Congo Actualité n. 342

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: CALENDRIER ÉLECTORAL → INCOHÉRENCES ET CONTRADICIONS

  1. RETOUR SUR LA PUBLICATION DU CALENDRIER ÉLECTORAL
    1. Deux analyses
    2. Les contraintes
    3. Quelques déclarations

 

ÉDITORIAL: CALENDRIER ÉLECTORAL → INCOHÉRENCES ET CONTRADICIONS

 

 

 

 

RETOUR SUR LA PUBLICATION DU CALENDRIER ÉLECTORAL

 

a. Deux analyses

 

Le calendrier électoral global a été enfin publié le 05 novembre 2017 après deux ans d’attente.

Selon Alain-Joseph Lomandja, analyste électoral, ancien senior expert électoral auprès de Carter Center et collaborateur de Défense et Sécurité du Congo (DESC), cette publication représente en elle-même une petite avancée, car elle donne enfin une certaine lisibilité aux activités préélectorales et une certaine visibilité à un processus électoral qui en a longtemps été privé. Mais l’analyse approfondie dudit calendrier révèle des pesanteurs politiques qui donnent à croire que la République Démocratique du Congo n’est pas encore sortie de l’auberge.

Quelques observations préliminaires

De 504 à 326 jours de préparation: malgré leur apparente technicité, les chiffres bombardés par le Président de la CENI étaient plus politiques que techniques, quand ils ne sont pas carrément fantaisistes. En effet, en 2006 et 2011, il avait fallu respectivement 164 et 150 jours après l’enrôlement des électeurs pour organiser les élections. La CENI qui a présenté ses 504 jours incompressibles et nécessaires à l’organisation des élections après l’enrôlement des électeurs, est passé subitement de 504 à 326 jours (du 1er Février au 23 décembre 2018). Aucune explication technique n’a été fournie pour expliquer ce changement. Si donc les élections peuvent être organisées le 23 décembre 2018, cela veut dire que les 504 jours n’étaient ni incompressibles ni contraignants. On comprend dès lors que ce chiffe n’avait rien de technique.

  1. Analyse des délais de certaines activités préélectorales

Certaines activités sont étalées les unes après les autres, alors qu’elles pouvaient être combinées.

1.1. Les activités pluri-mensuelles

Dans cette catégorie, nous analysons des activités qui se déroulent sur plusieurs mois, parfois sans nécessité apparente. Que d’autres activités se déroulent en même temps, ne change rien à la fausse impression que ces activités seraient inachevables avant les dates butoirs que la CENI leur attribue.

1) L’enrôlement dans les Kasaï : Les opérations d’enrôlement des électeurs dans les Kasaï ont été lancées le 12 septembre 2017. Presque deux mois après, le calendrier rallonge l’activité de 3 mois (Du 03 novembre 2017 au 31 janvier 2018), passant de 90 jours opérationnels à 141 jours.

2) Enrôlement des congolais de l’étranger  La préparation (60 jours) et la mise en œuvre (90 jours) de cette activité durent 150 jours au total. La planification de cette activité révèle une incohérence inexpliquée et pose des questions:

  1. a) La préparation de l’activité commence le 4 mars et se termine le 2 mai 2018, mais la CENI se donne 2 autres mois avant de commencer l’enrôlement proprement dit. Elle prétend que le fait que les Congolais de l’étranger ne votent que pour la présidentielle permet de retarder leur enrôlement. Mais rien n’est dit de l’impact de ce retard sur les autres activités préélectorales.
  2. b) Prévue pour se dérouler du 1er juillet au 28 septembre 2018, cette activité se déroule après le contentieux des listes électorales, les opérations de dédoublonnage, l’audit du fichier électoral et la publication des statistiques des électeurs. Ces activités importantes ne sont pas prévues pour les listes électorales des Congolais de l’étranger. S’agira-t-il dans ce cas de deux fichiers électoraux ou alors la CENI va-t-elle reverser des données brutes de l’enrôlement des Congolais de l’étranger dans un fichier électoral déjà traité? Dans les deux cas, la conclusion est d’une extrême gravité: si la CENI fait comme si on avait deux fichiers électoraux, la maîtrise du fichier électoral et, par la suite, la maîtrise des résultats des scrutins sont déjà compromises; et si elle déverse des données brutes dans un fichier déjà traité, c’est dire le niveau de légèreté avec laquelle une question aussi délicate est traitée. Imaginons qu’on ait 2 à 3 millions d’électeurs potentiels à l’étranger et qu’il y ait 5 à 7% des doublons, cela peut changer la physionomie finale du fichier électoral. A long terme, cela risque d’avoir un impact sur une élection présidentielle à un seul scrutin et à la majorité simple. Voilà pourquoi le renvoi de cette activité à juillet 2018 paraît absurde. Il serait plus logique de la supprimer (après modification de la loi) ou de la préparer dès maintenant et de la commencer début Janvier 2018.
  3. c) Cet enrôlement des Congolais de l’étranger est également programmé après la convocation de l’électorat.

