Congo Actualité n. 487

NORD-KIVU: ARMÉE NATIONALE, TROUPES ÉTRANGÈRES ET GROUPES ARMÉS, UNE HYPERMILITARISATION QUI TUE LE PEUPLE

SOMMAIRE

1. AU-DELÀ DU MOUVEMENT DU 23 MARS (M23): L’INSÉCURITÉ MULTIPLEXE À L’EST DU CONGO
2. LE SOUTIEN DU RWANDA AU MOUVEMENT DU 23 MARS (M23) N’EST QUE LA FACE VISIBLE D’UN ICEBERG
3. APRÈS L’EAC, LA SADC AUSSI ENVERRA SES TROUPES DANS L’EST DE LA RDC
4. LA RDC, LE RWANDA ET LE HCR S’ACCORDENT POUR LE RAPATRIEMENT DES RÉFUGIÉS CONGOLAIS ET RWANDAIS

1. AU-DELÀ DU MOUVEMENT DU 23 MARS (M23): L’INSÉCURITÉ MULTIPLEXE À L’EST DU CONGO

«Bienvenue au Congo, pays agressé».
«Bienvenue au Congo, pays agressé» avait déclaré le 10 mars 2023 le président congolais Félix Tshisekedi aux membres de la délégation du Conseil de sécurité des Nations unies en visite en République démocratique du Congo. Le président faisait clairement référence au M23, une rébellion militairement défaite en 2013 et qui a resurgi avec force fin 2021. Selon plusieurs enquêtes, dont celle du Groupe d’experts des Nations unies, le M23 bénéficierait d’un soutien substantiel du Rwanda et de l’Ouganda.
La prise de Bunagana, cité frontalière stratégique entre la RDC et l’Ouganda, le 13 juin 2022 a été une première victoire importante pour le M23. Elle a été suivie d’une série de conquêtes bien au-delà du territoire de Rutshuru, zone d’origine de cette rébellion. Aujourd’hui, les affrontements entre M23 et l’armée congolaise, ainsi que leurs alliés respectifs, ont obligé plus de 600 000 congolais à se déplacer.
La vague d’indignation suscitée par la résurgence du M23 au sein de la population congolaise est compréhensible et légitime. En effet, les souvenirs des crimes graves commis par le M23 en 2012-2013 ainsi que ceux de ses ancêtres du CNDP, du RCD et de l’AFDL sont encore vifs. Malgré l’existence des rapports les documentant, ces atrocités demeurent impunies. Par ailleurs, la campagne militaire actuelle du M23 serait encore accompagnée de crimes graves contre les populations civiles.
Depuis la prise de Bunagana par le M23 le 13 juin dernier, au moins 277 civils auraient été tués et 132 enlevés par le M23 selon les données du Baromètre sécuritaire du Kivu. En outre, l’installation d’une administration publique parallèle et la proximité avec le Rwanda réveille les craintes d’une balkanisation du Congo et la taxation des personnes et marchandises par le M23 font échapper de revenues importants au trésor congolais.
Toutefois, l’instabilité sécuritaire qui sévit dans le pays va bien au-delà du M23 et de ses soutiens rwandais. Plusieurs autres groupes armés étrangers et locaux sèment la terreur sans malheureusement attirer la même attention que le M23. Selon les données du Baromètre sécuritaire du Kivu, depuis le 13 juin 2022, au moins 2274 civils auraient été tués et 1267 autres enlevés par différents groupes armés et des membres des services de sécurité dans les provinces du Nord-Kivu, de l’Ituri et du Sud-Kivu.
Grace à une focalisation exclusive sur le M23, d’autres groupes armés ont intensifié leurs exactions et étendu leurs zones d’influence. C’est notamment le cas des Allied Democratic Forces (ADF), groupe armé d’origine ougandaise, et de la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), qui sèment la terreur au Nord Kivu et en Ituri. Paradoxalement, la résurgence du M23 a renforcé ces deux groupes armés, à cause des redéploiements successifs de l’armée congolaise vers les zones occupées par le M23, aggravant davantage la situation sécuritaire déjà fragile au Nord Kivu et en Ituri.
Les attaques ADF se sont étendus et intensifiés.
Depuis 2014, les ADF mènent des attaques systématiques contre les populations civiles dans la région de Beni au Nord-Kivu. Les offensives militaires menées par l’armée congolaise depuis 2014 n’ont pas réussi à protéger les civils et à neutraliser ce groupe armé. Le déploiement des unités spéciales de l’armée ougandaise en novembre 2021 dans le cadre de l’opération « Shujaa » n’a pas non plus produit d’effets tangibles. Au contraire, les attaques ADF s’étendent désormais jusque dans la province voisine de l’Ituri, notamment dans les territoires de Mambasa et Irumu.
Le déploiement de l‘armée ougandaise dans le cadre de l’opération Shujaa peine à donner des résultats satisfaisants. Annoncée comme opération contre les ADF, cette offensive se concentre essentiellement le long de la frontière autour des activités de Dott Services, une entreprise ougandaise assurant la construction de la route Beni-Kasindi. Tout en créant des « îlots sécurisés » dans les zones à intérêt géostratégique et économique pour l’Ouganda, l’opération Shujaa n’a fait que repousser les ADF plutôt que de les neutraliser.
En outre, avec la résurgence du M23, les atrocités commises par les ADF ont joui d’un manque d’attention militaire, politique et médiatique de la part du gouvernement congolais. En effet, les attaques contre les civils se poursuivent avec une intensité inédite. Selon les données du Baromètre sécuritaire du Kivu, 761 civils auraient été tués par les ADF depuis le 13 juin 2022. Les ADF auraient également enlevé 490 civils pendant la même période.
Pendant ce temps, la réponse étatique à cette grave crise reste inefficace. L’état de siège mis en place depuis le 6 mai 2021 n’a donné lieu à aucune offensive militaire conséquente contre les ADF.
Les CODECO sèment la terreur en toute impunité.
Portant le nom d’une coopérative agricole lendu formée dans les années 1970, la CODECO est le protagoniste hétéroclite d’un nouveau cycle de conflits en Ituri depuis 2017. Si l’ancienne CODECO n’était pas un acteur armé, toutefois elle entretenait de relations proches avec le FRPI, l’un des groupes armés actifs dès la guerre de l’Ituri entre 1998 et 2007. Dix ans plus tard, l’Ituri a de nouveau sombré dans la violence. En décembre 2017, une série d’attaques et d’affrontements ont été signalées dans le territoire de Djugu. Suite à la mort d’un prêtre lendu et d’un groupe de jeunes qui s’était pris à un poste militaire, la situation sécuritaire s’est rapidement dégradée, menant à l’avènement de la CODECO actuelle, rassemblement de plusieurs factions armées majoritairement lendu ayant des racines dans l’ancienne rébellion du FNI.
La réponse étatique à ces exactions fut faible. L’opération militaire « Zaruba ya Ituri » lancée en juin 2019 n’a fait que disperser les factions CODECO, sans les neutraliser. L’inaction gouvernementale face à la vague d’exactions qui a secoué les territoires de Djugu et Mahagi en 2018 et 2019 créa ensuite d’autres groupes armés, appelés aussitôt « Zaïre » ou encore « Jeunesse », souvent associés avec les populations hema. Ce qui ne paraissait jadis que comme un conflit intercommunautaire affecte donc désormais toute la province et toutes les communautés de l’Ituri.

