Congo Actualité n. 341

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: 15 NOVEMBRE → DES « MANIFESTATIONS » MUÉES EN « VILLES MORTES »

LES MOUVEMENTS CITOYENS HAUSSENT LE TON

  1. Le NON au nouveau calendrier électoral et l’annonce de manifestations de grande envergure
  2. Le soutien de l’Opposition
  3. À la veille des manifestations
  4. Les manifestations / « villes mortes » du 15 novembre

 

ÉDITORIAL: 15 NOVEMBRE → DES « MANIFESTATIONS » MUÉES EN « VILLES MORTES »

 

 

 

 

LES MOUVEMENTS CITOYENS HAUSSENT LE TON

 

a. Le NON au nouveau calendrier électoral et l’annonce de manifestations de grande envergure

 

Le 5 novembre, dans un communiqué intitulé « Kabila et sa CENI déclarent officiellement la guerre: Le peuple doit se défendre maintenant », le mouvement citoyen Lutte pour le Changement (LUCHA) a affirmé de rejeter le calendrier publié par la CENI, car il représente «une manœuvre honteuse pour faire gagner plus de temps à Kabila et à son régime, afin d’accomplir leur volonté de rester indéfiniment au pouvoir. Dès maintenant, le soulèvement populaire s’impose comme une évidence».

C’est pourquoi, dans son communiqué, la LUCHA a écrit:

«1. Déclarons ne plus reconnaître Joseph Kabila, son gouvernement, ses représentants, et tous les membres des institutions éligibles, comme représentants légitimes du peuple Congolais et appelons  les puissances étrangères et les organisations internationales à en faire autant.

  1. Appelons solennellement tous les Congolais – hommes, femmes, jeunes – où qu’ils soient, à se lever dès à présent et à user de tous les moyens légitimes pour chasser Joseph Kabila et son régime du pouvoir qu’ils exercent en violation de la constitution. A travers toute la RDC, mobilisons-nous dans nos quartiers respectifs, pour bloquer totalement le pays jusqu’au départ de Joseph Kabila, de tous les membres du gouvernement, tous les membres du parlement, ainsi que tous les membres des assemblées provinciales et des gouvernements provinciaux.
  2. Appelons les Congolais à la désobéissance civile dès aujourd’hui, y compris en cessant dès à présent de payer toute taxe et tout impôt, de répondre aux convocations, ordres et injonctions des institutions illégitimes et des personnes qui les représentent..
  3. Appelons tous les officiers généraux, officiers supérieurs, officiers et hommes et femmes des rangs au sein des FARDC et de la Police Nationale Congolaise (PNC) à se ranger immédiatement du côté du peuple et assurer sa défense, ainsi que la défense de l’intégrité nationale. Les récalcitrants doivent être considérés comme tous les autres ennemis du Peuple et traités comme tels.
  4. Appelons à la mise en place rapide, après concertation des forces politiques et sociales congolaises, d’une transition démocratique conduite par des femmes et des hommes neutres, issus de la société civile, désignés sur base de leur probité, leurs compétences et leur expérience, qui ne pourront en aucun cas se présenter aux prochaines élections ni faire partie de futures institutions élues ou du futur gouvernement, et dont la principale tâche sera d’organiser des élections démocratiques et crédibles dans un délai raisonnable et de poser les fondations d’un Etat véritablement démocratique et stable.
  5. Appelons les Congolais à ne pas s’adonner à des actes de violence, de vengeance ou de chasse à l’homme sous quelque prétexte que ce soit. La noblesse de cette révolution doit être préservée, car notre peuple vaut beaucoup mieux que ceux qui l’ont opprimé pendant si longtemps».[1]

 

Le 6 novembre, dans un deuxième communiqué intitulé « Désobéissance civile et soulèvement populaire: quand et comment concrètement? », le mouvement citoyen Lutte pour le Changement (LUCHA), qui a rejeté le calendrier électoral publié par la CENI, a déclaré:

«La CENI a publiquement accusé les signataires de l’accord de la Saint Sylvestre 2016 d’avoir imposé le délai de décembre 2017 de manière irréaliste. En 2018, elle pourra aussi bien dire que ce sont les américains qui l’ont poussée à réduire son schémas de 504 jours à quelque 300 jours. Et on irait alors de justification en justification.

Bien plus, la CENI présente une série de « contraintes » financières, logistiques, législatives, politiques et sécuritaires, dont la plupart sont manipulables à volonté par le même régime.

Les tergiversations de certains acteurs politiques sont malheureuses en ce qu’ils semblent accorder encore du crédit à ce régime, soit par manque de courage, soit par naïveté, soit même par complicité. Il en est de même des tergiversations incessantes de la communauté internationale, qui se complait à prendre acte et semble prête à continuer de danser au rythme que Kabila impose.

