Congo Actualité n° 113

50ème Anniversaire de l’Indépendance
LES PRIORITÉS DE J. KABILA CANS SON DISCOURS DU CINQUANTENAIRE
DEUX MESSAGES DES ÉVÊQUES CONGOLAIS –
UN CINQUANTENAIE DE L’INDÉPENDANCE CÉLÉBRÉDANS LE DEUIL
UNE NOTE POSITIVE –
50 ANS APRÈS : LES CHIFFRES DE LA PAUVRETÉ –
CINQUANTE ANS D’INDÉPENDANCE, UN PALMIER SANS FRUIT –
30 JUIN : LES CONTRADICTIONS D’UNE CÉLÉBRATION –
LE 30 JUIN EST DEVENUE UNE TRISTE DATE


ÉDITORIAL

Finies les célébrations du cinquantenaire de l’Indépendance, on peut faire quelques considérations.

Les premiers trente ans d’indépendance ont été caractérisés surtout par des mouvements de sécession et puis par la dictature de Mobutu Sese Seko. Parmi les évènements positifs des derniers vingt ans, on peut rappeler la fin de la période du parti unique, le MPR et le début du pluralisme des partis politiques, la Conférence Nationale Souveraine, la fin de la dictature de Mobutu et les premières élections libres et démocratiques. Ces vingt dernières années ont été cependant marquées par des événements douloureux aussi: deux grandes guerres d’agression, l’occupation de deux tiers du territoire national par des troupes étrangères, la déstabilisation du Pays par des mouvements rebelles, même après la fin officielle de la guerre. Plus de cinq millions de Congolais morts c’est le bilan de cette tragédie absurde. Et tout cela est survenu pour avoir le contrôle sur le territoire, en vue de l’exploitation illégale des ressources naturelles dont le Pays regorge. Ceux-ci ont été, et le sont encore, les objectifs de sociétés minières, multinationales et puissances occidentales, dont les États-Unis, le Canada et l’Angleterre, qui se sont servis des gouvernements et des troupes des Pays limitrophes à la RDCongo, surtout Rwanda et Ouganda, qui, à leur tour, ont fomenté et appuyé les multiples mouvements rebelles actifs sur le sol congolais.

Même si la guerre est officiellement terminée, on ne peut certainement pas affirmer que la paix ait été rétablie. Aujourd’hui encore, des populations entières vivent, en effet, dans l’insécurité la plus totale: massacres, pillages, viols, incendies de villages, assassinats de journalistes et défenseurs des droits humains,…

Responsables d’innombrables crimes de guerre et contre l’humanité, les seigneurs de la guerre et les chefs des différents mouvements rebelles occupent aujourd’hui des places importantes au Parlement, au Gouvernement, dans l’armée et dans l’administration. Dans une telle situation, on ne peut certainement pas dire que l’Autorité de l’Etat ait été rétablie sur l’ensemble du territoire national. Il s’agit peut-être du contraire: ceux qui avaient les armes se sont emparés de l’État et de ses Institutions.

Jusqu’à quand les anciens seigneurs de la guerre et les anciens miliciens continueront à infiltrer les Institutions de l’État, la Nation sera en situation de risque et danger. En effet, en ayant servi des intérêts étrangers, comment pourront-ils assurer l’unité du Pays, la souveraineté nationale et l’intangibilité des frontières?

La guerre, les rébellions et le pillage systématique des ressources naturelles ont empêché le développement économique et social du Pays et contraint la population à la misère. Le payement annuel des intérêts sur la dette extérieure et les impositions provenant du FMI et de la BM ont aggravé encore plus la situation avec des conséquences connues: militaires, professeurs et agents de l’État insuffisamment rétribués, souvent en retard et, parfois, pas payés du tout, obligés à vivre sur le dos d’une population qui a déjà du mal à survivre. C’est cette situation d’extrême pauvreté qui est à la base de la tragédie de Sange (Sud Kivu) le 2 juillet: le renversement d’un camion-citerne plein de carburant… les gens arrivent avec des seaux et bidons pour soutirer un peu de carburant… une explosion terrible… bilan: plus de 235 morts brûlés vifs et plus de 200 blessés. Une immense tragédie qui dément sèchement n’importe quel slogan, tels « Le réveil du géant » et « La RDCongo: paradis terrestre ».

Pour donner crédibilité et authenticité aux célébrations du cinquantenaire de l’Indépendance, les discours de circonstance ne suffisent pas, ni les parades militaires, ni la fête. Il faut passer des mots aux faits. Comme les Évêques congolais suggèrent dans leurs deux derniers messages, la RDCongo a besoin d’une classe politique engagée exclusivement pour le bien commun de la Nation. Les prochaines élections de 2011 seront l’occasions pour renvoyer chez eux tous ces politiques qui, à la recherche de son enrichissement personnel, fomentent la corruption, le détournement de l’argent public et la déstabilisation du Pays. Les élections de 2011 seront l’occasions pour faire émerger, peu à peu, une nouvelle classe politique capable de vivre la politique comme service au bien commun et de donner une réponse aux grands problèmes de la population. Les Pays de la Communauté Internationale impliqués dans le commerce illégal des ressources naturelles de la RDCongo et dans le soutien aux Pays limitrophes, caractérisés par des dérives dictatoriales et des objectifs expansionnistes, devront, eux aussi, assumer leurs responsabilités.

LES PRIORITES DE J. KABILA DANS SON DISCOURS DU CINQUANTENAIRE

Le 30 juin, lors de la cérémonie de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance de la RDC, le président Joseph Kabila a prononcé son discours à la nation à Place du soldat inconnu, en face du Palais du peuple, à Kinshasa.

Comme il a dit, «le cinquantenaire, n’est pas un anniversaire ordinaire, c’est un moment particulier d’évaluation, en vue d’un nouveau départ»: apprécier ce qui a été fait, s’appesantir sur des insuffisances avant de se déterminer sur ce qui doit être réalisé en vue de jeter les bases d’un nouvel élan pour un pays toujours plus beau qu’avant.