NOMBRE DES VICTIMES DU 13 JUIN 2022 AU 27 MARS 2023:

ADF                                  ——————————————————————————————————– ————–761
*                                          +++++++++++++++++++++++++++++++++++ 490
CODECO                       —————————————————— ——- 409
*                                          ++++++++++++ 189
M23                                   ————————————– 277
*                                            ++++++++ 132
AUTRES                           ——————————————————————————————————— 698
*                                            ++++++++++++++++++++++++++++++++++ 456
FARDC ET PNC          —————– 169
*                                            0              100              200              300              400              500              600              700              800
*                                            ——— personnes tuées                 +++++ personnes enlevées

Source : Baromètre sécuritaire du Kivu

La RDC n’est pas seulement un pays agressé, mais aussi une terre fertile pour plus de 100  groupes armés.
La résurgence du M23 a indirectement aggravé la crise sécuritaire autour des ADF et de la CODECO. Des centaines de militaires congolais en opération contre ces deux groupes ont dû abandonner leur position à Beni et Ituri pour se déployer vers le Rutshuru et le Masisi, afin de combattre le M23. Ce retrait de l’armée de ses positions à Beni et en Ituri a laissé la voie libre aux ADF et à la CODECO, permettant à ces deux groupes et à leurs alliés de s’en prendre aux civils sans être poursuivis. Certes, le M23 représente une réelle menace sécuritaire pour le Congo et son intégrité territoriale, mais il est important de se rappeler que la crise du M23 n’est ni la plus grave ni la plus ancienne dans l’histoire de la République démocratique du Congo. Les exemples ADF et CODECO en parlent amplement.
Au-delà de son impact direct sur la région autour de Goma et son poids politique au niveau national et régional, la résurgence du M23 a donc permis d’offusquer les abus de nombre d’autres groupes armés et de compromettre les efforts étatiques pour limiter leurs capacités de nuisance. A la place de focaliser toute l’attention sur le M23, les autorités congolaises et la communauté internationale doivent veiller à apporter une réponse globale à la crise sécuritaire dans l’est la République démocratique du Congo. La RDC n’est pas seulement un pays agressé comme l’a dit le président Tshisekedi à la délégation du Conseil de sécurité des Nations unies le 10 mars à Kinshasa. La RDC est aussi une terre propice pour plus que 100 différents groupes armés qui menacent une gouvernance politique, économique et sécuritaire déjà fragile. Une réponse sécuritaire – qu’elle soit congolaise, internationale ou conjointe – qui ne prend en compte la globalité et diversité de la problématique sécuritaire au Congo est donc clairement vouée à l’échec.[1]

