SOMMAIRE
1. LE SÉNAT CONGOLAIS LÈVE L’IMMUNITÉ DE JOSEPH KABILA
a. La procédure
b. Que reproche-t-on exactement à Joseph Kabila?
2. JOSEPH KABILA EST SORTI DE SES SIX ANNÉES DE SILENCE
a. Un discours adressé au peuple congolais
b. Après sa prise de parole, comment comprendre la stratégie de Joseph Kabila?
3. L’ARRIVÉE DE JOSEPH KABILA À GOMA OCCUPÉE PAR L’AFC/M23
a. Une série de consultations
b. La stratégie de Kabila divise
1. LE SÉNAT CONGOLAIS LÈVE L’IMMUNITÉ DE JOSEPH KABILA
a. La procédure
Le 22 mai, le Sénat de la République démocratique du Congo (RDC) a prononcé la levée de l’immunité parlementaire de Joseph Kabila, ancien Président de la République et actuellement sénateur à vie, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires contre lui devant la justice militaire, qui pourrait l’accuser de complicité avec le groupe armé Mouvement du 23 mars (M23).
Joseph Kabila, 53 ans, a dirigé le Pays pendant 18 ans entre 2001 et 2019.
Les sénateurs se sont prononcés à bulletins secrets, par 88 voix pour et 5 voix contre. Ils ont suivi les recommandations d’une commission spéciale dont la totalité des 40 membres sénateurs se sont prononcés en faveur de cette mesure.
En avril, le ministre de la Justice Constant Mutamba avait saisi la justice militaire, afin d’engager des poursuites contre Joseph Kabila « pour sa participation directe » au M23. Le procureur général de l’armée congolaise avait déposé une requête auprès du Sénat réclamant la levée de l’immunité de M. Kabila. L’auditeur général près la haute cour militaire accuse M. Kabila de participation à un mouvement insurrectionnel, trahison, participation à des crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Selon plusieurs spécialistes en droit, une levée de l’immunité d’un ex-président aurait du exiger un vote au Parlement réuni en congrès (Sénat et Assemblée Nationale des Députés) à la majorité des deux tiers. Mais le Sénat a suivi l’avis de la commission spéciale qui a estimé que les faits reprochés à M. Kabila ne relèvent pas de sa fonction d’ancien président mais de sénateur à vie.
La requête du gouvernement congolais à l’encontre de Joseph Kabila est intervenue peu après l’annonce de ce dernier d’un prochain retour au pays. En avril, Joseph Kabila avait créé la surprise en annonçant dans la presse son prochain retour en RDC par « sa partie orientale », sans toutefois préciser s’il reviendrait par une zone sous contrôle M23. Dans la foulée de cette annonce, les autorités congolaises avaient mené des perquisitions dans plusieurs propriétés de l’ex-président et son parti, le PPRD, a été suspendu.[1]
Selon le rapport de la commission spéciale du Sénat chargée d’analyser la demande d’autorisation de poursuites contre Joseph Kabila, l’auditeur a commencé ses enquêtes contre Joseph Kabila bien avant l’instruction du ministre de la Justice. Il affirme disposer déjà d’un faisceau de preuves. L’auditeur évoque le fait que Joseph Kabila s’était déjà rendu à Goma, mais aussi dans des pays qu’il qualifie d’hostiles, et il dit détenir des preuves supplémentaires en lien avec ces déplacements. Des preuves qu’il ne détaille pas, parce que, dit-il, elles sont couvertes, à ce stade, par le secret de l’instruction. Il accuse également Joseph Kabila d’avoir apporté un soutien financier à l’AFC/M23. L’auditeur précise que des investigations sur ces flux financiers sont en cours. Mais, là encore, les éléments restent couverts par le secret de l’instruction. Outre la participation à un mouvement insurrectionnel, l’auditeur dit détenir des preuves de soutien à un projet de renversement des institutions constitutionnelles, en collusion avec une puissance étrangère, le Rwanda.[2]
b. Que reproche-t-on exactement à Joseph Kabila?
Pourquoi les autorités congolaises soupçonnent-elles Joseph Kabila de trahison? Que reproche-t-on exactement à Joseph Kabila? Entretien avec Ithiel Batumike, chercheur principal à l’institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence / Ebuteli.
TV5MONDE: La procédure de levée de l’immunité parlementaire de Joseph Kabila, est-elle légale?
Ithiel Batumike: La procédure employée est totalement légale, puisque le président Kabila est poursuivi pour des faits commis après qu’il ait quitté ses fonctions de président de la République. Dans ce cas, il est sénateur et il ne peut bénéficier que de son statut de sénateur. Pour qu’il bénéficie des protections qui lui sont conférées par la loi de 2018 portant statut d’ancien Président de la République, il lui faut être poursuivi pour des faits commis à l’ occasion de l’exercice de ses fonctions ou en dehors de l’exercice de ses fonctions quand il était Président de la République. Or, il n’est pas poursuivi pour des faits commis avant 2019.