Dans son discours de circonstance, le chef de l’Etat a fait un tour d’horizon de la situation générale du pays. En 50 ans, la RDC a connu des «victoires remarquables», parmi lesquelles la préservation de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale, le rétablissement de la paix à l’intérieur du pays et avec les pays voisins, la réconciliation nationale, l’instauration du multipartisme politique et syndical, la libéralisation des médias et de l’économie, la tenue des élections libres transparentes et démocratiques, l’instauration de la démocratie «quoique jeune au pays mais réelle et vivante».

«Certes, le pays a connu quelques défaites regrettables, notamment en matière de développement, de progrès social et des droits humains».

Le discours du président de la République a fixé les priorités pour donner une nouvelle impulsion à la gouvernance et orienter la Nation congolaise vers un meilleur devenir. Il s’agit des priorités suivantes :

– «Devenir un havre de paix au coeur de l’Afrique, et une force de stabilisation de la région des Grands Lacs. La paix pour le Congo certes; mais aussi pour tous les pays qui nous entourent, et bien au-delà. Non pas la paix factice que procurent les armes ou la peur; mais celle véritable et durable, fruit de l’Etat de droit, de la justice, de l’équité et de la solidarité. A cette fin, les efforts déjà engagés seront poursuivis, avec pour objectifs : * D’affermir davantage la paix; * De consolider la démocratie; * De rendre effective la décentralisation; * D’organiser, dans les délais, les deuxièmes élections générales, puis les élections locales et municipales; * De mener à terme la réforme de l’armée, de la police, des services de sécurité et de la justice; * D’entretenir la confiance et la cohabitation pacifique, aujourd’hui rétablies, avec tous les pays voisins; * De développer, enfin, la coopération et l’intégration régionales».

– «Devenir une puissance économique au coeur de l’Afrique et pour le bien-être du Congolais. Dans cette optique, septième géant agricole du monde par son potentiel, notre pays aspire légitimement à l’autosuffisance alimentaire et entend contribuer à celle des pays frères. De même, disposant d’un réseau hydrographique impressionnant, d’importantes ressources forestières et d’immenses potentialités en hydroélectricité, le Congo aspire à satisfaire ses besoins en eau, ainsi qu’en énergie électrique. Nous entendons donc poursuivre, à un rythme plus accéléré encore, la modernisation de nos infrastructures sur toute l’étendue du territoire national. Nous voulons, en plus, engager une mise en oeuvre plus résolue du contenu social du programme des Cinq Chantiers de la République: l’emploi, l’éducation, la santé, l’habitat et le transport de masse».

– «Engager de manière résolue, une véritable révolution morale, pour atteindre nos objectifs.

Nous devons bannir, et punir sans complaisance, l’atteinte à la vie et à la dignité humaines, le viol, le tribalisme, le régionalisme, le favoritisme, l’irresponsabilité, le vol, la corruption, le détournement des deniers publics, l’enrichissement sans cause, ainsi que toute autre forme d’anti-valeurs. Tout pillage et toute exploitation illégale de nos ressources seront vigoureusement combattus».

Des priorités qui sont entre autres des programmes urgents. Mais avec quels hommes? Quel état d’esprit? Au demeurant, la question fondamentale est celle de savoir avec quels hommes le président Kabila va exécuter ces priorités. Il est un fait indéniable qu’il se pose un réel problème des ressources humaines et des valeurs intrinsèques.

DEUX MESSAGES DES ÉVEQUES CONGOLAIS

Le 24 juin, à l’occasion du Cinquantième anniversaire de l’Indépendance de la RDCongo, la Conférence Episcopale Nationale du Congo a adressé au peuple congolais un message intitulé «NOTRE REVE D’UN CONGO PLUS BEAU QU’AVANT». Voici des extraits :

«A. Situation actuelle: un rêve brisé.

Il faut honnêtement reconnaître tous les progrès sectoriels qui ont pu être réalisés au cours du demi-siècle de notre jeune République, notamment la réalisation de nombreuses infrastructures dans le domaine éducatif et sanitaire, la formation de l’élite intellectuelle de haut niveau universitaire, la mise en place des institutions issues des élections démocratiques, l’éveil d’une opinion publique, le refus de la balkanisation, etc. Toutefois, malgré ces avancées, le bilan global peut se résumer par cinquante années de tribulations et d’opportunités manquées.

1. Vie politique: une logique du pouvoir contraire aux idéaux de l’indépendance.

Il faut reconnaître que, 50 ans après, le projet national sous-jacent à l’idée de la souveraineté a été trahi par une sorte de perte ou d’abandon de la vocation à l’indépendance véritable. Car, la nation n’est pas vraiment debout, ni ses fils et filles totalement affranchis!

Les raisons principales qui rendent compte de cette situation sont entre autres le néocolonialisme et l’impérialisme; des assassinats; des guerres; des coups d’Etat militaires; la personnalisation du pouvoir et de l’Etat; la mauvaise gouvernance; l’entrave à l’exercice des libertés publiques; le pillage des ressources naturelles du pays; l’instrumentalisation des institutions républicaines au service des individus; l’exacerbation des clivages ethniques et tribaux à des fins politiciennes et électorales.

Il faudrait reconnaître que la source première de la plupart de nos problèmes et de nos échecs réside dans une vision et une pratique du pouvoir politique contraires aux idéaux de l’indépendance et des sociétés démocratiques. En effet, au lieu d’être un service du bien commun, les responsabilités publiques sont appréhendées et exercées dans la logique du partage des avantages économiques au détriment de la population.

La Conférence Nationale Souveraine de 1992 et les élections de 2006 ont constitué des moments importants de notre histoire. Cependant, ce cycle est resté inachevé. Jusqu’à ce jour, le peuple attend la tenue des élections locales et communales.

Le constat est clair: cette politique n’a pas assuré la paix. Les 50 ans d’indépendance de la RDCongo ont été jalonnés par des violences et des guerres très atroces et dévastatrices. Nous nous souvenons des «martyrs de l’indépendance» et des nombreuses «victimes de la démocratie». Nous n’oublierons jamais les millions des morts victimes des guerres ni les millions de déplacés!

Il est fort déplorable que la RDCongo soit obligée de célébrer ce cinquantenaire sans une armée vraiment républicaine, capable de défendre la sécurité de ses habitants et l’intégrité territoriale contre les projets persistants de sa balkanisation.