2. LE SOUTIEN DU RWANDA AU M23 N’EST QUE LA FACE VISIBLE D’UN ICEBERG

Le 10 mai, dans un communiqué, Filimbi, un mouvement pro-démocratie membre de la société civile, a rappelé que les conflits entre la République démocratique du Congo et le Rwanda ne font que s’intensifier. Depuis novembre 2021, la RDC est de nouveau agressée par le Rwanda à travers la rébellion du M23 qui a violemment refait surface. Ses exactions ont coûté la vie à des centaines des Congolais et suscité les déplacements de près d’un million d’habitants qui vivent dans des conditions humainement déplorables.
Ce mouvement avait été précédemment vaincu et démilitarisé en 2013 par l’armée congolaise avec le soutien de la Brigade d’Intervention de la Force des Nations Unies (FIB) ainsi qu’une forte pression internationale sur le Rwanda. Alors que Kinshasa ne cesse de dénoncer l’implication du Rwanda dans la crise sécuritaire du Nord Kivu, avec notamment son soutien au M23, Kigali, de son côté, nie toute connivence avec cette milice et fustige la gestion de l’État du côté congolais.
Filimbi souligne que le soutien du Rwanda au M23 «n’est que la partie visible d’un iceberg». En effet, Filimbi reproche à Kinshasa de «ne pas comprendre la dynamique de ces conflits et les causes complexes qui les sous-tendent».
D’après ce mouvement citoyen, il faut d’abord comprendre «pourquoi le Rwanda a contribué à la réapparition du M23. Pour cela. il faut examiner de plus près les fondements du régime et l’histoire récente du Rwanda». C’est une problématique qui comprend trois volets: politique, sécuritaire et économique.
Du point de vue politique, Filimbi note d’abord comme première dynamique: l’accession au pouvoir du Président Paul Kagame et son contexte. Ce dernier est arrivé au pouvoir en 1994 avec le Front Patriotique Rwandais (FPR), un mouvement rebelle créé et organisé à partir de l’Ouganda voisin, où il était exilé depuis 1961, à la suite de conflits entre les Hutus et sa communauté, les Tutsis. Depuis, il a instauré au Rwanda un régime autoritaire, dans lequel le contrôle de l’Est de la RDC est une question existentielle et de survie pour lui et son régime.
Sur le plan sécuritaire, Filimbi indique qu’il faudrait tenir compte du fait que le Rwanda considère l’Est de la RDC comme la principale base arrière de son opposition armée, dont une partie provient historiquement des éléments des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), composées principalement d’anciens militaires de l’ex armée rwandaise et de miliciens Intérahamwe qui se sont exilés en grande partie en RDC, à la suite du génocide à l’issu duquel le FPR avait pris le pouvoir. A ce jour, cette opposition de très faible intensité est quasi inoffensive. Néanmoins, au vu de la faible superficie du Rwanda ainsi que de sa forte proximité avec l’est de la RDC, sa stratégie est celle d’étouffer toute tentative d’organisation, de planification et d’attaque au départ du Kivu, car il n’aurait pas la capacité d’y faire face. Pour ce faire, le Rwanda organise militairement des groupes armés, parmi lesquels le M23, craignant que l’Est de la RDC ne permette de rééditer la stratégie qui l’a emmené au pouvoir. Finalement, l’un des objectifs politique et sécuritaire consiste à réintégrer systématiquement les rebelles dans l’armée, permettant au Rwanda d’accroître le nombre de ses alliés dans le système congolais.
– Filimbi déclare aussi que le soutien de Kagame aux groupes armés actifs en RDC est également fortement motivé par des intérêts économiques. Malgré divers indicateurs de bonne gouvernance, qui placent souvent le Rwanda parmi les pays africains les plus performants, le pays est très pauvre, densément peuplé (plus de 500 habitants au km²) et doté de peu de ressources naturelles. Plus de 40% de son budget provient de l’aide extérieure.
