Congo Actualité n° 114

ÉDITORIAL: DES INDICES CONVERGENTS D’UNE OCCUPATION EN ACTE KIVU
La poursuite de l’opération militaire Amani Leo contre les FDLR
L’opération militaire «Amani Leo» vue par la population de Nindja et Burinyi (Sud Kivu)
L’opération militaire «Ruwenzori» vue par les habitants de Beni (Nord Kivu)
Des questions d’ordre administratif
Une longue «série noire de meurtres et assassinats commis par des hommes en uniforme»
La question des Fardc issues du Cndp
Le retour à pas feutré de l’armée rwandaise en RDCongo
APRÈS L’ASSASSINAT DE FLORIBERT CHEBEYA
LE RENOUVELLEMENT DU MANDAT DE LA MONUC


ÉDITORIAL: DES INDICES CONVERGENTS D’UNE OCCUPATION EN ACTE

La guerre que les Fardc livrent aux rebelles rwandais FDLR et ougandais LRA, ADF-NALU ne convainc plus personne pour plusieurs raisons, dont les suivantes:

1. Quand on prend le cas de la région de Beni-Lubero, on trouve que les attaques contre les rebelles étrangers sont menées comme si ces derniers vivaient parmi la population congolaise, aussi bien dans les villes que dans les villages. C’est ainsi qu’on cherche les rebelles étrangers dans les maisons et les champs des autochtones, avec tout ce que cette pratique comporte comme exactions, viols, vols, pillages des maisons visitées. En outre, comme dans le cas des Opérations Ruwenzori, les militaires congolais sont envoyés sur le champ dit de bataille sans un salaire suffisant, sans provision alimentaire et sans tente. Par conséquent, ces milliers des militaires se ravitaillent auprès des populations déjà meurtries par 14 ans de guerre. La question qui se pose est ainsi de savoir qui est la vraie cible des opérations Ruwenzori: les populations congolaises ou les rebelles étrangers?

2. Le deuxième fait qui fait planer le doute sur les Opérations contre les rebelles étrangers à l’Est du pays, c’est leur commandement mono-ethnique. Une enquêtes rapide révèle que tous les commandants des opérations militaires au Nord-Kivu sont HIMA-TUTSI issus du CNDP ou du RCD-GOMA, à l’exception de quelques Katangais. Sachant que ces commandants sont les mêmes qui voulaient auparavant conquérir la région pour la faire occuper par les membres de leurs ethnies vivant dans les pays voisins, plusieurs observateurs affirment que les opérations militaires menées contre les groupe rebelles étrangers ne sont qu’une façon de poursuivre la conquête initiée par le CNDP de Nkunda.

3. Une autre question est de savoir pourquoi ce gouvernement laisse impunis les commandants et les militaires coupables des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Quand le coupable est un militaire ou un policier congolais d’origine, la justice est étonnamment expéditive. Mais jamais on a vu un militaire Hima-Tutsi traduit en justice et condamné. Bref, l’hégémonie militaire HIMA-TUTSI dans la région des opérations contre les rebelles étrangers en provenance des pays alliés aux HIMA-TUTSI peut expliquer ce que d’aucuns appellent déjà une occupation militaire de l’Est du pays et pourquoi toutes opérations militaires insécurisent davantage les Congolais au lieu de les sécuriser.

4. Ces rebelles étrangers sont enclavés dans les brousses et forêts du Pays, mais, malgré leur enclavement, résistent depuis 15 ans à l’armée onusienne de la MONUC ou MONUSCO, l’armée rwandaise, l’armée ougandaise, l’armée soudanaise et l’armée Congolaise. Si, d’une part, l’option militaire n’a pas été efficace, de l’autre, l’ONU ne veut pas organiser une table ronde de paix avec les représentants de ces rebelles pour chercher ensemble les moyens qui puissent conduire à la paix.

On peut donc déduire qu’il y n’a pas de volonté politique pour résoudre le problème des groupes armés étrangers. Au contraire, ils sont maintenus, appuyés et utilisés par les multinationales et des gouvernements de certains Pays limitrophes (Rwanda et Ouganda) pour entretenir cette situation d’insécurité qui leur permet l’exploitation illégale des ressources minières de la RDCongo et, dans le futur, une éventuelle division du Pays en petits États.