Quant à l’exercice de la justice, malgré quelques avancées, le pouvoir judiciaire ne jouit toujours pas de l’indépendance ni de moyens pour son exercice loyal. Il ne pourrait exister de justice que moyennant son indépendance, des moyens financiers proportionnés et surtout des hommes et des femmes au-delà de tout soupçon et capables de dire le droit dans le respect des procédures.

2. Vie économique: régression, extraversion et prédation.

Depuis l’indépendance, la vie économique de la RDCongo a connu plusieurs phases. Une première phase marquée par une gestion irresponsable de l’héritage colonial, caractérisée par les luttes et l’instabilité politique. Une deuxième période de nationalisme économique, de conjoncture économique mondiale favorable et de relative stabilité politique, qui ont contribué à une certaine croissance économique. Une troisième période marquée par la descente aux enfers avec l’aggravation de la crise économique et la déliquescence de l’appareil de l’Etat.

La politique économique du Gouvernement congolais reste actuellement une politique de manque d’investissement dans laquelle l’économie informelle occupe près de 90% de l’activité du pays.

La régression économique apporte comme conséquence sociale une baisse inquiétante du niveau de vie des populations. Il en découle la chute de l’indice du développement humain et la croissance de l’indice de pauvreté humaine.

Les ressources naturelles qui font de la RDC un “scandale géologique” constituent à la fois un bonheur, c’est-à-dire, un important atout économique pour le redressement du pays et un malheur, c’est-à-dire, une source permanente de convoitises, de conflits, de corruption voire d’une mafia internationale dont certains Congolais sont complices. Le manque à gagner occasionné par cette exploitation illicite aurait pourtant servi à élaborer des projets ambitieux de développement économique en vue d’accroître la production nationale et d’améliorer ainsi les conditions de vie des populations. Le mode d’exploitation des ressources naturelles a du mal à se départir de l’économie de prédation.

3. Vie sociale: inégalités criantes et misère.

Quand, en 1960 est proclamée l’indépendance de notre pays, les aspects socio-économiques présentaient des indicateurs au-dessus de la moyenne. Aujourd’hui ces indicateurs sont au rouge. La vie sociale est caractérisée par des inégalités offensantes et par la misère due à l’effritement des services sociaux de base : santé, alimentation, logement, éducation et emploi.

Notre système éducatif a enregistré une régression considérable. La part allouée à l’éducation dans le budget de l’Etat est passée de près de 30% dans les années 60 à moins de 7% aujourd’hui.

Ne nous voilons pas la face: le rêve de bâtir un Congo plus beau qu’avant n’a-t-il pas été brisé? La RDCongo a plus reculé qu’avancé. L’homme congolais n’a pas été au centre de l’action politique, ni économique ni sociale. Après cinquante ans d’existence, notre pays est sous accompagnement et encadrement international spécial pour sa survie et son fonctionnement.

B. L’avenir de la RDCongo: notre rêve.

L’avenir prospère et heureux de la RDCongo dépend avant tout des Congolais eux-mêmes. Ce cinquantenaire de l’Indépendance est donc le moment favorable, l’heure décisive pour nous mettre débout en vue de construire ensemble notre destinée.

Il est nécessaire que les politiciens adoptent un idéal politique de service en vue du bien commun. C’est l’homme qui doit être au cœur de tout engagement politique.

Il est indispensable de promouvoir une économie au service de l’homme. Une Nation ne peut pas prospérer pendant longtemps si elle favorise uniquement ses membres déjà nantis. L’avenir harmonieux de la RDCongo exige donc une économie du développement au profit de tous les Congolais dans leur ensemble. Il faut donc promouvoir l’agriculture, les infrastructures, l’habitat, le transport et l’énergie. Cela requiert que l’on investisse dans la santé, la nutrition et surtout dans l’éducation des populations, dans les services sociaux de base et dans le développement des ressources humaines.

Pour une économie au service de l’homme congolais, il est impérieux de rappeler la contribution de ses propres citoyens. C’est pourquoi nous appelons solennellement tout notre peuple à s’acquitter du devoir civique et constitutionnel de payer l’impôt et les taxes qui contribuent au développement du pays. Ce civisme fiscal se construit sur la base d’une gestion transparente des finances publiques au service des populations. Nous demandons à l’Etat de mettre en place des structures et des mécanismes clairs susceptibles d’assurer cette transparence.

Dans le domaine névralgique de la gestion des ressources naturelles, il est urgent que l’Etat congolais élabore un plan de gestion à long terme sur base d’une meilleure connaissance des ressources et de leur valeur.

S’agissant de la dette extérieure, l’expérience démontre que l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés) est loin de constituer la solution miracle à ce grand défi. Nous faisons nôtre l’appel du Pape Benoît XVI au G8 en exigeant de la communauté des créanciers de la RD Congo «une annulation rapide, complète et sans condition de la dette extérieure».

Il faut replacer l’éducation au cœur de nos priorités, car une société sans école est une société sans avenir. Le cinquantenaire doit être l’occasion favorable pour de nouveaux engagements dans le budget à allouer à l’enseignement. L’église exige que les retombées de l’annulation annoncée de la dette extérieure soient destinées prioritairement à ce secteur vital de la nation. L’Eglise n’accepte pas la démission de l’Etat dans ce domaine. Trop c’est trop. L’employeur des enseignants ce ne sont pas les parents mais l’Etat.

Le 24 juin, les évêques catholiques de la RDCongo avaient déjà adressé une lettre aux acteurs politiques catholiques à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance du pays (1960-2010). Voici quelques extraits:

«Nous sommes peinés au constat qu’on n’a pas su gérer l’héritage de l’Indépendance.

On a vite cédé à la tentation d’attribuer la responsabilité de la mauvaise gestion de l’Etat aux intérêts étrangers. Le but inavoué, mais certain, est de nier la honteuse et tragique complicité des dirigeants locaux.