TV5MONDE: Pourquoi lui reproche-t-on une complicité avec le M23/AFC ?
Ithiel Batumike: Le pouvoir soupçonne depuis un certain temps Joseph Kabila d’être de mèche avec la rébellion du M23/AFC. Il y a plusieurs mois déjà, le président de la République, Félix Tshisekedi, avait affirmé que « l’AFC de Corneille Nanga, c’est Joseph Kabila ». Le président estimait à l’époque que Kabila avait boycotté les élections de 2023 pour pouvoir s’engager dans une lutte armée. Après, il y a eu des accusations d’une personne membre de l’AFC qui a été arrêtée en Tanzanie. Elle aurait témoigné, devant le service des renseignements militaires, avoir entendu Joseph Kabila s’entretenir avec Corneille Nanga pour planifier la guerre, pour l’encourager à œuvrer pour le renversement des institutions de la République Démocratique du Congo. Sauf que si ces accusations de crimes de guerre et de trahison qui sont portées contre Joseph Kabila reposent uniquement sur ces aveux, cela pose problème, puisqu’ils auraient pu être obtenus sous la torture. Donc, si c’est seulement ces preuves dont dispose la justice, on ne saurait être rassuré que ces poursuites ne sont pas instrumentalisées du point de vue politique.
TV5MONDE: Le parti de Kabila, le PPRD, a été suspendu, les propriétés de Kabila ont été perquisitionnées. Toutes ces actions sont elles légales?
Ithiel Batumike: Toutes ces actions comme la levée d’immunité de Kabila, les perquisitions ou la suspension de son parti restent conformes à la loi pour l’instant. Cependant, les éléments factuels ne semblent pas suffisants pour justifier de telles actions. Par exemple, concernant les partis politiques, le ministère de l’Intérieur s’est empressé de suspendre en premier le PPRD de Joseph Kabila, alors que celui-ci n’a jamais déclaré soutenir la rébellion, à la différence d’autres partis qui eux ont déclaré ouvertement appartenir à la rébellion et n’ont pas été suspendus. Cela peut démontrer un traitement de deux poids, deux mesures et pousser les gens à croire à une certaine instrumentalisation de la justice.
TV5MONDE: Pourquoi selon vous, si il n’y a pas encore d’élément suffisant pour étayer toutes les accusations, les autorités, le gouvernement ou la justice congolaise s’en prennent donc à Kabila et à son parti?
Ithiel Batumike: C’est aussi un combat politique, un moyen d’écraser un peu un adversaire politique qui aujourd’hui essaie de réunifier l’opposition pour mobiliser notamment contre la question de la révision constitutionnelle ou disons la question du troisième mandat. En même temps, c’est un moyen de montrer aux populations victimes de la guerre aujourd’hui que « nous essayons de faire quelque chose pour punir vos bourreaux ». Parce que l’impunité est l’une des choses à l’origine de la persistance de cette guerre. Car on a l’impression qu’il y a des gens qui sont au-dessus de la loi, qui peuvent se réveiller et faire de la lutte armée un moyen de revendication par rapport à leur cahier des charges. Et il faudrait à un moment donné que l’État essaye de châtier ceux qui prennent les armes contre lui.[3]
Selon d’autres observateurs, en optant pour ce vote, les sénateurs ont violé la loi du 26 juillet 2017 sur le statut pénal des anciens présidents élus. L’article 7 prévoit que «le président jouit de l’immunité des poursuites pénales pour les actes posés dans l’exercice de ses fonctions». L’article 8, qui s’intéresse aux actes posés en dehors de ces fonctions prévoit que “les poursuites contre tout ancien président de la République élu sont soumises au vote à la majorité des deux tiers des membres des deux chambres du Parlement réunies en congrès”. Le sénat congolais ne pouvait donc pas se saisir seul de ce dossier.[4]
2. JOSEPH KABILA EST SORTI DE SES SIX ANNÉES DE SILENCE
a. Un discours adressé au peuple congolais
Le 23 mai, l’ancien président congolais Joseph Kabila est sorti de six années de silence pour dresser une sévère critique de la gouvernance de son successeur, Félix Tshisekedi, qu’il accuse d’avoir « dilapidé » l’héritage de la première alternance pacifique dans l’histoire de la République démocratique du Congo (RDC).Dans une déclaration solennelle retransmise depuis Kinshasa, l’ex-chef de l’État (2001-2019) a dénoncé « l’ivresse du pouvoir sans limite », l’ »effondrement des institutions », la « violation de la Constitution » et une « dérive dictatoriale » ayant, selon lui, plongé le pays dans une crise multiforme. « Le Congo est gravement malade », a-t-il déclaré.
