Congo Actualité n. 502

SOMMAIRE

1. LA RDC ET LE RWANDA ONT SIGNÉ UNE « DÉCLARATION DE PRINCIPES » À WASHINGTON (ÉTATS-UNIS) POUR LA PAIX AU KIVU
2. DÉCRYPTAGE
3. RÉACTIONS ET COMMENTAIRES

1. LA RDC ET LE RWANDA ONT SIGNÉ UNE « DÉCLARATION DE PRINCIPES » À WASHINGTON (ÉTATS-UNIS) POUR LA PAIX AU KIVU

Le 21 avril, le médiateur qatarien Mohammed al-Khulaifi a rencontré Massad Boulos, conseiller principal pour l’Afrique à la Maison Blanche. Les États-Unis, tout en soutenant le processus de Doha, déploient leur propre stratégie. Comme l’a récemment rappelé Massad Boulos: «Ce conflit dure depuis plus de trente ans. Il est temps d’y mettre fin». Et pour Washington, l’économie fait partie de la solution: un accord minier est en discussion avec Kinshasa, mais aussi avec d’autres pays de la région, dont le Rwanda. Un moyen, selon la diplomatie américaine, d’ancrer la paix dans l’investissement et le développement.[1]

Une source diplomatique a affirmé qu’une « déclaration de principes » viserait à favoriser «une voie vers la paix, la stabilité et le développement économique intégré» dans l’est de la RDC, ainsi que «la reprise de relations bilatérales normales entre la RDC et le Rwanda».
L’administration Trump s’intéresse particulièrement à la RDC depuis qu’un sénateur congolais a contacté des fonctionnaires américains pour leur présenter un accord sur les minerais en échange de garanties de sécurité. Washington vise un meilleur accès à des ressources telles que le cuivre, le cobalt et le lithium, utilisés dans les téléphones portables et les voitures électriques, qui sont actuellement exploités principalement par la Chine et ses sociétés minières. Le Rwanda a annoncé cette semaine qu’il discutait également avec Washington d’un éventuel accord sur les minerais.[2]