En quelque sorte, d’une part, la stratégie du Rwanda consiste à se présenter comme un pays stable et bien gouverné, qui peut servir de plaque tournante de la transformation de ressources naturelles fortement demandées, telles que l’or et le coltan, qu’il ne produit pas, et de leur exportation vers les principaux pays industrialisés, consommateurs de produits finis (smartphones, etc.). Et d’autre part, le Rwanda a besoin de ressources alternatives et non traçables, pour financer sa stratégie de contrôle de l’Est de la RDC, d’où l’exploitation illégale dont les groupes armés sont les principaux acteurs de terrain. À ce propos, Filimbi évoque le soutien implicite des multinationales qui se cacheraient derrière le Rwanda, profitant de cette crise pour se procurer ces minerais dont regorge cette zone congolaise très riche en matière première tel que le coltan. En outre, plusieurs responsables politiques et sécuritaires rwandais bénéficient de ces trafics, souvent avec la complicité de certains de leurs homologues congolais.
En plus d’accuser la RDC de s’être alliée aux FDLR, le Rwanda soutient régulièrement que la faiblesse de l’autorité de l’État en RDC est due à un leadership inapproprié. Toutefois, ce que le Rwanda ne dit pas, c’est qu’il bénéficie et contribue à cette situation, parce que sa stratégie nécessite également à disposer d’un État congolais relativement faible, dont les dirigeants sont malléables.
Aussi, pour justifier certaines décisions non démocratiques, Kigali utilise régulièrement le génocide incontestable de 1994, en culpabilisant les partenaires internationaux, dont il accuse une partie d’avoir été complice. La même rhétorique est également utilisée vis-à-vis de la RDC, à travers une propagande qui consiste à laisser penser qu’il y aurait un plan congolais d’extermination des populations tutsis installées en RDC. Aujourd’hui encore, le Rwanda et le M23 tentent d’utiliser la même rhétorique.
Par conséquent, afin de mettre fin à ce cycle de violence qui dure depuis plus de 25 ans, Filimbi relève que
«- Le leadership congolais devrait tout d’abord avoir une compréhension suffisante des questions liées à ces conflits, mais aussi disposer d’une vision claire sur la façon de restaurer l’autorité de l’État sur tout le territoire … Cela implique la reconstruction d’une armée suffisamment forte et coercitive.
– Il est primordial que la RDC se dote d’institutions légitimes et qu’il y ait une stabilité politique. Ainsi, les prochaines élections sont une opportunité pour résoudre la crise récurrente de légitimité induite par le mode d’accession au pouvoir en RDC.
– La fin de l’impunité devrait être une priorité pour le gouvernement congolais, notamment par la mise en place de la justice transitionnelle, en vue d’établir les responsabilités des crimes, de rendre justice et de permettre une réconciliation. Cela implique également l’application stricte du principe selon lequel aucun élément issu des mouvements rebelles ne devrait systématiquement être (ré)intégré dans l’armée.
– Les partenaires internationaux qui détiennent une influence sur le Rwanda devraient tout mettre en œuvre pour faire comprendre au Président Kagame qu’il serait dans son intérêt, et celui de son pays, de renoncer à sa stratégie actuelle qui déstabilise non seulement la RDC, mais toute la région des Grands Lacs et qui pourrait, à terme, faciliter l’incursion de groupes radicaux qui font le lit du terrorisme international. Cela implique que la RDC, ainsi que toutes les parties prenantes internes et externes, s’accordent sincèrement sur les enjeux et intérêts liés à ces conflits, et imaginent des alternatives viables qui devraient préserver les intérêts vitaux de la RDC et de sa population, au premier plan desquels l’intégrité et l’intangibilité du territoire.
– Le régime rwandais devrait être fortement encouragé à démocratiser son système et à promouvoir le dialogue dans le règlement des conflits internes avec ses opposants.
– Des mécanismes appropriés (sanctions ciblées, traçabilité, etc.) doivent être renforcés et mis en place, afin de neutraliser les réseaux bénéficiaires de l’économie des conflits, qui vont des mouvements rebelles aux bénéficiaires finaux, parmi lesquels des entreprises multinationales».[2]