Kabila, qui affirme avoir voulu favoriser « le fonctionnement harmonieux des institutions » à travers l’accord de coalition conclu en 2019 avec Tshisekedi, estime que cet arrangement a été trahi par une série de manœuvres politiques, notamment « le coup d’État institutionnel » de décembre 2020, « la nomination illégale » des membres de la CENI et les « élections frauduleuses » de 2023, qu’il qualifie de « simulacre ». Kabila a également critiqué la justice, qualifiée de « soumise » et « instrumentalisée à des fins politiques », et le Parlement, devenu selon lui une « chambre d’enregistrement de la volonté d’une seule personne ».
Sur le plan économique, l’ancien président a fustigé « l’inaction » de l’actuel pouvoir face à la dégradation des conditions de vie, déplorant la résurgence de l’inflation, de la corruption, et un endettement « au-delà des dix milliards de dollars ». Il dénonce également l’ »asphyxie sociale », l’exode rural, et l’ »angoisse existentielle » d’une jeunesse « abandonnée ».
Sur le plan sécuritaire, Joseph Kabila accuse le régime d’avoir « sous-traité la sécurité à des groupes armés, des milices tribales et des mercenaires », affaiblissant l’armée nationale et favorisant une « régionalisation du conflit »: «En faisant des forces négatives, les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), ainsi que des centaines de groupes armés congolais, des supplétifs des Forces Armées de la République Démocratique du Congo, le Gouvernement a ouvert la voie à la régionalisation du conflit», a-t-il déclaré.
L’ancien président congolais Joseph Kabila a aussi annoncé qu’il allait «se rendre dans les prochains jours» à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, et a dénoncé la réaction du pouvoir en place face à cette annonce: « Il y a quelques jours en effet, suite à une simple rumeur de la rue ou des réseaux sociaux, sur ma prétendue présence à Goma, où je vais me rendre dans les prochains jours, comme annoncé par ailleurs, le régime en place à Kinshasa a pris des décisions arbitraires avec une légèreté déconcertante, ce qui témoigne du recul spectaculaire de la démocratie», a-t-il déclaré dans un discours public.
L’ancien président propose un « pacte citoyen » articulé autour de douze priorités suivantes:
– Mettre fin à la dictature, mieux à la tyrannie;
– Arrêter la guerre;
– Rétablir l’autorité de l’État sur toute l’étendue du territoire national;
– Restaurer la démocratie, en revenant aux fondamentaux d’un véritable État de droit;
– Rétablir les libertés fondamentales;
– Réconcilier les congolais et reconstruire la cohésion nationale;
– Relancer le développement du pays par la mise en place d’une bonne gouvernance économique, d’une gestion administrative et financière orthodoxe et d’une
répartition équitable des ressources nationales;
– Relancer le dialogue sincère et permanent avec tous les pays voisins, en vue de la restauration de la paix et du développement durable dans la région;
– Rétablir la crédibilité du pays auprès des partenaires au niveau tant régional, continental qu’international;
– Neutraliser tous les groupes armés nationaux et étrangers et rapatrier ces derniers dans leurs pays d’origine;
– Mettre définitivement fin au recours et à l’utilisation des mercenaires;
– Ordonner le retrait sans délai de toutes les troupes étrangères du territoire national.
L’ancien chef de l’État a appelé à une prise en compte des initiatives locales de paix, en particulier celle des Églises catholique et protestante. Il a critiqué la position du gouvernement qui, selon lui, accepte de dialoguer avec l’AFC/M23 à Doha, tout en criminalisant d’autres formes de dialogue entre Congolais. Il a enfin appelé les Congolais à un « sursaut patriotique » pour « sauver le Congo ».
Joseph Kabila conclut son adresse par un appel à l’unité et au patriotisme, appelant tous les Congolais à s’unir pour sauver le pays, préserver son indépendance et restaurer ses institutions, ce qui permettrait de «tirer le pays du gouffre». Il a réaffirmé son engagement, «hier au pouvoir, aujourd’hui en dehors du pouvoir», à œuvrer pour la paix, la stabilité et l’intégrité de la République démocratique du Congo. «Chacun doit jouer sa partition. Je m’engage à jouer la mienne», a-t-il conclu, sans donner plus de détails. Soufflant le chaud et le froid, il s’est dit à la fois «militaire prêt au sacrifice suprême», tout en affirmant son «engagement pour la démocratie, la cohésion nationale, la paix et la stabilité».[5]
Après le discours de l’ancien président Joseph Kabila, très nombreuses sont les réactions.
