Congo Actualité n. 510

SOMMAIRE

1. LA SIGNATURE D’UN ACCORD DE PAIX ENTRE LA RDC ET LE RWANDA
a. Trois volets majeurs: sécuritaire, économique et humanitaire
2. L’ANOMALIE QUI RONGE LE VOLET SÉCURITAIRE
a. La question des FDLR
b. La question de l’AFC/M23
3. LE RISQUE QUI PLANE SUR LE VOLET ÉCONOMIQUE

1. LA SIGNATURE D’UN ACCORD DE PAIX ENTRE LA RDC ET LE RWANDA

a. Trois volets majeurs: sécuritaire, économique et humanitaire

Le 27 juin. la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont officiellement signé un accord de paix sous l’égide des États-Unis. La cérémonie s’est tenue au Département d’État américain, en présence du secrétaire d’État Marco Rubio. L’accord a été signé par Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre congolaise des Affaires étrangères, et Olivier Nduhungirehe, son homologue rwandais.
Cet accord vise à mettre fin au conflit qui, depuis 30 ans, ravage l’Est de la RDC où, selon plusieurs rapports d’experts de l’ONU, le Rwanda a déployé ses troupes en soutien au groupe armé Mouvement du 23 mars (M23).
S’inspirant à la déclaration de principes et au texte préparatoire signés respectivement le 25 avril et le 18 juin par les deux délégations congolaise et rwandaise, cet accord est un vague copié-collé des nombreux accords précédents… qui n’ont jamais été respectés.
Le texte comprend trois volets majeurs: sécuritaire, économique et humanitaire.
– Sur le plan sécuritaire, il prévoit le respect de l’intégrité territoriale des deux pays, la cessation des hostilités entre leurs armées par un désengagement militaire progressif, ainsi que l’engagement mutuel de ne plus soutenir des groupes armés, comme les FDLR ou le M23/AFC. L’accord prévoit aussi le désarmement des groupes armés non étatiques et l’intégration de leurs membre dans la vie sociale ou, seulement sous certaines conditions, dans les rangs de l’armée nationale.
À propos de ce dernier point, l’accord stipule que « toute réintégration éventuelle des combattants dans les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et la Police nationale congolaise (PNC) s’effectue de manière rigoureuse, individualisée, et conditionnelle, au cas par cas, sur la base de critères clairs, y compris l’aptitude physique et morale, en particulier le respect et l’absence de violations graves du droit international humanitaire et la loyauté envers l’État et ses institutions ».
L’accord inclut également la mise en place, dans un délai de 30 jours à partir de l’entrée en vigueur de l’accord, d’un mécanisme conjoint de coordination de la sécurité entre la RDC et le Rwanda, régi par le principe de la fin irréversible et vérifiable du soutien de l’État (congolais) aux FDLR et aux groupes armés associés et fondé sur le concept d’opérations (CONOPS), un cadre d’échange de renseignements et d’encadrement des opérations militaires qui, adopté à Luanda en octobre 2024, prévoit la localisation, l’identification et la neutralisation des combattants des FDLR, avec deux options: un rapatriement volontaire vers le Rwanda, ou des opérations de désarmement forcé menées par les forces armées congolaises, éventuellement appuyées par celles rwandaises.
– Sur le plan économique, l’accord prévoit la création d’un cadre d’intégration économique régionale et entend renforcer la coopération bilatérale autour de projets communs, notamment dans l’hydroélectricité, la gestion des parcs nationaux et la traçabilité des minerais. Il s’appuie sur les cadres régionaux existants – CIRGL, COMESA, EAC – pour favoriser l’intégration économique et lutter contre les circuits illicites. Les États-Unis sont appelés à jouer un rôle accru dans les filières des minerais stratégiques et,  en tant qu’investisseurs, ils entendent sécuriser leur accès aux minerais stratégiques congolais, tout en réduisant l’influence croissante de la Chine dans la région.
– Sur le plan humanitaire, l’accord prévoit la facilitation du retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays, ainsi que l’accès à l’aide humanitaire.[1]