3. APRÈS L’EAC, LA SADC AUSSI ENVERRA SES TROUPES DANS L’EST DE LA RDC

Le 8 mai, à Windhoek, en Namibie, lors d’un sommet spécial de l’Organe de coopération en matière de politique, de défense et de sécurité des Pays membres de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC), les Chefs d’État de cette organisation ont relevé que la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC est préoccupante et que la situation humanitaire s’y est détériorée à cause la résurgence du M23 et d’autres groupes armés.
Le Sommet a réitéré son appel à la cessation immédiate des hostilités et à un retrait, sans conditions, de tous les groupes armés des zones actuellement par eux occupées.
Le Sommet a approuvé le déploiement d’une force de la SADC, en tant que réponse régionale pour soutenir la République démocratique du Congo dans ses efforts de restauration de la paix et de la sécurité à l’est du pays. Toutefois, la date du déploiement et les dimensions de cette force régionale n’ont pas été précisées.
Le sommet a en outre recommandé que Kinshasa mette en place les conditions et les mesures requises pour assurer une coordination de tous les intervenants et tous les acteurs internationaux sur le terrain, afin d’arriver à une action efficace et harmonisée.
La force de la SADC va ainsi s’ajouter à celle de l’EAC qui a certes pris le contrôle de certaines zones auparavant occupées par le M23, mais sans réussir à mettre fin à son occupation d’une grande partie  des territoires de Nyiragongo, Masisi et Rutshuru du Nord-Kivu.
À ce sommet tenu en Namibie, le Président congolais Félix Tshisekedi était accompagné du VPM et ministre des Affaires Étrangères Christophe Lutundula, du VPM e ministre de la Défense nationale Jean-Pierre Bemba Gombo, du ministre de l’Intégration régionale, Antipas Mbusa Nyamwisi, Chef d’État major des FARDC, Lieutenant Général Christian Tshiwewe et d’autres personnalités.
La SADC est composée de 16 pays, dont l’Afrique du Sud, la Namibie, l’Angola, la Tanzanie, la RDC, la Zambie et le Malawi. Une force de 3.000 militaires de la SADC est déjà déployée dans l’Est de la RDC, sous la gestion de la Monusco. Il s’agit de la Brigade d’Intervention de la Force (FIB) composée des troupes de la Tanzanie, d’Afrique du Sud et du Malawi. Constituée sur recommandation de la SADC pour combattre le M23 lors de sa première apparition, elle avait montré son efficacité en le mettant en déroute en 2013.[3]