Le 25 avril, la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont signé une « déclaration de principes » pour un accord visant à promouvoir la paix et le développement économique dans la région des Grands Lacs, tout en mettant fin au conflit qui ravage l’Est de la RDC. La déclaration a été signée à Washington par la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, et son homologue rwandais, Olivier Nduhungireye, en présence du secrétaire d’État américain, Marco Rubio. Cette initiative diplomatique intervient 48 heures après le communiqué conjoint signé entre Kinshasa et le groupe armé M23 et négocié à Doha sous la médiation du Qatar, pour une trêve en vue d’un cessez le feu et la fin du conflit. Cette déclaration de principes s’articule autour de six engagements majeurs:
– Reconnaissance mutuelle de la souveraineté et de l’intégrité territoriale,
– Prise en compte des préoccupations sécuritaires,
– Promotion de l’intégration économique régionale,
– Facilitation du retour des personnes déplacées,
– Soutien à la MONUSCO,
– Élaboration d’un accord de paix.
La RDC et le Rwanda sont appelés à reconnaître la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’autre et à respecter les frontières établies. En consultation avec le gouvernement des États-Unis, ces deux parties acceptent de s’engager sur une voie permettant de régler leurs différends grâce à des moyens pacifiques, ancrés dans la diplomatie et la négociation, plutôt que par un recours à la force ou à des discours hostiles. En clair, la RDC et le Rwanda doivent s’abstenir de toute ingérence dans les affaires internes de l’autre.
Au plan sécuritaire, les deux pays s’engagent à créer un mécanisme commun de coordination sécuritaire, afin de lutter contre les groupes armés non étatiques et les organisations criminelles qui menacent les intérêts communs de sécurité. Dans ce contexte, les deux pays s’engagent à ne plus soutenir de groupes armés non étatiques. Même si la déclaration ne les cite pas nommément, il s’agit, selon des experts, de l’AFC-M23 pour le Rwanda, et des FDLR et des Wazalendo pour la RDC.
Dans le cadre d’intégration économique régionale, le document propose que l’exploitation des ressources naturelles soit encadrée dans une coopération économique entre les deux pays.
Kinshasa et Kigali se proposent de renforcer la transparence dans les chaînes d’approvisionnement des minerais critiques, en œuvrant pour l’élimination des risques d’y introduire des minerais qui contribueraient au financement des groupes armés. Ils souhaitent élargir leur coopération sur des priorités communes, telles que le développement hydroélectrique et la gestion des parcs nationaux, en partenariat avec les autorités et les investisseurs des États-Unis. L’objectif est de permettre aux deux nations de profiter des ressources naturelles abondantes dans la région, grâce à des partenariats économiques et des investissements mutuellement bénéfiques.
Le deal économique évoqué par le texte est un sujet d’inquiétude pour le gouvernement congolais, qui pourrait être perdant sur la question, car il arrive dans ces négociations en position de faiblesse e avec peu d’arguments pour peser dans la balance. Une source occidentale indique que, dans ce deal entre Etats, «ce sera business contre territoires» et que «l’Est du Congo deviendra une extension économique du Rwanda».
Les deux pays voisins s’engagent à faciliter le retour des réfugiés et des déplacés internes. Le Rwanda affirme héberger aujourd’hui au moins 100 000 réfugiés congolais.
Enfin, les deux Pays s’engagent à rédiger un avant-projet d’accord de paix à présenter le 2 mai.
Si, à ce stade, la reconnaissance du respect de l’intégrité territoriale de chacun, l’engagement de bannir toute action ou discours remettant en question la validité des frontières, ou encore celui de ne plus fournir de soutien militaire à des groupes armés non-étatiques semblent plutôt profiter à la RDC, le Rwanda n’est pas en reste. Selon plusieurs experts, l’intégration de la question du commerce minier à la déclaration représente en effet plutôt un avantage pour Kigali, qui profite d’une certaine avance dans ce domaine, voire se positionne déjà comme un hub régional. Alors que ce pays est équipé d’une fonderie d’étain, d’une raffinerie d’or et d’une raffinerie de tantale, l’accord en perspective pourrait lui permettre de renforcer encore plus sa capacité à traiter localement des minerais stratégiques, inclus ceux provenant de l’est de la RDC.
La signature de cette « déclaration de principes intervient alors qu’un accord entre la RDC et les États-Unis sur les minerais stratégiques est en cours de négociation. Cet accord vise à permettre aux entreprises américaines d’accéder de manière privilégiée aux ressources minières critiques de la RDC, telles que le cobalt, le coltan et le lithium, en échange d’une assistance sécuritaire pour lutter contre les groupes armés.
L’Est de la RDC est le théâtre d’affrontements entre l’armée congolaise et le groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda. Ce groupe armé contrôle plusieurs localités des provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu, dont les villes de Goma et Bukavu. En plus du M23, une centaine d’autres groupes armés opèrent dans la région depuis trois décennies.[3]

Trois accords sont attendus dans le cadre de la médiation conduite par les États-Unis. Le premier est un accord de paix entre la RDC et le Rwanda, dont la signature est envisagée pour le mois de juin. En parallèle, deux accords économiques bilatéraux doivent être finalisés avec Washington.
Le premier concerne la RDC. Il prévoit des investissements de plusieurs milliards de dollars d’entreprises américaines dans les mines congolaises et les infrastructures associées.
Le second porte sur le Rwanda. Il concerne le développement des capacités de traitement, de raffinage et de commercialisation des minerais.
Un volet de coopération entre Kinshasa et Kigali est également en discussion, centré sur la chaîne de valeur minière. Les minerais extraits en RDC devraient transiter légalement par le Rwanda, pour y être traités, raffinés et exportés vers les États-Unis. Selon une source diplomatique, «on peut imaginer que la RDC sera également partie prenante dans le raffinage et la valeur ajoutée au sein des sociétés implantées au Rwanda. Il n’y aura pas de perdants».
Ces trois accords, politique et économiques, sont interdépendants, et leurs contenus sont encore loin d’être finalisés.[4]

Le deal entre le Rwanda et Kinshasa prévoit une collaboration entre la production des matières premières dans les mines congolaises et leur raffinage dans les installations rwandaises.
Cet accord de principe pour l’exploitation commune des matières premières entre les deux voisins survient aussi alors que l’Union européenne, sous l’impulsion de la Belgique, évoque toujours la remise en cause de l’accord sur les minerais avec le Rwanda. Une position assez intenable suite à la signature de cet accord entre les deux voisins.
Le partenariat RDC-USA prévoit l’exploitation des ressources minières en RDC en contrepartie de la sécurisation de l’Est du pays, ainsi qu’un investissement massif dans les infrastructures, estimé à près de 500 milliards de dollars américains sur une période de 15 ans.[5]