Selon l’observateur Christophe Rigaud, sur le papier, le texte de cet accord de paix n’a rien de révolutionnaire, et reprend l’ensemble des dispositions déjà énoncées dans les précédents projets d’accords et jamais appliquées: «respect de l’intégrité territoriale, interdiction des hostilités, désengagement, désarmement et intégration conditionnelle des groupes armés non-étatiques, facilitation du retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays et accès humanitaire», auxquelles s’ajoute l’unique élément nouveau, «la création d’un cadre d’intégration économique régionale».[2]

Dans son discours, la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a souligné que cet accord ouvre un nouveau chapitre: «En signant cet accord, nous réaffirmons une simple vérité. La paix est un choix, mais aussi une responsabilité, pour respecter le droit international, pour protéger les droits humains et pour protéger la souveraineté des États. Ceux qui ont le plus souffert sont en train de nous regarder. Ils attendent que cet accord soit respecté».[3]

Le président congolais FélixTshisekedi a appelé à ne pas surestimer un processus encore fragile. Pour lui, la signature d’un accord n’est qu’un début: l’essentiel résidera dans l’application sur le terrain, le respect des engagements par toutes les parties et surtout la fin effective du soutien aux groupes armés. Le porte-parole adjoint principal du Département d’État Américain, Tommy  Pigott, est revenu sur l’importance de cet accord de paix entre Kinshasa et Kigali. Toutefois, il reconnaît que la paix obtenue sur le papier doit désormais se matérialiser sur terrain, c’est-à-dire dans les relations quotidiennes de ces deux États. Selon Tommy  Pigott, ce sera seulement la mise en œuvre de cet accord qui pourra favoriser les investissements économiques et la stabilité régionale.[4]

2. L’ANOMALIE QUI RONGE LE VOLET SÉCURITAIRE

C’est très étonnant de constater que, lorsque une grande partie du Nord Kivu et du Sud Kivu est actuellement occupée militairement par le Mouvement du 23 mars (M23), un groupe armé « congolais » appuyé  par l’armée rwandaise et à l’origine de nombreuses violences, l’accord se concentre plutôt sur la neutralisation des Forces Démocratique de Libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé hutu d’origine rwandaise, encore actif  dans l’est de la RDC, mais désormais considéré comme un groupe résiduel, qui ne constitue plus aucune menace réelle pour le régime rwandais. Cette anomalie découle du fait que, lors des négociations de Washington, le Rwanda a réussi à imposer sa version des faits, qui consiste à nier systématiquement son soutien militaire au M23, contrairement à ce qui est affirmé par des nombreux rapports internationaux, et à instrumentaliser la présence, sur le sol congolais, des FDLR qui représenteraient toujours une menace importante pour la sécurité du régime rwandais. C’est ainsi que la question de l’occupation du Kivu par le M23 a été renvoyée aux négociations actuellement en cours entre le M23 et le gouvernement congolais à Doha, sous la médiation des autorités qataries. Ainsi, l’occupation d’une grande partie du Kivu par le M23 a été réduite à un conflit interne entre le M23 et le gouvernement congolais, ce qui a permis au régime rwandais d’être blanchi des accusations d’agression contre la RDC, après avoir déployé ses troupes sur le territoire congolais pour appuyer le M23.

a. La question des FDLR

Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a déclaré que «le cœur de cet accord de paix est la décision d’établir un mécanisme conjoint permanent de coordination de la sécurité entre le Rwanda et la RDC. La première tâche à accomplir est de commencer la mise en œuvre du Concept d’opérations pour la neutralisation des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), qui doit s’accompagner d’une levée des mesures défensives du Rwanda. Cela repose sur l’engagement pris ici de mettre fin de manière irréversible et vérifiable au soutien de l’État (congolais) aux FDLR et aux milices associées. C’est le fondement de la paix et de la sécurité dans notre région». Selon le ministre, «les FDLR ne sont pas une milice ordinaire. Elles sont les vestiges des forces qui ont commis le génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994, au cours duquel un million de personnes ont été tuées».[5]