3) Réception, traitement des candidatures et contentieux y relatifs: Cette activité concerne à la fois la présidentielle, les législatives et les provinciales. La durée de sa préparation s’élève à 45 jours pour les 3 scrutins. Cela veut dire que, après ces 45 longs jours de préparation, la réception et le traitement des candidatures peuvent commencer aussi bien pour les candidats présidents que pour les candidats députés nationaux et provinciaux. Car, techniquement, tout est prêt. Malheureusement, la CENI disjoint cette activité et l’étale séparément dans le temps: pour les députés provinciaux, elle commence le 24 juin et se termine le 08 juillet (+ 5 jours légaux d’ajout ou retrait ou de substitution des dossiers), tandis que, pour les députés nationaux et pour les candidats présidents, cela ne commence que le 25 juillet 2018. Quelle contrainte empêche de lancer simultanément cette activité aussi bien au niveau provincial que national? Que ce soit à la CENI ou dans les cours et tribunaux, les responsables de cette activité sont différents au niveau national (BRTC et Cour Constitutionnelle) et provincial (BRTC provinciaux et cours d’appel). C’est plus d’un mois de gagné, si cette activité se déroule concomitamment. C’est bien clair que la CENI cherche visiblement à gagner du temps.

4) L’opération de dédoublonnage: cette opération de 122 jours pose certaines questions relatives à sa durée, à son impact sur le calendrier et à la cohérence de son articulation avec les activités connexes qui doivent la précéder et la suivre. En effet, il s’agit d’une activité administrative informatisée et réalisée par quelques experts qui, en soi, n’impacte que la préparation de la loi sur la répartition des sièges. Mais l’énoncé de l’activité qui combine trois activités différentes (acquisition du dispositif, son déploiement et la détection des doublons), ne dit pas quand chacune de ces opérations spécifiques commence. D’où le flou sur les délais et l’articulation avec les activités y relatives (ramassage et transmission des clés USB, traitement et consolidation des données ou centralisation, validation des résultats de la détection des doublons).

5) Impression, déploiement et affichage des listes électorales: Cette activité dure 195 jours (du 27 mai au 07 décembre 2018), soit 6 mois et demi. L’art. 8 de la loi électorale impose à la CENI la publication de ces listes au moins un mois avant le début de la campagne électorale et leur affichage au moins 14 jours avant les scrutins. Cela n’implique nullement que cette activité ne peut se faire en moins de 195 jours. De manière subtile, la CENI cale ces prescriptions légales à des délais déjà arrêtés. En d’autres termes, ce ne sont pas les dates de la campagne électorale et du jour du scrutin qui s’adaptent à la contrainte du déploiement et d’affichage des listes électorales, mais c’est celle-ci qui est étirée pour s’adapter aux dates déjà pré-arrêtées. Plus clairement, s’il était décidé que les élections se tiennent en septembre 2018, cette activité aurait certainement moins de 195 jours.

1.2. La convocation de l’électorat

Le calendrier publié par la CENI prévoit la convocation de l’électorat au 23 juin 2018, soit exactement 6 mois avant la date des scrutins combinés. Mais à cette date précise, l’enrôlement des Congolais de l’étranger (prévu du 1er Juillet au 28 septembre 2018), n’a pas encore commencé. Cela veut dire que nous n’avons pas encore de fichier constitué, le processus étant encore en cours.