L’un des anciens fidèles de Joseph Kabila, devenu vice-premier ministre chargé de la Fonction publique dans le gouvernement actuel, Jean-Pierre Lihau, a qualifié le discours de Joseph Kabila d’«ineptie» et de «vaste blague», après, «18 ans d’un long règne absolu et stérile».
Pour le député du parti présidentiel Peter Kazadi, Joseph Kabila est complice des «désordres actuels qu’il a bien planifiés pour revenir comme un rempart». L’ancien ministre de l’Intérieur et de la sécurité pointe l’absence de condamnation du Rwanda et de l’AFC/M23 dans le discours de l’ex-président.
Le ministre des Finances Doudou Fwamba a rappelé les crimes et la mauvaise gouvernance qui ont caractérisé la présidence de Joseph Kabila. Une manière de dire en creux que l’ancien chef de l’État n’a aucune leçon à donner au régime en place.
Côté société civile, Jean-Claude Katende de l’Asadho renvoie Joseph Kabila et son successeur dos à dos : « Si le président Kabila n’avait pas manipulé les élections de 2018, nous n’en serions pas là ! » et « Si le président Tshisekedi avait géré le pays avec responsabilité et orthodoxie, nous n’en serions pas là».[6]
Pour Dorley Matumona, un notable du district de Funa, à Kinshasa, le discours de Kabila, empreint de calme, n’est rien d’autre qu’une déclaration de menace directe contre la nation. De plus, il estime que le discours du chef du Front commun pour le Congo (FCC) est aux allures insurrectionnelles. Il rappelle que le régime Kabila était l’émanation de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) qui, soutient-il, est le fondement de tous les maux qui rongent le pays: «Les frasques et la tyrannie de ce régime sanguinaire de 18 ans, avec sa litanie des crimes (humanitaires, économiques et écologiques), ne peuvent être ignorées par quiconque. Le régime de Kabila fut l’émanation de l’AFDL, qui est le fondement même de tous les maux qui rongent la République démocratique du Congo aujourd’hui et qui a brillé par la confiscation de l’économie nationale au profit d’une seule famille, par le pillage de nos richesses, l’affaiblissement et l’infiltration de l’armée ainsi que des services de sécurité par des forces étrangères et l’absence de libertés fondamentales».
Quant à l’accord FCC – CACH, considéré comme une mutualisation des forces, il indique qu’il s’agissait plutôt d’une cohabitation imposée pour neutraliser les actions du président Tshisekedi.
«Présenter l’accord FCC-CACH de mutualisation des forces comme une forme de générosité institutionnelle est une insulte à la mémoire collective. Si le but était vraiment de faciliter la gouvernance et d’éviter une crise, pourquoi avoir maintenu un contrôle paralysant sur la sécurité, la justice et l’économie pendant près de deux ans? « C’est Kabila qui dirige. Il peut déconnecter Tshisekedi à tout moment », lançaient ses lieutenants. Ce qui a été observé par le peuple: un président élu avec un pouvoir exécutif théorique ; et un ancien président qui contrôlait l’Assemblée nationale, les ministères clés, les finances, l’armée et la diplomatie dans les faits. Ce n’était pas une mutualisation, c’était une cohabitation imposée, érigée pour neutraliser les actions du président de la République Félix Tshisekedi sans sembler l’assumer», souligne ce notable de Funa qui, en fin se demande : « Comment pouvez-vous expliquer qu’à la fin de son discours, Kabila qui a promis de soutenir le Congo, aucune condamnation n’ait été prononcée contre le Rwanda ni le M23? Au lieu de cela, il a choisi de mentionner les FDLR».[7]
b. Après sa prise de parole, comment comprendre la stratégie de Joseph Kabila?