Le 9 mai, le Chef de l’État Félix Tshisekedi s’est rendu à Gaborone, capitale de Botswana, où il a eu des échanges avec son homologue Éric Mokgweetsi. À l’issue de cet entretien, le Président congolais s’est montré très critique envers la force militaire régionale de l’EAC qui, d’après lui, n’arrive pas à jouer son rôle tel que prévu lors de sa création.
Lors d’une conférence de presse, le Président Félix Tshisekedi a déclaré: «Le secrétaire général de l’EAC avait demandé une prolongation de six mois. La RDC n’a accordé que trois mois, plus précisément jusqu’au mois de juin prochain. Ce nouveau délai sera assorti d’une évaluation de la situation. Manifestement, il y a des problèmes avec cette force régionale. Le rôle lui assigné n’est pas rempli. Certains contingents de la force régionale ont dit clairement qu’ils ne sont pas là pour combattre le M23. Dans certaines régions, il y a une cohabitation entre les contingents de la force régionale et les combattants du M23. Cela n’était pas prévu. Il était question de contraindre le M23 au cessez-le-feu, au retrait et au cantonnement. Comme le mandat de cette force s’achèvera au mois de juin, si à cette date là nous constaterons que le mandat n’a pas été rempli, je crois que nous allons demander son départ du territoire congolais». Félix Tshisekedi a ajouté que, après un éventuel départ de la force militaire régionale de l’EAC, les forces de la SADC pourront se déployer incessamment, en synergie avec des forces angolaises qui auront pour mission celle de garantir la sécurité des combattants du M23 pendant la période de leur cantonnement.[4]

Le 12 mai, au cours d’un entretien avec la communauté congolaise vivant à Gaborone, au Botswana, le chef de l’Etat Félix Tshisekedi a écarté l’option du retrait de la RDC de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC). Félix Tshisekedi a expliqué que l’adhésion de la RDC à cette organisation sous-régionale était la réponse à la demande pressante des Congolais vivant dans la partie Est du pays, où s’exercent d’intenses activités commerciales. Pour le président de la République, la RDC a adhéré à l’EAC pour faciliter le commerce transfrontalier et faire bénéficier aux Congolais les avantages de la libre circulation des biens et personnes au sein de cet espace. «L’actuelle agression de notre pays par le Rwanda est une situation conjoncturelle, créée par les dignitaires du régime actuellement au pouvoir dans ce pays», a affirmé le chef de l’Etat congolais. Le président Tshisekedi a dit garder l’espoir de voir un jour le Rwanda être dirigé par un président non belliqueux qui entretiendra de relations pacifiques de bon voisinage avec la RDC.
Il a réitéré que «il n’y aura pas de dialogue avec le M23 soutenu par le Rwanda qui s’illustre dans le pillage des ressources naturelles congolaises». Sur le plan économique, il a insisté sur la transformation locale des ressources naturelles congolaises avant toute exportation, afin de créer des richesses et des emplois au bénéfice de la population congolaise.[5]

Le 13 mai, au cours d’une conférence de presse à Kinshasa, le vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, a déclaré que les troupes de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), venues en RDC pour soutenir les FARDC, ont échoué, car elles n’ont pas donné les résultats escomptés. Selon ce ministre, la RDC attend de la force militaire régionale de l’EAC, pour le temps qui lui reste, l’application du mandat offensif, tel que défini par les différents accords signés en Angola et au Kenya. En clair, Kinshasa ne supporte pas le fait que, dans certaines zones, cette force régionale cohabite avec le M23. Christophe Lutundula a par ailleurs annoncé l’arrivée de troupes de la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC) avant la fin du mois de juin prochain. Il a précisé que les forces de la SADC viennent pour renforcer les Forces Armées de la RDC pour combattre le M23.[6]