Le 2 mai est le jour dans lequel la RDC et le Rwanda devraient en principe présenter à Washington (Etats-Unis) un avant-projet d’accord de paix. C’est ce que prévoit la déclaration de principe signée le 25 avril dernier entre les deux pays sous la médiation américaine. Ce document préliminaire devrait formaliser les engagements bilatéraux en matière de diplomatie, de sécurité et de résolution des conflits entre la RDC et le Rwanda. Il devrait clarifier les responsabilités de chaque pays, notamment face aux groupes armés comme le M23/AFC et les FDLR, et pourrait intégrer un mécanisme de vérification. Ce document, issu de la fusion des processus de Nairobi et Luanda, devrait être examiné au niveau ministériel avec l’appui du secrétaire d’État américain. Une réunion des ministres des Affaires étrangères est envisagée vers la troisième semaine du mois de mai, à Washington, pour finaliser un texte consolidé. Pour l’heure, rien ne permet de confirmer que cet avant-projet d’accord de paix sera effectivement présenté dans les délais fixés. En effet, aucune communication n’a été faite par les deux délégations, qui travaillaient encore sur leurs copies.[6]

Ce qui est attendu, c’est un brouillon initial d’un accord de paix. Il sera examiné par les experts congolais, rwandais et américains. Ce texte s’inscrit dans la continuité de la « déclaration de principes » signée une semaine plus tôt. Il suivra les grands axes définis: souveraineté territoriale, lutte contre les groupes armés, commerce des minerais, question des réfugiés et des déplacés, coopération régionale et rôle des forces internationales, notamment la Monusco. Pour finaliser le processus, il est prévu au mois de juin que les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame se rendent aux États-Unis pour la signature officielle de l’accord de paix, autour du président Donald Trump. Entretemps, les discussions se poursuivent, à plusieurs niveaux: entre Kinshasa et l’AFC/M23 à Doha (Qatar), mais aussi entre Kinshasa et Kigali à Washington (USA).[7]

Le 5 mai, la République Démocratique du Congo et le Rwanda ont chacun remis leur contribution qui constitue un avant-projet d’accord de paix, comme prévu dans la déclaration de principes signée à Washington sous l’égide des États-Unis. En cas de divergence persistante sur le contenu du texte, la déclaration de principes prévoit une réunion ministérielle à Washington, sous la médiation du Secrétaire d’État américain.[8]

2. DÉCRYPTAGE

La signature à Washington, le 25 avril dernier, d’une « déclaration de principes » entre la RDC et le Rwanda, en présence du Secrétaire d’État américain, suscite de vives inquiétudes quant à la sécurisation des ressources naturelles congolaises. Bien que cette déclaration soit censée poser les bases d’un futur traité de paix, elle élude un point essentiel, celui de la reconnaissance explicite de l’agression rwandaise, pourtant bien documentée par l’ONU. Cette omission fragilise la position congolaise et pourrait légitimer, par un flou juridique, les incursions de Kigali sous prétexte de la lutte contre les groupes armés comme les FDLR.
En matière de sécurité, la déclaration prévoit la création d’un mécanisme conjoint pour lutter contre les groupes armés. Mais cette proposition soulève la crainte d’une réintroduction des opérations militaires rwandaises en RDC, ce qui pourrait relancer l’instabilité, comme cela s’est produit lors des interventions de 2009. Le Rwanda pourrait utiliser ce cadre pour justifier une présence armée dans l’Est, tandis que l’État congolais, affaibli, risque de perdre davantage le contrôle sur ses territoires riches en ressources minières stratégiques.
L’intégration économique régionale envisagée par l’accord est un autre point sensible. Sous couvert d’ouverture à l’investissement américain, elle pourrait aboutir à la création d’un espace économique transfrontalier qui ne tiendrait pas compte de l’origine des minerais. Dans ce système, la souveraineté congolaise sur ses ressources serait diluée, au profit du Rwanda, plus attractif pour les investisseurs étrangers. Ce dernier, bénéficiant d’un meilleur cadre légal et institutionnel, risquerait de devenir le principal bénéficiaire de la chaîne d’approvisionnement en minerais stratégiques, au détriment des communautés congolaises.
Des questions fondamentales restent sans réponse: comment assurer la souveraineté de la RDC sur ses minerais? Quelles garanties de sécurité pour les populations de l’Est? Et surtout, quelles réformes internes la RDC doit-elle mettre en place pour tirer profit de tels accords? Face à ces enjeux, des voix comme celle du chercheur Martin Ziakwau appellent le Gouvernement congolais à insérer une clause de ratification parlementaire pour garantir une transparence démocratique et préserver les intérêts stratégiques du pays.[9]