Le cœur de l’accord reste le sujet sensible du « retrait des troupes rwandaises du sol congolais », appelé pudiquement « levée des mesures défensives » mises en place par l’armée ruandaise, et la neutralisation des FDLR, ce groupe armé héritier des génocidaires hutus, que Kigali considère comme « une menace existentielle ».
Le premier obstacle réside dans la neutralisation des FDLR qui doit ouvrir la voie au désengagement des forces rwandaises. Les deux séquences sont liées, ce qui met la pression sur Kinshasa pour mettre rapidement la main sur les FDLR. Le hic, c’est que le groupe armé collabore avec les FARDC, l’armée régulière congolaise, justement pour combattre le M23.
Dernière incertitude: depuis 20 ans la lutte contre les FDLR n’a jamais porté les fruits attendus. En 2005, 2009 ou 2024, l’armée congolaise n’a jamais réussi à éradiquer ce groupe armé, que ce soit avec l’aide des casques bleus de la Monusco, ou même avec l’aide de l’armée rwandaise. Sa neutralisation constitue donc un défi de taille.[6]

Le chercheur américain Jason Stearns, co-fondateur de l’institut congolais de recherches Ebuteli, a été interviewé par le journaliste  Christophe Boisbouvier de Radio France Internationale (RFI).
RFI: Quelles sont les grandes lignes de l’accord signé?
Jason Stearns: On ne connaît pas le contenu exactement. Mais ce que nous pensons, c’est que ce sera un accord basé sur le principe que le Rwanda se retire et que le Congo mène des opérations contre les FDLR. C’est le point le plus important de l’accord. Parmi les points les plus controversés pendant les négociations, il y a eu le fait que cela soit mené simultanément, c’est à dire que la RDC commence les opérations contre les FDLR et que, d’une façon simultanée, le Rwanda retire ses troupes. Le problème c’est que, comme c’est simultané, les deux côtés peuvent dire que l’autre n’a pas tenu ses promesses. En outre, puisqu’une grande partie des FDLR se trouve sur le territoire actuellement contrôlé par le M23 et l’armée rwandaise, l’on se demande comment l’armée congolaise pourra gérer des opérations militaires contre les FDLR dans ces zones qui échappent à son contrôle.
RFI: Qu’est-ce qui garantit que l’armée rwandaise et les FDLR vont se retirer du Nord et du Sud-Kivu?
Jason Stearns: Il n’y a pas de garanties comme telles. Donc je pense qu’il faut se poser la question: qu’est-ce qui a motivé le Rwanda et la RDC à signer cet accord à Washington? Je pense qu’il y a des bâtons et des carottes. Les carottes sont surtout d’ordre économique. En effet, les Etats-Unis ont promis toute une série d’investissements dans la région. Côté minerais, il y a des compagnies privées américaines qui seraient prêtes à investir dans les mines à l’est de la RDC. Mais le traitement et l’exportation des minerais se feraient à partir du Rwanda. Donc comme ça, les deux Pays seraient encouragés d’investir dans la paix et non dans l’instabilité.[7]

En ce qui concerne un éventuel calendrier pour la mise en œuvre du CONOPS, l’accord prévoit ce qui suit. La première étape intervient avant le 27 juillet 2025 : la RDC et le Rwanda doivent mettre en place un « mécanisme conjoint de coordination ». Ce mécanisme travaillera avec un comité de surveillance commun qui réunit aussi l’Union africaine (UA), les États-Unis et le Qatar. Sa première réunion doit avoir lieu au plus tard le 11 août.
Sur le terrain, il y a deux priorités : la neutralisation des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et le retrait des mesures défensives mises en place par le Rwanda. Ces actions doivent être réalisées en quatre mois, en plusieurs étapes.
D’abord, il y aura une phase de préparation de quinze jours pour analyser la menace, localiser les FDLR et partager les informations entre les parties.
Ensuite, place aux opérations: trois mois pour neutraliser ces combattants et lever les dispositifs militaires côté rwandais. Selon nos informations, une opération conjointe FARDC-RDF n’est pas exclue. Mais elle devra être décidée conjointement par les deux pays.[8]

