Congo Actualité n. 451

IMPASSE TOTALE SUR LA DÉSIGNATION DU CANDIDAT PRÉSIDENT DE LA COMMISSION ÉLECTORALE ET 6ème PROROGATION D’UN ÉTAT DE SIÈGE QUI RISQUE DE DURER ENCORE LONGTEMPS

SOMMAIRE

1. DÉSIGNATION DU CANDIDAT PRÉSIDENT DE LA COMMISSION ÉLECTORALE: IMPASSE TOTALE
a. La mise en place d’une commission mixte paritaire Majorité-Opposition
b. Les confessions religieuses convoquées pour une réunion avec la commission mixte
c. Le président de l’Assemblée nationale reçoit deux délégations des confessions religieuses
d. Une réunion de six confessions religieuses sans la participation des deux autres
e. L’impasse est totale
f. À propos de la Commission mixte paritaire
2. L’ÉTAT DE SIÈGE AU NORD KIVU ET EN ITURI
a. Une évaluation en cours
b. Polémique entre les autorités militaires et les députés provinciaux du Nord Kivu
c. 6ème prorogation de l’état de siège
3. À PROPOS DU COORDINATEUR DU PROGRAMME DE DÉSARMEMENT ET RÉINSERTION COMMUNAUTAIRE

1. DÉSIGNATION DU CANDIDAT PRÉSIDENT DE LA COMMISSION ÉLECTORALE: IMPASSE TOTALE

Le processus de désignation des membres de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) est bloqué, à la suite du manque de consensus au sein de la plateforme des confessions religieuses, chargées de désigner le futur président de cette institution d’appui à la démocratie et un membre de la plénière. Toutefois, un groupe de six confessions religieuses a déposé au bureau de l’Assemblée nationale des PV des candidats, sans la participation de l’Eglise catholique et l’Eglise du Christ du Congo (ECC). À l’heure actuelle, des négociations se poursuivent encore, pour parvenir à un compromis car, selon l’article 53 bis de l’actuelle loi organique portant organisation et fonctionnement de la CENI, l’Assemblée nationale doit installer le bureau de la centrale électorale 45 jours après promulgation de la loi.[1]

a. La mise en place d’une commission mixte paritaire Majorité-Opposition

Le 12 août, l’Assemblée nationale a été convoquée en plénière pour mettre en place la commission mixte paritaire Majorité-Opposition pour la validation des candidatures des délégués au bureau de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). C’est une nouvelle relance du processus alors que les confessions religieuses ne se sont pas encore accordées, pour désigner un candidat président de la CENI et un membre de la plénière. Plusieurs personnalités, organisations de la société civile et partis politiques ont exigé un « large consensus » pour désigner les membres du bureau de la centrale électorale, en l’occurrence son président. Le FCC de Joseph Kabila, l’UNC de Vital Kamerhe et Ensemble pour la République de Moise Katumbi ont indiqué qu’ils ne désigneraient pas de candidats dans les conditions actuelles.[2]

Le 12 août, au cours d’une séance plénière, le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, a annoncé que le processus de la mise en place du bureau de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) va avancer «avec ou sans» les composantes qui tardent encore d’envoyer les noms de leurs délégués. Il a précisé que «le processus que nous engageons maintenant est une suite, parce que c’est le bureau précédant qui l’avait commencé», en ajoutant: «Ceux qui veulent participer aux élections c’est leur droit, et ceux qui ne veulent pas participer c’est aussi leur droit. Je voudrais vous rappeler qu’à un certain moment, l’UDPS avait refusé de participer aux élections, ils l’ont fait deux fois».
La plénière a même adopté le rapport de la commission PAJ qui a établi un projet de résolution mettant en place la commission paritaire majorité-opposition. Cette commission paritaire sera composée de 30 membres, dont des députés de la majorité et de l’opposition, auxquels s’ajouteront des experts. La commission paritaire mixte Majorité-Opposition examinera les différents dossiers des candidatures des membres désignés pour le prochain bureau et la plénière de la CENI. Le rapport de la commission PAJ a été adopté par les députés nationaux de l’Union sacrée de la Nation qui étaient majoritairement représentés au cours de cette plénière, où le vote s’est déroulé à mains levées.[3]