Les Grands Lacs et Donald Trump: diplomatie et business sont intimement lies. C’est dans ce contexte qu’est intervenue la signature d’une déclaration de principe entre la RDC et le Rwanda, à Washington, sous médiation américaine.
Cent jours après son arrivée à la Maison Blanche, l’action de Donald Trump en Afrique devient de plus en plus visible. Et c’est dans la région des Grands Lacs que sa stratégie s’affirme avec le plus de clarté. Les choses se sont nettement accélérées ces dernières semaines, avec notamment la visite à Kinshasa, début avril, de son envoyé spécial pour l’Afrique, Massad Boulos
Aux côtés de Massad Boulos, l’envoyé spécial de Donald Trump pour l’Afrique, se trouvait Corina Sanders, sous-secrétaire adjointe aux Affaires africaines. Pour elle, la stratégie est claire: conjuguer stabilité régionale et intérêts économiques américains, congolais et rwandais.
La RDC est centrale dans cette approche. Le pays regorge de minerais stratégiques — tantale, niobium, tungstène, terres rares, or — concentrés dans les Kivus, une région instable, dominée par l’exploitation artisanale et des réseaux informels souvent liés à des entreprises chinoises et à la contrebande liées aux pays voisins (Rwanda et Ouganda).
Derrière l’objectif de paix, il s’agit surtout d’ouvrir la voie aux investissements américains dans un espace stratégique. Trois enjeux guident cette offensive de Trump : sécuriser l’accès aux minerais critiques face à la Chine, stabiliser l’Est du Congo pour attirer les capitaux, et renforcer la présence américaine via le Minerals Security Partnership Forum. Ce travail avait déjà commencé plus au sud, dans le Katanga, avec le corridor ferroviaire de Lobito (Nord-Ouest de la Zambie – Sud de la RDC – Angola). Mais l’idée d’étendre cet axe à l’Est s’était heurtée, selon Washington, à un refus du Rwanda.[10]

Washington souligne que la déclaration de principes contribuera à protéger les intérêts stratégiques américains en matière de minerais critiques – un secteur clé pour les chaînes d’approvisionnement mondiales – tout en répondant aux besoins de sécurité régionale. Cette déclaration contribuera à protéger les intérêts des États-Unis en minerais stratégiques et critiques et à apporter la paix et la stabilité tant attendues dans la région des Grands Lacs Africains en général et dans l’est de la RDC en particulier. La déclaration s’inscrit dans les cent premiers jours d’une politique étrangère placée sous le signe de l’«America First», mise en œuvre par le secrétaire d’État Marco Rubio sous l’administration Trump. Ce dernier affirme que chaque action diplomatique doit répondre à l’exigence de renforcer la sécurité, la puissance et la prospérité des États-Unis.[11]