Depuis fin 2021, l’armée congolaise a vu ressurgir la rébellion du M23 dans le Nord-Kivu après 10 ans d’accalmie. Mal formées, mal équipées et rongées par la corruption et un manque patent de discipline, les Forces armées de République démocratique du Congo (RDC) ont échoué à faire reculer les rebelles, qui ont pris le contrôle de nombreuses localités.
Echec de la force régionale est-africaine.
Devant l’impuissance de l’armée régulière et des casques bleus de la Monusco, le président Tshisekedi s’est d’abord tourné vers ses voisins de l’East african community (EAC) qui ont accepter d’envoyer une force militaire régionale dans l’est de la RDC.
Il s’agit d’une décision qui a fait grincer des dents, puisque le Rwanda et l’Ouganda, accusés de soutenir ou d’aider le M23, font partie de cette institution régionale.
Après plusieurs mois d’un déploiement laborieux des soldats de l’EAC, force est de constater que Kinshasa n’a pas réussi à reprendre la main sur la situation militaire. Les rebelles ont certes libéré quelques positions, mais ils se tiennent toujours dans la région, prêts à reprendre l’offensive à tout moment devant le refus des autorités congolaises à ouvrir des négociations. Le conflit a été gelé, mais pas résolu.
Des troupes avec un mandat offensif.
Kinshasa a reproché aux troupes de l’EAC de ne pas être offensives contre les rebelles et d’avoir créé de simples « zones tampons » entre l’armée congolaise et le M23, empêchant les FARDC de reprendre le contrôles des localités libérées. En réalité, ces troupes de l’EAC n’on jamais voulu s’engager dans des combats directs, pour suppléer la défaillance de l’armée congolaise. Par conséquent, la RDC s’est adressée aux pays d’Afrique australe pour leur proposer un « plan B », afin de venir à bout du M23.
La Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) a finalement approuvé un déploiement de troupes dans l’est de la RDC, pour y restaurer la paix et la sécurité.  Félix Tshisekedi a donc obtenu ce qu’il était venu chercher: un déploiement de troupes avec un mandat plus offensif. Diplomatiquement, c’est donc une victoire pour le président congolais.
En cherchant à tourner le dos à l’East African community, Félix Tshisekedi va maintenant sous-traiter la sécurité de l’Est du Congo à la SADC. Le chef de l’Etat espère que l’expérience réussie de la brigade d’intervention rapide (FIB) qui avait mis fin aux avancées du M23 en 2013, notamment avec des troupes de la SADC, va se renouveler.
Une intervention militaire encore floue.
Mais le communiqué de la SADC sur l’envoi de troupes en RDC pose davantage de questions que de réponses. Les soldats d’Afrique australe vont venir se superposer à la présence de la force régionale est-africaine? Les troupes de l’EAC vont-elles devoir partir, comme le souhaite Kinshasa, ou devoir cohabiter avec celles de la SADC? Quid des casques bleus de la Monusco, dont les contingents contiennent déjà des soldats de la SADC dans leurs effectifs? A quelle date arriveront les troupes de la SADC? Combien d’hommes? Quels seront les pays contributeurs? Pour combien de temps? Avec quel financement? Les interrogations sont nombreuses, d’autant plus qu’il s’agirait d’une « mission d’accompagnement des FARDC ». Une fois de plus, il ne s’agirait pas de faire le travail à la place de l’armée congolaise. «Ils ne sont pas pressés de venir dans ce bourbier quand ils voient comment ça se passe pour les troupes de l’EAC», a expliqué un diplomate basé à Kinshasa.
En effet, certaines capitales de la région de la SADC traînent les pieds. L’Afrique du Sud, notamment, met en avant le fait qu’elle participe déjà à la Monusco, tandis que la présidence angolaise a épinglé son rôle de médiateur désigné par l’Union africaine pour un dialogue entre la RDC et le Rwanda, justifiant ainsi sa neutralité et le non envoi de ses troupes en RDC.[7]

4. LA RDC, LE RWANDA ET LE HCR S’ACCORDENT POUR LE RAPATRIEMENT DES RÉFUGIÉS CONGOLAIS ET RWANDAIS

Le 21 avril, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés(HCR) a annoncé la tenue d’une tripartite, en mai prochain, entre la RDC, le Rwanda et cette agence onusienne, sur la question des réfugiés rwandais et congolais se trouvant de part et d’autre de la frontière entre ces deux pays. Le HCR estime à environ 209 000, le nombre des réfugiés rwandais encore présents en RDC ; contre environ 81 000 réfugiés congolais se trouvant au Rwanda. La question liée aux réfugiés congolais et rwandais est l’une de cause de la crise actuelle entre les deux pays, impliquant la rébellion du M23. Les réfugiés rwandais en RDC sont pour la plupart des Hutus qui avaient fui du Rwanda après la prise du pouvoir par le Front Patriotique Rwandais (FPR) de Paul Kagame, après le génocide, au Rwanda, de 1994. Certains d’entre eux sont des dépendants des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda ( FDLR). Par contre, les réfugiés congolais au Rwanda sont pour la plus part des Tutsis qui avaient fui du Kivu vers le Rwanda, entre 1994 et 1995, après l’arrivée au Kivu des réfugiés hutus rwandais en 1994.[8]

