés entre la désignation des sept membres de l’institution citoyenne et leur nomination effective au sein du bureau de la CENI. Six mois d’inutiles tergiversations et conciliabules. Juste pour tirer les choses en longueur.

La révision de la Constitution, faite de manière hâtive à l’initiative de la Majorité au pouvoir, a montré à suffisance que la classe politique congolaise n’émet pas sur la même longueur d’ondes sur la manière d’organiser les élections.

Tous, renseignent des sources concordantes, seraient arrivés à la conclusion selon laquelle les élections en 2011 leur seraient fatales. Personne ne veut mordre la poussière en face du souverain primaire. Aussi, de part et d’autre, tous cherchent-ils à décaler les scrutins, le temps pour eux de se doter de stratégies appropriées pour triompher le moment venu.

Le drame est que tout se passe au grand dam de la population. Les acteurs politiques veulent composer pour contourner le suffrage universel par lequel le souverain primaire exerce ses droits les plus légitimes. L’objectif de la démarche amorcée en coulisses est de parvenir à des négociations, supposées inclusives, pour adopter des règles communes de partage du pouvoir en attendant la réunion des «conditions techniques et matérielles» nécessaires pour des élections réellement libres et transparentes.

Depuis sa prise des fonctions, le président de la CENI, le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, ne cesse de crier sur tous les toits qu’il lui faut des moyens financiers importants pour arriver à accomplir sa mission en toute indépendance. Curieusement, du côté du gouvernement il s’observe un silence radio. Comme si le sujet n’était plus une priorité. Or, celui-ci avait déclaré avoir dégagé 200 millions Usd en 2010 pour le financement du processus électoral. De même, il a été inscrit au budget 2011 350 millions Usd. Où est passé cet argent ? S’il est consigné quelque part, pourquoi ne le décaisse-t-on pas tout de suite au profit de la CENI qui en a tant besoin? Quoi qu’il en soit, les élections sont incontournables en 2011. Les mandats des dirigeants issus des élections de 2006 doivent être renouvelés par le biais des urnes. Ne pas respecter les délais constitutionnels, serait planter le décor d’un chaos pour ce pays qui n’a plus besoin de retour des seigneurs de guerre ni autres situations d’illégitimité des dirigeants.

Selon Serge Gontcho, président de G1000/Société civile, initialement pensées comme les premières à intervenir dans le processus électoral de 2006, les élections locales ont d’abord été remises à l’année suivante. Cinq ans après, elles ne sont toujours pas à l’agenda des partis politiques, intéressés uniquement par la présidentielle et les législatives. Pourquoi? La première raison, qui met d’accord pouvoir et opposition, est que les communes sont du menu fretin. Pour bien manger, il faut être président de la république, ministre ou député national. Voilà qui démontre, s’il en est, que les politiciens, tous, sont moins préoccupés de la démocratie que des avantages personnels. Chacun a une deuxième raison pour ignorer les communales. Pour le pouvoir, cela lui permet de nommer ses bourgmestres et tricher. Quant à l’opposition, elle craint les élections car elle n’est pas encore suffisamment enracinée dans le peuple. Il ne resterait que la société civile pour donner de la voix pour le peuple. Or, la voici aussi aspirée vers les hauteurs, là où la mangeoire est bien garnie. Le Congo brûle, tout le monde le reconnaît à basse voix. Il faut donc sauver le Congo! Voici quelques propositions pour ce faire:

Primo: Report de toutes les élections. Non aux élections bâclées et partielles, qui n’amèneront que contestations, chaos ou légitimation de la cacophonie politique.

Secundo: Négociation d’une période de prolongation raisonnable, de dix-huit à vingt-quatre mois, avec comme objectif principal l’organisation de toutes les élections dans des conditions de transparence.

Tertio: Exigence de la tenue d’abord des élections locales. Ensuite, les législatives, et enfin la présidentielle.

Quarto: Reconfiguration des institutions de la République: la présidence, le parlement et le gouvernement. Il ne peut en effet être question d’octroyer une prime à ceux qui ont failli.

