Congo Actualité 373

De part les procès-verbaux des résultats électoraux affichés aux bureaux de vote tout de suite après les opération de dépouillement des votes, la population sait ceux sur qui elle a, en majorité, jeté son dévolu.

Ce qui irriterait la population et qui pourrait la porter au soulèvement serait la publication, par la Commission électorale, de résultats électoraux, quoique provisoires, qui ne soient pas conformes à la vérité des urnes. De ce fait, s’il y a soulèvement de la population, il relèverait de la responsabilité de la CENI.

Il faudra donc que la CENI focalise son attention sur la conformité des résultats à publier avec la vérité des urnes. Bureau de vote par bureau de vote.

(Mgr. Marcel Utembi, président de la Commission Épiscopale)

SOMMAIRE

1. LE RAPPORT DE LA MISSION D’OBSERVATION ÉLECTORALE DE LA CENCO
a. La publication
b. La réaction de la CENI et la réponse de la CENCO
2. LE REPORT DE LA PROCLAMATION DES RÉSULTATS ÉLECTORAUX PROVISOIRES
a. L’annonce de la CENI
b. Le renforcement des « mesures de sécurité »

1. LE RAPPORT DE LA MISSION D’OBSERVATION ÉLECTORALE DE LA CENCO

a. La publication

Le 3 janvier, la Mission d’Observation Electorale de la Commission Justice et Paix de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (MOE JPC/CENCO) a présenté son rapport préliminaire sur le déroulement des élections du 30 décembre 2018. Le voici:

Aménagement et ouverture des Bureaux de vote et de dépouillement

Le jour des scrutins, les observateurs de JPC/CENCO ont transmis 12.988 rapports relatifs à l’aménagement et l’ouverture des Bureaux de vote et de dépouillement (BVD).
Selon ces rapports, les Centres de vote étaient généralement installés dans les lieux prévus par la loi. Toutefois, plusieurs centres de vote étaient installés dans des endroits interdits, dont les lieux des cultes et les Quartiers généraux des partis ou regroupements politiques.
Sur 39.082 Bureaux de vote observés avant 9h30, 34.871 étaient aménagés avant l’ouverture du vote.
Les rapports attestent généralement que l’affichage de la liste des candidats, de la liste de votants par dérogation et de la liste électorale dans les BVD n’était pas systématique. 5,71% de BVD n’ont affiché aucun document.
66 % des rapports indique que, jusqu’à 9h30 du jour des scrutins, la liste électorale, la liste de votants par dérogation, le registre de vote par dérogation, l’urne, les bulletins de vote, la machine à voter, l’isoloir et l’encre indélébile se retrouvaient dans le BVD. 37,72% des dits rapports indique par contre que l’un ou l’autre matériel manquait. Tandis que 0,11% atteste que tous ces matériels manquaient.
81% de rapports atteste que 5 membres du bureau de vote étaient présents à l’ouverture.
87% de rapports souligne que les observateurs nationaux et internationaux étaient présents à l’ouverture, 85% de rapports signale que les témoins et les journalistes étaient présents à l’ouverture du BVD.
83,36 %de rapports reçus indique que la machine à voter a imprimé une Carte/Fiche d’ouverture des votes lors de son démarrage. 42,84 % de rapports atteste que cette carte a été signée par les MBVD et les témoins présents; 57,24 % de rapports note qu’elle a été signée par les MBVD seuls ; tandis que 0,22% de rapports signale qu’elle a été signée par les témoins présents seuls.
63% de rapports indique que les membres du bureau de vote ont respecté les procédures de l’ouverture de vote. Toutefois, 27 % de rapports atteste que les membres de bureau de vote n’ont pas compté les bulletins avant l’ouverture de bureaux de vote.
67,43 % de rapports atteste que les Bureaux de Vote observés ont ouvert entre 6h00 et 7h00; 22,69% de rapports soulignent qu’ils ont ouvert entre 7h01 et 9h00, tandis que 9,88% de rapport note que l’ouverture a eu lieu après 9h00. L’arrivée tardive des matériels, l’aménagement tardif des Bureau de vote, les dysfonctionnements de la machine à voter, les procédures d’ouverture très longues, l’absence d’au moins trois membres de bureau de vote et d’autres incidents constituent les raisons de l’ouverture tardive des bureaux de vote.