En répétant son intention de se rendre à Goma « dans les prochains jours » Joseph Kabila envoie un double message : il dit son refus de se laisser intimider par la menace de poursuite en justice et rappelle qu’il n’entend pas accepter d’être écarté des négociations en cours pour mettre fin au conflit dans l’est du pays. Ses propos sur les différentes initiatives de médiation en témoignent, Joseph Kabila dit accueillir «favorablement» le dialogue entamé entre l’AFC/M23 et les autorités congolaises à Doha. Mais c’est à la médiation menée par les évêques congolais qu’il apporte son soutien le plus net. Les évêques plaident pour un dialogue inter congolais rejeté jusqu’à présent par Kinshasa. Autrement dit, l’ancien président s’insurge de voir son successeur accepter de dialoguer avec son opposition militaire soutenue par le Rwanda et non avec son opposition politique interne, une opposition dont Joseph Kabila souhaiterait prendre le leadership. L’ancien président n’est pas plus explicite sur ses intentions. Mais il laisse planer entre les lignes la menace d’un coup de force, en affirmant être prêt aujourd’hui encore au «sacrifice suprême» pour «défendre la patrie». Ce faisant, Joseph Kabila réaffirme qu’à ses yeux, le conflit dans l’est est une affaire «congolo-congolaise avant tout». Il s’est d’ailleurs gardé d’évoquer le rôle du Rwanda dans le conflit vendredi, mais a au contraire insisté sur la responsabilité de Kinshasa dans «la déliquescence de la situation sécuritaire» dans le pays.[8]
La partie la plus étonnante de la longue diatribe anti-Tshisekedi dans le discours de Joseph Kabila est le bilan qu’il dresse de son mandat présidentiel à la tête de la RDC pendant 18 ans. Un pays «pacifié», une Constitution «progressiste», des institutions fonctionnant «harmonieusement», une économie «dynamique», une armée «de plus en plus professionnelle», une démocratie «en constante consolidation»… Un satisfecit sans doute destiné pour des Congolais à mémoire courte. «Joseph Kabila a dépeint son règne comme un âge d’or» a ironisé l’opposant Diomi Ndongala. «Quelle audace !, tonne-t-il sur X, lui, qui a fait emprisonner plus de 700 opposants politiques, dont moi-même». Personne n’a, en effet, oublié les années Kabila faites de corruption, de prédation et de répression sanglante.
On attendait de l’ancien président d’en savoir davantage sur son positionnement par rapport au M23 et à Corneille Nangaa. Là, on reste dans un certain flou. «Si j’étais complice du M23, la situation serait différente de ce qu’elle est actuellement», concède-t-il seulement. Une chose est sûre, c’est que le retour de l’ancien président constitue une nouvelle épine dans le pied de Félix Tshisekedi, qui, en plus du front sécuritaire à l’Est, doit maintenant faire face à un front politique.
Vouloir mettre Joseph Kabila hors-jeu, est-elle une bonne stratégie pour Félix Tshisekedi? On peut en douter. En levant son immunité parlementaire, Kinshasa fait maintenant de Joseph Kabila, un ancien président en exil, qui peut désormais se parer des habits de la victime et se replacer au centre du jeu politique. Des possibles poursuites risquent également de radicaliser le positionnement de Joseph Kabila et de continuer à polariser la société congolaise. Cela renforce enfin un front anti-Tshisekedi, aujourd’hui composé des principaux leaders de l’opposition: Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Delly Sesanga et … Joseph Kabila. Un attelage, certes, des plus hétéroclites, mais qui valide l’initiative de la CENCO (Église catholique) et de l’ECC (Église protestante) d’ouvrir un dialogue inter-congolais pour régler les problèmes de politique intérieur. Ce que refuse Félix Tshisekedi. Quant au rôle de Joseph Kabila, le mystère reste entier. Car le principal avantage des discours de l’ancien président congolais, c’est que chacun peut y entendre ce qu’il veut.
Dans sa conclusion, Joseph Kabila affirme que dans la crise congolaise, «chacun doit jouer sa partition», et il s’engage à jouer la sienne. La question est de savoir laquelle? Est-ce celle de l’ancien militaire qui «a juré de défendre la patrie jusqu’au sacrifice suprême», ou celle de l’ancien chef de l’Etat qui veut «restaurer la démocratie en revenant aux fondamentaux d’un véritable État de droit»? Qui est de retour? L’ancien chef de guerre ou le démocrate qu’il se revendique? Seul l’avenir nous dira quel costume Joseph Kabila aura finalement choisi de revêtir.[9]
3. L’ARRIVÉE DE JOSEPH KABILA À GOMA, VILLE OCCUPÉE PAR L’AFC/M23
a. Une série de consultations
Le 26 mai, plusieurs sources du groupe politico-militaire AFC/M23 et de l’entourage de Joseph Kabila ont annoncé l’arrivée, dans la soirée du jour précédent, de l’ancien président à Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Le 23 mai, il l’avait lui-même promis : il allait s’y rendre officiellement, sans donner de détails.