Le 13 mai, le Vice-Premier Ministre, Ministre des Affaires Étrangères, Christophe Lutundula Apala, s’est rendu à Genève (Suisse), dans le cadre d’une mission devant aboutir au rapatriement des réfugiés congolais installés au Rwanda. «Le Rwanda quitte graduellement le terrain des accusations concernant le discours de haine contre les Tutsi et le dossier FDLR, pour nous emmener sur le terrain des frontières et celui des réfugiés. Les autorités rwandaises disent que ces réfugiés congolais au Rwanda sont 80 000 et qu’ils sont persécutés et dépouillés de leurs biens. On va passer au peigne fin cette question. Nous allons mettre à contribution les autorités coutumières concernées pour identifier ces réfugiés», a déclaré le chef de la diplomatie congolaise, en ajoutant que «le Président Félix Tshisekedi avait déjà contacter le HCR pour entamer les négociations sur le rapatriement des réfugiés congolais du Rwanda vers le Congo et le rapatriement des réfugiés rwandais du Congo vers le Rwanda».[9]

Le 15 mai, les délégations de la RDC, du Rwanda  et du Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) se sont réunies à Genève, en Suisse, pour discuter des dispositions du rapatriement des réfugiés congolais et rwandais dans leurs pays respectifs.
A l’issue de cette réunion tripartite, un communiqué conjoint a été signé par toutes les parties. Selon ce document, les deux gouvernements se sont engagés à reconnaitre le droit au retour, à assurer le respect du principe d’un retour volontaire en sécurité et dans la dignité et à entamer un dialogue constructif, afin de créer les conditions favorables à ce retour. La RDC et le Rwanda s’engagent également à continuer d’assurer l’accès à l’asile pour les personnes ayant besoin de protection internationale dans le respect des conventions y relatives.
Les deux parties ont annoncé qu’elles vont tenir à Nairobi, dans un délai d’un mois, une réunion technique tripartite, afin de définir les modalités pratiques pour la réactivation des engagements et des mécanismes contenus dans les Accords tripartites de 2010 et pour développer une feuille de route globale y relative.
Les délégations étaient conduites par Christophe Lutundula, vice-premier ministre en charge des Affaires étrangères et de la Francophonie de la RDC, Marie Kayisire Solange, ministre chargée de la gestion des Urgences de la République du Rwanda et le Haut-Commissaire, Filippo Grandi.
La réunion  tenue à Genève faite suite aux dispositions des accords tripartites sur le rapatriement volontaire des réfugiés congolais et rwandais, signés à Kigali, le 17 février 2010, et les modalités pratiques y afférentes, signées à Goma, le 30 juillet 2010 par le Gouvernement rwandais, le Gouvernement congolais et le HCR.[10]

[1] Cf Steward Muhindo K. et Christoph N. Vogel – Actualité.cd, 12.05.’23   https://actualite.cd/index.php/2023/05/12/au-dela-du-m23-linsecurite-multiplexe-lest-du-congo
[2] Cf Floribert Anzuluni – Politico.cd, 10.05.’23   https://www.politico.cd/encontinu/2023/05/10/conflits-dans-lest-de-la-rdc-le-soutien-du-rwanda-au-mouvement-rebelle-m23-nest-que-la-face-visible-de-liceberg-filimbi.html/132786/
Odon Bakumba – Politico.cd, 10.05.’23   https://www.politico.cd/encontinu/2023/05/10/agression-dans-lest-la-restauration-de-lautorite-de-letat-sur-tout-le-territoire-la-therapie-de-filimbi-pour-eradiquer-le-terrorisme-du-m23.html/132782/
[3] Cf Radio Okapi, 08.05.’23; Forumdesas.net, 09.05.’23  https://www.forumdesas.net/2023/05/des-troupes-de-la-sadc-attendues-en-rdc/
[4] Cf Clément Muamba – Actualité.cd, 09.05.’23
[5] Cf Radio Okapi, 13.05.’23; Merveilles Kiro – Politico.cd, 13.05.’23
[6] Cf Radio Okapi, 13.05.’23; Actualité.cd, 13.05.’23
[7] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia.com, 09.05.’23   http://afrikarabia.com/wordpress/conflit-en-rdc-tshisekedi-se-tourne-vers-lafrique-australe/ ; Hubert Leclercq – Lalibre.be/Afrique, 15.05.’23
[8] Cf Radio Okapi, 22.04.’23
[9] Cf Actualité.cd, 13.05.’23
[10] Cf Actualité.cd, 15.05.’23; Radio Okapi, 16.05.’23