5. Selon Theodore Trefon un chercheur belge de MRAC Tervuren, «le démembrement de la RDCongo n’est abandonné actuellement qu’à contrepartie d’une garantie faite aux multinationales, qui utilisent le Rwanda et l’Ouganda pour piller les richesses minières congolaises, que l’Est de la RDCongo resterait, jusqu’à l’expiration de leurs contrats miniers, sous l’emprise du Rwanda et de l’Ouganda».

La sauvegarde des intérêts de ces multinationales expliquerait pourquoi l’ONU et les USA gardent le silence sur l’occupation militaire de l’Est de la RDCongo par le Rwanda et l’Ouganda. Le Rwanda et l’Ouganda peuvent ainsi profiter de cette permission d’occuper militairement le Congo pour poursuivre leur conquête des terres riches du Kivu et de la Province Orientale. D’aucuns parlent de la double guerre qui se déroule à l’Est du pays. D’un côté la guerre des multinationales qui se battent pour décrocher le monopole d’exploitation des minerais stratégiques congolais et de l’autre côté, la guerre du Rwanda et de l’Ouganda qui profitent de l’appui matérielle et diplomatique des grandes puissances pour se tailler un territoire à l’Est de la RDCongo. Cette hypothèse cadre bien avec la puissance militaire inexpliquée des rebelles étrangers du Rwanda et de l’Ouganda sur le sol congolais.

KIVU

La poursuite de l’opération Amani Leo contre les FDLR

Le 14 mai, dans un communiqué de presse, l’organisation non gouvernementale Action sociale pour le Développement affirme que la situation sécuritaire dans les territoires de Masisi et de Walikale reste préoccupante depuis le lancement des opérations militaires contre les Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et que des policiers et soldats FARDC contribuent à cette insécurité. L’ONG dénonce de graves violations des droits de l’homme à l’encontre des populations civiles. Elle relève des cas de tueries, tortures, enlèvements et arrestations arbitraires. Le responsable d’Action sociale pour le Développement, Olivier Bahemuke Ndoole, demande que les présumés auteurs de ces actes soient traînés devant les tribunaux.

Le 9 juin, l’opération militaire Amani Leo, lancée dans le Nord et Sud-Kivu en janvier pour traquer les rebelles rwandais des FDLR, ont été prolongées de trois mois sur décision du chef de l’Etat.

L’opération « Amani Leo » a pour objectif de repousser les FDLR loin de la frontière avec le Rwanda, dans des forêts difficilement accessibles, afin de les couper de leurs ressources économiques (notamment l’exploitation illégale de mines).

Leurs mauvaises conditions de vie dans la forêt poussent certains combattants à déserter les rangs des FDLR pour se rendre aux équipes Désarmement, démobilisation, rapatriement, réintégration et réinstallation (DDRRR) de la Monuc, et retourner au Rwanda. Du 1er janvier 2009 au 8 juin 2010, plus de 2.600 combattants rwandais, majoritairement des FDLR, ont ainsi regagné leur pays avec leur famille, selon la Monuc. Entre 2009 et 2010, le nombre de FDLR est passé de 6.000 à 3.200 combattants environ, selon l’ONU.

L’opération militaire «Amani Leo» vue par la population de Nindja et Burinyi (Sud Kivu)

Les habitants des Chefferies de Nindja et de Burinyi (Sud-Kivu) affirment que, dans leur contrée, la paix n’est pas encore arrivée, malgré les déclarations officielles.

Dans la chefferie de Burinyi, les militaires de Amani Leo établissent des camps et restent là-bas, sans faire de patrouille . Certains parmi eux vivent au camp avec leur famille. Ils sont délaissés par leurs chefs, qui vendent pour leur compte la nourriture qui leur était destinée, alors qu’eux n’ont pas à manger. Chaque dimanche ils passent dans les maisons pour demander aux familles de les secourir avec un peu de nourriture. Chaque samedi, c’est encore la population qui doit aller au camp pour construire les maisonnettes des militaires.

Dans la chefferie de Nindja, la population affirme que, pour la majorité, les militaires engagés dans l’opération «Amani leo» menée par les Fardc contre les Fdlr sont, selon leur même dire, des Tutsi et des Hutu issus du CNDP et venus du Masisi (Nord-Kivu) ou de Bukavu (Sud Kivu). Parmi eux, il y a aussi des Hutus qui étaient auparavant dans les FDLR. Parlant kinyarwanda, la population les soupçonne d’être de nationalité rwandaise.