C’est pourquoi, le peuple congolais n’a d’autre choix que de se lever et dire à tout ce beau monde : STOP! D’où notre appel au soulèvement et à la désobéissance civile, purement et simplement.

La question c’est COMMENT concrètement ? La LUCHA demande au peuple:

– De cesser dès à présent de payer les factures de la SNEL, la REGIDESO, d’acquitter les taxes, impôts, redevances et patentes de tous les services de l’Etat, de répondre aux convocations de la police ou de la Justice concernant ce refus. Si la police ou des agents de l’Etat s’en prennent à une personne ou un commerce, que tous les Congolais se solidarisent et chassent ces agents, sans toutes fois attenter à leur vie.

– Le 15 novembre 2017, journée de manifestations sur toute l’étendue du pays: il est demandé aux congolais de manifester pacifiquement dans leurs quartiers, en fermant les routes et les avenues, en observant une journée sans école ni université ni marché, et en exigeant aux bureaux de l’administration de fermer leurs portes. Cette journée est destinée à tester la capacité de mobilisation et de préparation du peuple avant l’assaut final le mercredi 28 novembre.

– À partir du 28 novembre: bloquer complètement le pays, sans discontinuer, jusqu’à la chute effective du régime de Kabila. Il est demandé aux congolais de bloquer les rues, avenues, aéroports, ports, marchés publics et administrations. À partir de cette date, aucune école ou université ne doit plus ouvrir le portes, tant que Kabila sera encore là. Les frontières terrestres, maritimes et les aéroports dans tout le pays doivent rester fermer.

– Les députés, sénateurs, ministres, ambassadeurs, officiers généraux et supérieurs, hauts magistrats, hauts cadres de l’administration ont jusqu’au 15 novembre pour choisir entre être du côté du peuple ou du côté de Kabila, et à le montrer clairement. Les congolais doivent identifier qui est qui, établir et partager leurs noms, adresses et contacts. Ceux qui auront choisi d’être du côté du peuple doivent démissionner de leurs fonctions et quitter les institutions, y compris les membres de l’opposition. Les ambassadeurs doivent déclarer leur allégeance au peuple et cesser d’obéir aux ordres de Kinshasa. Les officiers doivent instruire leurs troupes de ne pas s’impliquer dans la répression, mais au contraire de sécuriser la population et d’arrêter quiconque s’attaquera à elle. La police et l’armée doivent ranger leurs armes et ne pas oser réprimer le peuple dont ils sont l’émanation. Cette libération c’est aussi pour eux et leurs familles. Les autres doivent être considérés comme ennemis du peuple et traités comme tels, autant que Kabila lui-même.

– Les acteurs politiques de l’opposition sont appelés à choisir entre conforter le régime ou s’y opposer sans tergiversation. Le peuple doit balayer tous ceux qui n’ont pas le courage de défendre avec lui ses droits et sa dignité.

– Les gouvernements étrangers sont invités à laisser les Congolais se libérer, sans interférences. Le peuple exerce son droit inaliénable à l’autodétermination. Ils sont également appelés à cesser de reconnaître Kabila et son régime comme représentants de notre peuple.

– Les entreprises de télécommunication qui pourraient obéir à l’ordre de couper les communications sont sévèrement mises en garde. Ce gouvernement n’a aucun ordre à leur donner.

La LUCHA rappelle que tout cela suppose une position ferme, courageuse et sans équivoque. Le temps des tergiversations et des simples déclarations est révolu.

Cette bataille sera plus ou moins longue en fonction de l’engagement de chaque citoyen: plus nombreux et déterminés nous serons à nous lever, plus rapide et plus facile sera la victoire».[2]

 

Dans un communiqué, le coordonnateur du mouvement citoyen FILIMBI, Floribert Anzuluni, a déclaré que «la publication du nouveau calendrier électorale par la CENI marque le déclenchement officiel de l’application de l’article 64 de la Constitution, qui aboutira à la neutralisation pacifique de Joseph Kabila et de tous ses complices au plus tard le 31 décembre 2017, conformément aux dispositions contenues dans le Manifeste du Citoyen Congolais.

À compter de ce jour, nous lançons un appel à la désobéissance civile qui consiste à:

  1. Ne plus reconnaître les animateurs de toutes les institutions de la République, incluant le Président de la République, le Premier Ministre et les membres du Gouvernement, les députés et sénateurs et toutes les autres institutions, que nous assimilons dorénavant à des putschistes. Par conséquent, nous devons refuser de nous soumettre à ces derniers. Nous demandons à tous les animateurs qui déclarent être du côté de la population de démissionner officiellement de leurs fonctions respectives au plus tard le 27 novembre 2017. Passé ce délai le peuple devra les considérer comme faisant partie des complices du régime dictatorial.
  2. Refuser de payer toutes les factures émises par les entreprises publiques telles que la Société Nationale d’Electricité (SNEL) et la Régie des Eaux (REGIDESO), ainsi que les différents impôts et taxes perçus pour le compte de l’Etat.
  3. Boycotter toutes les entreprises privées appartenant à M. Joseph Kabila, aux membres de sa famille et à ses proches amis politiques, telles que l’entreprise de télécommunications VODACOM, la banque BGFI Banque, ou encore le complexe hôtelier LABEVIOUR à Moanda, etc.
  4. Aux forces de sécurité, nous demandons de se ranger du côté de la population dont l’engagement pacifique a également pour objectif d’améliorer leurs conditions de vie».[3]