Le 12 août, le Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila a saisi le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, pour lui signifier qu’il ne va pas déléguer ses représentants au sein de la commission paritaire, qui doit examiner les candidatures des membres qui vont constituer le prochain bureau de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). Selon un communiqué du FCC signé par le président de la cellule de crise, Raymond Tshibanda, «le FCC vous avait informé qu’il ne pouvait pas encore désigner ses candidats à la CENI, vu la persistance de profondes divergences sur les principales questions électorales entre les différentes parties prenantes et qu’un consensus sur ces questions constituait une condition essentielle pour la crédibilité du processus électoral et l’opposabilité, à tous, des résultats des prochaines élections. Aucun progrès n’ayant été enregistré dans la recherche de cet indispensable consensus, la position du FCC concernant la présentation des candidats à la CENI demeure inchangée. Cela étant, le FCC ne se sent pas concerné par la mise en place, à ce stade, de la commission paritaire, et décide donc de n’y déléguer personne. Si une personnalité membre du FCC venait à se retrouver dans cette commission paritaire, elle le serait à son propre compte et non du FCC qu’elle ne pourra en aucune manière engager».[4]

Le 13 août, dans une déclaration, les députés nationaux d’Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, regroupés au sein des groupes parlementaires MS-G7 et AMK, ont rappelé leur décision irrévocable, exprimée dans la déclaration politique du 30 juillet 2021, de ne pas déléguer aucun membre à la CENI, en absence de consensus et du respect d’une procédure de désignation équitable et transparente et, par conséquent, ils ont déclaré de n’avoir pas encore déposé au bureau de l’Assemblée national aucun dossier de candidature à la CENI. En constatant aussi l’absence des candidats d’autres composantes, dont la  plateforme des confessions religieuses et l’opposition (FCC et Lamuka), ils ont affirmé que, pour l’instant, leurs deux groupes parlementaires ne désigneront aucun délégué pour cette commission, car elle se trouverait dans l’impossibilité de valider les candidatures des délégués au bureau et à la plénière de la CENI, puisque pas toutes ont été déjà déposées auprès du Bureau de l’Assemblée nationale. À cet effet, ne faisant pas partie de cette commission, ils ont souligné que, dans le cas où un membre de l’un ou l’autre de leurs deux groupes parlementaires venait à s’y retrouver (à ces travaux, ndlr), ce ne serait qu’à titre purement personnel. En prenant acte des nombreuses absences au sein de cette commission, ils ont conclu que la « commission mixte paritaire majorité-opposition » mise sur pied par le président Mboso n’est ni mixte, ni paritaire et encore moins représentative des forces politiques.[5]

b. Les confessions religieuses convoquées pour une réunion avec la commission mixte

Le 13 août, le président de la commission politique, administrative et juridique (PAJ) de l’Assemblée nationale, André Mbata Betukumesu Mango, a adressé une invitation à chacun des huit membres de la plateforme des confessions religieuses, pour se présenter le lendemain, avant-midi, dans le cadre des travaux de la commission paritaire opposition-majorité, chargée de l’examen des dossiers des membres de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI).[6]

Le 14 août, dans une lettre adressée au président de l’Assemblée nationale, l’Eglise du Christ au Congo (ECC) et l’Eglise catholique ont indiqué qu’elles n’ont pas compris comment et pourquoi c’est le président de la commission PAJ qui prend l’initiative d’inviter les chefs religieux et avec des invitations déposées quasiment la nuit et déjà partagée sur les réseaux sociaux.
Les deux confessions religieuses expliquent que «il n’est point nécessaire de rappeler que, en vertu du parallélisme de forme et de compétence, seul le bureau de l’Assemblée nationale, représenté  par son président [Christophe Mboso ndlr], a compétence d’adresser une invitation à la Présidence de la Plateforme des confessions religieuses. Ce qui justifie le fait que, depuis le début de la procédure en cours entre l’Assemblée nationale et la Présidence de la Plateforme, toutes les correspondances ont respecté cette règle administrative».
La lettre signée par André Bokundoa-Bo-Likabe et Marcel Utembi relève aussi que la commission dite paritaire qui a lancé ses travaux n’est pas représentative de l’esprit de la loi, étant donné que l’opposition n’y prend pas part: «À notre connaissance, la commission paritaire ayant compétence d’examiner les candidatures des membres de la CENI, doit être composée des délégués de la majorité et de l’opposition, conformément aux dispositions de la loi, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui», étant donné qu’elle n’est constituée que de membres de l’actuelle majorité dénommée Union Sacrée de la Nation,
L’Église protestante et l’Église catholique ont rappelé que, selon le rapport du 30 juillet 2021, dûment signé par les huit confessions religieuses et régulièrement déposé au Bureau de l’Assemblée Nationale, les confessions religieuses n’ont désigné aucun candidat à la CENI. Par conséquent, elles lui ont signifié qu’elles ne participeraient pas aux travaux de la commission paritaire instituée par l’Assemblé nationale: «La présidence de la plateforme des confessions religieuses, représentée par la CENCO et l’ECC, respectueuse de la Constitution et des lois de la République démocratique du Congo, ne se sent pas concernée par une telle démarche. Elle reste cependant ouverte à toute initiative consensuelle visant le dénouement rapide de cette crise dans le respect des textes légaux».[7]