Certains d’entre eux ont commencé à maltraiter la population civile, violer les femmes, voler les récoltes, le petit et le gros bétail et l’argent des familles, au point qu’il n’y a pas de différence entre eux et ceux qu’ils prétendaient chasser. Les militaires qui sont au niveau de Kabona, après la forêt de Mugaba, imposent une taxe variant de 20 à 50 $ à chaque camion transportant des planches. D’autres arrêtent des gens en les accusant d’être des FDLR et demandent une chèvre, une vache ou de l’argent pour les libérer.

Les militaires placent de nombreuses barrières sur les routes et les sentiers menant aux marchés, officiellement en vue de protéger la population des attaques des FDLR, mais cela devient une opportunité pour rançonner les gens. Sur la route qui va vers Shabunda, du pont RUBIMBE I jusqu’à Kigulube ils ont placé dix barrières, à chacune desquelles il faut donner 500 FC, aussi bien à l’aller qu’au retour. En continuant vers Shabunda, on en trouve encore vingt.

Les mamans cherchent à écouler leur manioc au marché, mais à cause des barrières, elles trouvent qu’elles travaillent pour les militaires et non pas pour leurs familles . En plus, certaines d’entre elles sont emportées dans la forêt par ces mêmes militaires et violées. Sur la route qui va de Nindja à Kabare et à Bukavu, fort fréquentée par les gens de Nindja, existent entre cinq et huit barrières; si on ne paye pas, on reste bloqués à la barrière ou l’on doit rebrousser chemin.

La population ne voit pas les militaires d’Amani Leo intéressés à prendre ou faire rentrer au Rwanda les FDLR. Si on leur dit où les FDLR se trouvent , ils répondent: «Nous ne voulons pas nous attaquer à eux». Du côté de Nindja, on n’a pas encore vu un vrai affrontement entre Amani Leo et les FDLR, ni des FDLR remis à la MONUC pour leur rapatriement. En revanche, ce sont les FDLR qui gèrent jusqu’à présent certains carrés miniers de cassitérite, tels que celui de Lukomo. Les gens qui y creusent la cassitérite, doivent donner un pourcentage aux FDLR.

Dans les buvettes et un peu partout, on entend les militaires Tutsi d’Amani Leo dire: «Nous voici à nouveau au Congo, prendre le pays avec deux mains!». Selon le témoignage d’une femme congolaise mariée par un militaire rwandais d’Amani leo, ces militaires, s’ils vont en congé, ils vont au Rwanda. Les habitants de Nindja pensent que les opérations Amani leo sont une espèce de distraction et que leur réel objectif c’est d’occuper le terrain, en particulier les carrés miniers.

Depuis le mois de mai, la population de Nindja subit à nouveau des tracasseries de la part des FDLR, qui avaient été repoussés vers l’intérieur de la forêt par les opérations Amani leo.

En effet, les FDLR ont déplacé leurs familles plus loin, vers l’intérieur de la forêt, en abandonnant leurs champs qu’ils cultivaient et leur élevage. C’est ainsi que les membres armés des FDLR font le va-et-vient entre ces nouveaux camps et les villages habités par les Congolais pour s’approvisionner, en ravissant les produits des champs et de l’élevage, ainsi que de l’argent.

Les FDLR arrivent habituellement la nuit à Nindja pour s’approvisionner en volant les biens de la population. Souvent, ils obligent des habitants du village à transporter leur butin dans la forêt.

Des membres des Fdlr ont déclaré à des habitants d’Iregabaronyi qu’ils viennent s’approvisionner parce que on leur a enlevé les moyens de subsistance en les éloignant de leurs champs et ont ajouté: «Vous verrez où vous en arriverez avec ces Rwandais (Tutsi) que vous êtes allés chercher pour nous remplacer!». D’ailleurs, on ne sait même plus distinguer les auteurs des attaques, surtout lorsque l’attaque se produit la nuit, car les FDLR et les militaires d’Amani Leo portent la même tenue et parlent les mêmes langues.