Il convient de noter que le problème porte ici sur l’intégrité et la fiabilité du fichier. Autrement dit, un fichier déjà traité (dédoublonnage) et validé peut-il encore intégrer des éléments bruts et non traités de l’enrôlement des congolais de l’étranger?

1.3. Audit du fichier électoral

Cette activité a un objectif politique et ne comporte aucune valeur technique ou opérationnelle. C’est une activité destinée à calmer l’opinion publique. Comme le dit Me Sylvain Lumu, un audit du fichier électoral est constatatif et non curatif. Car en fait, s’il s’avère que le fichier est problématique, va-t-on reprendre l’enrôlement des électeurs ou continuer les activités ? Par ailleurs, l’expérience de 2011 a montré que les contestations du fichier électoral ne reposent pas toujours sur une base technique solide. Il s’agit souvent d’un transfert des querelles politiciennes sur le terrain électoral. Pour éviter ce transfert, la CENI a intérêt à renforcer son dialogue avec les acteurs politiques de tous bords afin de maximiser les chances d’obtenir un large consensus autour de son calendrier et, partant, autour du processus électoral. Par ailleurs, l’audit en question est programmé du 06 au 25 mai 2018 et sera réalisé avant la fin des opérations d’enrôlement des électeurs résident à l’étranger (01 juillet – 28 septembre 2018). Ceci est un non-sens total.

2.1. Analyse des contraintes relatives à la mise en œuvre du calendrier électoral

Le calendrier électoral du 05 novembre 2017 présente une série de contraintes réelles qui impliquent les autres acteurs institutionnels. C’est en réalité un chronogramme opérationnel qui indique à chaque institution ses obligations et les dates butoir à respecter. Mais deux observations s’imposent à ce niveau :

  1. a) Ces contraintes ne sont ni nouvelles ni insurmontables ni plus compliquées en 2017 qu’en 2006 ou 2011. Il faut donc se méfier de la trop grande insistance sur les contraintes. C’est un message subliminal destiné à préparer les esprits à un non-respect du calendrier. On a juste besoin des réponses institutionnelles à ce chronogramme et non de tomber dans le piège du conditionnement psychologique des citoyens.
  2. b) Au plan institutionnel, il revient au CNSA de vérifier que chaque institution s’acquitte de bonne foi et à temps de ses obligations constitutionnelles et légales vis-à-vis de la CENI et du processus électoral. Or, dans sa forme actuelle, ce CNSA qui ne dispose même pas d’une existence légale, n’est qu’une ombre mouvante sans pouvoir réel. Au regard de la réalité sur le terrain, elle n’est finalement qu’une caisse de résonnance des décisions déjà prises ailleurs.
  3. Conclusion

Le calendrier électoral du 05 novembre 2017 révèle trop de pesanteurs politiciennes qui étouffent son côté technique. Une concertation entre la CENI et les acteurs politiques peut permettre son amélioration. Notre analyse technique du déroulement des activités a en effet montré des délais trop longs et ne correspondant à aucune contrainte opérationnelle de certaines activités. Plus que le calendrier électoral en soi, c’est d’abord et avant tout la volonté politique d’aller aux élections qui est le vrai enjeu.[1]

 

Le leader de « Les Progressistes » et  ancien premier ministre, Samy Badibanga, a pris du temps pour décortiquer le calendrier électoral publié par la Commission électorale nationale indépendante.

Voici quelques extraits de son analyse:

Le calendrier électoral publié par la CENI le 05 novembre 2017, à la suite des multiples pressions et revendications internes et externes, est porteur de plusieurs griefs pouvant se regrouper en 2 points de vue principaux, concernant spécialement les trois élections combinées et programmées pour le 23 décembre 2018: du point de vue technique et juridique.