3. RÉACTIONS ET COMMENTAIRES

Dans une interview accordée à l’agence de presse Reuters, à Doha, la capitale du Qatar, le conseiller principal du président américain, Massad Boulos, a annoncé que les Etats-Unis poussent le Congo et le Rwanda à signer un accord de paix à la Maison Blanche dans environ deux mois (fin juin), accompagné des accords miniers bilatéraux qui apporteraient des milliards de dollars d’investissements occidentaux dans la région: «Lorsque nous signerons l’accord de paix… l’accord sur les minéraux avec la RDC sera signé ce jour-là, puis un accord similaire, mais d’une taille différente, sera signé ce jour-là avec le Rwanda». La même source révèle qu’au milieu de ce mois de mai, le secrétaire d’État américain Marco Rubio va rencontrer, à Washington, les ministres des Affaires étrangères rwandais et de la RDC, pour tenter de convenir d’un projet final d’accord de paix. Le conseiller du président Trump, Massad Boulos, souligne qu’avant la signature de cet accord, Kinshasa et Kigali doivent finaliser des accords économiques bilatéraux avec Washington qui verront les entreprises américaines et occidentales investir des milliards de dollars dans les mines congolaises et les projets d’infrastructures pour soutenir l’exploitation minière dans les deux pays, y compris le traitement des minéraux au Rwanda. Dans cette même interview à Reuters, Boulos a également déclaré qu’avant la cérémonie de signature à la Maison Blanche, Washington s’attend à ce que les deux pays répondent à un certain nombre de préoccupations en matière de sécurité. Par exemple, le Rwanda doit retirer ses troupes du Congo et cesser de soutenir les rebelles de l’AFC/ M23.[12]

Sur son compte X, le conseiller principal pour l’Afrique à la Maison Blanche, Massad Boulos, a aussi précisé que, avant la signature de tout accord minier annoncé avec la RDC et le Rwanda, Kigali doit retirer ses troupes du sol congolais et cesser de soutenir les rebelles du M23 et la RDC doit, à son tour, répondre aux préoccupations sécuritaires du Rwanda concernant les FDLR.[13]

À propos de cet avant projet d’accord de paix, Bob Kabamba, politologue à l’Université de Liège et spécialiste de la RDC, estime que «il ne s’agit pas d’une nouvelle tentative, mais d’une consolidation de la stratégie américaine dans la région», en ajoutant que «le Rwanda est un partenaire-clé de Washington, à la fois pour les questions de sécurité et pour les minerais stratégiques». Kigali est l’une des premières places exportatrices des minerais stratégiques au monde et elle est comparable à une ville comme Dubaï.
Le texte de l’avant projet d’accord s’appuie sur une « déclaration de principes » signée une semaine plus tôt et entend poser les bases d’un cessez-le-feu durable entre Kinshasa et Kigali.
Le projet d’accord présenté à Washington repose sur trois piliers: militaire, humanitaire et économique. Il  prévoit plusieurs engagements structurants: un cessez-le-feu immédiat, le retrait des troupes rwandaises du sol congolais, la fin des soutiens aux groupes armés, et un processus de désarmement des milices. Kinshasa s’engagerait de son côté à neutraliser les FDLR. Sur le terrain, une force neutre d’interposition est à l’étude pour sécuriser les zones reprises.
Au-delà de l’aspect militaire, le texte contient un volet humanitaire, avec l’objectif de faciliter le retour des déplacés, dont le nombre dépasse désormais les 700 000 rien que dans le Nord-Kivu. Les médiateurs insistent: «sans trêve, impossible d’acheminer l’aide aux populations».
Un troisième pilier, plus discret, accompagne les négociations: l’économie. Washington pousse à un accord qui permettrait à ses entreprises d’accéder plus facilement aux minerais critiques du Congo (cobalt, lithium, coltan). Bob Kabamba rappelle que «Alphamine, une entreprise minière américaine installée à Walikale, produit 6 % de l’étain mondial … Quand le M23 a pris le contrôle de la zone, les cours ont grimpé en bourse. Ça montre à quel point ce site est stratégique pour les États-Unis … Alphamine est liée à des cercles proches de Donald Trump. Il y a donc une volonté claire de protéger cet investissement en stabilisant la région».
En cas de paix, les deux pays (la RDC et le Rwanda) pourraient bénéficier d’investissements massifs dans des projets d’extraction, d’infrastructures et d’énergie. En outre, Kigali, qui abrite déjà des raffineries, y voit l’opportunité de devenir un hub régional.
Le processus lancé par les États-Unis s’appuie sur les précédentes initiatives (Luanda, Nairobi e Doha) sans les effacer. Jusqu’aux derniers jours, avec un mandat de l’Union Africaine (UA), l’Angola avait jusqu’ici tenté d’imposer un cessez-le-feu, mais sans succès. Dans ce contexte, le pari des États-Unis est simple: maintenir la pression internationale pour éviter une reprise des combats, tout en promettant des dividendes de paix aux deux capitales, Kinshasa et Kigali. Mais sur le terrain, la réalité est moins optimiste. Les trêves précédentes ont systématiquement volé en éclats et l’AFC/M23 occupe encore des villes entières, dont Goma, chef-lieu du Nord Kivu, et Bukavu, chef-lieu du Sud Kivu et continue à avancer, en conquérant des nouvelles localités. «Après la MONUSCO, les troupes de l’EAC et de la SADC, les tropes ougandaises et burundaises … je ne pense pas que les populations du Nord-Kivu croient encore que l’on puisse arriver à un accord», estime Bob Kabamba. Personne ne se fait d’illusion: ce projet d’accord ne suffira pas à lui seul à faire taire les armes. Mais c’est peut-être la première fois que tous les acteurs – régionaux, continentaux et internationaux – se retrouvent autour d’un même texte. Une chance, fragile, mais réelle, d’entamer enfin la désescalade.[14]