Les habitants de Nindja et de Burinyi demandent aux autorités provinciales et nationales que les militaires d’Amani Leo soient déployés ailleurs en dehors des Kivus et qu’ils soient remplacés par ceux de la X Région. Qu’ils soient payés, équipés et plus nombreux, pour qu’ils occupent les endroits où se trouvent les FDLR. À la communauté internationale, ils demandent de faire pression sur le régime rwandais pour l’ouverture d’un dialogue entre le pouvoir et son opposition, car la seule option militaire se révèle insuffisante et inefficace.

L’opération militaire «Ruwenzori» vue par les habitants de Beni (Nord Kivu)

L’Association africaine pour la défense des droits de l’Homme (ASADHO/Beni) a enregistré au moins vingt-sept cas de meurtres et assassinats commis du 20 juin au 17 juillet, dans la ville de Beni. Pendant la même période, cette organisation a identifié au moins quinze cas de vols à mains armés dans la même ville.

D’après le président de l’ASADHO/Beni, les auteurs des meurtres et assassinats sont des militaires incontrôlés des FARDC, des policiers ainsi que des rebelles ougandais de l’ADF/NALU.

D’où, la nécessité pour le gouvernement congolais d’assurer le cantonnement et la prise en charge des militaires FARDC, surtout en cette période des opérations «Ruwenzori» lancées pour traquer ces rebelles ougandais, estime le président de l’ASADHO/Beni.

Kizito Bin Hangi a déclaré: «A Mutwanga, quand les opérations Ruwenzori ont commencé nous avons enregistré huit cas d’assassinats: deux à Maleki, quatre à Mamundioma, deux à Kokola. D’autre cinq cas de mort ont été enregistrés au niveau de Linzo Sisene, non loin d’Eringeti».

Les opérations militaires «Ruwenzori» en cours contre les rebelles ougandais ADF-NALU en Territoire de Beni risquent de ressembler à celles menées contre les FDLR en Territoire de Lubero, car elles font plus de mal que de bien aux civils congolais. Le grief de toujours contre ces opérations militaires est l’absence d’un plan de sécurisation des civils congolais et de collaboration avec les forces vives locales. C’est ainsi que les erreurs décriées lors des opérations contre les FDLR se répètent en Territoire de Beni. Les coins du territoire de Beni qui étaient relativement paisibles avant les Opérations Ruwenzori et où l’on n’avait jamais vu des ADF-NALU sont aujourd’hui dans la tourmente et vidés de leurs habitants. D’où la suspicion permanente que les opérations auraient comme mobile caché le déplacement des populations locales de leurs terres qui devraient passer aux retournés du Rwanda et de l’Ouganda.

Selon les témoignages troublants de la part des déplacés, il n’y aurait jamais eu des combats rangés entre Fardc et ADF-NALU. Les Fardc débarquent dans un village ou une localité où il n’y a pas des ADF-NALU, tirent à l’air, pillent les maisons, tuent dans la foulée des civils qui essaient de résister, et quittent le village. Après une petite accalmie de quelques heures, les habitants du village qui s’étaient réfugiés en brousse, reviennent dans leurs maisons en ruines. Un ou deux jours après, ils voient des hommes en armes qui se disent ADF-NALU débarquer au village pour une opération de représailles contre les habitants du village accusés d’avoir livrer des informations aux FARDC. A leur tour, les ADF-NALU pillent le village, tuent certains de ses habitants et envoient les autres sur le chemin de l’exode.

On constate que c’est cette même stratégie qui était utilisée en Territoire de Lubero, à savoir la double attaque et le double pillage d’un village, respectivement par les FARDC et les FDLR, deux forces qui se disent ennemies mais qui ne se sont jamais affrontées jusqu’à la victoire de l’une sur l’autre.

Une autre ressemblance troublante c’est celle de l’assimilation des ADF-NALU aux congolais comme c’était déjà le cas avec les FDLR. On entend ainsi parler d’alliances d’affaires entre Congolais et ADF-NALU, de mariages, etc. Poursuivant cette thèse de collaboration avec l’ennemi, des arrestations sont faites par ci par là.

Mais on constate que les victimes de ces arrestations sont ceux qui font un business convoité par les forces d’occupation rwando-ougandaise depuis 1996, notamment les minerais et le bois.