  1. Du point de vue technique: de nombreux écueils à corriger

– La non simultanéité dans la réception des candidatures relatives aux trois scrutins (Présidentiel, Législatifs national et provincial): étant donné que le souci est d’avoir un calendrier présentant des délais réalistes mais à bonne date, il est indiqué de pouvoir organiser les Bureaux de réception et traitement des candidatures (BRTC) simultanément sans les dissocier (Cfr. calendrier Ligne 22-37).

– L’éventualité du vote électronique: conformément à l’article 47 de la loi électorale, la CENI préconise et prône le vote électronique. Paradoxalement, dans le calendrier, elle prévoit la production des bulletins de vote comme si le vote devait s’effectuer uniquement au moyen d’un bulletin papier. La CENI conditionne de facto la production des bulletins de vote à la publication de la liste définitive des candidats, alors que la liste des candidats devra être simplement actualisée dans la machine à voter et non à produire dans une imprimerie. La CENI donne l’impression d’être incertaine sur l’approche du mode de vote (Cfr. calendrier Ligne 38-40).

– Le report inexpliqué de l’enrôlement des congolais résidant à l’étranger crée un risque élevé de doublons: il était prévu que l’enrôlement des congolais résidant à l’étranger ait lieu durant des activités des aires opérationnelles 3 et 4, comprenant les provinces de l’ancien Bandundu, Kinshasa, Kongo-central, le grand Kasaï. Malheureusement à ce jour rien n’a été fait tel qu’envisagé, mais au contraire cette activité a été repoussée entre juillet et fin septembre 2018. Ce décalage inexpliqué dans l’enrôlement des congolais de l’étranger risque d’occasionner une multiplicité d’enrôlement, dès lors que la détection (nettoyage, toilettage) des doublons est prévue avant l’enrôlement de ces derniers, soit du 27 février au 12 mars 2018. Ce qui signifie qu’un congolais résidant à l’étranger impatient peut s’être fait enrôlé à l’intérieur du pays à l’occasion d’un quelconque séjour. Une fois rentré chez soi à l’étranger, peut toujours chercher à se faire enrôler une seconde fois. (Cfr. calendrier Lignes 7, 8, 9 et 11).

– Problématique de l’acquisition, du déploiement des dispositifs et détection des doublons (Cfr. Calendrier Ligne 3): il s’agit, en réalité, de la finalisation et non d’une acquisition proprement dite, puisque ces activités programmées sont en cours de réalisation.

– Il est à noter qu’en vertu de l’article 44 de la loi organique de 2010, la CENI a pouvoir de solliciter des financements des partenaires bilatéraux et multilatéraux. Un pouvoir qu’on peut voir comme un devoir si la CENI identifie un déficit de financement du processus électoral dans le budget que l’article 43 de la même loi lui fait obligation de transmettre.

  1. Du point de vue juridique: défaut de légalité?

L’incohérence juridique, voire l’illégalité, semble anecdotique mais doit être relevée. Comme exposé dans la décision du 05 novembre 2017 portant publication du calendrier électoral et même dans le speech de son président, la CENI déclare avoir évalué le processus électoral en tripartite, c’est-à-dire conjointement avec le Gouvernement et le CNSA. Pourtant, le CNSA n’existe pas encore sur le plan juridique. Il est donc anormal, voire illégal, d’évoquer dans un acte revêtu d’une valeur juridique (Décision du bureau de la CENI) une «institution» qui n’existe ni dans la Constitution ni dans la loi. Par conséquent, le CNSA ne peut nullement être associé à d’autres institutions publiques bénéficiant de personnalité juridique pour décider du sort de tout un pays par les élections.

Nécessité de la tenue des discussions techniques en vue d’un calendrier consensuel:

Comme tout le monde le sait, ce calendrier est assorti des contraintes ou pièges. Faute du respect d’une de ces contraintes, le décor est planté pour avoir des élections en 2019. Le moindre dérapage peut faire glisser le calendrier au-delà de 2018.