En cinquante ans d’Indépendance, le Congolais a fini par croire qu’il ne peut rien pour son pays comme son pays ne peut rien pour lui. A force de l’entendre, il s’est mis dans la tête qu’il est incapable de créer, d’inventer ou d’innover. Cette perte de confiance en soi mine tous les efforts pour le développement. Le Congolais ne sait plus voir les réalisations positives dont il doit être fier. Le cinquantenaire est un moment favorable pour les recenser et les mettre en valeur. Conscient de ses réussites, il reprendra confiance en lui-même, cessera de se sous-estimer, se mobilisera et sera prêt à se sacrifier pour la grandeur du Congo, son beau pays.

Il est vrai que les coups d’Etat, la dictature, les guerres à répétition, la politique politicienne, la corruption généralisée et les promesses fallacieuses comme modes de gestion de la société ont fini par éclipser tout ce que le pays en cinquante ans d’Indépendance a offert de bon et de beau. Mais, fêter un cinquantenaire dans la vie d’un individu, comme dans celle d’une institution ou d’un pays est une opportunité pour se poser certaines questions: D’où venons-nous? Où sommes-nous? Où allons-nous? Autant de questions qui méritent qu’on s’y arrête pour éviter, dans l’avenir, puisque les mêmes causes produisent les mêmes effets, de retomber dans les travers du passé ou de rester à tourner en rond. Ce questionnement prend une autre allure quand on sait que ce jubilé d’or coïncide avec l’organisation des élections générales dans notre pays.

S’engager en politique, c’est s’engager à servir. Dans ce sens, la politique ne peut en aucun cas être rabaissée à la course aux honneurs et à l’argent. Sinon elle devient une trahison permanente de la promotion du bien commun. Dans cette perspective, il faut passer de la politique des dons à la politique du don de soi; de la politique au service de ses intérêts à la politique au service de la Nation, celle qui, dans la gestion de la chose publique, se soucie d’abord et avant tout, en tout et pour tout, du bien commun.

Il faut que les places de commandement soient attribuées aux personnes sur base de leur mérite, compétence ou expérience; des personnes désintéressées, décidées à résister à la corruption, au népotisme, au favoritisme et au clientélisme. Que les services de sécurité s’emploient à protéger la population plutôt qu’à la brimer.

Pour sortir notre pays de la misère, il est indispensable de lutter contre la corruption et de dénoncer l’impunité et la concussion qui l’entretiennent. Malheureusement, le mal a tellement pris de l’ampleur qu’il est devenu comme un mode de vie normal. La corruption a revêtu les formes du don ou des cadeaux. Pour se faire élire, on rivalise d’ardeur dans les largesses et les libéralités. Comme les moyens personnels ne suffisent pas, on puise dans la caisse de l’Etat, on entretient des commissions dans la passation des marchés ou l’on recourt à des financements étrangers. Ceux qui vont écouter un «leader», un candidat, se déplacent non pour ses idées, ses convictions ou son idéal, mais parce qu’ils ont reçu ou espèrent recevoir quelque chose en retour. Ceux qui ont été élus, l’ont souvent été parce qu’ils se sont montrés les plus offrants. Une fois en fonction, ils perpétuent les mêmes pratiques. Au lieu de renforcer les Institutions, de les autonomiser, on les fragilise, en en faisant des vaches à lait.

La politique du don n’a jamais développé un peuple, surtout quand elle est le fruit d’une corruption qui ne dit pas son nom. Elle a comme revers le maintien du pauvre dans sa situation. Celui-ci finit, en effet, par penser qu’il ne peut rien par lui-même et qu’il doit tout attendre des autres. Elle entretient également la corruption.

La lutte contre l’impunité, «tolérance zéro», dans le but d’endiguer ou d’éradiquer la corruption à laquelle elle sert de support et de tremplin, sera efficace si les citoyens arrivent à vivre de leur travail. Il faut un travail pour tous et un salaire décent pour chacun».

UN CINQUANTENAIRE DE L’INDEPENDANCE CELEBRE DANS LE DEUIL

Dans la nuit de mardi 29 au mercredi 30 juin 2010, Muhindo Salvator, activiste des droits de l’homme et représentant de l’ONG de défense des droits humains Bon samaritain» a été assassiné à son domicile à Kalunguta, à 20 kilomètres de la ville de Beni, par des hommes armés et en tenue militaire. Le corps de la victime a été enterré le mercredi 30 juin, au moment où les Congolais commémoraient le «cinquantenaire de l’indépendance» du pays.

Selon les informations parvenues à la VSV, l’assassinat serait lié au fait que Salvator Muhindo s’était joint aux autres défenseurs des droits humains qui s’étaient mobilisés en organisant des campagnes de boycott des festivités du cinquantième anniversaire de l’accession de la RDCongo à l’indépendance, en vue de manifester leur désapprobation contre l’assassinat de M. Floribert Chebeya Bahizire et la disparition de M. Fidèle Bazana Edadi dans la nuit du mardi 01 au mercredi 02 juin 2010. Floribert Chebeya, directeur exécutif de l’ONG La Voix des sans voix, avait été assassiné alors qu’il s’était rendu à un rendez-vous, qui n’a pas eu lieu, à l’inspection générale de la police. Il a été inhumé à Kinshasa le 28 juin 2010. Fidèle Bazana, chauffeur de Chebeya et membre lui aussi de la VSV, est encore porté disparu.

Le 2 juillet, vers 18H00 (16H00 GMT), un camion-citerne en provenance de la Tanzanie et transportant environ 50.000 litres d’essence s’est renversé, avant d’exploser et de prendre feu, sur le bas-côté de la route qui traverse le centre de la cité de Sange, située à environ 70 km au sud de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, non loin de la frontière avec le Burundi. Des habitants qui récupéraient l’essence s’échappant du camion, et d’autres réunies dans une salle pour regarder le Mondial de football, ont été brûlés vives par le feu qui a touché une vingtaine d’habitations de cette agglomération d’environ 50.000 habitants.

« Une grande foule était rassemblée pour regarder le match Brésil/Pays-Bas qui venait de finir et attendait la rencontre Ghana/Uruguay », raconte Tondo Sahizira, 28 ans, enseignant à Sange. « Un camion-citerne est alors arrivé sur la route traversant le village et s’est renversé sur le bas-côté. Le chauffeur blessé a pu sortir de la cabine et a dit aux gens de s’éloigner parce qu’il y avait un risque d’explosion. De l’essence commençait à sortir du camion, mais les gens, au lieu de fuir, sont venus récupérer le carburant avec des bouteilles et des bidons. Quelques minutes après, il y a eu une explosion, du feu est sorti du camion et s’est propagé autour très rapidement », détaille l’enseignant.