b. La question de l’AFC/M23

La gestion de la crise liée au Mouvement du 23 mars (M23), un groupe armé « congolais » actif dans l’Est de la RDC avec l’appui de l’armée rwandaise, ne figure pas directement dans l’accord de Washington. Elle a été confiée au processus parallèle de Doha conduit sous la médiation du Qatar. À Doha, en effet, des négociations sont en cours entre le gouvernement congolais et l’Alliance Fleuve Congo / Mouvement du 23 mars (AFC / M23). Elles découlent de l’échec, en décembre dernier, du processus de Luanda, car la délégation rwandaise avait exigé l’ouverture de  pourparlers directs entre le gouvernement congolais et l’AFC/M23, comme condition préalable à tout accord entre la RDC et le Rwanda.
Un haut responsable rwandais confirme cette réorientation: «La question du M23 a été confiée à Doha. L’accord de Washington prévoit simplement un engagement conjoint de Kinshasa et Kigali à soutenir ce processus. Washington n’a jamais eu l’ambition de régler directement les questions sécuritaires liées au M23».
Pour régler le volet lié à l’AFC/M23,  le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a précisé que l’accord de paix signé à Washington entre la RDC et le Rwanda prévoit un appui des deux parties (la RDC et le Rwanda) aux négociations en cours à Doha entre Kinshasa et ce groupe armé. Selon Kigali, les discussions menées à Doha entre l’AFC/M23 et le gouvernement congolais visent à aboutir à un accord de paix distinct, qui viendrait compléter celui signé à Washington.[9]

En signant un accord de paix avec Kigali sans négociation préalable avec l’AFC/M23, Kinshasa espère affaiblir ces derniers. Selon l’ONU, les rebelles sont soutenus par l’armée rwandaise dont 4 à 5.000 militaires sont présents sur le sol congolais, ce que réfute Kigali. En 2013, lors de la première rébellion du M23, le retrait rwandais suite à la pression internationale avait suffi à faire imploser le mouvement. Washington, et surtout Kinshasa, espèrent réitérer ce scénario aujourd’hui. Mais en 2025, la donne a changé. Le M23 occupe des territoires beaucoup plus vastes, et depuis de longs mois. Les rebelles contrôlent les deux capitales provinciales, Goma et Bukavu, ainsi que les principaux axes de communication de la zone. Ils s’installent, ils administrent leurs territoires et ils recrutent des nouveaux membres. Une situation bien différente de celle de 2013, où la rébellion n’avait occupé Goma qu’une dizaine de jours.
La situation est donc loin d’être réglée dans l’Est congolais. Pour ramener la paix, il faudra bien se soucier des revendications de l’AFC/M23. Actuellement, les discussions de Doha sont au point mort, même si les délégations sont revenues depuis le 11 juin dans la capitale qatarie. Les demandes du M23 ont été revues à la hausse à la suite de leurs conquêtes territoriales. Au sein de la rébellion, on parle aujourd’hui clairement d’une sorte de «autonomie» des zones sous son contrôle, assortie d’une gestion de type «fédéraliste» avec Kinshasa.
Une paix entre la RDC et le Rwanda sera-t-elle suffisante pour que la RDC retrouve son intégrité territoriale et un semblant de paix? Deux écoles se disputent la réponse. La première considère que le M23 n’est que le bras armé du Rwanda et qu’il agira en fonction des instructions venant de Kigali. La seconde estime que la rébellion possède désormais une certaine autonomie et s’est renforcée avec les conquêtes de Goma et Bukavu. Les deux approches montrent toutes l’ambiguïté du mouvement, à la fois affidé à Kigali, mais avec de larges marges de manoeuvre sur le terrain. Le M23 s’est d’ailleurs largement «congolisé» depuis l’arrivée de l’AFC de Corneille Nangaa en 2023. La présence de l’ancien président Joseph Kabila à Goma, en terres rebelles, a fini de démontrer que la crise à l’Est est aussi une crise interne. Une partie de la résolution du conflit va dont se trouver dans la capacité de Washington à peser ou non sur Kigali, et ensuite sur la capacité de Kigali à vouloir peser ou non sur le M23. Le Rwanda pourrait respecter ses engagements de retrait, tout en se désolidarisant de ce que pourrait faire le M23 sur le terrain.[10]