Le 14 août, la commission mixte paritaire mise en place à l’assemblée nationale a eu une séance de travail avec les confessions religieuses impliquées dans le dossier de la désignation du président de la CENI. Comme l’avaient annoncé auparavant, l’église catholique et l’Église du Christ au Congo ne se sont pas présentées. À l’issue de la séance de travail, le pasteur Dodo Kamba qui a parlé au nom des 6 confessions religieuses qui se sont présentées, a fait savoir qu’ils ont échangé sur ce qui a été fait au sujet de la désignation des animateurs de la CENI.[8]

c. Le président de l’Assemblée nationale reçoit deux délégations des confessions religieuses

Le 14 août, dans un communiqué, le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, a annoncé qu’il a accordé un délai supplémentaire de 72 heures aux confessions religieuses, en vue de dégager un consensus au sujet de la désignation du président de la Céni et d’un autre membre de la plénière. Le communiqué précise que ce délai court à partir du 14 août et expire le mardi 17 août  à minuit.[9]

Le 16 août, dans une correspondance adressée aux responsables de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) et de l’Église du Christ au Congo (ECC), le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, leur a rappelé que «la commission mixte paritaire est une émanation de l’Assemblée nationale, en application des dispositions combinées des articles 48 de son règlement intérieur et 12 de la loi organique de la CENI. La résolution adoptée en séance plénière du 12 août 2021 qui institue celle-ci, à son article 1er alinéa 3, stipule que cette commission peut, si elle le juge nécessaire, entendre les représentants des forces politiques et de la société civile concernés».
À propos de leur indignation au sujet de l’invitation lancée aux chefs des confessions religieuses par cette commission chargée d’examiner les candidatures transmises à la chambre basse du parlement par les composantes, le président de l’Assemblée nationale s’est ainsi exprimé: «Ne pas déférer à son invitation frise l’obstruction des efforts d’information nécessaire pouvant lui permettre de saisir et traiter en toute équité les divergences profondes qui prévalent au sein votre plateforme». Et d’ajouter: « Je me permets d’en appeler à votre conscience collective et à votre responsabilité historique dans ce processus, pour vous prier de privilégier, en toute circonstances, le dialogue, fondement des rapports humains, en lieu et place de ce manque de considération, les uns envers les autres».[10]

Le 17 août, le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, a reçu les délégations des confessions religieuses, pour les pousser à clôturer les travaux de désignation de leurs deux candidats membres de la Ceni: le président et un membre de l’assemblée plénière. Il a reçu le groupe de six confessions religieuses et le duo CENCO-ECC de manière séparée. Il leur a exprimé son souhait de voir ces travaux se clôturer cette semaine, en vue de permettre l’installation du bureau de la CENI. Les 6 confessions religieuses conduites par le pasteur Dodo Kamba se sont dites prêtes à poursuivre les discussions avec l’Église catholique et l’Église du Christ Congo, au sujet de la désignation du futur président de la commission électorale nationale indépendante (CENI). La CENCO et l’ECC ont sollicité un nouveau moratoire, afin de poursuivre les négociations.[11]