 

Le 6 novembre, dans un communiqué, Denis Mukwege a affirmé que «la CENI vient de publier son calendrier électoral. Il confirme les inquiétudes que nous avons toujours exprimées concernant l’absence de volonté du régime de préserver notre démocratie et la paix dans notre pays.

En plus de piétiner à nouveau notre Constitution et l’accord du 31 décembre 2016 (St Sylvestre), ce calendrier est plein de contraintes qui le rendent irréalisable. C’est une manœuvre dilatoire de plus, ourdie en vue de prolonger un état de non-droit, illégal et illégitime. Par conséquent, notre peuple ne peut rien attendre d’une telle mascarade. Son dernier recours est de se mettre debout conformément aux prescrits de notre Constitution pour reconquérir ses droits et sa dignité».

Début octobre, dans une déclaration rapportée par le média belge Le Soir, Dénis Mukwege avait évoqué l’éventualité d’une transition sans Kabila.  Dans cette occasion, il avait dit que, «pour que des élections claires, transparentes et crédibles puissent avoir lieu, il faut que le pouvoir actuel se retire. Il faudra alors mettre en place une équipe neutre qui sera chargée de mettre les choses en place et d’organiser les élections». S’il avait déclare qu’il n’était candidat à rien, il avait précise juste après qu’il a une vision et qu’il ne serait pas indifférent à l’appel de la « base »: «Je ne suis candidat à rien. Il faudrait que le peuple comprenne mon raisonnement: plus encore que la transition, il faut organiser les élections elles-mêmes. Il faut un changement de mentalité, pour mettre l’homme au centre des préoccupations… Deux ans, ce sera juste le temps de jeter les bases pour aller vers un changement du système …C’est un rôle qu’on ne peut jouer que si le peuple le décide. Ce n’est pas moi qui dois le solliciter, mais si la base me le demande, c’est qu’elle va me soutenir dans la vision qui est la mienne. Et alors je peux être sûr que cette construction va se mettre en place».[4]

 

Dans une vidéo de 5’52 secondes, l’initiateur du mouvement citoyen «Les Congolais debout», Sindika Dokolo, a d’abord rappelé le drame qui s’abat sur la RDC, pays potentiellement riche, mais dont le peuple croupit dans une misère indescriptible: «Nous sommes un pays riche, mais nous sommes dirigés malheureusement par des gens qui n’ont pas pris conscience de l’importance de leur tâche et nous ont amené avec tout le pays au bord du précipice où il se trouve aujourd’hui. Des gens qui meurent dans les hôpitaux, les gens qui n’ont pas le minimum décent pour survivre, pour manger, pour se vêtir, pour envoyer leurs enfants à l’école».

Par rapport à la publication du calendrier électoral, il a affirmé que «l’heure est très grave. Comme nous venons de l’apprendre de la bouche de M. Nangaa, et comme nous nous en doutions déjà depuis un bon moment, M. Kabila a décidé de se maintenir au pouvoir par la force et en violation de la Constitution pour encore une année». Il a assuré que, à ce propos, la position de « Congolais Debout » est claire, nette et sans appel: «Nous n’aurons plus Kabila comme président de la république à partir du 31 décembre 2017. Nous ne lui reconnaissons plus cet honneur dont il s’est montré indigne. Il a humilié notre pays, il a affaibli notre république et détruit notre démocratie. Nous refusons de lui obéir et nous appelons tous les congolais à ne plus reconnaitre son autorité». M. Dokolo appelle également les Congolais à faire du bruit chaque samedi soir avec des casseroles, des sifflets, des klaxons et des vuvuzelas pour manifester leur mécontentement et cela jusqu’à l’écroulement des murs de la dictature qui est en train de s’installer malheureusement en RDC.