Le chercheur américain Jason Stearns, co-fondateur de l’institut congolais de recherches Ebuteli, a répondu aux questions de Christophe Boisbouvier sur Radio France Internationale (RFI).
RFI: Le gouvernement congolais espère que, si l’armée rwandaise se retire du terrain, le M23 va s’effondrer. Mais est-ce que c’est si simple que cela?
Jason Stearns: Ce n’est pas si simple dans le sens que, dans les mois passés, l’AFC/M23, surtout depuis la prise de Goma, a mené des opérations de grande envergure pour recruter des milliers de nouvelles recrues, amener l’élite locale dans des camps de formation, mettre en place une administration parallèle sur le terrain, instaurer un nouveau système de taxation et attirer la confiance des chefs coutumiers. Donc il sera difficile de démanteler tout cela. Par conséquent, il est important que, dans la mise en œuvre de cet accord de Washington, il y ait un suivi, pas seulement des Etats-Unis, mais de tous les autres acteurs impliqués de la Sous-région, des Nations Unies et de l’Union africaine, pour veiller à ce que le M23 aussi rejoigne le processus de paix.[11]

3. LE RISQUE QUI PLANE SUR LE VOLET ÉCONOMIQUE

Le contenu du deal économique « minerais contre sécurité » n’est pas encore connu. Il doit faire l’objet d’un nouvel accord et être discuté en septembre.
Sur le plan économique, l’accord repose sur une architecture à trois niveaux: coopérations bilatérales, intégration régionale et intérêts américains.
Premièrement, un cadre bilatéral. Kinshasa et Kigali souhaitent renforcer leur coopération sur des priorités jugées stratégiques: gestion des parcs nationaux, développement de l’hydroélectricité, sécurisation des chaînes d’approvisionnement en minerais. L’objectif est de créer des chaînes de valeur intégrées et transparentes, «de la mine au métal transformé », selon les termes employés par les équipes de facilitation.
Deuxièmement, une dimension régionale. Les deux pays projettent de s’appuyer sur des structures déjà existantes comme la CIRGL, le COMESA, la ZLECAf, ou encore la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) pour avancer vers une intégration économique progressive. Il s’agit de stimuler le commerce, attirer les investissements et surtout «casser les circuits de contrebande». Des mécanismes d’audit indépendants devraient également être mis en place pour contrôler les filières minières, les projets d’infrastructures et les accords économiques, avec une vigilance accrue sur la transparence et la lutte contre la corruption.
Troisièmement, le rôle des États-Unis. Washington souhaite impliquer ses investisseurs, notamment dans le secteur minier, mais aussi dans d’autres domaines. Cette implication ne se limite pas aux provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu: d’autres régions du pays sont également concernées.
C’est pour cela que l’objectif principal des États-Unis est de sécuriser leur approvisionnement des matières critiques au Congo. Ainsi, à travers cet accord signé à Washington, l’administration Trump veut simplement défendre ses intérêts économiques en RDC.
Interrogé par TV5MONDE, l’ex-ambassadeur américain en Centrafrique Jeff Hawkins, aujourd’hui chercheur associé à l’Iris et enseignant à Sciences-Po, souligne lui aussi que « l’intérêt de l’administration Trump porte sur les minerais du Congo ». Il doute de l’implication sur le long terme de l’administration Trump dans le règlement de la guerre à l’est de la RDC. « Je ne pense pas que quelqu’un comme le secrétaire d’État américain Marco Rubio continue de s’intéresser à ce conflit une fois que l’accès américain aux minerais de la RDC est assuré ».[12]