Enfin, la Ceni publie un nouveau calendrier électoral

Le 30 avril, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Daniel Mulunda Ngoy, a annoncé que les élections présidentielles à tour unique et celle des députés nationaux ont été fixées au 28 novembre 2011. La campagne électorale se déroulera du 28 octobre au 16 novembre. Le nouveau président prêtera serment le 20 décembre, deux semaines après la fin constitutionnelle du mandat de l’actuel, Joseph Kabila.

Toujours selon le calendrier publié par la Ceni, suivront ensuite, jusqu’à l’été 2012, l’élection des députés provinciaux le 25 mars, des sénateurs le 13 juin, puis celle des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces le 21 juillet par les assemblées provinciales,.

Les conseillers municipaux, les conseillers des secteurs et des chefferies seront élus le 5 février 2013, suivi le 1er mai de l’élection des chefs de secteurs, des bourgmestres et conseillers urbains.

Ce long processus électoral s’achèvera le 24 mai 2013 avec l’élection des maires et leurs adjoints.

Début mars, la Ceni avait pris l’engagement d’organiser les élections en respectant la Constitution, qui stipule que le scrutin présidentiel doit se dérouler 90 jours avant l’expiration du mandat du président en exercice, soit en septembre 2011. Mais la CENI n’a pas tenu sa promesse, évoquant notamment la lenteur dans la révision du fichier électoral et des contraintes d’ordre logistique et financier.

Paul Nsapu, observateur international des élections et secrétaire général de la Fédération internationale des droits de l’homme, estime que le calendrier publié par la CENI est une vaste comédie. Paul Nsapu pose des questions de fond: de quels fichier électoral, de quelle logistique et de quels moyens financiers dispose la CENI pour programmer les élections?

Selon d’autres observateurs, la publication de ce calendrier électoral est une belle manœuvre dilatoire visant à faire passer dans l’opinion publique l’idée d’un léger retard dans l’organisation des élections et de faire avaler, par après, la prolongation des mandats des élus de 2006.

NOUVELLES REGLES DE TRAÇABILITE POUR LES MINERAIS CONGOLAIS

La loi Dodd-Frank

La loi américaine Dodd-Frank a été promulguée par le président Obama le 23 juillet 2010.

Elle oblige les entreprises à publier leurs revenus ainsi que les paiements fiscaux qu’elles adressent aux gouvernements du monde entier. Cette loi de 2500 pages appelée « Financial reform act » contient une disposition qui concerne les minerais de la RDC. Sont concernés par cette loi trois minéraux industriels: l’étain, le tantale et le tungstène, mais aussi l’or. L’étain est utilisé pour souder les composants électroniques du téléphone, et le tantale dans les condensateurs, élément vital en électronique. Le tungstène sert notamment à faire vibrer le cellulaire. La loi américaine exige des opérateurs économiques la mise en place des procédures qui leur permettent de s’assurer qu’ils ne contribuent pas aux conflits dans la région. Elle n’interdit pas le commerce des minerais de cette région, mais impose aux entreprises de dire chaque année si leurs produits contiennent un des quatre « minéraux des conflits » du Congo-Kinshasa ou des neuf pays de la région, par lesquels ils pourraient transiter pour être « blanchis ». Elle vise à priver les rebelles et autres groupes armés de fonds pour leur subsistance et à les pousser à déposer les armes. Une application rigoureuse de cette loi pourra contribuer à réduire les conflits armés au Congo-Kinshasa.

C’est en principe le 1er avril 2011 que la loi Américaine, interdisant ses citoyens d’acheter des produits miniers en provenance des zones affectées par des conflits armés, est entrée en vigueur.

Par cette décision, la République Démocratique du Congo pourrait connaître un embargo de fait. Son gouvernement n’a pas encore mis sur pied des mécanismes d’étiquetage et de certification des minerais, comme cela a été exigé par cette loi Américaine. En outre, des centres de négoce, n’ont pas été équipés et la situation sécuritaire de la région reste précaire.