Le lundi 16 octobre 2017, dans une interview, Sindika Dokolo avait déjà appelé la population congolaise à prendre conscience du fait que «elle a son destin entre ses mains». Il avait estimé que les mois et les semaines qui nous séparent de la fin de l’année nécessitent du «courage» pour dire «non» à Joseph Kabila: «Ceux qui vont écrire l’histoire du Congo, ce n’est pas la SADC ou encore les partenaires étrangers. Ce qui va déterminer les cours des choses ça sera la réaction des congolais, leur capacité à prendre leur destin en main. Je pense que la balle est dans le camps du peuple congolais. Les mois et les semaines qui nous séparent de la fin de l’année seront déterminant pour l’avenir politique de notre pays. Nous sommes à la croisée de chemin: soit on va vers le chaos soit on va vers une renaissance du Congo. Nous au niveau des congolais debout, nous sommes pour une renaissance du Congo sans Monsieur Kabila. Aujourd’hui ce qui est important, ce que les Congolais doivent comprendre c’est que leur destin est entre leurs mains. Il faut avoir le courage de dire non à Monsieur Kabila».[5]

 

Le 9 novembre, le mouvement Engagement Citoyen pour le Changement (ECCHA) a rejeté le calendrier électoral publié par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), estimant qu’il ne vient qu’à prolonger le mandat de l’actuel chef de l’Etat. Cette structure a proposé l’organisation de la présidentielle en mars 2018. Pour ce mouvement, c’est au nouveau président élu d’organiser, après une période transitoire, les élections législatives et tous les autres scrutins, au courant de la même année. «Nous avons fait appel à la population d’appliquer l’article 64, alinéa 1 qui demande de faire échec à celui qui tente de prendre le pouvoir par la force», a affirmé Teddy Lukongo, coordonnateur chargé des Finances et de la Logistique au sein d’ECCHA.[6]

 

Le 9 novembre, Fred Bauma, de la Lucha, a plaidé pour une démission de Joseph Kabila de la Présidence de la République. C’était à la Chambre des représentants des États-Unis (Sous-commission des affaires étrangères – droits humains pour l’Afrique).

Selon Fred Bauma, «les Etats-Unis et leurs partenaires internationaux, en particulier les dirigeants africains, devraient pousser Kabila à démissionner et à quitter ses fonctions d’ici à la fin de 2017, pour permettre le retour à l’ordre constitutionnel». Il a également affirmé que les autorités américaines devraient imposer des sanctions ciblées directes contre Joseph Kabila et son entourage qui sont responsables des violations des droits de l’homme, de blanchiment d’argent, de corruption et de sabotage du processus politique et électoral. Le Congrès américain devrait également imposer toutes les limites législatives nécessaires pour s’assurer que le système américain n’est pas utilisé pour financer des activités criminelles en RD Congo. Ce membre de la LUCHA souhaite aussi que les autorités américaines exigent que l’ONU et la MONUSCO cessent toute forme de soutien au service de sécurité congolais.[7]

 

Lors d’une conférence de presse, le 8 novembre, le porte-parole du gouvernement et Ministre de la communication et des médias, Lambert Mende, a jugé irresponsables les appels à la désobéissance civile lancés par certains partis politiques de l’opposition, mouvements citoyens et certaines organisations de la société. Pour Lambert Mende, ces déclarations sont contradictoires, puisque c’est le gouvernement qui finance les élections: «Il ne faut pas empêcher les gens à payer à l’État ce qu’ils lui doivent. C’est contradictoire d’appeler le peuple à la désobéissance civile puis nous demander en même temps de financer les élections».[8]

 

b. Le soutien de l’Opposition

 

Le 11 novembre, dans un communiqué de presse, la Dynamique de l’Opposition, une des composantes du Rassemblement, a appelé ses militants à descendre dans la rue le 15 novembre pour réclamer le départ du président Joseph Kabila à la fin de cette année et une transition sans le président Joseph Kabila: «La Dynamique appelle le peuple congolais à participer massivement à toutes les actions projetées par le Rassemblement et à celles annoncées par les mouvements citoyens, notamment celle du 15 novembre prochain initiées par la LUCHA, FILIMBI, Les Congolais Debout et d’autres associations et mouvements des jeunes (…). Seule une TRANSITION SANS KABILA demeure la solution la plus viable pour assainir la situation politique, sociale et sécuritaire nécessaire à la préparation des élections crédibles et apaisées dans notre pays».[9]

 

Le 14 novembre, lors d’un point de presse animé à Kinshasa, le Rassemblement de l’Opposition / aile Limete, a appelé le peuple congolais à se mobiliser, pour obtenir l’alternance à la tête du pays. Le président de cette plateforme, Felix Tshisekedi, a affirmé soutenir les manifestations de rue préconisées par les mouvements citoyens, notamment la Lucha et le CASC, le 15 novembre sur toute l’étendue du pays, tout en annonçant une opération ville morte le même jour: «Le Rassemblement soutient toutes les actions qui vont aller dans le sens d’appeler notre peuple à barrer la route, conformément à l’article 64 de la constitution, à cet individu ou ce groupe d’individus qui, aujourd’hui, ont pris le Congo en otage et veulent nous imposer une dictature longtemps combattu dans ce pays. Nous devons faire barrage à ces individus qui deviennent dangereux pour les générations à venir. Demain le 15 novembre, le Rassemblement soutient l’appel à la ville morte lancé par les mouvements citoyens».