Déroulement des opérations de vote

91,51 % de rapports souligne que la vérification de l’identité des électeurs sur leurs cartes et sur la liste électorale et/ou la liste de dérogation était systématique. Selon 8,59 % de rapports reçus, cette vérification n’était pas systématique. En outre, 0,25 % de rapports indique que cette vérification n’a pas été effectuée.
86,39 % de rapports indique que la vérification de l’absence de l’encre sur les doigts des électeurs par les membres du bureau de vote était systématique. Selon 12, 54 % de rapports, cette vérification n’était pas systématique. En outre, 1,06% de rapports souligne que cette vérification n’était pas du tout effectuée.
90,49 % de rapports atteste que l’apposition de la signature sur la liste d’émargement et/ou le registre de vote par dérogation par les électeurs qui ont voté était systématique. Selon 8,30 % de rapports, cette apposition n’était pas systématique. En outre, 1,20 % de rapports indique que cette apposition n’a pas été effectuée.
93,01 % de rapports atteste que l’application, par les Membres de bureau de vote, de l’encre indélébile sur le doigt des électeurs qui ont voté était systématique. Selon 6,69 % de rapports, cette application n’était pas systématique. En outre, 0,29 % de rapport souligne que ladite application n’était pas effectuée.
65% de rapports indique que l’isoloir était placé à un endroit garantissant le secret du vote. Pour des raisons d’handicaps, d’analphabétisme et des difficultés d’utiliser la machine à voter, plusieurs rapports attestent qu’il y avait des électeurs qui demandaient généralement l’assistance. Sur 84.930 électeurs interviewés, 81,70% affirme avoir librement opéré leur choix à la suite de cette assistance.
22,94 % de rapports atteste que le vote a été interrompu, pendant quelques minutes, à cause d’une panne de la MAV. 5,77 % de rapports atteste que cette panne avait duré plus d’une heure.
73, 32 % de rapports indique que les opérations de vote étaient clôturées après 17h00 et 61,13 % des rapports indique qu’il y avait encore des électeurs sur la file d’attente après 17h00.
86,64 % de rapports atteste que la machine a imprimé une carte de clôture à la fermeture du bureau de vote et 67, 77 % de rapports signale que cette carte était signée par les membres du bureau de vote et les témoins présents.
Les observateurs de JPC/CENCO ont également signalé que certains individus détenaient illégalement des matériels électoraux, notamment la machine à voter, les bulletins ainsi que les fiches des résultats. C’est notamment le cas du territoire de Mambasa, dans la province de l’Ituri, et du territoire de Kabongo, dans la province du Haut-Lomami.

Dépouillement

85,14 % de rapports atteste que le bureau de dépouillement était directement aménagé par les MBVD après la clôture des opérations de vote. Par contre,13,65 %de rapports indique que le bureau de dépouillement n’était pas directement aménagé par les MBVD après la clôture des opérations de votes.
95,62 % de rapports atteste que les urnes étaient restées scellées avant le début du dépouillement. Par contre 3,47 % souligne que les urnes n’étaient pas restées scellées avant le début du dépouillement.
91,69 % de rapports indique que le numéro de scellé correspondait au numéro de scellé lors de l’ouverture. Cependant 5,09 % de rapports souligne que le numéro de scellé ne correspondait pas au numéro de scellé lors de l’ouverture.
96,64 % de rapports atteste que le Président des BVD avait ouvert l’urne devant les MBVD, les témoins, les observateurs, les journalistes et les 5 électeurs désignés par lui-même. Tandis que 2,30 % de rapports indique que le Président des BVD n’avait pas ouvert l’urne devant ceux-ci.
94,64 % de rapports souligne que le président de BVD avait ordonné l’impression des fiches de résultats de la machine à voter. Cependant, 3,79% de rapports atteste que le président de BVD n’avait pas ordonné cette impression.
92,31 % de rapports atteste que les résultats de la machine à voter étaient conformes à celui du dépouillement manuel. Tandis que 7,09 % de rapports affirme que ces résultats n’étaient pas conformes à celui du dépouillement manuel.
96,03 % de rapports indique que les membres du bureau de vote avaient établi le Procès-verbal du dépouillement et la fiche des résultats sur base du comptage manuel. Par contre, 2,01 % de rapports souligne que les membres de bureau de vote et de dépouillement n’avaient pas établi le PV de dépouillement et la fiche des résultats sur base du comptage manuel.
Les rapports attestent que les documents ci-après étaient signés par toutes les parties présentes concernées (MBVD, témoins et les 5 électeurs présents):