Le secrétaire d’État américain Marco Rubio a affirmé que la paix durable dans la région des Grands Lacs est une condition essentielle à une relance économique régionale, soulignant que les États-Unis sont prêts à accroître leurs investissements en Afrique centrale, notamment dans des chaînes d’approvisionnement responsables et sécurisées. Pour Rubio, la résolution du conflit entre Kinshasa et Kigali est aussi un levier économique. «Une paix durable dans la région des Grands Lacs ouvrira la porte à davantage d’investissements américains et occidentaux, ce qui générera des opportunités économiques et de la prospérité», a-t-il déclaré. Il a qualifié cette dynamique de « situation gagnant-gagnant pour toutes les parties: pour les États-Unis, pour la République Démocratique du Congo et pour le Rwanda ». Il a souligné que «la paix durable doit précéder le développement économique, car il est impossible de l’atteindre sans la paix », en évoquant également le retour des personnes déplacées qui, selon lui, pourront «rentrer chez elles, dans des communautés plus sûres, avec de nouvelles opportunités économiques qui ont échappé à plusieurs générations».
Mais tous ne partagent pas cet enthousiasme. Denis Mukwege, prix Nobel de la paix, se montre réservé. Il rappelle la résolution 2773 du Conseil de sécurité, adoptée en février, qui impose déjà un cessez-le-feu immédiat, le retrait des forces rwandaises du sol congolais et la fin du soutien du régime rwandais au M23. Pour Denis Mukwege, ces mesures sont claires, relèvent du droit international et doivent être appliquées, sans conditions supplémentaires. Il estime qu’aucune autre condition ne devrait être nécessaire pour mettre fin à ce qu’il qualifie d’«agression de l’armée rwandaise d’occupation». Il met en garde contre l’illusion de nouvelles trêves, rappelant qu’une demi-douzaine d’accords de cessez-le-feu ont été signés dans le cadre des processus de paix de Luanda et Nairobi, «pour être ensuite systématiquement rompus», ce qui démontre selon lui la mauvaise foi des forces d’agression et leur stratégie du « talk & fight ». Il alerte aussi sur le danger des compromis insuffisants, face à un conflit qu’il qualifie de profondément enraciné, internationalisé, marqué par des crimes majeurs, des millions de victimes et l’une des pires crises humanitaires du monde. Une question se pose donc désormais: les engagements pris à Washington seront-ils réellement respectés sur le terrain? En d’autres termes, représentent-ils une avancée réelle, susceptible d’ouvrir la voie à une désescalade durable entre deux voisins aux relations profondément tendues?  Il ressort de cet accord de principe que l’administration américaine semble plus préoccupée par ses intérêts stratégiques que par un accompagnement de Kinshasa et Kigali vers une paix durable.[15]