Le 17 août, le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, a annoncé aux députés réunis en séance plénière que, sur demande du président de la plateforme des confessions religieuses, un délai supplémentaire de 48 heures a été accordé aux chefs religieux pour retourner à la table de négociation, afin de dégager un consensus sur la désignation des leurs candidats membres de la CENI. Ce nouveau délai court du 17 août au 19 août 2021.[12]

d. Une réunion de six confessions religieuses sans la participation des deux autres

Le 17 août, les chefs de 6 confessions religieuses ont invité leurs collègues de l’Église Catholique et de l’Église du Christ au Congo (ECC) à une plénière de leur plateforme, prévue le 18 août, au siège de la Commission d’Intégrité et Médiation Électorale (CIME). D’après l’invitation envoyée à Monseigneur Utembi et l’évêque André Bokundoa, respectivement président et vice-président de la plateforme des confessions religieuses, la convocation de l’assemblée plénière de la plateforme par les 6 confessions religieuses tire sa légalité dans l’article 16 de la charte régissant cette structure de la société civile: « l’article 16, paragraphe 2 de notre charte dispose: les réunions de la plénière sont convoquées par le président, par le vice-président en cas d’empêchement de ce dernier ou par la majorité de ses membres ».
Le document d’invitation précise que, «compte tenu des désagréments vécus lors des réunions précédentes, notamment les manifestations de la rue, les allégations d’enregistrements illégaux des échanges lors des débats et les menaces proférés publiquement par l’abbé Donatien Nshole à l’endroit de Mgr Nzinga Maluka, représentant légal de l’union des Eglises Indépendantes du Congo, la réunion se tiendra pour la circonstance au siège de la CIME».
Cependant, l’Église du Christ au Congo a signifié que cette convocation pose problème par rapport aux prescrits de la charte de la plateforme des confessions religieuses: «Le bon sens voudrait que la convocation d’une plénière de la plateforme des confessions religieuses ne soit décidée par la majorité des membres qu’en cas d’empêchement de son président et de son vice-président. Or, le président est là. Donc, la convocation faite par les 6 pose déjà un problème».[13]

Le 18 août, Monseigneur Marcel Utembi et l’évêque André Bokundoa, respectivement président et vice-président de la plateforme des confessions religieuses, ont écrit au Chef de l’Etat Félix Tshisekedi en lui demandant d’être reçus urgemment en audience. Ils disent avoir constaté le contexte délicat dans lequel se déroule la désignation des délégués des confessions religieuses à la CENI. Le porte-parole de l’Église du Christ au Congo, Eric Nsenga, a précisé: «Nous sommes à la quête du consensus. Nous l’avons saisi pour des raisons de cohésion nationale et d’arbitrage. Il y a des questions qui ne peuvent être réglées que par lui, en tant que garant de la bonne marche des institutions et de l’unité nationale». Parallèlement, ils envisagent de rencontrer avant la fin de cette semaine les six autres confessions religieuses dans une nouvelle plénière.
En juillet 2020 aussi, l’Eglise catholique et l’Eglise du Christ au Congo (ECC) avaient écrit au Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, pour dénoncer l’entérinement, par l’Assemblée Nationale et sur la base d’un faux procès-verbal d’une élection fictive, du choix de Ronsard Malonda par les six mêmes confessions religieuses comme futur président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). En juillet 2020, Félix Tshisekedi avait accédé à leur demande et le cas Malonda fut enterré. Aujourd’hui, encore une fois les yeux sont braqués sur le chef de l’Etat: va t-il agir comme l’année passée ou non? Certes, les deux situations sont complètement différentes: en 2020, Félix Tshisekedi était encore sous le joug de l’alliance FCC-CACH, aujourd’hui il a le soutien d’une nouvelle majorité parlementaire dénommée Union Sacrée pour la Nation. En 2020, le candidat Ronsard Malonda était considéré comme trop proche de la famille kabiliste, aujourd’hui le candidat Dénis Kadima provient de l’entourage même de l’actuel Président de la République.[14]