Etant donné que la quasi-totalité de l’opposition associée à la société civile rejettent le calendrier du 5 novembre 2017, une piste de solution peut être exploitée: c’est celle d’engager des échanges avec l’assistance technique des experts internationaux désignés en marge de l’Assemblée générale des nations unies tenue au mois de septembre 2017 à New York, en vue d’obtenir un consensus sur le calendrier électoral. Au regard du calendrier, il semble en effet tout à fait possible de ramener la date de la tenue des scrutins Présidentiel, Législatifs national et provincial proposée par la CENI (23 décembre 2018) au 22 juillet 2018, soit cinq mois plus tôt.[2]

 

b. Les contraintes

 

Une chose est de publier le calendrier électoral. Mais une autre, la plus importante, est de mettre à la disposition de la CENI, les moyens nécessaires devant lui permettre de mener le processus électoral à bon port. Il s‘agit donc ici, des moyens financiers et matériels sans lesquels les prévisions de la Ceni ne sauraient se traduire en actes. En plus des finances, la Centrale électorale attend également le vote des textes réglementaires indispensables à la tenue de différents scrutins. Il s’agit, notamment, de la loi électorale et celle portant répartition des sièges.

La Ceni s’étant acquittée partiellement de sa part de contrat, la balle est désormais dans le camp du Gouvernement, du Parlement et des Partenaires extérieurs. Une véritable patate chaude dans la bouche de tous ceux qui, matin midi et soir, n’ont de cesse de réclamer à cor et à cri, un calendrier global des élections en RD Congo. La grille étant désormais publiée dans ses détails, il ne reste qu’aux partis politiques de renoncer à des postures politiciennes pour mieux préparer ces élections.[3]

 

La Commission électorale (CENI) a fixé la date des prochaines élections générales au 23 décembre 2018. Mais le président de la CENI n’a guère rassuré sur la fiabilité de ce calendrier, tant les contraintes techniques, financières et sécuritaires sont importantes.

Les élections présidentielle, législatives nationales et législatives provinciales ont été fixées au dimanche 23 décembre 2018. Mais ce nouveau chronogramme, qui reporte d’une année les élections générales, reste une « hypothèse optimiste », selon le propre aveu du président de la CENI. Corneille Nangaa estime que les contraintes sont nombreuses pour organiser le scrutin dans les délais. La CENI avait déclaré avoir besoin de 504 jours pour boucler le processus électoral, mais devant le tollé de l’opposition congolaise et de la communauté internationale, la Commission a ramené à 306 jours le délai entre la fin de l’inscription des électeurs sur les listes électorales et le jour du vote. Un pari qui semble difficile à tenir.

Outre le manque de moyens financiers, les violences dans les Kasaï et les Kivus, la Commission électorale doit faire face à un important défi logistique, dans un pays-continent où toutes les infrastructures de communication font défaut. Corneille Nangaa est resté assez flou sur les moyens nécessaires pour déployer le matériel électoral sur un territoire grand comme cinq fois la France. Le nouveau calendrier laisse en effet 23 jours à la CENI et aux casques bleus de la Monusco pour distribuer le matériel électoral aux quatre coins de la République, contre 75 jours lors des élections de 2006 et 2011. Le déploiement des tonnes de bulletins de vote demande plus de 100 avions et aujourd’hui… il n’y en a que 2, avoue le patron de la Commission électorale. Autant dire que cette nouvelle date du 23 décembre 2018 après un premier report fin 2017, paraît des plus hypothétiques et le rapporteur adjoint de la CENI l’a bien rappelé: « si les contraintes persistaient, la mise en œuvre du calendrier pourrait être modifiée».[4]

 

Au regard des contraintes évoquées par la Centrale électorale, l’organisation des scrutins risque d’être hypothétique.

D’après le calendrier électoral, les contraintes légales concernent notamment l’adoption et promulgation de la loi portant organisation des scrutins (15 novembre – 15 décembre 2017), l’adoption et promulgation de la loi portant répartition des sièges pour les législatives (7 avril – 8 mai 2018). La Ceni n’écarte pas l’hypothèse d’éventuels retards pouvant perturber l’exécution du calendrier électoral publié. En cas de retard, la Ceni incombe la responsabilité au parlement, au gouvernement et à la présidence, les trois organes attitrés pour les tâches susmentionnées.