Emmanuel Ramazani Shadary, le secrétaire permanent du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), la formation de Joseph Kabila, a ajouté qu’il est à Goma pour rencontrer des personnalités politiques et de la société civile, dans le but, dit-il, de rechercher la paix: «Il est là pour discuter avec ceux qui ont les armes. Il va donner sa contribution en discutant avec eux, comme les évêques l’ont fait, comme tout le monde le fait». Une source proche du comité d’organisation a déclaré que Joseph Kabila rencontrera les différents groupes, dont les politiques, les administratifs, les sécuritaires, le gouverneur, le maire de Goma, les groupes socio culturels, les religieux, les organisations féminines, la FEC, les chefs coutumiers et les leaders des communautés, pour mieux connaître la réalité sur place. À l’issue de ces consultations, Joseph Kabila prévoit d’organiser une conférence de presse à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.[10]
Le 26 mai, Joseph Kabila a visité le centre de formation idéologique du M23/AFC à Rumangabo dans le territoire de Rutshuru au nord de la ville.[11]
Le 27 mai, Joseph Kabila a reçu le coordonnateur politique de l’AFC/M23, Corneille Nangaa, accompagné de ses camarades du mouvement AFC/M23, dont Bertrand Bisimwa.[12]
Le 29 mai, dans ses résidences de Kinyogote, à une dizaine de kilomètres, au bord du lac Kivu, à l’ouest de Goma, Joseph Kabila s’est entretenu avec des représentants et dirigeants d’une dizaine de confessions religieuses de Goma et du Nord-Kivu. Parmi les confessions religieuses présentes à la réunion, on peut citer l’ECC, l’église Orthodoxe, la communauté islamique au Congo, l’armée du salut, l’église Kimbanguiste, l’association des églises de réveil, l’union des églises indépendantes, l’église de réveil du Congo. L’évêque catholique de Goma, Mgr Willy Ngumbi n’était pas présent. «L’ancien président nous a dit qu’il est venu pour la paix et que son grand souci est de voir la paix revenir au pays ainsi que la restauration de l’intégrité territoriale», a indiqué l’évêque principal Joël Amurani, président de la plateforme des confessions religieuses du Nord-Kivu. Ce responsable religieux a affirmé que l’ancien Chef de l’Etat n’a ni parlé de la rébellion de l’AFC/M23, ni cité le nom de son successeur.[13]
Le 30 mai, l’ancien chef de l’État Joseph Kabila a échangé avec une trentaine d’autorités traditionnelles autour des questions relatives à la sécurité, la cohabitation entre le pouvoir moderne et les pouvoir traditionnel, le développement, ainsi que sur le retour des populations déplacées.[14]
Le 30 mai, l’ancien chef de l’État, Joseph Kabila, a reçu aussi une délégation des femmes. Au cours des échanges, elles lui ont fait part de leur aspiration principale: le rétablissement de la paix dans cette province, dont une partie est occupée par les rebelles du M23 depuis environ six mois. Ces femmes ont également exprimé leur souhait d’être pleinement associées à toutes les démarches et initiatives visant à restaurer la paix dans la région. Elles ont dressé à l’ancien président de la République un tableau sombre de la situation vécue par la population dans les zones sous contrôle du M23, marquée notamment par des tueries, des arrestations arbitraires, ainsi qu’une crise économique sévère provoquée par la fermeture des banques. Insistant sur l’urgence de mettre fin à ce conflit qui paralyse la vie des familles, la représentante des femmes, Liberata Rubumba Buratwa, membre de la délégation ayant rencontré Joseph Kabila, a déclaré: «Nous avons affirmé à l’ancien Président (NDLR: Joseph Kabila) que nous voulons la paix. Non à la balkanisation. Le Congo doit rester un et indivisible. C’est notre pays. Nous avons enfin demandé à être pleinement impliquées dans tous les processus de paix lors des futurs dialogues».[15]
Le 31 mai, l’ancien Président Joseph Kabila a échangé avec les chefs d’établissements d’enseignement supérieur et universitaire et les responsables des institutions hospitalières. Au cœur des discussions figurait un point unique, la crise politique et sécuritaire qui sévit en RDC et l’élaboration de solutions durables pour y mettre fin. Devant les scientifiques, Joseph Kabila Kabange a réaffirmé son engagement indéfectible en faveur de la stabilité, de la paix, de la cohésion nationale et du développement durable de la RDC. Il a appelé une nouvelle fois à l’unité et à la mobilisation collective pour surmonter les épreuves actuelles et construire un avenir prospère pour le peuple congolais.[16]
Le 2 juin, Joseph Kabila a reçu les associations de jeunes de Goma. Devant elles, il a mis en garde contre les risques de fragmentation du pays et appelé la jeunesse congolaise à « refuser l’instrumentalisation » et à devenir « les bâtisseurs d’une paix réelle, fondée sur l’unité, la vérité et la solidarité ».[17]
Le 3 juin, l’ancien président Joseph Kabila a rencontré ce mardi les représentants des différentes communautés du Nord-Kivu. Lors de cet échange, les délégués communautaires ont insisté sur les questions de sécurité, de développement local, de réconciliation et de justice sociale. En retour, l’ancien chef de l’État a réaffirmé son «attachement indéfectible à la souveraineté de la RDC» et salué «l’engagement des communautés pour la stabilité et la reconstruction durable du Nord-Kivu».