La plateforme politique de l’opposition a également annoncé la tenue d’une autre marche pacifique le 28 novembre prochain toujours dans le cadre d’obtenir le départ de Joseph Kabila: «Nous informons notre peuple que le mardi 28 novembre prochain, sera organisée une grande marche pacifique mais ferme et déterminée à faire partir le dictateur. Ce sera un grand jour où nous allons montrer au monde entier que les congolais veulent prendre leur destin en main. Ils ont massivement exprimé leur rejet de Joseph Kabila et son régime. Nous allons montrer à la communauté internationale que c’est le peuple qui veut imprimer sa volonté et non pas subir un diktat venu d’ailleurs».[10]

 

En annonçant le soutien du Rassemblement de l’Opposition / aile Limete aux manifestations prévues par les mouvements citoyens le 15 novembre, le président Félix Tshisekedi a annoncé, pour le même jour, une journée ville morte lancée par ces mêmes mouvements citoyens.

En réalité, les mouvements citoyens n’ont jamais lancé d’appel à la ville morte. La Lutte pour le Changement, le FILIMBI ou encore les Congolais Debout ont fait savoir qu’ils manifesteront dans les rues à travers le pays. Il s’agirait, donc, d’actions assez différentes d’une opération ville morte.

Alors pourquoi ce changement dans le chef du Rassemblement de l’Opposition? A la rédaction de POLITICO.CD, on y voit un signe de dédouanement de la part des autorités de l’opposition. «L’opposition fait surtout attention pour que la responsabilité liée aux conséquences des manifestations ne lui soit abusivement attribuée. Si jamais il y avait appel ouvert à un soulèvement, et que cela tournait en un bain de sang, le gouvernement, y compris la Communauté internationale, pourraient s’attaquer à l’opposition. D’où cette position un peu prudente», explique Litsani Choukran, Directeur de Publication de POLITICO.CD. Pour lui, l’autre raison, c’est aussi et surtout celle de ne pas tout miser sur un mouvement de foule qui pourrait ne pas avoir lieu: «Dans ce cas, la manifestation pourrait être qualifiée d’échec par le pouvoir. Mais, en annonçant une sorte de double manifestation, le Rassemblement garde la possibilité de clamer une réussite d’une manière ou d’une autre».

Il est aussi curieux de constater que le Rassemblement de l’Opposition / aile Limete ait annoncé, pour le mardi 28 novembre prochain, une grande marche pacifique mais ferme et déterminée à faire partir le dictateur, alors que le mouvement citoyen Lutte pour le Changement (LUCHA) avait déjà, le 5 novembre, appelé à un “assaut final” pour le même 28 novembre, demandant à la population de sortir dans la rue pour défendre la liberté et la Constitution.[11]

 

Alors que la communauté internationale a apporté son soutien au calendrier de la CENI, les appels à manifester de l’opposition constituent un véritable test, au moment où plus aucune manifestation de grande ampleur n’a eu lieu dans les rues de la RDC depuis avril dernier. Toutes les tentatives ont été réduites à néant par la répression policière, parfois dans le sang. Un échec des opposants à mobiliser ce 15 novembre sonnera peut-être la fin de toute motivation à protester contre ce calendrier qui fixe les élections en décembre 2018.[12]

 

c. À la veille des manifestations

 

Le 13 novembre, à Goma, l’inspecteur provincial de la police au Nord-Kivu, Placide Nyembo, a fait savoir que «la police va arrêter tous ceux qui vont tenter de troubler l’ordre public». Il a demandé à la population locale de ne pas suivre le mot d’ordre lancé par «des inciviques» et de vaquer librement à ses occupations. Selon lui, la police est mobilisée pour traquer tout celui qui tenterait de troubler l’ordre public. «La rue appartient à l’Etat. Quelqu’un ne peut pas se taper à la poitrine et décider de troubler l’ordre public. Il aura en face de lui la police nationale congolaise», a-t-il martelé.

Ces menaces de la police interviennent après que le mouvement citoyen la LUCHA ait appelé la population a des manifestations pour demander le départ de Joseph Kabila du pouvoir et l’alternance politique en RD Congo. Par ailleurs, la LUCHA, qui fait partie du Collectif des associations de la société civile, organisateur des sit-in du 15 novembre à Goma, a affirmé qu’elle ne «se laissera pas intimider». Elle sera dans la rue «pour demander le départ des dirigeants actuels et l’annulation du calendrier électoral qui ne répond pas aux attentes de la population».[13]

 