En ce qui concerne les contraintes financières, la Ceni souhaite l’actualisation, à partir du 30 novembre 2017, du plan de décaissement des fonds en vue de l’organisation des opérations électorales dans son ensemble. D’après la Ceni, les partenaires financiers internationaux aussi endosseront la responsabilité du retard que pourrait connaître ce processus.

Quant aux contraintes logistiques, la Ceni craint des irrégularités dans l’achat des matériels et équipements électoraux jusqu’à leur déploiement dans le site de formation. C’est une opération qui devrait débuter de janvier à mai 2018, d’après le calendrier. En cas de retard, la Commission électorale pointe du doigt le gouvernement et les partenaires internationaux qui sont chargés d’assurer le bon déroulement du processus.[5]

 

c. Quelques déclarations

 

Le 6 novembre, le président de l’Alliance pour la République et la conscience nationale et ministre du Développement rural, Justin Bitakwira, a déclaré que, «si la communauté internationale n’intervient pas pour effectivement nous aider à organiser les élections, nous pouvons même aller à 5 ans sans les organiser». Selon lui, pour organiser les élections, la CENI a besoin de beaucoup d’ingrédients financiers, techniques et logistiques: «Si ces ingrédients ne sont pas réunis, il n’y aura pas élections le 23 décembre 2018».[6]

 

Le 6 novembre, le secrétaire général adjoint du Mouvement social pour le Renouveau (MSR) / aile Majorité, Jean-Chrysostome Vahamuiti, a affirmé que «Nous encourageons les partenaires bilatéraux et multilatéraux à appuyer financièrement ce processus électoral, parce que seules les paroles ne suffisent pas dans le cas concret de notre pays, pour qu’on matérialise les élections».[7]

 

Le 7 novembre, dans une déclaration, l’Opposition signataire de l’Accord du 18 octobre 2016 et membre du gouvernement a appelé à la tenue d’une tripartite entre la Ceni, le CNSA et le gouvernement, pour statuer sur les contraintes soulevées par la centrale électorale: «Nous prenons acte de la publication de ce calendrier et de son caractère réaliste. Nous constatons néanmoins que ce calendrier, quoiqu’organisant les trois premiers scrutins en une séquence, conformément à l’accord du 31 décembre, il est assorti de contraintes légales, financières et logistiques qui risquent de retarder la tenue de ces scrutins. Demandons, fort de cette situation, la convocation de la tripartite CNSA-Ceni-gouvernement en vue d’évaluer l’impact de ces contraintes sur le processus électoral et de trouver des réponses idoines devant permettre le respect sans faille du calendrier. Nous appelons la communauté internationale, dont nous saluons l’accompagnement, à s’investir davantage à travers des appuis financiers et logistiques susceptibles de contribuer au respect dudit calendrier». Parmi les signataires de cette déclaration: José Makila, Pierre Kangudia, Justin Bitakwira, Lumeya Dhu Maleghi, Jean Pierre Lisanga Bonganga, Jean-Lucien Bussa, Azarias Ruberwa et Steve Mbikayi.[8]

 

Le 9 novembre, lors d’un entretien avec la presse à Kinshasa, Alphonse Ntumba Luaba, président du mouvement citoyen Débout Congolais Bâtissons (DCB), a déclaré que le calendrier électoral publié par la CENI est unilatéral et peu transparent: «Ce n’est pas un calendrier tout à fait transparent, et les parties prenantes n’ont pas été convenablement consultées ou associées. C’est un calendrier presque unilatéral. Par conséquent, nous prenons note de ce calendrier mais, à cet état, nous ne l’accepte pas. Nous pensons qu’il y a des activités qui peuvent être combinées, il y a des délais qui peuvent être raccourcis, il y a des activités qu’on peut faire de façons simultanées.