Le 18 aout, dans la soirée, à l’issue d’une réunion organisée au siège de la Commission d’Intégrité et Médiation Électorale (CIME), à laquelle les Églises catholique et protestante n’ont pas participé, les chefs des 6 confessions religieuses suivantes: L’Eglise du réveil au Congo (ERC), les églises indépendantes du Congo, la communauté islamique du Congo, l’église Kimbanguiste, l’Armée du Salut et l’église Orthodoxe, ont déposé au bureau de l’Assemblée nationale le procès-verbal de la désignation de deux candidats membres de la CENI: le président et un délégué à l’assemblée plénière.[15]

e. L’impasse est totale

Le 20 août, le porte-parole du groupe de six confessions religieuses, l’évêque Israël Dodo Kamba, s’est dit confiant quant à l’issue réservée à leur procès-verbal de désignation des délégués choisis comme nouveaux membres de la commission électorale nationale indépendante (CENI), déposé le mercredi 18 août dernier à l’Assemblée nationale. Il s’est dit convaincu que ce PV sera pris en compte par le Président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, et que, par conséquent, aucun délai supplémentaire ne devrait plus être accordé aux confessions religieuses.[16]

Le 21 août, l’Eglise du Christ au Congo (ECC) a appelé l’Assemblée nationale à rejeter le PV déposé par le groupe de six confessions religieuses, afin de permettre un plus large consensus.
«En principe, le soi-disant PV et l’acte de son dépôt n’ont aucune valeur juridique. Tout a été fait dans l’illégalité. L’Assemblée nationale devra être prudente, en vue d’éviter d’endosser une crise au sein des institutions. Rejeter ce PV pour permettre un plus large consensus, c’est le bon choix», a écrit l’ECC sur son compte Twitter.[17]

À ce stade, la commission dite paritaire opposition-majorité est bloquée depuis une semaine. Plusieurs scenarii sont envisageables à ce stade. L’une des possibilités est de voir le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, accéder à la démarche des six confessions religieuses, c’est-à-dire recevoir le dossier de Denis Kadima, le transmettre à la commission paritaire et faire aboutir le processus d’entérinement, exactement comme l’avait fait Jeanine Mabunda en août 2020. À ce moment-là, s’il était nécessaire, le Chef de l’État pourrait éventuellement intervenir, comme il l’avait fait avec le dossier Ronsard Malonda. L’autre voie envisageable est d’attendre que le Président de la République, Félix Tshisekedi, accepte de recevoir les délégués des Églises catholique et protestante, avant de lever une position définitive.
Entre-temps, l’opposition a fait bloc. Lamuka et FCC ont boycotté les travaux de la commission dite paritaire et espèrent l’ouverture des négociations pour une issue plus consensuelle. D’autres partis de l’Union sacrée sont également de cet avis dont Ensemble pour la République et UNC.[18]

f. À propos de la Commission mixte paritaire

Le 17 août, dans une interview, le député national Fidèle Likinda, du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), a déclaré que le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso N’kodia, a tenté de débaucher deux élus nationaux de sa famille politique, pour intégrer la commission paritaire: «Ils ont tenté de débaucher nos deux députés du PPRD pour crédibiliser cette fameuse commission. Je ne peux pas citer les noms, mais nous avons des preuves, Nos deux députés ont dénoncé ça par écrit». Il a, en outre, précisé que cette commission paritaire n’existe pas encore, tant qu’il n’y a pas de délégués de l’opposition. Fidèle Likinda a ajouté que «ce qui se fait à l’hôtel du fleuve, est une réunion de famille entre Mboso et Mbata. Ce n’est pas de la commission paritaire». Il sied de rappeler que lors de sa communication devant l’assemblée plénière, C. Mboso a affirmé qu’il n’y a pas eu débauchage des députés du Front Commun pour le Congo.[19]