Si à Lubero (Manguredjipa, Biambwe, etc.) les victimes de la collaboration avec les FDLR sont les détenteurs des permis d’exploitation de l’or et du coltan, à Beni les collabos arrêtés sont les détenteurs des permis d’exploitation du bois. Actuellement, les exploitants de l’or de Manguredjipa et des environs qui ont remplacé ceux accusés de collabos seraient des rwandais ou leurs hommes de paille. Va-t-on assister à la même chose en territoire de Beni dans le domaine de l’industrie du bois après les opérations contre les ADF-NALU ?

Cette guerre économique d’occupation entraîne aussi le déplacement des populations. Le 21 juillet, dans le Territoire de Beni, le total des déplacés s’élève ainsi à plus de 100 000 personnes abandonnées à leur triste sort. Les déplacés rapportent ça et là des enlèvements, des disparitions, des exécutions sommaires, des pillages des biens, etc. perpétrés par des Fardc et ceux qui se disent ADF-NALU.

Des questions d’ordre administratif

Le 30 mai, la représentation de la Commission électorale indépendante (CEI) au Nord-Kivu a demandé au bureau national de trouver des mécanismes devant aider à l’enrôlement des réfugiés qui rentrent du Rwanda et de l’Ouganda. Ces derniers ont commencé, depuis quelques mois, à rentrer au Congo, sans l’autorisation du HCR, sans pièces d’identité et sans aucun documents qui les identifient comme des Congolais. Selon les responsables provinciaux de la CEI, cette situation pourrait être source de conflits, si aucune solution n’est trouvée avant le début des opérations de révision du fichier électoral qui, au Nord-Kivu, auraient dû débuter en juillet.

Lors d’un récent séjour dans le territoire de Masisi (Nord Kivu), Camilla Olson, de Refugees International, a constaté que le CNDP exerçait un contrôle strict – chassant, dans certains cas, d’autres groupes ethniques en usant de tactiques d’intimidation.

«Certains des responsables traditionnels ont fui à Goma, car ils ne se sentent pas du tout en sécurité ou se sentent marginalisés», a dit Mme Olson. De plus, la question de la nationalité des réfugiés de retour du Rwanda soulève des inquiétudes, des habitants de Masisi et d’autres territoires ayant émis l’hypothèse que nombre de réfugiés étaient en fait Rwandais. En effet, le retour en grand nombre de réfugiés, dont certains ne parlent aucune langue congolaise, voire le français, a commencé à poser problème. D’autres réfugiés ont difficile à préciser leur milieu d’origine. Les riches spéculateurs, qui ont acheté – ou se sont accaparés – des terres abandonnées par les personnes qui ont fui lors des guerres, ne font qu’aggraver la situation. Ils ont créé de grandes plantations – ignorant ainsi les anciens habitants. D’où les premières frustrations qui déboucheront incontestablement sur un conflit foncier avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer.

Le 14 juin, Alexandre Gatemba, membre du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) a été installé comme administrateur assistant chargé de l’Economie, Finances et Développement du territoire de Masisi au Nord-Kivu.

Le porte-parole du CNDP, Me Mahamba Kasiwa, a déclaré que l’installation de ce nouvel administrateur assistant met un terme à l’administration parallèle dans le territoire de Masisi et il a aussi promis que les barrières vont être levées et les taxes prélevées par le CNDP, supprimées. En fait, malgré la signature des accords de paix de Goma, l’ancien mouvement rebelle a continué à assurer l’administration et à percevoir des impôts et taxes au grand dam de la population locale.

Certains habitants de Masisi espèrent, pour leur part, que la présence de ce cadre du CNDP au sein de l’équipe dirigeante du territoire mettra définitivement fin à l’administration parallèle et à la double taxation longtemps décriée.

Toutefois, la nomination d’Alexandre Gatemba ne rencontre pas l’assentiment de tout le monde.

Ceux qui sont contre à cette nomination soutiennent que cette façon de faire est immorale et heurte les bonnes consciences. Loin de décourager ou de dissuader les seigneurs de guerre, donner des postes dans les différents niveaux de l’appareil d’état aux ex membres de mouvements armés va certainement faire des émules et consacrer le principe selon lequel, le pouvoir se conquiert au bout des armes. Dans d’autres cieux, toutes ces personnes aux mains pleines de sang seraient arrêtées, jugées et condamnées, ou considérées comme de persona non grata.

Une longue «série noire de meurtres et assassinats commis par des hommes en uniforme»

La violence n’est-elle pas en train de devenir une seconde nature dans la province du Nord-Kivu où la sécurité est désormais une denrée rare. Pas une nuit, pas une journée ne se passe sans que l’on signale des cas d’assassinats sur la partie Nord de la province.