  • PV de dépouillement (86,85 % de rapports)
  • Fiche de résultats de la machine à voter (69,84 % de rapports)
  • Fiche de résultats sur base du comptage manuel (72, 78 % de rapports)

91,74 % de rapports atteste que les plis des matériels restants étaient constitués en présence des MBVD, des témoins, des observateurs ainsi que des 5 électeurs présents. Cependant 6,00 % indique que les plis des matériels restant n’étaient pas constitués en présence de ceux-ci.
87,72 % de rapports indique que les plis de matériels restant étaient scellés. Tandis que 9,25 % indique que ces plis n’étaient pas scellés.
90,66 % de rapports atteste que les plis des résultats étaient scellés. Par contre 6,05 % indique que ces plis n’étaient pas scellés.
79,68 % de rapports atteste qu’une copie de la fiche des résultats conforme était directement affichée devant le BDV. Par contre 16,85 % atteste cette fiche n’était pas directement affichée devant le bureau de vote.

Incidents

88,03% des incidents se sont passés à l’intérieur des sites de vote.
51,42% des incidents ont provoqué l’interruption des opérations dans les BVD observés.
Ci-après les incidents collectés par catégorie:

Catégories Pourcentage
Disfonctionnement de la machine à voter 33,28 %
Non-respect du périmètre de sécurité 7,13 %
Intempéries 6,59 %
Observateurs interdits d’accès ou expulsés 5,85%
Cas de violence (Affrontement ou bagarre) 5,55%
Témoins interdits d’accès ou expulsés 5,27 %
Campagne le jour du scrutin 5,12 %
Achat de votes ou corruption 4,69 %
Intimidation et/ou harcèlement 3,37 %
Le bureau de vote n’est pas ouvert 2,58 %
Bourrage d’urne 1,26 %
Electeur admissible au vote interdit de voter 1,26 %
Listes électorales arrachées 0,68 %
Agents électoraux interdits d’accès ou expulsés 0,43 %
Centre de vote inexistant 0,41%
Enlèvement 0,19%
Confiscation du Kit d’observation 0,13 %
Bureau de vote saccagé/incendié 0.04 %

Recommandations

A la CENI
– De publier progressivement les résultats provisoires des élections du 30 décembre 2018 issus du comptage manuel de chaque circonscription;
– De mettre à l’abri de toute manipulation illicite les matériels électoraux sensibles, surtout les machines à voter, les centraliser et les acheminer vers les antennes;
– De publier et de vulgariser la cartographie des Centres Locaux de Compilation des Résultats et d’y faciliter l’accès aux observateurs et témoins.
Aux Partis politiques
– De déployer leurs témoins aux Centres Locaux de Compilation des Résultats en vue d’assurer la transparence des opérations de compilation des résultats et de garantir leur crédibilité;
– D’inviter leurs militants au calme dans l’attente de la publication des résultats provisoires par la CENI. En cas de non satisfaction de ces résultats, d’utiliser les voies de recours légalement prévues.
Aux instances judiciaires compétentes
– En cas de contestation des résultats provisoires, de les traiter en toute impartialité, neutralité et indépendance.

Conclusion

La CENCO salue le travail abattu par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) ainsi que l’engagement de toutes les autres parties prenantes au processus électoral pour la tenue des scrutins combinés du 30 décembre 2018.
En outre, la CENCO note la détermination des électeurs qui se sont massivement mobilisés pour accomplir leur devoir civique, malgré les différents incidents observés dans les Centres et Bureaux de vote. Le peuple congolais a bel et bien répondu au rendez-vous de son histoire en toute responsabilité. C’est un motif de satisfaction nationale.
Il est également important de souligner que les irrégularités relevées ci-dessus n’ont pas pu entamer considérablement le choix que le Peuple congolais a clairement exprimé dans les urnes.