Selon un témoin oculaire, «un jeune garçon a rempli le réservoir de sa moto et dès qu’il a mis le contact, l’étincelle a provoqué l’incendie ». Selon un autre témoin, « l’essence s’est répandue dans les parcelles où les femmes avaient allumé des feux de bois pour le repas du soir, et c’est là qu’a éclaté l’incendie». D’autres parlent d’une cigarette. Quand on sait comment sont construites les maisons dans les villages, la plupart avec la toiture en paille, le feu ne pouvait que ravager tout sur son passage. La force de la déflagration a atteint les habitations environnantes, même là où s’étaient regroupés les habitants pour suivre le match de la coupe du Monde.

Sur les causes probables du renversement du camion-citerne, on évoque un « excès de vitesse », l’entrée du véhicule dans le caniveau latéral à cause de l’étroitesse de la route ou une embardée du camion en voulant éviter un véhicule en mauvais stationnement.

Le dernier bilan encore provisoire de ce drame fait état de 235 morts et 107 blessés.

UNE NOTE POSITIVE

Le 1er juillet, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont annoncé avoir entériné un accord pour réduire la dette extérieure de la RDCongo. Selon le FMI et la BM, la RDC a atteint le point d’achèvement qui lui permettra d’accéder à l’initiative PPTE (Pays pauvres très endetté) et profiter d’un allégement de 90% de sa dette extérieure. La dette annulée pourrait donc monter à 9 milliards Usd sur un total de 13 milliards Usd. Grâce à cet allègement de la dette, la RDC ne sera plus confrontée au très lourd service de la dette auquel elle était somise pendant ces dernières années. Chaque année, 150 millions de dollars (sur un budget de 2 milliards) étaient, en effet, consacrés au remboursement d’une «dette odieuse» contractée du temps de Mobutu. Les autorités affirment que les sommes ainsi économisées seront affectées au «social», c’est à dire à la lutte contre la pauvreté, un objectif soutenu par les institutions financières internationales et le budget qui sera présenté à la rentrée aura été modifié en conséquence.

En attendant l’effacement effectif de cette partie de la dette, le FMI et la BM conseillent au gouvernement congolais de gérer la dette prudemment, maîtriser l’inflation, donc les dépenses, ne dépense que ce qu’il a dans la caisse, améliorer l’administration des recettes, améliorer la gouvernance, la transparence et l’Etat de droit dans les secteurs minier et pétrolier, pour attirer les investisseurs et les donateurs étrangers.

50 ANS APRES: LES CHIFFRES DE LA PAUVRETE

Selon Jean-Jacques Wondo Omanyundu, la situation socio-économique et politique de la RDC, 50 ans après son indépendance, est loin d’être brillante et dans différents domaines, ce pays est à la traîne.

1. Le pouvoir d’achat moyen d’un congolais s’élève à environ 230 €, soit le : le pouvoir d’achat le plus faible parmi les 182 pays membres de l’ONU.

En Afrique de l’Ouest, le pouvoir d’achat moyen par habitant est 10 fois supérieur à celui de la RDC (environ 2290€), alors que le pouvoir d’achat moyen d’un habitant du Tiers-Monde avoisine 4000. Le pouvoir d’achat d’un belge s’élève à environ 26.500 €). 50 ans après le pouvoir d’achat d’un congolais représente ainsi moins de 1% de celui d’un Belge moyen

2. L’éducation: la RDCongo se classe à la 161ème place. Le taux de scolarisation dans le primaire a connu une forte régression, soit 92% en 1972 à 64% en 2002. Dans le secondaire, elle est estimée à 29% en 2001-2002 contre 26% entre 1977-1978.

3. La Croissance économique: L’inflation annuelle avoisine le 17% et la croissance économique est de 6%. Or pour parler de la relance économique, il faudrait plutôt inverser la tendance, en maintenant l’inflation annuelle en deçà du taux de la croissance économique. Le rapport « Doing business 2010 » classe la RDC à la 182ème place sur 183 pays. En 2010, il reste une bonne centaine d’entreprises européennes sur le sol congolais contre 6000 en 1960.

4. La Santé: La RDCongo consacre 2,5% de son PIB aux dépenses militaires contre à peine 1,1% destiné aux soins de santé. Les enquêtes rétrospectives sur la mortalité ont révélé qu’environ 126 enfants sur 1000 meurent avant l’âge d’un an et 213 sur 1000 meurent avant l’âge de cinq ans. La mortalité maternelle est également élevée avec 1289 décès sur 100.000 naissances vivantes. La RDC est classée 178ème sur 182 pays en ce qui concerne l’espérance de vie qui était de 47,6 ans en 2007. En Afrique subsaharienne, elle est de 51,5 ans. La population congolaise est extrêmement jeune avec 47% de la population qui a 15 ans ou moins.

5. La Gouvernance: La Fondation Mo Ibrahim classe la RDCongo 47ème sur 48 pays, avec un score global de 29,8 sur 100. Au sein de la Communauté de l’Afrique centrale, la RDCongo se classe 10ème sur les 10 pays de la région. Au sein de la Communauté de développement de l’Afrique australe, la RDCongo se classe 16ème sur les 16 pays de la région. Le PNUD, dans le Rapport mondial sur le développement humain 2009, classe la République démocratique du Congo 176ème, avec un indicateur du développement humain (IDH) estimé à 0,389.

6. Démocratie et Etat de droit: Le statut de la RDCongo est simplement celui d’un «pays non libre».

7. Desserte en eau potable: En 1990, le taux de desserte avait atteint voire dépassé 70% de la population urbaine. En fin 2008, le taux de couverture est tombé à 35% en zone urbaine, soit 7,3 millions sur 21 millions de résidents dans les villes et agglomérations urbaines. Les statistiques disponibles font ressortir qu’environ 22,0% (12,0 % en milieu rural et 37,0 % en milieu urbain) de la population ont accès à l’eau potable.