Le 14 novembre, dans un communiqué de presse, le chef de la Mission de l’ONU en RDC (MONUSCO),  Maman Sidikou, a appelé au respect  du droit de manifester dans le calme et la retenue. La Mission exhorte ainsi les autorités congolaises à respecter les libertés fondamentales telles que stipulées dans la Constitution congolaise, dont la liberté de réunion et de manifestation, et à instruire les forces de défense et de sécurité à respecter les principes de nécessité, proportionnalité et légalité, conformément aux normes internationales. La MONUSCO a rappelé également aux citoyens que le droit de manifester implique de s’abstenir de recourir à la violence sous toutes ses formes. «Dans le contexte actuel de transition politique, il est important que toutes les voix puissent s’exprimer dans le calme et de façon pacifique. Conformément à son mandat, la MONUSCO se réserve le droit d’observer les événements et de rapporter d’éventuelles violations des droits de l’homme», a déclaré Maman Sidikou.[14]

 

Le 14 novembre, le commissaire provincial de la police à Kinshasa, Sylvano Kasongo, a déclaré que «tout attroupement de plus de 5 personnes sera dispersé sans pitié». Réagissant au communiqué de la Mission onusienne, le général Sylvano Kasongo a déclaré: «Le Congo ne dépend pas de la MONUSCO. La RDC est un pays souverain. La police dépend des autorités politico-administratives et non de la MONUSCO. Nous, nous respectons les ordres du gouverneur. Le gouverneur nous a donné l’ordre de disperser toute les manifestations de demain».[15]

 

Le 14 novembre, dans une interview, un militant de la Lucha, Remy Mukweso, a affirmé que les manifestations du 15 novembre organisées à travers le pays par les mouvement citoyens ont pour objectif d’obtenir le départ du président Joseph Kabila. Selon lui, à Kinshasa, il y aura une journée « ville morte », mais dans d’autres villes du pays il y aura des manifestations, notamment des marches pacifiques. Dans ses récentes déclarations, la Lucha a été claire: elle ne reconnaît plus Joseph Kabila comme président de la République, d’autant plus que son mandat a déjà pris fin depuis le 20 décembre 2016. Remy Mukweso a affirmé que, dans leurs manifestations, «les mouvement citoyens sont appuyés par d’autres regroupements politiques de l’opposition, tels que la Dynamique de l’Opposition et le Rassemblement de l’Opposition / aile Limete, car ils sont dans la même logique, celle de réclamer le départ de Joseph Kabila». En ce qui concerne l’autorisation des autorités compétentes pour pouvoir manifester, il a dit que «ils ne reconnaissent plus ces autorités-là. Elles sont hors-mandat et donc illégitimes. Alors, ça ne sert à rien d’aller les informer». Il s’est dit convaincu que «c’est à travers des manifestations pacifiques que nous allons réussir à nous libérer. Les actions pacifiques sont toujours fortes. Elles anéantissent la répression. Nous savons que nous sommes dans un régime qui utilise la répression pour intimider les gens, mais je crois que c’est une étape que nous avons déjà dépassée. Plus rien ne peut nous faire reculer. Nous l’avons vu ailleurs, notamment avec le Burkina-Faso. Et si nous le faisons aussi en RDC, on trouvera un Congo totalement indépendant».[16]

 

d. Les manifestations / « villes mortes » du 15 novembre

 

A Kinshasa, la capitale, dans la matinée les activités commerciales ont tourné au ralenti au centre-ville et dans la partie Ouest. Plusieurs boutiques et magasins sont restés fermés. Certains ont ouvert à partir de 10h00, mais n’ont pas accueilli les clients comme d’habitude. Alors que vers 7h et 8h la circulation était timide, à 10h elle était déjà quasi normale. Malgré la situation relativement calme, certains parents n’ont pas envoyé leurs enfants à l’école. En revanche, tout a marché normalement dans la partie Est, notamment à Masina, N’djili, Barumbu, Limete, Lemba et Matete. La population vaquait à ses occupations quotidiennes. Un dispositif policier était visible sur les artères principales de la ville. Deux bus de la compagnie Transco ont été attaqués dans le quartier Lemba.[17]

 

À Goma (Nord Kivu), des coups de feu ont été entendus depuis 5 heures vers les quartiers périphériques ouest de la ville. Des jeunes des quartiers Majengo, Keshero et Himbi ont tenté de mettre des barricades sur la voie publique. Face à cette situation, la police soutenue par l’armée ont quadrillé tous les endroits stratégiques, ainsi que les quartiers les plus chauds de la ville, tels que l’axe Katindo-Ndosho et Mabanga-Majengo. Les forces de l’ordre ont dû user des grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants. La population est restée terrée chez elle. Quelques habitants commençaient à sortir de leurs maisons peu après 9 heures locales. Des taxis-bus à moitié vide, tentaient aussi d’assurer le transport en commun. Mais, les écoles, ainsi que les activités commerciales sont restées fermées. Un commissariat de la police a été saccagé. Aucun autre incident majeur n’a été signalé, mais plusieurs personnes ont été interpellées.