Un accord minier entre la RDC et les Etats-Unis est encore en cours des discussions. Une fois signé, cet accord va attirer les investissements américains dans le secteur minier en contrepartie des garanties sécuritaires. Dans le cadre de ce futur accord, les entreprises américaines vont investir dans le secteur minier congolais et développer des infrastructures indispensables au développement de la RDC, tels que les routes, les chemins de fer, l’énergie et autres.
Pour le gouvernement américain, ce futur accord minier sera un partenariat gagnant – gagnant dans le respect des lois nationales et internationales, notamment en matière de travail, d’environnement et aussi de la lutte contre la corruption. Cependant, au sein de la société congolaise, certaines voix s’élèvent pour dénoncer ce futur accord qui serait ni plus ni moins un bradage des ressources minières de la RDC.[13]

Concernant la coopération économique et la cogestion des richesses transfrontalières entre la RDC et les pays voisins, Prince Epenge, communicateur de Lamuka et président du parti politique Add Congo estime que plusieurs points sur cette question risquent de faire de la RDC une vache à lait pour les pays de la sous-région. « Cet accord dans plusieurs points ne perçoit le Congo que comme un gigantesque trou rempli des minerais, une mine à ciel ouvert où l’on viendra puiser toute sorte des minerais stratégiques pour approvisionner les industrie minière rwandaise», a-t-il déclaré. Par conséquent, Lamuka demande aux USA de faire un suivi rigoureux en ce qui concerne le retrait des troupes du Rwanda jusqu’à présent déployées sur le sol congolais, ce qui permettrait de mettre fin aux hostilités dans l’Est de la RDC.[14]

Le 3 juillet, au cours d’un briefing presse tenu à Kinshasa, la ministre des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a apporté des précisions concernant l’Accord de paix signé le 27 juin à Washington entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, sous la médiation des États-Unis d’Amérique. Qualifiant cet accord d’«historique», la ministre a tenu à dissiper toute confusion quant à sa nature: «Cet accord n’est ni un traité économique entre la République démocratique du Congo et les États-Unis, ni un accord commercial bilatéral entre la RDC et le Rwanda». Selon la cheffe de la diplomatie congolaise, il s’agit avant tout d’un accord politique et sécuritaire: «Il s’agit tout d’abord d’un accord politique et sécuritaire centré sur des engagements concrets: la cessation des hostilités, le respect de l’intégrité territoriale, le retrait des troupes étrangères, la fin du soutien aux groupes armés, qu’il s’agisse du M23 ou d’autres, la neutralisation des FDLR et le retour durable de la paix dans l’Est de notre pays».
Par ailleurs, la ministre a annoncé la tenue prochaine d’un sommet de haut niveau à Washington, réunissant les présidents Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et Paul Kagame, toujours sous l’égide de la médiation américaine.[15]