Dans un communiqué, l’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho) exprime sa «vive préoccupation face à l’insécurité créée par les hommes en uniforme dans la province du Nord-Kivu», les mêmes censés garantir la sécurité des biens et des personnes.

Selon l’Asadho, cette «série noire de meurtres et assassinats commis par des hommes en uniforme» vise principalement «les notables de la province, les commerçants et les acteurs de la Société civile et les jeunes», c’est-à-dire les forces vives de la province. Il s’agit donc des assassinats ciblés qui, logiquement, devraient avoir un mobile.

Il paraît clairement que malgré la résistance intérieure qui s’est enracinée dans la mentalité des Congolais pour barrer la route au plan de balkanisation de la RDC, les tireurs des ficelles de ce projet n’ont pas encore désarmé. Bien au contraire, ils ont changé de stratégie. La stratégie semble donc être orientée désormais vers la fragilisation, puis l’isolement de différents groupes de résistance.

C’est dans la logique de ce plan macabre que les différents groupes Maï-Maï, qui ont longtemps résisté à l’occupation de cette partie de la RDC, ont été d’abord fragilisés, puis dispersés, finissant par perdre leur unité, vecteur de force. Les Maï-Maï vaincus, la communauté Nande, qui tient le pouvoir économique de la province, se présente donc comme le dernier verrou pour arriver à créer un couloir entre la Province Orientale et le Nord-Kivu. L’enjeu étant, comme toujours, le contrôle des ressources naturelles de cette partie de la RDC, notamment le pétrole du Graben, l’or de l’Ituri, la cassitérite, le coltan et les terres arables du Nord-Kivu.

Pour atteindre ces objectifs, il n’y a plus grande stratégie que de créer la psychose au sein de la communauté Nande, particulièrement, pour l’affaiblir aux fins de la mâter.

L’insécurité au Nord-Kivu n’est donc pas le fait du hasard; elle procède d’un plan bien orchestré qui se décline en trois actes: créer l’insécurité, accélérer le déplacement des populations et s’accaparer de leurs terres.

Le gouvernement a intérêt à ouvrir l’œil pour préserver l’intégrité de la RDC. Car, si le Kivu saute, c’est toute la RDC qui risque d’imploser.

La guerre sans nom que les Fardc issus du CNDP livrent à la population congolaise poursuit son chemin. Après les meurtres, les vols, les abus sexuels, les mutilations des sexes féminins, les incendies des maisons, les destructions des récoltes dans les champs par les vaches, les Fardc basés à Nyaleke dans la périphérie de la ville de Beni, viennent d’interdire aux paysans de la région d’accéder à leurs champs. Il devient donc difficile de récolter ou de planter quoi que ce soit. Cette pratique qualifiée sur place d’arme alimentaire est déjà décriée en Territoire de Rutshuru et au Sud du Territoire de Lubero.

Au début, les Fardc de Nyaleke exigeaient de la part de chaque agriculteur de la région la possession d’un permis d’exploitation de son propre champ ou de sa ferme agricole. Le prix de ce permis d’exploitation variait entre 3 et 5 US$. Après un ras-le-bol exprimé par les populations victimes, les autorités compétentes de la ville de Beni l’avaient supprimé. Mais profitant de l’attaque du Camp Militaire de Nyaleke le 25 Avril dernier, les Fardc ont interdit aux agriculteurs d’accéder à leurs champs et fermes agricoles. Le prétexte, qui ne convainc personne, est que les assaillants se cacheraient parmi les agriculteurs. Ceux qui prennent le risque d’aller chercher un peu de nourriture pour leurs familles se voient ravir tous leurs vivres, avant de se retrouver dans les cachots de Nyaleke, d’où ils ne sortiront qu’après avoir payé des très fortes amendes. Exiger d’un paysan une amende de 100 US$ pour avoir été dans son propre champ, équivaut à l’appauvrir davantage, car il doit s’endetter pour s’en acquitter.

Sachant que les paysans tirent leur survie de la terre et du travail de leurs mains, la privation prolongée de leur unique moyen de subsistance provoquera, sans aucun doute, un drame humanitaire sans précédent si rien n’est fait maintenant pour décourager cette pratique. Au lieu de mourir sous les tirs des Fardc, les populations congolaises de la région risquent de mourir de famine ou de malnutrition.