Dans une déclaration, le mouvement citoyen Filimbi « sifflet, en swahili », déplore le fait que chaque tentative de réconciliation avec les groupes armés, menée sans justice ni réforme profonde, a contribué à affaiblir les institutions, renforcer l’impunité et encourager la multiplication des rébellions: «Ces démarches, menées sous pression régionale et internationale avec les Etats-Unis d’Amérique et le Qatar en tête, semblent reproduire un schéma bien connu: celui où la violence armée est récompensée par des compromis politiques, au détriment de la souveraineté nationale, de la justice pour les victimes, et de l’intégrité des institutions congolaises. Si un cessez-le-feu peut représenter un soulagement temporaire pour les populations meurtries, il ne saurait justifier certaines concessions qui touchent à notre dignité en tant que peuple».
Face à cette situation et en vue de rompre avec le cycle infernal d’impunité, le mouvement citoyen Filimbi pose plusieurs lignes rouges à respecter, dont le refus de l’intégration des combattants des groupes armés dans l’armée nationale. En effet, selon Filimbi, «l’expérience post-2009 a clairement démontré que le mixage affaiblit notre armée, entraîne sabotages et perte de loyauté. Par conséquent, notre souveraineté exige une armée unie, disciplinée, fondée sur des principes républicains, pas des compromis fragiles; aucune amnistie ne doit être accordée pour les crimes graves. La justice demeure une condition sine qua non d’une réconciliation véritable. Dès lors, les crimes contre l’humanité, les viols massifs, les massacres, ne peuvent être effacés par un simple accord politique. À défaut de sanction, l’impunité prépare inévitablement les violences futures».
Ce mouvement citoyen rejette tout aussi catégoriquement toute reconnaissance politique du M23. Pour lui, reconnaître un groupe armé comme une entité politique c’est en effet proclamer que la force prime sur la volonté démocratique. «Or, malgré les fraudes électorales massives, les Congolais ont choisi les urnes plutôt que les armes. Ce choix, fondamental, doit être respecté», a martelé Filimbi dans sa déclaration.
Par ailleurs, le mouvement citoyen insiste sur le respect de l’intégrité du territoire national et l’importance de la justice et la réparation des victimes: «La souveraineté nationale reste inaliénable. Notre intégrité territoriale n’est pas négociable. Ainsi, toute tentative d’autonomie forcée ou de fédéralisation par la force constituerait un précédent dangereux. Il n’y aura pas de paix durable sans vérité, justice et réparation pour les victimes. La paix repose sur la reconnaissance des souffrances et la vérité historique. Ignorer ces blessures au nom d’une « paix rapide » serait une illusion dangereuse». Pour Filimbi, la société civile doit être pleinement impliquée dans le processus de paix. Elle ne doit pas se limiter à un rôle de spectatrice. À contrario, une paix décidée loin des populations concernées est vouée à l’échec.[16]

L’opposition critique une démarche qui, selon elle, va profiter au Rwanda au détriment de la RDC.
C’est la position de la coalition LAMUKA, exprimée par son porte-parole Prince Epenge. Ce dernier s’oppose à toute cogestion des richesses congolaises. Alors que la déclaration des principes propose une intégration économique régionale, cet opposant pense que le Congo ne servira que d’un trou d’extraction des matières premières. «L’histoire retiendra que pour survivre politiquement, Félix TSHILOMBO a accepté d’hypothéquer les minerais, les parcs, les lacs, les gaz, l’or et les terres du Congo, tout cela en 6 ans d’un pouvoir mal acquis. Accord et dialogue pour la paix, Oui, mais la cogestion du Congo, non. KAGAME obtient dans l’accord de Washington ce qu’il n’a pas pu obtenir par les armes au front. Toutes les sociétés américaines qui viendront, s’installeront au Rwanda où elles vont créer des emplois et la RDC sera un gros trou d’où l’on extraira les matières premières», a-t-il déclaré, tout en appelant le peuple Congolais à se lever contre cette initiative.
Pour Patrick Nkanga, membre du PPRD de Joseph Kabila, a salué les différents processus, tout en affirmant que «Nos ressources naturelles sont notre force, mais également notre faiblesse». Comme certains opposants, Patrick Nkanga souhaite la priorisation des dynamiques internes, auxquelles il accorde prééminence sur les dynamiques engagées sur le plan international. Il insiste sur le pacte républicain interne qui, selon lui, doit reposer sur notamment le respect et l’application de la constitution et de la séparation des pouvoirs, la suprématie de la constitution sur tout citoyen ainsi que l’application intégrale de la décentralisation.[17]