8. Desserte en électricité: Malgré ses atouts, les centrales d’Inga ne produisent ensemble que 40,0% de leur capacité. Une bonne partie de cette production est destinée à l’exportation, laissant ainsi la demande locale insatisfaite. Cette situation fait que le taux d’accès des populations à l’électricité est de 1,0% en milieu rural ; 30,0% pour les villes et 6,0% sur le plan national alors que la moyenne en Afrique subsaharienne est de 24,6%.

9. Social: Pauvreté urbaine et habitat. Selon l’enquête sur la perception de la pauvreté, 81,0% de ménages ont déclaré ne pas être satisfaits de leur logement. Les statistiques les plus optimistes font état de 80% du taux de chômage.

10. Paix et sécurité: A ce jour, au Nord et au Sud Kivu, les milices de l’Ouganda et du Rwanda restent activent. Les troupes gouvernementales congolaises (FARDC), appuyées par le Rwanda et la MONUC continuent de se battre depuis janvier 2009 contre les rebelles Hutu rwandais du FDLR et d’autres groupes armés, causant une des plus graves crises humanitaires du monde.

11. Conclusion.

Après ce sombre tableau, le Cinquantenaire de la RDC, au-delà des symboles, doit interpeller tout celui qui se considère congolais ou solidaire au peuple congolais. Réinventer le Congo, c’est promouvoir une pensée et une vision qui remettraient le Congolais au cœur de la vie, au cœur de tout, une pensée et une vision qui assigneraient désormais comme but à la politique, le bien-être politique, économique, social et culturel de chaque Congolais et de tous les Congolais. Et non plus le moyen pour les acteurs politiques de s’enrichir à des fins personnelles.

CINQUANTE ANS D’INDEPENDANCE, UN PALMIER SANS FRUIT

Dans une correspondance privée, le Sud Kivutien Néhémie Bahizire partage ses réflexions.

Le Congo-Belge a été déclaré indépendant le 30 juin 1960. Au Sud-Kivu, précisément à Bukavu, un palmier fut planté en cette date à la place dite «Place de l’indépendance». Ce palmier a vieilli, mais n’a jamais produit de fruit. De même, l’indépendance de la RDCongo n’a jamais produit de fruit, seulement des misères sur misères. Notre réflexion s’articule autour des six points suivants: a) la politique et l’administration publique; b) l’économie; c) l’éducation; d) la santé; e) la sécurité; f) l’élimination physique et politique des leaders.

a) La politique et l’administration publique

C’est depuis 1960 que les dirigeants politiques congolais gouvernent comme des mercenaires au service des intérêts de leurs parrains politiques occidentaux. Ils ont privatisé l’Etat et son appareil administratif et les gèrent à leur profit, à tel enseigne que l’administration publique est devenue un monstre anarchique et chaotique, dont personne ne connaît les effectifs exacts ni ne sait maîtriser le fonctionnement. Après l’indépendance, les maîtres blancs de la colonisation ont été remplacés par les maîtres noirs. Ceux-ci continuent à reproduire le seul modèle de dirigeants coloniaux qu’ils ont connu : paternalisme, dictature et se prétendre au-dessus du peuple. Ils ont érigé la corruption et l’impunité en système de gouvernance. Chose grave, ces dirigeants politiques ne savent même pas qu’il faut payer les salaires à leurs fonctionnaires.

b) L’économie

Tout le tissu économique du Sud-Kivu a été détruit et continue à l’être. Le 30 juin 1960, ils existaient au Sud-Kivu des centaines de milliers d’hectares de plantations de coton, café, thé, quinquina, palmiers, arbres fruitiers, riz, pyrèthre etc. Des rizeries et autres usines de transformation de ces produits existaient.

Aujourd’hui, toutes les plantations sont détruites. Il n’existe plus que trois usines, dont deux à thé (Mbayu et Gombo) et une à quinquina (Pharmakina). Les industries manufacturées : poterie et carrelages, savonneries, chimiques, papeteries, bonbonneries et biscuiteries, textiles, cimenteries, sucreries etc. font aujourd’hui partie de l’histoire. Les entreprises étatiques telles : l’OCPT, la SNCC, la l’INERA, etc., n’existent plus que de nom. Le courant donné par la SNEL est aléatoire, ce qui contribue à bloquer toute initiative d’entreprise locale.

Les minerais du Sud-Kivu (cassitérite, or, coltan, wolfram, tungstène, etc.) sont clandestinement écoulés vers d’autres cieux et alimentent la guerre au Sud-Kivu. Ils franchissent nos frontières à pleins camions.

A l’absence d’une administration publique efficace pour encadrer et orienter l’économie, il s’est développé, au Sud-Kivu, une classe d’hommes d’affaires véreux, sans culture des affaires, corrompus, immoraux, prêts à tout vendre, jusqu’à leur nation. Ils n’hésitent pas à comploter avec l’agresseur du pays, à trafiquer des armes et des minerais. L’important, pour eux, c’est l’argent.

c) L’éducation

Depuis 1960, aucune école (primaire, secondaire ou supérieure) n’a été construite par l’Etat au Sud-Kivu. Pas de fournitures scolaires (livres, matériels didactiques etc.). Pas d’entretien des infrastructures héritées de la colonie. Les programmes scolaires sont imposés de l’extérieur et changent continuellement selon les orientations de l’UNESCO. Pas de programmes conçus au Congo. Ces sont les parents qui paient les enseignants. De cette somme, un pourcentage est affecté aux structures étatiques. Ainsi, nos dirigeants politiques perçoivent de l’argent payé par les parents.

L’éducation au Sud-Kivu comme partout ailleurs au Congo est devenue un business maffieux et non plus une institution de formation.

d) La santé

Pour ce qui est de la santé, il n’y a rien à dire, car rien n’a été fait. Aucun hôpital, centre de santé, même pas un simple dispensaire n’a été construit par l’Etat au Sud-Kivu depuis 1960.

e) La sécurité

La raison d’être de tout Etat est d’assurer la sécurité, c’est-à-dire la protection de ses citoyens et de leurs biens. Au Sud-Kivu, depuis 1960, la population ne connaît qu’horreurs et désarroi, dont les derniers:

– Année 1996: le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda agressent le Sud-Kivu sous couvert de l’AFDL de Laurent Désiré Kabila.