Le 18 août, dans une interview, la députée nationale Geneviève Inagosi a exprimé son indignation face à la composition de la commission paritaire mise en place par l’assemblée nationale pour notamment examiner le procès verbal des désignations des membres devant composer la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). Pour elle, cette commission n’est pas paritaire, car étant seulement composée des délégués de l’Union sacrée. «Il s’agit seulement d’une commission spéciale qui a été mise sur pied par l’assemblée nationale. Parce que, conformément à l’article 12 de la loi portant organisation et fonctionnement de la CENI, la commission paritaire doit être constituée des députés de la majorité et de l’opposition parlementaire. Mais pour le cas d’espèce, il ne s’agit que des députés de la majorité. Encore que, ce n’est pas la majorité dans son ensemble, c’est une frange de la majorité qui constitue cette  commission là. L’opposition n’y est pas représentée, une partie de la majorité même n’y est pas représentée. En quoi est-ce qu’elle est paritaire?», s’est-elle interrogée.
Cette élue du peuple a également fustigé les excès de pouvoir de cette commission. « Il paraît que la commission est en train d’auditionner des délégués des composantes, particulièrement de la société civile. Non! Ça ce n’est pas dans les prérogatives de la Commission. La commission a été mise en place juste pour vérifier la conformité des documents, des PV (procès verbaux) ou des noms par rapport à ce qui a été envoyé par les confessions religieuses. Donc la commission n’a pas pour vocation de se muer en arbitre ou en médiatrice, de décider de deux ou de trois qui est-ce que nous choisissons», a-t-elle déploré. Et de poursuivre: «Lorsque nous examinions cette proposition de loi à la commission PAJ, nous avions refusé l’immixtion de l’assemblée nationale dans les choix des animateurs de la CENI au sein de leurs composantes. Donc, il n’est pas question pour une composante de déléguer plus d’un nom, pour que le choix revienne à la commission, non. Donc je pense que la commission est en train d’outrepasser sa mission».
Quant à la récente réunion de travail initiée par le président de la commission paritaire, le député André Mbata, au fleuve Congo hôtel, avec les chefs des confessions religieuses, l’ancienne ministre du genre famille et enfant y voit un vice de procédure. «L’assemblée nationale est représentée par son président. Lorsque nous avons des travaux en commission qui nécessitent la présence d’une tierce personne à la commission, nous passons toujours par le bureau de l’assemblée. Donc la commission ne peut d’elle-même ou de son propre gré inviter des personnes pour participer aux travaux d’une commission sans que cela passe par le bureau de l’assemblée nationale», a martelé Geneviève Inagosi.[20]

Le 20 août, dans une interview, le député national Alphonse Ngoyi Kasanji a révélé la présence de délégués de l’opposition (PPRD/FCC et LAMUKA) au sein de la Commission paritaire instituée par l’Assemblée nationale pour examiner les dossiers des candidats membres de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). Selon lui, ces présences attestent de la légalité de la commission en question.[21]

2. L’ÉTAT DE SIÈGE AU NORD KIVU ET EN ITURI

a. Une évaluation en cours

Depuis le début du mois d’août, la commissions Défense et Sécurité de l’Assemblée nationale a entamé une session de évaluation de l’application de l’état de siège dans les deux provinces du Nord Kivu et de l’Ituri. Dans ce contexte, les députés nationaux on auditionné le ministre de la Défense (Gilbert Kabanda), la ministre de la Justice (Rose Mutombo), le ministre de l’intérieur (représenté par son adjoint) et les deux gouverneurs militaires du Nord Kivu et de l’Ituri.
Trois mois après la proclamation de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, les députés nationaux ne comprennent pas pourquoi et comment les violences se poursuivent en dépit des moyens déployés. Tous les ministres et officiers supérieurs de l’armée auditionnés par les députés au sein de la commission défense et Sécurité sont revenus sur le manque de moyens, qui ne faciliterait pas les opérations sur le terrain. Bertin Mubonzi, président de la commission Défense et Sécurité, a écrit au président de l’Assemblée nationale, pour que les ministres des Finances et du Budget soient à leur tour auditionnés afin d’apporter des explications sur la question des moyens. Le député Juvénal Munubo veut quant à lui avoir des explications claires sur les moyens alloués au nouveau programme de DDR et les différents projets rattachés.
L’évaluation se poursuit. La commission devra déposer les conclusions au bureau de la chambre basse du parlement pour être discutées en plénière. Ces conclusions doivent être approuvées par la plénière et les recommandations qui y sortiront permettront à donner une nouvelle orientation à l’état de siège en vigueur dans ces deux provinces.[22]

b. Polémique entre les autorités militaires et les députés provinciaux du Nord Kivu