Ces consultations visent à «écouter les préoccupations des populations locales, renforcer le dialogue intercommunautaire et identifier des pistes de solutions à la crise multiforme» que traverse le pays.[18]
b. La stratégie de Kabila divise
Depuis son arrivée, le 25 mai à Goma, Joseph Kabila ne cesse de multiplier des rencontres avec des religieux, les autorités traditionnelles, les femmes leaders, les chefs d’établissements d’enseignement supérieur et universitaire, les responsables des institutions hospitalières, ainsi que les responsables politiques, administratifs et sécuritaires.
Tous déclarent que l’ex-président congolais s’engage pour la paix, la stabilité, la cohésion nationale et le développement durable. Mais à Kinshasa, le pouvoir ne croit pas à ces affirmations et se prépare plutôt à toute éventualité. Christian Lumu Lukusa, cadre de l’Union pour la démocratie et le progrès social, le parti du président Félix Tshisekedi, reste convaincu que Joseph Kabila est le leader principal de la rébellion de l’AFC allié au groupe M23: «C’est lui le créateur de l’AFC. C’est lui qui finance l’AFC. L’AFC-M23 est une force terroriste».
Certains analystes estiment que sa présence à Goma et les consultations qu’il y mène sont plutôt dangereuses pour le gouvernement du président Félix Tshisekedi. Des voix s’élèvent de plus en plus dans le camp du pouvoir congolais, pour dénoncer et condamner la présence de Joseph Kabila dans une zone sous contrôle de l’AFC-M23 depuis près de trois ans.[19]
Le retour sur le terrain à Goma de l’ex-président ravive les clivages autour de son rôle et de ses ambitions dans la région. Joseph Kabila est de retour. Depuis son arrivée à Goma, l’ancien président congolais multiplie les consultations avec la société civile. Confessions religieuses, notables traditionnels, responsables académiques et associations de femmes, Le message est limpide. «En se montrant publiquement et en multipliant les rencontres, Kabila envoie un message clair: je suis là», analyse Onesphore Sematumba, expert chez International Crisis Group. Pour certains, il s’agit d’un exercice de communication, visant à contrecarrer les rumeurs persistantes sur son isolement ou son retrait.
La tournée de Joseph Kabila dans l’est de la RDC intervient dans un climat explosif. Chaque prise de parole, chaque rencontre, est scrutée, analysée, et parfois interprétée comme un acte de défiance ou de calcul politique. La présence de Joseph Kabila dans une région en partie contrôlée par les rebelles de l’AFC/M23 ne cesse de faire réagir. Ancien président resté longtemps silencieux, Kabila intrigue, inquiète et divise. Pour certains, sa tournée à l’Est relève d’une démarche citoyenne en quête de solutions à la crise. Pour d’autres, elle ressemble davantage à une manœuvre politique, aux contours encore flous.
Moïse Nyarugabo, compagnon politique de longue date de Joseph Kabila et présent à ses côtés lors de ces consultations, a tenu à préciser le sens de cette démarche. «Il ne s’agit pas simplement d’une visite de courtoisie ou d’un geste symbolique», a-t-il affirmé. «Dans son adresse à la nation, Joseph Kabila a clairement indiqué qu’il venait pour contribuer à la recherche de la solution à la crise actuelle, particulièrement pour œuvrer en faveur de la paix». Et de préciser la méthode adoptée: «Une fois sur le terrain, la priorité était d’écouter, de s’informer et d’apprendre directement de ceux qui vivent les réalités de la crise. Avant de proposer une quelconque contribution, il est essentiel d’avoir une compréhension claire et partagée de la situation tant par la population que par ceux qui exercent l’autorité de l’État».
Selon l’entourage de Joseph Kabila, les consultations engagées ne représentent qu’une première étape. À terme, elles devraient déboucher sur l’élaboration d’une feuille de route fondée sur les attentes recueillies auprès des communautés locales. Ce document, encore en gestation, devrait fixer les actions prioritaires et proposer un calendrier pour leur mise en œuvre.
Dans les rangs de l’opposition, la riposte n’a pas tardé. Le 2 juin, Martin Fayulu a dénoncé ce qu’il considère comme une dangereuse légitimation implicite du mouvement rebelle. «Joseph Kabila doit quitter Goma. Aucune stratégie ne peut justifier une collaboration avec ceux qui déchirent notre pays», a-t-il martelé, appelant à une clarification sans ambiguïté.
Au sein du parti présidentiel, l’UDPS, la ligne est tout aussi tranchée. Augustin Kabuya, secrétaire général par intérim, a vivement critiqué l’initiative, qu’il perçoit comme une tentative de retour sur la scène politique nationale. «Joseph Kabila est un homme du passé, il n’a plus de leçon à donner», a-t-il cinglé, balayant d’un revers de main toute idée de réhabilitation.