– Année 1998: le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda agressent le Sud-Kivu sous couvert de la rébellion du RCD.

– Année 2004 : la ville de Bukavu est occupée par les Tutsi NKUNDA et MUTEBUSI: assassinats, viols des femmes et filles, pillage jusqu’à incendier le grand marché de la ville.

– Les FDLR et les FRF, groupes armés d’origine rwandaise présents dans le Sud-Kivu et le Nord-Kivu, continuent à faire la guerre au Sud-Kivu. Les opérations Kimya 2 et Amani Leo sont tournées plus contre la population du Sud-Kivu qu’aux FDLR comme officiellement déclaré.

f) L’élimination physique et politique des leaders

En plus de cette guerre d’usure imposée gratuitement au peuple du Sud-Kivu, l’élimination physique et politique de leaders de cette province a été déclenchée. Entre autres :

– les assassinats de : Mgr Christophe MUNZIHIRWA, Dr. BYAMUNGU, le Président de l’ACCO Mr. KWAMISO, Pascal KABUNGULU, Serge MAHESHE, Didace NAMUJIMBO, Bruno CHIRAMBIZA, Faustin KAHEGESHE, Floribert CHEBEYA;

– Les morts étranges de : Faustin BIRINDWA, Charles MAGABE, Cimanuka NTAGAYANGABO, Dr. LURHUMA, Mgr. Emmanuel KATALIKO, Pasteur Erhamoba RUGAMIKA ;

– l’éjection du Parlement de dix députés nationaux du Sud-Kivu, par la ruse de nominations comme ministres, suivies d’un remaniement quelques mois après avoir perdu leur qualité de députés. La chasse sans motif valable de Vital KAMERHE de la présidence du Parlement, etc.

g) Conclusion.

La vie d’une personne au Sud-Kivu n’a aucune valeur aux yeux des dirigeants politiques. Les massacres et meurtres qui se commettent quotidiennement, ces dirigeants les appellent des effets collatéraux. Pire encore, ces dirigeants politiques ont institutionnalisée la prime au crime. Les bourreaux qui avaient massacré, violées des femmes et filles, sont récompensés par des postes politiques et d’officiers supérieurs de l’armée et de la police. De plus en plus les quelques leaders qui restent au Sud-Kivu sont tentés par l’appât du gain immédiat aux dépens du peuple lui-même.

Malgré cette guerre d’usure injustement imposée, nous continuons à croire à la ténacité et à la détermination de notre peuple.

30 JUIN: LES CONTRADICTIONS D’UNE CELEBRATION

Selon Mbusa Faustin, les mots suivants: « …Punir sans complaisance, l’atteinte à la vie et à la dignité humaine, le viol, le tribalisme, le régionalisme… », ont constitué la substance du discours de « Kabila » Joseph, le 30 juin à Kinshasa, boulevard de la » liberté », à l’occasion des 50ans de l’indépendance de la RDCongo, pour l’histoire, mais pour certains congolais, c’est 50 ans de recolonisation. Pour preuve, le Congo utile, le Nord, le Sud-Kivu et la Province Orientale sont occupées par des forces armées étrangères, rwandaises et ougandaises. A Kinshasa, dans les milieux du pouvoir, chacun a son rwandais, son ougandais ou son libanais protecteur de qui il reçoit les ordres. Enlèvements et assassinats des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, massacres, viols, incendies des villages, déplacement forcé des populations ou leur concentration dans certains camps, comme des réfugiés, dans leur propre pays et cela au profit de « mystérieux réfugiés congolais » en retour au Kivu, en provenance de l’Ouganda et du Rwanda: telle est une partie du bilan des 50 ans de l’indépendance de la RDCongo.

Alors que l’insécurité est le lot quotidien des populations, Joseph Kabila a osé parler de « l’unité du pays comme l’une des victoires remarquables de ces dernières cinquante années ». Et il a ajouté, » le rétablissement de la paix, de la réconciliation nationale, de l’instauration de la démocratie comme des acquis de ce dernier siècle ». Pas un seul congolais et surtout un Kivutien sérieux ne peut croire en ces belles paroles contraires à la réalité. Pire, on pouvait lire sur une énorme banderole » le réveil du géant, la RDCongo, paradis terrestre ». Il s’agit plutôt d’un pays à la limite de l’enfer où il n’y a pas d’électricité et d’eau courante pour tous, alors que le pays abrite l’un des plus grands barrages hydroélectriques au monde, le fameux barrage d’Inga dans la province du Bas-Congo. La route, l’autre obstacle au développement de la RDCongo. Avec moins de 5000km de routes asphaltées dans un pays de 2 345 000 km carrés, c’est d’ailleurs sur un bout de route de moins d’un kilomètre, asphaltée à l’avant-vite pour cacher la misère, que s’est déroulé le défilé du cinquantenaire de l’indépendance.

Son discours, bon pour la consommation extérieure, ne peut que révolter les congolais.

La solution est en grande partie entre les mains des congolais eux-mêmes. Ils doivent tout d’abord être capables d’établir leur responsabilité dans tout ce qui leur arrive. Car ils ont tendance à croire que c’est la faute des autres. Il est question de savoir que c’est la population qui détient tout le pouvoir et non les militaires qui ont toujours fait régner la terreur en RDCongo. Le citoyen congolais devra être un jour capable d’interpeller le militaire en lui faisant savoir que la tenue et l’arme qu’il porte, ont été payées par le contribuable. Et que par conséquent, il est au service du citoyen et de l’intérêt général et qu’il n’a pas le droit de vie et de mort sur lui. Pour tout dire, le congolais devra d’abord s’approprier son histoire, son territoire et ses richesses naturelles et retrouver la fierté d’appartenir à un grand pays.

Selon un article paru sur Le Monde, la célébration en grande pompe de ce jubilé, mercredi 30 juin à Kinshasa, quatre jours après les obsèques de Floribert Jubeya, président de l’association La Voix des sans-voix, figure de la société civile congolaise probablement étranglé sur ordre ou avec la complicité des autorités, a revêtu un aspect tragiquement ubuesque. Le président congolais Joseph Kabila, en appelant ses concitoyens à engager une « révolution morale » et à « punir sans complaisance » l' »atteinte à la vie et à la dignité humaine », le « favoritisme » et le « détournement des deniers publics », a fait l’éloge de toutes les vertus qu’il est le premier à bafouer.