Le 16 août, au cours d’une émission spéciale animée sur la radio des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) à Beni, sous le thème: «Que cache la guerre médiatique déclenchée par un groupe des députés provinciaux du Nord-Kivu?», le porte-parole du gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général de brigade Sylvain Ekenge, a déploré le comportement de certains élus provinciaux qui continuent de critiquer «l’inefficacité» de l’état de siège au regard de ses résultats peu probants sur le terrain.
«Les députés sont autorisés à se prononcer. La libre expression est autorisée. Mais quand vous marchez à l’encontre de l’état de siège qui recherche la paix, c’est que vous êtes contre la paix et que vous êtes pour ceux qui tuent, ceux qui égorgent, ceux qui amènent l’insécurité dans cette partie de notre pays», a fait savoir le général Sylvain Ekenge.
Le Général Ekenge, a révélé qu’il y a des députés qui entretiennent des groupes armés ou qui sont de connivences avec les ADF, pour saboter les actions des FARDC et insécuriser la population. Selon lui, ces députés s’attaquent à l’état de siège pour des intérêts cachés. Le Général Ekenge a ajouté que ces députés seront arrêtés, jugés et condamnés pour qu’ils subissent la rigueur de la loi. Dans la même foulée, le porte-parole du Gouverneur militaire a indiqué que plusieurs ADF capturés ont déjà cités les noms de certains députés d’être à la base de l’insécurité dans la région de Beni.[23]

Le 17 août, une vingtaine de députés provinciaux du Nord-Kivu ont réagi aux propos des autorités militaires qui les ont ouvertement cités dans la déstabilisation de la province à travers des groupes armés qu’ils entretiendraient. Les élus provinciaux ont exprimé leur indignation à travers une déclaration politique, dans laquelle ils se sont dits «profondément préoccupés par la faiblesse des résultats des opérations militaires 100 jours après la proclamation de l’état de siège au Nord Kivu, faiblesse marquée par la poursuite des massacres des populations civiles (…) avec un bilan de 440 civiles tuées, plus de 25 véhicules incendiées, plus de 10 motos calcinées, plusieurs villages vidés de leurs habitants».
Les députés provinciaux du Nord-Kivu ont donc recommandé aux FARDC de s’abstenir de s’attaquer aux représentants du peuple. «Aucun des députés, nationaux ou provinciaux soient-ils, n’ayant été, jusqu’à ce jour,  ni jugé ni condamné pour soutien avéré aux groupes armés, nous invitons quiconque de cesser de ternir l’image des députés par des propos diffamatoires. Sous réserve d’actions en justice, nous faisons une sévère mise en garde à quiconque tenterait, par quelques voies que ce soit, d’accuser sans preuve les députés d’association aux groupes armés», ont déclaré les députés provinciaux du Nord-Kivu. Et d’ajouter: «Nous exigeons du gouverneur militaire du Nord-Kivu d’ordonner à ses collaborateurs de cesser, dès ce jour, les intimidations déraisonnables et des menaces à l’endroit des élus légitimes qui, en tant que représentant du peuple, avons droit à un minimum de respect par les services de sécurité, l’état de siège ne nous ayant pas détaché de notre qualité d’élus légitimes du peuple».
Les députés provinciaux du Nord-Kivu ont recommandé aux FARDC de se concentrer sur les opérations contre les groupes armés étrangers tels ADF et FDLR et les milices locales.
Ils ont soutenu la délimitation de l’état de siège dans les zones gravement affectées dont Beni au Nord-Kivu et Irumu en Ituri. Ils ont enfin invité le Président de la République à reconsidérer l’ordonnance décrétant l’état de siège en vue de sa requalification sous un format capable de produire des résultats rapides sur le terrain et de favoriser la consultation populaire avant toute prolongation.[24]

c. 6ème prorogation de l’état de siège

Le 17 août, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi portant prorogation de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. C’est la sixième prorogation consécutive depuis la proclamation de l’état de siège dans les deux provinces concernées. Il prend effet à partir du 19 août prochain pour 15 jours. Sur les 335 votants, 334 députés ont voté oui et un seul s’est abstenu. Ce texte adopté sera transmis au Sénat pour seconde lecture. Après, il sera transmis au président de la République pour promulgation.[25]

Le 18 août, les Sénateurs ont voté en faveur d’une 6ème prorogation de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Sur 109 sénateurs qui composent la chambre haute du parlement, 81 ont pris part à cette séance plénière en visioconférence et tous ont voté pour ce projet de loi.[26]