Des autorités politiques congolaises, des opérateurs économiques du secteur minier ainsi que la société civile du Nord Kivu, viennent d’écrire aux autorités américaines pour tenter d’obtenir d’elles, un moratoire de 6 mois à une année pour permettre au gouvernement congolais de se conformer à ces exigences.

Jason Luneno, président de la société civile du Nord-Kivu, estime que si cette loi entre en vigueur le 1er avril, la population de la région va plonger dans la misère, l’exploitation artisanale des minerais dans cette partie de la RDC étant l’une des ses activités principales. Il a estimé aussi que l’application de la Loi Obama est loin d’empêcher la fraude tant décriée et redoutée. « On va toujours continuer à écouler les minerais clandestinement, au profit de certains pays voisins qui pourront étiqueter les minerais, inclus ceux importés de la RDCongo », a-t-il expliqué.

Les opérateurs économiques du Nord Kivu redoutent aussi l’application de la loi Obama. Ils affirment détenir une marchandise estimée à plus de 30 millions USD suite à la suspension des activités minières en 2010. Ils craignent ne pas pouvoir écouler ces produits qui pourraient être assimilés, faute de certification, à des minerais du sang. Il est en effet difficile de distinguer, une fois sur le marché, le minerais  »de sang » de celui  »immaculé ».

Une ONG locale des droits de l’homme, Cerdho, soutient l’application immédiate de cette loi. Selon elle, les opérateurs économiques et le gouvernement doivent s’assurer que l’exploitation des minerais ne contribue pas à financer les groupes armés. Selon cette Ong, la loi Obama est la bienvenue pour assainir le secteur minier congolais, étant donné que les minerais sont à la fois le principal motif et le carburant qui alimentent les conflits dans la partie orientale de la RDC.

Les nouvelles dispositions de l’EICC et de la GeSI

Dorénavant, des sociétés comme Apple, HP et Research in Motion ne pourront plus utiliser les minerais, notamment le coltan ou le tantale, extraits des régions troublées par des conflits, si elles ne se sont pas assurées que leur achat ne finance pas les belligérants.

Ces nouvelles règles ont été mises au point par l’Electronic Industry Citizenship Coalition (EICC), basée à Washington, et la Global eSustainability Initiative (GeSI), dont le siège est à Bruxelles.

L’EICC est un organisme chargé d’établir un code de conduite dans les domaines des rapports sociaux, de l’éthique et de l’environnement et parmi ses membres il y a aussi des sociétés de haute technologie comme Microsoft, Dell, Apple, HP et Intel.

« L’objectif est de savoir clairement d’où viennent nos minerais et de ne pas alimenter des conflits », explique Wendy Dittmer, porte-parole de l’EICC.

La République Démocratique du Congo, ravagée par des années de conflit, fournit environ 5% de la production mondiale d’étain et figure parmi les quatre pays d’Afrique centrale qui produisent entre 12,5 et 14% du tantale, utilisé dans l’industrie de haute technologie notamment pour la fabrication d’instruments chirurgicaux et d’implants.

Pour s’assurer concrètement que les minerais achetés n’ont rien à voir avec le financement des groupes armés, il faut marquer les minerais qui proviennent de régions de conflit.

«Le lancement de tels programmes de traçabilité a été ralenti par le manque de financement et une suspension de six mois de l’exploitation minière dans l’Est, imposée par le gouvernement de Kinshasa et qui a été levée le 10 mars», explique Karen Hayes, de l’organisation PACT, chargée de contrôler leur mise en oeuvre.

Le marquage des minerais est déjà lancé dans le nord du Katanga mais il faudra du temps pour qu’il soit généralisé. Dans les provinces orientales troublées de Maniema, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, rien encore n’a pu être fait.

Pour Karen Hayes, il faudra au moins deux ans pour faire appliquer les nouvelles règles en adoptant une méthode progressive. L’EICC est bien consciente de ces problèmes mais refuse de repousser l’entrée en vigueur de sa nouvelle réglementation. Les nouvelles mesures de l’EICC s’appliquent aussi à des pays voisins de la RDC, comme le Rwanda et le Burundi.