En 2006, la première élection présidentielle libre depuis l’indépendance avait soulevé d’immenses espoirs après trente-deux ans de dictature Mobutu et dix de guerres. Quatre ans plus tard, ce pays de 70 millions d’habitants est en proie à un « enlisement de (son) projet démocratique », selon l’euphémisme de Louise Arbour, présidente de l’organisation International Crisis Group. Loin de s’être imposé, l’Etat montre sa faiblesse face aux milices qui terrorisent et violent à grande échelle dans l’est du pays. Kinshasa continue de fermer les yeux, voire de participer au pillage des fabuleuses ressources minières, en signant des contrats léonins avec des sociétés étrangères et en se montrant incapable de percevoir des taxes. Miracle géologique, le Congo, l’un des pays les plus pauvres du continent, est aussi classé avant-dernier au classement de la Banque mondiale pour son exécrable « climat des affaires ».

Le projet caressé par M. Kabila de « revisiter » la jeune Constitution afin d’augmenter le nombre et la durée des mandats présidentiels nourrit d’autres doutes sur l’évolution du pays. La multiplication des persécutions et des meurtres de militants des droits de l’homme et de journalistes parachève ce tableau détestable. Menaces par SMS, agressions, arrestations arbitraires, mais aussi actes de torture font partie des exactions régulièrement dénoncées par Amnesty International. Elles visent des militants dénonçant la pauvreté ou l’implication des forces de l’ordre dans l’extraction minière, ainsi que des journalistes d’investigation, dont six ont été tués en cinq ans.

Bailleurs de fonds vitaux et premiers bénéficiaires des richesses du sous-sol congolais, les Etats occidentaux, l’Union Européenne et les Etats-Unis qui ont soutenu l’élection de Joseph Kabila, doivent dénoncer les dérives de leur protégé et l’enlisement du pays.

« LE 30 JUIN EN RDC EST DEVENU UNE TRISTE DATE »

La date de l’accession à l’indépendance rappelle à Simon Bokongo, médecin congolais, que la RDC est encore loin de l’État démocratique qu’elle souhaite devenir. Il nous donne un portrait au vitriol d’un pays en mal de soins.

Originaire de Kisangani, à l’est du pays, Simon Bokongo est président d’une Ong locale, Médecins congolais pour la paix (ACP). Le 30 juin, jour du cinquantième anniversaire de l’indépendance, il ne défilera pas. Il estime que la date de l’accession du pays à sa propre gouvernance sonne faux compte tenu de son évolution désastreuse. « Pour nous, le 30 juin est devenu une triste date: celle d’une indépendance acquise que pour le bien-être et l’enrichissement des seuls dignitaires au pouvoir et au détriment de la population qui croupit dans une misère noire », explique Simon Bokongo .

« Nous sommes incapables de gérer nos catastrophes humanitaires »

Le tableau est noir, sa colère intacte. Depuis des années, Simon Bokongo tire la sonnette d’alarme sur la situation sanitaire catastrophique de son pays qui ne dispose d’aucun programme de santé concret. Il affirme: « Le gouvernement contribue financièrement à hauteur de 5 à 10 % dans le domaine de la santé, 90 % des fonds viennent des organisations étrangères ». Les hôpitaux sont vétustes, le personnel mal formé, les quelques institutions de santé équipées et fournies en médicaments sont l’œuvre des partenaires et non du gouvernement. Nous sommes absolument incapables de gérer nos catastrophes humanitaires pourtant multiples et permanentes. Les médicaments de base font défaut, et s’ils existent, ils sont contrefaits et entrent dans le pays sans contrôle rigoureux ».

« Les vélos et les motos servent d’ambulance »

Inéluctablement, le sida et le paludisme continuent de mettre à genoux le pays. Et la situation va de mal en pis depuis le début des conflits armés en 1996. Il note: « Les militaires, nationaux et étrangers, ont eu des comportements sexuels à risque, notamment à l’est du pays et l’aide financière n’a pas eu les effets escomptés. Les fonds affectés à la lutte contre les épidémies sont détournés localement, seule une partie insignifiante arrive au bénéficiaire ».

D’autres maladies assaillent la population, Simon Bokongo les énumère comme une triste litanie: choléra, méningite, rougeole, malaria, tuberculose, trypanosomiase (maladie du sommeil)… Il dit: «L’insalubrité et l’abandon des traitements n’arrangent rien. Et une grande partie des Congolais n’a toujours pas accès aux soins. En cause, les distances. Le Congo est très vaste, il y a un hôpital général par territoire, et certains territoires ont les dimensions des pays européens, les routes n’existent plus, les vélos et les motos servent d’ambulance».

Un avenir sombre

A cet accablant constat sanitaire se mêle la « détresse démocratique » du pays. « Après 80 ans de colonisation belge, 4 ans de chaos post-indépendance, 32 ans de dictature de Mobutu et 10 ans de guerre civile », Simon Bokongo n’essaie même pas d’enjoliver le tableau. « C’est un Congo pillé, dépeuplé et traumatisé qui est devenu indépendant. Le président actuel, Joseph Kabila (au pouvoir depuis 2001) a été élu démocratiquement, mais l’insécurité règne toujours et aucune de ses promesses de campagne n’a été tenue ». Arrestations, enlèvements, assassinats politiques, répressions sont toujours monnaie courante. « Actuellement, la RDC est loin d’être un exemple pour la démocratisation de l’Afrique ».

« Nous allons faire régner non pas la paix des fusils et des baïonnettes, mais la paix des cœurs et des bonnes volontés. Et pour tout cela, chers compatriotes, soyez sûrs que nous pourrons compter non seulement sur nos forces énormes et nos richesses immenses, mais sur l’assistance de nombreux pays étrangers dont nous accepterons la collaboration chaque fois qu’elle sera loyale et ne cherchera pas à nous imposer une politique quelle qu’elle soit« .

(Extrait du discours prononcé devant le parlement le 30 juin 1960 par le Premier ministre de l’époque et figure emblématique de la lutte pour l’indépendance, Patrice Lumumba)