Face à cette polémique grandissante, une question s’impose: que fera Joseph Kabila des paroles recueillies et des critiques entendues? «C’est la question centrale: va-t-il tirer des conclusions? Va-t-il produire une synthèse, pour clarifier ses intentions et ses futures actions?», s’interroge un analyste de l’International Crisis Group. Nombre d’observateurs attendent également qu’il prenne position sur l’AFC/M23 et précise la durée, ainsi que les objectifs concrets, de son séjour à Goma.
En toile de fond, cette séquence met en lumière les fractures persistantes au sein de la classe politique congolaise. Tandis que certains saluent une initiative patriotique en faveur de la paix, d’autres y voient une opération de repositionnement, à mesure que se dessinent de futures échéances électorales. Le gouvernement, lui, adopte un silence prudent, tandis que plusieurs voix redoutent qu’en l’absence de clarification, cette tournée ne contribue à brouiller les lignes, voire à légitimer de fait la rébellion du M23.[20]
Avec un discours fleuve promettant de «mettre fin de la dictature» de Kinshasa et par sa présence à Goma pour y rencontrer les rebelles du M23, Joseph Kabila a clairement montré d’avoir choisi son camp, celui d’une opposition frontale au président Félix Tshisekedi, se replaçant ainsi au coeur de la crise congolaise. Si l’ancien président justifie sa venue à Goma, occupée par la rébellion, pour y ramener la paix, c’est bien sur la scène politique intérieure qu’il compte s’imposer. Selon Joseph Kabila, la paix passe par un changement de gouvernance à la tête du pays, et prône un dialogue inter-congolais, dans la droite ligne de ce que proposent les Eglises catholique et protestantes de la Cenco et de l’Ecc. L’ex-chef d’Etat a choisi de s’afficher aux côtés des rebelles du M23, alors que les perspectives d’accord de paix sont de plus en plus incertaines. Les négociations de Doha et les discussions avec Washington s’éternisent. Kigali fait mine de jouer les bons élèves et le M23 estime aujourd’hui qu’il n’a plus aucune raison de se retirer des territoires qu’il contrôle.
En prenant ses quartiers dans sa résidence de Goma, Joseph Kabila attend donc de voir comment vont évoluer les différentes initiatives de paix pour « jouer sa partition » et provoquer un dialogue inclusif avec Kinshasa. En attendant, le Raïs consulte tous azimuts. Le camp présidentiel a tout de suite pris la mesure du risque de voir Joseph Kabila ramener le conflit avec le M23 sur la scène intérieure, ce que redoute Félix Tshisekedi. Les autorités ont rapidement pris une batterie de mesures pour placer Joseph Kabila et ses proches hors-jeu. Son immunité parlementaire a été levée, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires, son parti, le PPRD, a été suspendu, ses cadres convoqués par la justice, des officiers supérieurs de l’armée suspectés d’être pro-Kabila emprisonnés, et les médias sommés de ne pas relayer les activités de l’ex-chef de l’Etat.[21]
[1] Cf AFP – TV5monde.com, 22.05.’25
[2] Cf RFI, 27.05.’25
[3] Cf Philippe Randrianarimanana – TV5.com, 23.05.’25
[4] Cf Hubert Leclercq – Lalibre.be / Afrique, 23.05.’25
[5] Cf Actualité.cd, 23.05.’25
[6] Cf Pascal Mulegwa – RFI, 24.05.’25; Clément Muamba – Actualité.cd, 26.05.’25
[7] Cf Prince Mayiro – 7sur7.cd, 26.05.’25
[8] Cf RFI, 25.05.’25
[9] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia.com, 25.05.’25 http://afrikarabia.com/wordpress/rdc-joseph-kabila-pret-a-jouer-sa-partition/
[10] Cf RFI, 26.05.’25 ; Clément Muamba – Actualité.cd, 27.05.’25
[11] Cf Alphonse Muderwa – 7sur7.cd, 27.05.’25
[12] Cf Clément Muamba – Actualité.cd, 27.05,’25
[13] Cf Yvonne Kapinga – Actualité.cd, 29.05.’25
[14] Cf Yvonne Kapinga et Samyr Lukombo – Actualité.cd, 30.05.’25
[15] Cf Radio Okapi, 01.06.’25
[16] Cf Alphonse Muderwa – 7sur7.cd, 31.05.’25
[17] Cf Actualité.cd, 03.06.’25
[18] Cf Actualité.cd, 03.06.’25
[19] Cf Jean-Noël Ba-Mweze – Deutsche Welle, 02.06.’25
[20] Cf Le Point / MCP , via mediacongo.net, 05.06,’25 https://www.mediacongo.net/article-actualite-151449_les_consultations_tous_azimuts_de_joseph_kabila_divisent.html
[21] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia,com, 09.06.’25 https://afrikarabia.com/wordpress/rdc-comment-joseph-kabila-bouscule-la-scene-politique-congolaise/