La question des Fardc issues du Cndp

Depuis le début du mois de juin, il s’observe un mouvement des troupes au Nord-Kivu. Selon les radios émettant dans la ville de Butembo au Nord-Kivu, le gouvernement de Kinshasa aurait finalement décidé le déploiement de troupes issues du CNDP dans d’autres provinces de la R.D.Congo qui n’ont pas de frontière commune avec le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda.

Cette nouvelle est accueillie avec une grande joie dans la province du Nord-Kivu où les Fardc issus du CNDP se comportent toujours en rebelles poursuivant la conquête territoriale initiée par Laurent Nkunda. Pour la ville de Butembo, les Fardc de relève viendraient du Bas-Congo. Quelques éléments sont déjà arrivés à Butembo, à la grande joie de la population.

Mais la réaction des Fardc issus du CNDP à cette décision de Kinshasa ne rassure pas.

Déjà, les Fardc issus du CNDP commenceraient à dire que le Gouvernement de Kinshasa n’aurait pas respecté les Accords d’IHUSSI selon lesquels, les Fardc issus du CNDP ne devaient pas être déployés ailleurs qu’au Kivu. Effectivement, selon certaines rumeurs, plusieurs Fardc issus du CNDP seraient en train de se retirer de leurs camps militaire pour rejoindre leur ancien maquis le long de la frontière rwandaise où ils rejoindraient des militaires ou mercenaires arrivant nuitamment du Rwanda. Pour les beniluberois, si les Fardc issus du CNDP acceptaient leur déploiement ailleurs qu’au Kivu, ce serait une preuve de leur part qu’ils font partie de l’armée nationale et républicaine congolaise.

Le retour à pas feutré de l’armée rwandaise en RDCongo

La paix dans le grand Kivu est toujours menacée. Certains groupes armés (Maï-Maï de Tsheka, Maï-Maï Kifuafua, Front pour la libération du Congo …) reprennent du service ; des infiltrations de militaires de l’Armée rwandaise sont régulièrement signalées parmi les FDLR, voire parmi les réfugiés congolais candidats au retour; les désertions dans les rangs des ex-CNDP font croire que le processus de leur intégration dans l’armée nationale ne connaîtra pas de succès.

Malgré les opérations «Kimia I et II» et «Amani Leo», les FDLR semblent garder encore une certaine capacité militaire. Certaines sources affirment qu’elles seraient appuyées par Kigali même qui aurait intérêt à ce que la paix ne revienne jamais en RDCongo.

Certaines rumeurs annoncent la traversée des frontières congolaises par deux bataillons de l’Armée régulière rwandaise le 20 mai dernier. Ils se seraient installés dans les hauts plateaux de Minembwe en provenance de Kigali via Bujumbura. A partir de Bujumbura, un bataillon aurait rejoint Minembwe via Kiliba et le village de Katobo. L’autre bataillon serait passé par Rumonge et Baraka dans le territoire de Fizi.

Le retour à pas feutré de l’armée rwandaise en RDC, s’il est prouvé, démontre que le projet de balkanisation de ce pays a changé de forme. L’armée rwandaise préfère maintenant s’installer, d’une manière non officielle mais durablement, dans plusieurs coins de la RDC, pour des raisons faciles à expliquer: le contrôle total des deux Kivu.

En séjour au Rwanda, la sénatrice Kikontwe a vite compris ce que certaines personnalités rwandaises pensent de la délocalisation des rebelles rwandais en RDC : «Plus on les délocalise, plus on multiplie les poches de l’armée rwandaise en RDC». C’est ce qu’elle a révélé lors de l’interpellation du Premier ministre Adolphe Muzito.

APRÈS L’ASSASSINAT DE FLORIBERT CHEBEYA

Selon le rapport d’autopsie réalisée le 11 juin par des experts néerlandais et congolais, le militant des droits de l’homme Floribert Chebeya est mort d’un arrêt cardiaque après avoir été victime de mauvais traitements. Toutefois, le rapport n’indique pas les causes certaines de son décès.

« Des anomalies préexistantes au niveau du muscle cardiaque ont été constatées. L’équipe (de légistes) a noté que des risques de complications augmentent en cas d’accroissement de l’activité cardiaque (effort, stress) », ajoute l’ambassade des Pays-Bas dans un communiqué.