En fait, la MOE-JPC/CENCO constate que les données en sa possession, issues des procès verbaux des bureaux de vote, consacrent le choix d’un candidat comme Président de la République.
A cet effet, la CENI est appelée, en tant qu’institution d’appui à la démocratie, de publier, en toute responsabilité, les résultats des élections dans le respect de la vérité et de la justice.
En vue de respecter la volonté du Peuple et de dissiper toute suspicion, la CENCO propose le schéma suivant pour l’intégrité des résultats qui devront être publiés:
1° Ne tenir compte que des résultats issus du comptage manuel qui avaient été publiés et affichés devant les bureaux de vote et de dépouillement.
2° S’assurer que le contrôle de cohérence au niveau des Centres locaux de compilation des résultats (CLCR) s’effectue en présence des observateurs et des témoins.
3° Publier les résultats bureau de vote par bureau de vote.[1]

b. La réaction de la CENI et la réponse de la CENCO

Le 4 janvier, dans une correspondance adressée au président de la CENCO, le président de la CENI, Corneille Nangaa, a officiellement protesté contre ce qu’il qualifie de proclamation illégale des tendances et résultats des élections par des personnes et organes légalement incompétents pour le faire. Il a affirmé que «l’annonce des tendances telle que faite par l’abbé N’shole est de nature à intoxiquer la population et à préparer un soulèvement populaire, dont la CENCO sera la seule responsable». Selon lui, l’abbé Nshole viole systématiquement les dispositions légales organisant les élections en RDC, notamment les articles 211 de la constitution, 71 de la loi électorale, 16 du code de bonne conduite des partis politiques, regroupements politiques et candidats et la charte de bonne conduite des observateurs électoraux. Tous ces textes et ces articles rappellent que la Céni est la seule institution habilitée à proclamer les résultats provisoires. Corneille Nangaa demande à ce que la conférence épiscopale fasse un démenti formel qui permettrait de garantir la continuité des relations entre la Ceni et la Cenco.[2]

Le 4 janvier, dans un point de presse, le Front Commun pour le Congo (FCC) a fustigé la dernière communication de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), qui a déclaré être en possession du nom du vainqueur de l’élection présidentielle du 30 décembre 2018.
Selon Kikaya Bin Karubi, conseiller principal du chef de l’État en matière diplomatique, l’attitude de la CENCO est irresponsable et anarchique: «Le FCC déplore, dénonce et condamne fermement l’attitude partisane, irresponsable et anarchique de la CENCO, en particulier de monsieur l’abbé Nshole Donatien, qui … se permet de proclamer en toute illégalité des tendances culminant au choix à la présidentielle d’un candidat déjà bien identifié. Et cela alors que la CENI n’a encore traité que 20% de bulletins de vote et que le comptage manuel de ces bulletins se poursuit. Pour le FCC, ceci viole gravement autant la constitution, la loi électorale que la charte de bonne conduite, lesquelles imposent aux parties prenantes de ne pas proclamer lesdits résultats, attribution reconnue à la seule CENI».[3]

Le 4 janvier, à Kinshasa, le président Joseph Kabila a échangé avec une délégation de la CENCO. Leur échange a porté sur la situation socio politique de la RDC, principalement sur les élections du 30 décembre en RDC.
Après la rencontre avec le Président de la République, l’abbé Donatien Nshole, secrétaire général de la CENCO, a déclaré qu’il n’appartient pas à la CENCO de publier les résultats de ces élections: «La CENCO n’a pas le droit de publier les résultats. Mais la CENCO comme mission d’observation avec sa méthodologie et l’échantillon qu’elle a, elle est à mesure de se rendre compte de l’expression de la population. Il y a eu des couacs, mais malgré ces couacs-là, l’essentiel a été sauvé. L’essentiel est que les couacs ne portent pas atteinte à l’expression et au choix de la population». Il a aussi mis en exergue l’appel à l’unité et à la paix lancé par Joseph Kabila.
«J’ai aimé la conclusion du Président de la République à la fin des entretiens. Il tient à laisser ce pays uni et dans la paix. Et c’est l’objectif que la CENCO poursuit».[4]