Au sujet de la signature de la déclaration de principes entre la République démocratique du Congo et le Rwanda sous l’égide des États-Unis, Ferdinand Kambere, secrétaire permanent adjoint du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), a donné un avis défavorable. Selon lui, «le cœur du problème n’est pas la déclaration de principes en elle-même, mais l’agenda caché qui l’accompagne, notamment le projet américain de négociation d’un accord de partage (cogestion) des ressources naturelles entre la RDC et le Rwanda, sous la supervision des États-Unis, sans exiger au préalable le départ des forces étrangères officielles comme les RDF du Rwanda et les UPDF de l’Ouganda. Cela ressemble à un trompe-l’œil». Et de poursuivre: «La tentative manifeste de faire du Rwanda un partenaire privilégié en violation des dispositions pertinentes de la Constitution (articles 56 et 57) pour l’exploitation du cobalt, du coltan, du lithium congolais, au mépris de la souveraineté nationale congolaise, est une hypothèque sur la paix elle-même. L’absence, dans cette approche, de toute référence sérieuse aux vrais défis de la RDC – la sécurisation des frontières, la restauration de l’autorité de l’État dans l’Est, la consolidation de la démocratie, la lutte contre les groupes armés, la réforme de la gouvernance – est préoccupante».
En outre, F. Kambere pense que cette initiative institutionnalise indirectement l’occupation du M23:
«Ainsi, loin de promouvoir une paix équitable et durable, cette initiative institutionnalise indirectement l’occupation de fait de certaines zones par le Rwanda via le M23 et organise la spoliation « légale » des ressources congolaises, sans corriger les causes profondes de l’instabilité».[18]

Dans une déclaration signée par Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Delly Sessanga et Joseph Kabila, l’opposition politique congolaise a plaidé pour la tenue d’un dialogue national, afin de permettre au pays de sortir de la crise actuelle. Ces opposants saluent l’engagement constructif de l’Union africaine, ainsi que les efforts de médiation déployés par Doha, Washington et l’initiative conjointe de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et de l’Église du Christ au Congo (ECC). Dans leur déclaration commune, ces leaders de l’opposition estiment que toute solution ignorant les causes profondes de la crise – telles que la violation intentionnelle de la Constitution, la gabegie financière, la mauvaise gouvernance et la fraude électorale – ne peut être qu’artificielle et de courte durée. «Toutes ces initiatives américaines, européennes et africaines ne pourront aboutir sans une unité au sein du pays. L’opposition politique, l’opposition armée et la société civile doivent être au cœur des efforts pour restaurer la paix. Dans les discussions engagées à l’international, il est essentiel que la souveraineté du Congo soit respectée», a affirmé Prince Epenge, porte-parole de Lamuka. Il a insisté sur la nécessité pour les Congolais d’échanger autour d’un forum de dialogue. «La solution ne viendra pas entièrement de ces initiatives extérieures. C’est à l’interne que les Congolais doivent se parler, en prenant en compte les efforts menés par la CENCO et l’ECC, afin de restaurer rapidement la paix dans le pays», a-t-il déclaré.[19]

[1] Cf RFI, 25.04.’25
[2] Cf Le Monde avec Reuters, 25.04.’25
[3] Cf Radio Okapi, 25 et 26.04.’25; Actualité.cd, 25.04.’25; RFI, 26.04.’25 ; Christophe Rigaud – Afrikarabia.com, 27.04.’25
[4] Cf RFI – 03.05.’25
[5] Cf Hubert Leclercq . Lalibre,be/Afrique, 25,04,’2 ; Nouveau Média / MCP, via mediacongo.net, 01.05.’25
[6] Cf Radio Okapi, 02.05.’25
[7] Cf RFI, 02.05.’25
[8] Cf Actualité.cd, 05.05.’25
[9] Cf Actualité.cd, 05.05.’25
[10] Cf RFI, 30.04.’25
[11] Cf Actualité.cd, 02.05.’25
[12] Cf Bernard Mpoyi – congo-press.com (MCP) / mediacongo.net, 02.05.’25
[13] Cf Rachidi Mabandu – Nouveau Média / MCP, via mediacongo.net, 03.05.’25
[14] Cf. tv5monde.com, 02.05.’25
[15] Cf Actualité.cd, 25 et 26.04.’25; RFI, 26.04.’25
[16] Cf Clément Muamba – Actualité.cd, 29.04.’25
[17] Cf Samyr Lukombo – Actualité.cd, 28.04.’25
[18] Cf Roberto Tshahe Da Cruz – 7sur7.cd, 29.04.’25
[19] Cf Radio Okapi, 01.05.’25