Nous pensons qu’un effort peut être fait pour arriver à faire en sorte que les élections se déroulent nécessairement en juin ou juillet 2018 et qu’on n’aille pas en 2019». Le mouvement citoyen Debout congolais bâtissons a demandé au chef de l’Etat de s’engager à faire respecter le délai et à ne pas se représenter. Alphonse Tumba Luaba a aussi demandé l’application des toutes les mesures de décrispation politique, l’ouverture de l’espace médiatiques à toutes les tendances politiques et à ouvrir l’espace des manifestations publiques.[9]

 

Dans une déclaration, le panel d’experts de la société civile forces vives de la nation préconise le vote « en mode urgence, toute affaire cessante » de la loi des finances publiques pour l’exercice 2018. Ce regroupement estime que le vote du budget pourra faciliter la mise en œuvre du calendrier électoral publié par la Commission électorale. Le coordonnateur du panel, Dieudonné Mushagalusa, qui a lu la déclaration, a affirmé: «Nous recommandons au parlement de voter en mode d’urgence, toute affaire cessante, la loi des finances publiques, exercice 2018, qui pourra éclairer le peuple congolais sur le budget à allouer à l’organisation des élections».

Tout en saluant la publication de ce calendrier, le panel pense que le calendrier électoral ne sera appliqué qu’avec l’implication de toutes les parties prenantes pour surmonter les contraintes financières, politiques, juridiques, sécuritaires et logistiques annoncées par la CENI.

En dehors des recommandations faites au Parlement, le panel demande aussi au gouvernement d’allouer les moyens financiers et logistiques nécessaires à la CENI, conformément au plan de décaissement global, pour la réussite des opérations pré-électorales, électorales et post-électorales. «Aux partis politiques de s’approprier ce calendrier publié par la CENI, en privilégiant l’intérêt supérieur de la nation, et a la population de renoncer à toute forme de violence d’où qu’elle vienne pour l’avènement des élections apaisées», a ajouté Dieudonné Mushagalusa.[10]

 

Le 12 novembre, l’envoyé spécial dans les Grands Lacs de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Pascal Couchepin, a achevé une mission de quatre jours en RDC. Il a rencontré des représentants de la majorité, de l’opposition, de la Céni et de la Cenco, le président de l’Assemblée nationale. Pascal Couchepin n’a pas pu s’entretenir avec le président Kabila, en déplacement dans l’intérieur du pays. Certains y voient un mauvais signal. «Le signe que le chef de l’Etat ne souhaite pas prendre trop d’engagements», déplore un diplomate.

Pour l’ancien président de la Confédération suisse, la publication du calendrier électoral constitue une «lueur positive». Reste maintenant à s’assurer qu’il sera effectivement mis en œuvre, sinon, prévient-il, cela «pourrait aboutir à une explosion», tant l’«exaspération» est en train de monter dans le pays.

Mais l’OIF reste optimiste. Pour tenter de rétablir la confiance, elle plaide pour la mise en place d’un groupe d’experts internationaux chargé d’appuyer la Céni dans la mise en œuvre du calendrier électoral. Le principe de ce comité a déjà été adopté à New York en septembre en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, mais il n’a pas encore vu le jour. L’UE, L’UA, l’OIF, la CIRGL et la SADC sont pressenties pour y participer.

«La Mission insiste sur l’importance d’un accompagnement renforcé et coordonné de la communauté internationale. Dans cet esprit, elle recommande la mise en place effective d’une équipe conjointe d’experts internationaux en appui au processus électoral. Elle invite toutes les parties prenantes à adhérer à ce mécanisme. Cette équipe devrait permettre de faciliter la mise en œuvre et le suivi d’un chronogramme concerté et transparent dans le respect des prérogatives constitutionnelles de la CENI», peut-on lire dans le rapport final de la Mission.

La mission d’information et de contact de la Francophonie encourage toutes les parties prenantes à travailler sur la base de ce calendrier pour créer, dans un esprit inclusif, les conditions d’organisation d’élections libres, crédibles et apaisées en RDC.

Pour l’OIF, il est important, dans cet ordre d’idées, que la CENI donne plus de gage de bonne foi dans sa démarche dans l’élaboration d’un budget détaillé, mais aussi dans la poursuite des discussions avec l’ensemble des parties prenantes, ainsi que des partenaires internationaux, pour que tous se sentent impliqués dans le processus: «Dans cette perspective, la mission de la CENI est d’élaborer, dans les meilleurs délais, un chronogramme et un budget détaillé. La mission recommande à la CENI d’intensifier les concertations avec les partis politiques, la société civile et les partenaires internationaux, tels que prévus par les textes, pour favoriser encore plus l’appropriation du processus par tous les acteurs».