Le 5 janvier, dans une lettre adressée au président de la CENI, le président de la CENCO, Mgr Marcel Utembi, a indiqué que la CENCO est surprise par les allégations du président de la CENI accusant l’abbé Donatien Nshole, le secrétaire de la Cenco, de violer les dispositions légales relatives à l’organisation des élections en RDC. Tout en reconnaissant qu’il appartient à la CENI de publier les résultats des scrutins, Mgr Marcel Utembi a affirmé que la CENCO  n’a jamais publié les résultats des élections, comme souligné par la CENI et a rappelé la CENI à publier les résultats  » conformes à la vérité des urnes ».
Le président de la CENCO a affirmé que «le rapport préliminaire rendu public par le secrétaire de la CENCO porte essentiellement sur les faits et les actes du processus électoral et non sur les tendances et les résultats du scrutin. Les éléments qui le constituent relèvent du constat sur terrain, dans les sites et bureaux de vote. Il est regrettable d’accuser la CENCO de « intoxiquer la population en préparant un soulèvement dont la Cenco sera seule responsable » et d’en faire un éventuel bouc-émissaire … Ce sont les irrégularités qui irriteraient la population et la plus grave, qui pourrait porter le Peuple Congolais au soulèvement, serait de publier les résultats, quoique provisoires, qui ne soient pas conformes à la vérité des urnes. De ce fait, s’il y a soulèvement de la population, il relèverait de la responsabilité de la CENI. En effet, de part les procès-verbaux affichés aux bureaux de vote et de par les informations que détiennent les témoins des candidats, la population sait ceux sur qui elle a, en majorité, jeté son dévolu. Nous estimons juste que la CENI focalise son attention sur la conformité des résultats à publier avec la vérité des urnes: ce qui pourrait confirmer son indépendance et sa qualité d’institution d’appui à la démocratie, et de ce fait sa contribution à la consolidation de la paix».[5]

2. LE REPORT DE LA PROCLAMATION DES RÉSULTATS ÉLECTORAUX PROVISOIRES

a. L’annonce de la CENI

Le 6 janvier, au cours d’une conférence de presse, le président de la CENI, Corneille Nangaa, a annoncé le report de la publication des résultats provisoires de l’élection présidentielle du 30 décembre 2018. Il a expliqué que les travaux de ramassage et transmission des plis des différents bureaux de vote se poursuivent vers les différents centres locaux de compilation et les destinataires légaux. Jusqu’au 5 janvier, la compilation des résultats de la présidentielle du 30 décembre n’était arrivée qu’à environ 53% au niveau national, ce qui rend impossible la publication du résultat provisoire le 6 janvier, comme il était annoncé. Corneille Nangaa a donc déclaré que «il n’est pas possible de publier les résultats ce dimanche. On avance bien mais on n’a pas encore tout». Il a ajouté que la publication des résultats électoraux se fera la semaine prochaine, sans toutefois donner des dates précises.
Corneille Nangaa a souligné que l’une des causes du retard dans la publication des résultats de la présidentielle du 30 décembre est le refus de la transmission des données par voie électronique:
«Nous avons déployé les matériels entre 23 et 30 jours, la récupération de ces matériels ne peut pas se faire dans un délai de deux jours. Il faut lier le fait qu’on a tous voulu qu’on ne transmette rien par voie électronique. On aurait accepté le principe de transmission par la machine à voter, on aurait tous les résultats aujourd’hui. On a dit qu’on doit aller manuellement. Nous appliquons ce principe. On ne doit pas vouloir une chose et son contraire».[6]

Le 7 janvier, le chef de la Centrale électorale de la Majorité présidentielle, Gilbert Muhika, a déclaré que le Front Commun pour le Congo (FCC), qui soutient la candidature d’Emmanuel Ramazani à la présidentielle 2018, estime que le report de la publication des résultats par la CENI est justifié au regard de la grandeur du pays et du manque d’infrastructures.
Par ailleurs, Christophe Lutundula, cadre de la coalition Lamuka, qui soutient la candidature de Martin Fayulu à la présidentielle, a affirmé que la CENI ne devrait pas essayer de changer les résultats issus des urnes. Selon lui, la CENI peut aller de report en report, comme c’est le cas depuis maintenant trois ans, le plus important est que la vérité des urnes soit respectée et que l’alternance démocratique ait lieu.
Dans une interview, Vidiye Tshimanga, porte-parole de Félix Tshisekedi, a révélé que la coalition Cap pour le changement (CACH) se dit «méfiante et vigilante» après le report de la publication des résultats de l’élection présidentielle. Il a signalé que la CENI pourrait être en train de «jouer un mauvais jeu avec le FCC [Front commun pour le Congo] pour voler la victoire au peuple congolais».[7]

b. Le renforcement des « mesures de sécurité »