Les experts ont par ailleurs relevé des « lésions cutanées superficielles (…) avec épanchement de sang », sur les poignets, les avant-bras et les jambes du militant.

Ces lésions sont « la conséquence de l’application d’une contrainte externe par enserrement, compression ou chocs », comme un « garrotage serré, la mise en place de liens, des coups, des heurts ou d’autres formes de contrainte mécanique », explique le rapport.

« L’autopsie prouve que la mort de Floribert a été causée par des actions extérieures. Cela nous conforte dans ce que nous pensions déjà. Il a été tué, il s’agit d’un assassinat par tortures commis par des professionnels », a déclaré Fidèle Chebeya, le frère de la victime.

« Nous voulons savoir maintenant ce qui s’est réellement passé. Pour cela il faut qu’il y ait une enquête indépendante, impartiale, transparente, avec des spécialistes qui viennent de l’étranger, comme pour l’autopsie », a ajouté Annie Mangbenga, la femme de Floribert Chebeya.

Crime prémédité ou accident au cours d’une séance de torture ? Le colonel Daniel Mukalay, premier suspect interpellé, aurait déclaré qu’«il n’y avait pas intention de donner la mort». Mais pour certains criminologues, les raisons même de l’invitation du directeur exécutif de la Voix des Sans-Voix à l’inspection générale de la police peuvent être révélatrices d’un meurtre prémédité.

La tentative de maquiller le crime ainsi que la disparition du chauffeur et beau-frère de Chebeya, introuvables jusqu’à ce jour, peuvent, toujours selon les mêmes criminologues, être des indices supplémentaires.

L’ONG de défense des droits de l’homme la Voix des sans voix (VsV) exige des pouvoirs publics congolais l’arrestation immédiate du général John Numbi, l’inspecteur général de la police nationale actuellement suspendu de ses foncions. Cette ONG le considère comme premier suspect dans le meurtre de Floribert Chebeya.

LE RENOUVELLEMENT DU MANDAT DE LA MONUC

Le 28 mai, dans sa résolution 1925 adoptée à l’unanimité, le Conseil de Sécurité de l’Onu a autorisé le retrait d’un maximum de 2.000 militaires de la Mission de l’Onu in RDCongo (Monuc), sur un total actuellement déployé d’un peu plus de 20.000. Ces troupes doivent être retirées « de zones où la situation en matière de sécurité le permet ».

Cette réduction devra s’effectuer d’ici au 30 juin, date à laquelle l’ex-Congo belge fêtera le cinquantenaire de son indépendance.

Le Conseil a également changé le nom de la force, qui est devenue, à partir du 1er juillet, la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC (Monusco), et a recadré son mandat pour l’axer principalement sur la protection des populations civiles.

Le mandat, qui allait expirer lundi, est reconduit jusqu’au 30 juin 2011.

Le Conseil décide que d’éventuelles futures reconfigurations de la Monusco « dépendront de l’évolution de la situation sur le terrain et du degré d’achèvement de certains objectifs par le gouvernement de RDC et la mission de l’ONU ».

Ces objectifs sont « l’achèvement des opérations militaires en cours dans les Kivus et la Province orientale » (est) contre divers groupes armés, « l’amélioration de la capacité du gouvernement à protéger efficacement la population » et « la consolidation de l’autorité de l’Etat à travers tout le territoire ».

Le Conseil autorise la Monusco, « tout en concentrant ses forces militaires dans l’est du pays, à garder en réserve des effectifs capables de se déployer rapidement dans d’autres régions du pays ».

Il souligne que « la responsabilité d’assurer la sécurité, la consolidation de la paix et le développement incombe en priorité au gouvernement congolais ».

Mais il affirme que la protection des civils doit être « prioritaire dans les décisions d’utilisation des capacités de la Monusco » et autorise celle-ci à « utiliser tous les moyens nécessaires » dans ce but.

Du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, la MONUSCO sera constituée, en plus de sa composante civile, judiciaire et pénitentiaire, «d’un effectif maximal de 19.815 soldats, 760 observateurs militaires, 391 fonctionnaires de police et 1050 membres d’unités de police», indique le Conseil de sécurité.

« On moissonne beaucoup pendant la guerre, mais la récolte est toujours insuffisante ».

(Orazio Flacco)