Alors que l’accord de Washington est considéré par certains comme un pas significatif dans la recherche de la paix dans la région des Grands Lacs, d’autres par contre estiment que, en signant l’accord de Washington avec Kigali, la RDC a cédé sa souveraineté et accordé un feu vert au Rwanda à poursuivre avec les pillages des ressources naturelles.
Au cours d’un briefing presse, la ministre des Affaires Étrangères et Coopération Internationale, Thérèse Kayikwamba Wagner, a tenu à éclairer l’opinion sur le chapitre lié au cadre d’intégration économique et régionale. À l’en croire, cet accord ne prévoit pas des contreparties économiques avec les États-Unis, moins encore un traité économique avec le Rwanda.
Devant la presse, Thérèse Kayikwamba Wagner a déclaré que «le volet économique de l’accord (chapitre 6) est l’un des chapitres qui a suscité beaucoup de rumeurs et d’interprétations parfois erronées et parfois même des suspicions. Ce volet ne contient pas d’engagement économique, il parle plutôt du souci de prévoir dans l’avenir une intégration régionale accrue et ça c’est une leçon que nous avons tirée de notre propre région  et d’autres régions. L’accord ne prévoit ni contrepartie économique, ni concession en matière minière, ni traité commercial bilatéral avec le Rwanda … Il énonce plutôt un engagement de deux parties à œuvrer à la réactivation des dynamiques de coopération économique régionale, dans un esprit de stabilisation post conflit. Cela comprend à moyen terme la réhabilitation des axes logistiques régionaux, la relance du corridor douanier, des échanges techniques sur les zones économiques transfrontalières, mais il faut aussi reconnaître que  ces dispositions sont volontaires, progressives, non contraignantes et pas liées au calendrier sécuritaire».
À la question de savoir si, sur ce point économique, on peut s’attendre de voir le Rwanda mettre la main sur les ressources de la RDC, la Cheffe de la diplomatie congolaise précise que la priorité c’est d’abord la paix et que l’étape de développement viendra après. «Pas du tout et ce n’est pas prévu dans cet accord, aucunement. Ce qui est important ici c’est justement le fait que cet accord s’appuie sur des efforts que nous avons déjà vu dans la région et que nous voyons dans d’autres régions de l’Afrique et au-delà, un effort d’une plus grande intégration économique qui permet une majeure stabilisation à long terme». Et d’ajouter: «Nous venons de 30 ans d’agressions, avec des millions de morts, des populations déplacées, pillées et violées et des minerais extraits illégalement, pour alimenter des réseaux d’enrichissement illicite. La coopération économique peut être un vecteur de stabilité, mais elle ne peut pas être précipitée. Elle est quelque chose qui doit se faire de manière séquentielle et graduelle. On aura toujours les voisins que nous avons et, si on veut bâtir une paix durable, on devra travailler avec eux. Mais en même temps nous sommes aussi conscients de l’histoire et du poids de cette histoire et nous devons l’assumer avec responsabilité».
Selon l’accord de Washington, les Parties utilisent ce cadre d’intégration économique pour développer le commerce extérieur et les investissements dans le secteur des chaînes d’approvisionnement de la région en minerais critiques, en y introduisant une majeure transparence, ce qui devrait bloque les canaux économiques illicites et procurer davantage de prospérité aux deux parties — en particulier pour la population de la région — à partir des ressources naturelles de la région, grâce à des partenariats mutuellement bénéfiques et des opportunités d’investissement.[16]

[1] Cf Actualité.cd, 27.06.’25; Radio Okapi, 27.06.’25; Clément Muamba – Actualité.cd, 28.06.’25
[2] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia.com, 22.06.’25   https://afrikarabia.com/wordpress/rdc-rwanda-les-espoirs-incertains-dune-paix-a-washington/
[3] Cf Radio Okapi, 27.06.’25
[4] Cf 7sur7.cd, 27.06.’25 et Clément Muamba – Actualité.cd, 27.06.’25
[5] Cf Clément Muamba – Actualité.cd, 28.06.’25
[6] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia.com, 29.06.’25   https://afrikarabia.com/wordpress/les-1001-defis-de-laccord-entre-la-rdc-et-le-rwanda/
[7] Cf RFI, 27.06.’25
[8] Cf RFI, 29.06.’25
[9] Cf b-One / MCP , via mediacongo.net, 23.06.’25; Actualité.cd, 27.06.’25
[10] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia.com, 22.06.’25   https://afrikarabia.com/wordpress/rdc-rwanda-les-espoirs-incertains-dune-paix-a-washington/
[11] Cf RFI, 27.06.’25
[12] Cf RFI, 27.06.’25; TV5monde.com/Afrique, 27.06.’25
[13] Cf Radio Okapi, 27.06.’25
[14] Cf Le Quotidien / MCP , via mediacongo.net, 22.06.’25
[15] Cf Prince Mayiro – 7sur7.cd, 04.07.’25
[16] Cf Clément Muamba – Actualité.cd, 06.07.’25