Le 4 janvier, le commissaire provincial de la police en Ituri, le général Henri Kapend, a mis en garde contre toute manifestation publique le jour de la publication des résultats des élections du 30 décembre dernier. Lors d’une parade des policiers qu’il a présidée au stade Amani de Bunia, il a avisé qu’il ne tolérerait aucune descente dans la rue ce jour-là. Au cours de son discours, le général Henri Kapend a rappelé le caractère apolitique de la police. Cependant, il a durci le ton face à toute manifestation de contestation des résultats des élections du 30 décembre 2018. Il a dit avoir identifié les résidences des personnes qu’il entend tenir à l’œil: «Je vais transmettre aux services (de sécurité) la liste de toutes ces personnes sur lesquelles nous avons mené des enquêtes. Dès qu’il y aura des troubles, vous verrez, nous allons tomber sur elles. Je vais placer des services à côté de leurs maisons pour que, le jour où il y aura promulgation des résultats, dès qu’il y aura troubles, on va tomber sur eux».[8]

Le 5 janvier, dans un message radiodiffusé, le commissaire provincial de la police nationale congolaise (PNC) au Kasaï Central, le général Fidèle Kaumba, a interdit tout attroupement de plus de deux personnes à Kananga jusqu’à nouvel ordre. «Les personnes qui se rendront coupable de la non observance de cette mesure seront arrêtées et subiront la rigueur de la loi», a-t-il souligné. Cette mesure intervient alors que la CENI devrait publier les résultats de la présidentielle le dimanche 6 janvier. Des militaires armés sont bien visibles aux principaux endroits chauds de la ville. Pour sa part, le gouverneur du Kasaï Central Denis Kambayi a supprimé tous les parkings des taxis-motos à Kananga. Tous les marchés le long des voies publiques sont aussi supprimés.[9]

Le 7 janvier, à Goma (Nord-Kivu), un dispositif important de la police a été déployé dans des carrefours et autres points chauds de la ville. Les policiers sont notamment visibles dans des ronds-points, près des marchés et dans des parkings des bus de transport en commun. Ils sont entre 5 et 10 à chaque position. Selon une source sécuritaire, cette présence policière vise à parer à toute éventualité et prévenir une quelconque manifestation. La situation est cependant restée calme dans la ville. Les marché, les boutiques, magasins et autres commerces ont ouvert comme à l’accoutumée. Au soir du 5 janvier, une fausse rumeur sur la publication des résultats en faveur d’un candidat président de la République avait fait objet des manifestations de joie dans plusieurs quartiers de Goma. Plusieurs jeunes étaient descendus dans la rue chantant et dansant. Un grand nombre d’entre eux (une soixantaine) avaient été arrêtés pour trouble à l’ordre public, tapage nocturne et destruction méchante.[10]

[1] Cf Congoforum.be, 04.01.’19
http://www.congoforum.be/fr/nieuwsdetail.asp?subitem=41&newsid=212328&Actualiteit=selected
[2] Cf Radio Okapi, 05.01.’19
[3] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 04.01.’19
[4] Cf Radio Okapi, 05.01.’19
[5] Cf Actualité.cd, 05.01.’19; Radio Okapi, 06.01.’19
[6] Cf Radio Okapi, 06.01.’19; Actualité.cd, 06 et 07.01.’19
[7] Cf Radio Okapi, 07.01.’19
[8] Cf Radio Okapi, 05.01.’19
[9] Cf Sosthène Kambidi – Actualité.cd, 05.01.’19
[10] Cf Actualité.cd, 07.01.’19; Paulin Munyagala – Congoforum.be, 07.01.’19