Le Collectif des actions de la société civile (CASC) a dû annuler son sit-in prévu devant le gouvernorat de province, pour dénoncer le calendrier électoral publié par la Ceni.

«Le sit-in est annulé suite au climat qui règne dans la ville. Nous avons préféré nous focaliser sur une seule action (ville morte) et nous appelons la population à manifester dans les quartiers», a dit Espoir Ngalukiye, membre de la Lucha.[18]

 

À Butembo (Nord Kivu), un petit groupe de jeunes a barricadé quelques artères, brûlant des pneus avant d’être dispersés par la Police. Une petite colonne de manifestants a également été vue au centre-ville, marchant et scandant des cris hostiles au régime. Les militants de Lucha et Fulimbi ont barricadé les routes dans le quartier Furu et Kitulu. La police a dispersé les manifestants en tirant des gaz lacrymogènes. Plusieurs activités ont tourné au ralenti et certaines écoles sont restées fermées.[19]

 

A Beni (Nord Kivu), on a constaté une paralysie d’activité au centre ville. Dans certains coins, des manifestants ont brûlé des pneus. Quelques manifestants ont été arrêtés à Kasindi, 75 kilomètres au Nord-est de Beni.[20]

 

A Kisangani (Tshopo), toutes les activités vitales ont tourné normalement dans les six communes de la ville. Les commerces, les institutions d’enseignement supérieur et universitaire, ainsi que les écoles tant du secteur public que privé ont ouvert leurs portes. Au grand marché de la ville, les activités se sont déroulées normalement. Toutes les stations-services étaient opérationnelles et les banques ouvertes. Les chauffeurs de taxi-moto assurant le transport en commun circulent paisiblement. Néanmoins un dispositif important de la police nationale congolaise est visible dans certains lieux stratégiques de la ville.[21]

À Lubumbashi (Haut-Katanga), une présence militaire a été signalée dans différentes endroits de la ville pour empêcher la tenue des manifestations. Dans la commune de la Kenya, les habitants sont restés chez eux et les activités commerciales ont tourné au ralenti dans quelques quartiers. La quasi-totalité de magasins et boutiques sont restés fermés. Des inconnus ont mis le feu sur un mini bus de transport en commun qui est complètement consumé. Des cas isolés de pneus brûlés ont été signalés dans certains quartiers.[22]

 

A Matadi (Kongo-central), les forces de l’ordre ont dispersé à coup des gaz lacrymogène plusieurs jeunes qui tentaient d’organiser une marche pacifique au quartier Belvédère et au quartier Nord. Les éléments de la police étaient déployés depuis le matin dans plusieurs coins de la ville. Les activités se sont déroulées normalement depuis la matinée, malgré ces incidents. La plupart des écoles ont ouvert leurs portes mais n’ont pas accueilli beaucoup d’élèves. Les commerces ont ouvert normalement.

À Boma, les acticités se sont déroulées normalement. La plupart des maisons de commerce ainsi que le port de Boma sont restés ouverts depuis la matinée et la circulation des véhicules et de personnes a été intense.

À Muanda, tout a été normal comme à l’accoutumée.

À Kimpese, par contre, la circulation a été timide jusqu’à la mi-journée et certains élèves ne sont pas allés à l’école, craignant que la situation ne dégénère.[23]

 

A Kananga (Kasaï-Central), dans la matinée, plusieurs jeunes identifiés par certains comme des étudiants et par d’autres comme des membres du mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA) ont brulé des pneus aux environs du marché Katoka, avant de se disperser à l’arrivée de la police. Des pneus ont également été brulés au Rond-point Cercle, situé non loin du quartier général de la MONUSCO. D’après des sources sur place, il n’y a pas eu d’accrochages entre les manifestants et les forces de l’ordre. Certaines activités ont tourné au ralenti dans la ville. Au marché central notamment, plusieurs commerces ont ouvert tardivement. La plupart des écoles de Kananga ont en revanche ouvert aux heures habituelles et accueilli les élèves. Les banques ainsi que des entreprises publiques et privés implantées dans la ville ont également fonctionné comme à l’accoutumée.[24]

 

A Mbuji-Mayi (Kasaï-Oriental), les activités ont tourné au ralenti. La plupart des bureaux de l’administration publique ainsi que des commerces implantés au centre-ville ont ouvert leurs portes,

mais ils n’ont pas été fréquentés comme à l’accoutumée faute de moyens de transport. En effet, les taxi-moto qui assurent le transport en commun dans la ville ont été moins nombreux que d’habitude. Certains témoins ont signalé la présence renforcée des éléments de la police à l’entrée de certains bâtiments publics et commerces. A l’Université officielle de Mbuji-Mayi ainsi que dans d’autres établissements de l’enseignement supérieur et universitaire, les cours ont été dispensés, mais la participation des étudiants a été faible. Au niveau de l’enseignement primaire et secondaire, plusieurs écoles qui avaient pourtant ouvert leurs portes dans la matinée, ont renvoyé les élèves à la maison peu avant midi.[25]