3. À PROPOS DU COORDINATEUR DU PROGRAMME DE DÉSARMEMENT ET RÉINSERTION COMMUNAUTAIRE

Le 16 août, dans un point de presse animé à Kinshasa, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a déclaré que le Programme de Désarmement, Démobilisation, Relèvement Communautaire et Stabilisation (P-DDRCS) a pour but principal de promouvoir la «stabilité du Pays par la réintégration des ex-combattants dans la vie civile au sein des communautés locales et non au sein des Forces armées de la RDC (FARDC)». Ila ensuite affirmé que le gouvernement apporte son soutien à la nomination de Tommy Tambwe Ushindi à la tête du P-DDRCS.
Bien que Tommy Tambwe Ushindi soit largement contesté, à cause de son passé marqué par son activisme dans plusieurs groupes armés, dont le RCD, le CNDP, le M-23 et l’ALEC, le gouvernement congolais a estimé que le plus important aujourd’hui c’est l’avenir et non le passé.
À ce propos, Patrick Muyaya a déclaré: «Nous voulons vivre dans un pays réconcilié, où tout le monde a un passé. Je ne voudrais pas commencer à citer les noms de rebelles ou d’anciens chefs rebelles pour ressasser le passé de chacun. Aujourd’hui, le plus important pour nous c’est de regarder l’avenir et non le passé. Le profil de celui qui doit diriger le programme du DDRCS est un profil qui doit répondre à un certain nombre de critères et si vous regardez le curriculum vite de Monsieur Tommy Tambwe, vous pourrez voir que dans son parcours, il a le bagage qu’il faut, il parle les langues locales, il connait la situation. Après s’il vous faut regarder le passé de chacun de nous, on trouvera toujours des choses à redire».
Cette déclaration ne passe pas chez le mouvement citoyen Lutte pour le Changement (LUCHA), pour qui les victimes des atrocités à l’Est du Pays ne sont pas encore prêtes à oublier le passé et réclament justice: «Non, les victimes ne sont pas prêtes à oublier le passé. Il faut d’abord la justice. Nous disons non à l’amnésie, non à la censure». La Lucha rappelle par ailleurs que, le nouveau chef du DDRCS a été parmi les séparatistes qui prônent une « République du Kivu »: «Non, monsieur Patrick Muyaya (porte-parole du gouvernement), nous parlons d’un présumé criminel de guerre récidiviste et séparatiste qui prône une République du Kivu».[27]

[1] Cf Clément Muamba – Actualité.cd, 11.08.’21
[2] Cf Actualité.cd, 11.08.’21
[3] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 12.08.’21; Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 12.08.’21
[4] Cf Ivan Kasongo – Actualité.cd, 12.08.’21
[5] Cf Radio Okapi, 13.08.’21; Dominique Malala – Politico.cd, 14,08.’21
[6] Cf Actualité.cd, 14.08.’21
[7] Cf Radio Okapi, 14.08.’21; Actualité.cd, 14.08.’21; Dominique Malala – Politico.cd, 14.08.’21
[8] Cf Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 14.08.’21
[9] Cf RFI, 14.08.’21
[10] Cf Actualité.cd, 16.08.’21
[11] Cf Actualité.cd, 17.08.’21
[12] Cf Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 17.08.’21
[13] Cf Moise Dianyishayi – 7sur7.cd, 18.08.’21; Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 19.08.’21
[14] Cf Patient Ligodi – RFI, 19.08.’21 ; Actualité.cd, 18.08.’21
[15] Cf Actualité.cd, 19.08.’21
[16] Cf Actualité.cd, 20.08.’21
[17] Cf Actualité.cd, 21.08.’21
[18] Cf Actualité.cd, 23.08.’21
[19] Cf Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 19.08.’21
[20] Cf Moise Dianyishayi – 7sur7.cd, 19.08.21
[21] Cf Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 21.08.’21
[22] Cf Patient Ligodi – RFI, 16.08.’21; Berith Yakitenge – Actualité.cd, 17.08.’21
[23] Cf Jonathan Kombi – Actualité.cd, 17.08.’21; Azarias Mokonzi – Politico.cd, 16.08.’21
[24] Cf Jonathan Kombi – Actualité.cd, 17.08.’21
[25] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 17.08.’21
[26] Cf Clément Muamba – Actualité.cd, 18.08.’21
[27] Cf Carmel Ndeo – Politico.cd, 17.08.’21