La mission souligne, toutefois, la nécessité, pour toutes les parties prenantes, de prendre les mesures appropriées pour assurer la mise en œuvre rigoureuse et exigeante de ce calendrier. Il s’agit, notamment, de l’adoption rapide du cadre législatif des élections, dont la loi électorale, et la mise à disposition des moyens logistiques et financiers pour répondre aux exigences techniques inhérentes à ce calendrier.

Le bras de fer continue entre la communauté internationale et la Commission électorale sur la question du financement des élections. Pascal Couchepin a affirmé que «les bailleurs ne vont pas lâcher leur argent avant d’avoir des garanties que les élections se tiendront et que l’argent versé sera efficacement affecté à leur préparation».[11]

 

Le 22 novembre, au cours de la conférence de presse hebdomadaire, la porte-parole de la MONUSCO, Florence Marchal, a déclaré que «le nouveau calendrier électoral est là et nous allons travailler avec ce calendrier et nous assurer que la chronologie indiquée dans ce calendrier sera respectée. Par ailleurs, dans le cadre de notre mandat toujours dicté par la résolution 2348, il est stipulé que les Nations Unies, notamment la MONUSCO, apportent un soutien technique et logistique à l’organisation des élections. Et dans ce cadre, nous sommes actuellement en discussion avec la CENI afin d’établir le partage des responsabilités pour le déploiement du matériel électoral sur le terrain comme nous l’avons fait lors des opérations de révision du fichier électoral».

Alors que plusieurs partis politiques de l’opposition et organisations de la société civile rejettent le calendrier récemment publié par la CENI, alors que la plateforme Le Centre réclame un nouveau dialogue et d’autres, comme Les Progressistes de Samy Badibanga, souhaitent un addendum à l’Accord du 31 décembre 2016, la MONUSCO ne voit pas d’autres cadres de consensus. Dans ce cadre, Florence Marchal a affirmé que «la publication de ce calendrier n’est pas un acte isolé, il [le calendrier] entre justement dans l’application globale de l’Accord du 31 décembre. Cet accord reste pour nous la seule feuille de route qui permettra au pays d’aller vers des élections libres, apaisées, transparentes et démocratiques. Cet accord, c’est vraiment la lumière, le phare, qui nous guide et donc en parallèle à l’organisation des élections, il est important d’appliquer les autres composantes, j’ai envie de dire, de cet accord qui sont les mesures de confiance, le respect des droits de l’homme, le respect des libertés: la liberté de réunion, la liberté de manifestation».[12]

[1] Cf AJ Lomandja – Desk-Wondo.org, 10.11.’17  http://desc-wondo.org/fr/decryptage-pesanteurs-politiques-dun-calendrier-electoral-technique-aj-lomandja/

[2] Cf 7sur7.cd, 10.11.’17  https://7sur7.cd/new/2017/11/calendrier-electoral-analyse-critique-lex-pm-badibanga-ramene-la-presidentielle-les-legislatives-et-provinciales-au-22-juillet-2018/

[3] Cf Grevisse Kabrel – Forum des As – Kinshasa, 06.11.’17

[4] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 05.11.’17

[5] Cf Will Cleas Nlemvo – Actualité.cd, 07.11.’17

[6] Cf Radio Okapi, 07.11.’17

[7] Cf Radio Okapi, 07.11.’17

[8] Cf Stanys Bujakera Tshiamala – Actualité.cd, 07.11.’17; Alphonse Muderhwa – 7sur7.cd, 08.11.’17; Radio Okapi, 08.11.’17

[9] Cf Radio Okapi, 09.11.’17

[10] Cf Radio Okapi, 09.11.’17

[11] Cf RFI, 13.11.’17; Actualité.cd, 13.11.’17; Radio Okapi, 14.11.’17

[12] Cf Actualité.cd, 23.11.’17