 

Le Collectif des Associations de la Société Civile (CASC), appuyé par le Rassemblement de l’opposition, a déclaré que son appel à manifester mercredi 15 novembre dans tout le pays, a été suivi. Mais, il déplore quelques cas de violence perpétrés par la police nationale sur les manifestants. «La ville morte à complètement réussi et les manifestations populaires [l’ont été] à 60% », a affirmé Espoir Ngalukiye, activiste au sein du Collectif d’action de la société civile et militant de la Lucha, précisant que l’appel été suivi dans presque toutes les grandes villes du pays.

Le Collectif des associations de la société civile, dont fait partie la LUCHA, avaient appelé à des manifestations de rue «pour demander le départ des dirigeants actuels et l’annulation du calendrier électoral qui ne répond pas aux attentes de la population».[26]

 

La Majorité présidentielle (MP) a constaté l’échec de «la journée ville morte» lancée par les mouvements citoyens appuyés par l’Opposition politique. Le porte-parole de la MP, André-Alain Atundu Liongo, note que le peuple congolais n’a pas suivi le mot d’ordre lancé par les organisateurs. Il a ainsi invité la population à «exercer une vigilance sans faille sur ces radicalisés, décidés à tout mettre en œuvre pour bloquer le processus électoral en cours, et instaurer ainsi dans notre pays une transition politique sans fin au grand mépris de l’aspiration profonde du peuple congolais à la paix et aux élections conformément à la constitution et à l’Accord du 31 décembre».  Devant la presse, Atundu Liongo a salué «la grande maturité du peuple congolais face aux opérations téméraires et intempestives de ville morte». Selon lui, la population congolaise dans son ensemble «a superbement ignoré le mot d’ordre de ville morte lancée par certains activistes en mal d’inspiration dans le seul but de contrecarrer les initiatives du chef de l’Etat dans la normalisation de la situation politique de notre pays».

La MP est convaincue que les Kinois ont compris la mauvaise foi et « la supercherie de ces démocrates de façade qui veulent ainsi créer délibérément une confusion dans l’esprit des Congolais pour aboutir à un dialogue politique dans l’espoir d’accéder au pouvoir par des combinaisons maffieuses en dehors des élections, seule voie démocratique en la matière».[27]

[1] Cf Politico.cd, 05.11.’17  http://www.politico.cd/actualite/la-une/2017/11/05/lucha-appelle-soulevement-populaire-sauver-rdc.html ; Actualité.cd, 06.11.’17;  https://www.facebook.com/lucha.rdcongo/posts/1399677143494021

[2] Cf Actualité.cd, 06.11.’17; https://www.facebook.com/lucha.rdcongo/posts/1400371843424551

[3] Cf Congoforum, 07.11.’17

http://www.congoforum.be/fr/nieuwsdetail.asp?subitem=41&newsid=209219&Actualiteit=selected

[4] Cf Actualité.cd, 06.11.’17

[5] Cf Actualité.cd, 06.11.’17

[6] Cf Radio Okapi, 10.11.’17

[7] Cf Actualité.cd, 10.11.’17

[8] Cf Djodjo Vondi – Actualité.cd, 08.11.’17

[9] Cf Politico.cd, 12.’11.’17

[10] Cf Radio Okapi, 14.11.’17; Christine Tshibuyi – Actualité.cd, 14.11.’17

[11] Cf Politico.cd, 14.11.’17; Christine Tshibuyi – Actualité.cd, 14.11.’17

[12] Cf Politico.cd, 12.’11.’17

[13] Cf Radio Okapi, 14.11.’17

[14] Cf Radio Okapi, 14.11.’17

[15] Cf Radio Okapi, 14.11.’17

[16] Cf Will Cleas Nlemvo – Actualité.cd, 14.11.’17

[17] Cf Radio Okapi, 15.11.’17; Actualité.cd, 15.11.’17

[18] Cf Radio Okapi, 15.11.’17; Actualité.cd, 15.11.’17

[19] Cf Radio Okapi, 15.11.’17; Politico.cd, 15.11.’17

[20] Cf Patrick Maki – Actualité.cd, 15.11.’17

[21] Cf Radio Okapi, 15.11.’17

[22] Cf Radio Okapi, 15.11.’17

[23] Cf Radio Okapi, 15.11.’17

[24] Cf Radio Okapi, 15.11.’17

[25] Cf Radio Okapi, 15.11.’17

[26] Cf Radio Okapi, 15.11.’17

[27] Cf Radio Okapi, 15.11.’17