Congo Actualité n. 336

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: 30 SEPTEMBRE 2017 → UN RENDEZ-VOUS MANQUÉ ET L’URGENCE D’EN FIXER RAPIDEMENT UN AUTRE

  1. LA CRISE POLITIQUE CONGOLAISE À LA 72EME ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’ONU
  2. UN PARLEMENT PEU ATTENTIF AU PROCESSUS ÉLECTORAL
  3. LES ÉVÊQUES DE LA CENCO EN MISSION DE PLAIDOYER EN EUROPE
  4. LE REASSEMBLEMENT DE L’OPPOSITION INSISTE POUR UNE TRANSITION SANS KABILA
  5. APRÈS LE 30 SEPTEMBRE: DÉSOBÉISSANCE CIVILE ET FISCALE?

 

ÉDITORIAL: 30 SEPTEMBRE 2017 → UN RENDEZ-VOUS MANQUÉ ET L’URGENCE D’EN FIXER RAPIDEMENT UN AUTRE

 

 

1. LA CRISE POLITIQUE CONGOLAISE  À LA 72EME ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’ONU

 

N’étant pas habiletés à prendre la parole du haut de la tribune de l’ONU, les opposants congolais, avec en tête l’UDPS, ont néanmoins adressé un mémo aux membres de cette Organisation internationale.

Dans ce document, Jean Marc Kabund-A-Kabund, secrétaire général de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), est revenu sur les causes de la crise actuelle et de l’impasse politique en RDC. «Ayant compris les manœuvres dilatoires orchestrées par Joseph Kabila, à travers la CENI, pour retarder indéfiniment les élections, l’UDPS a décidé de rompre avec le cycle dialogue-accord dont les prescris ne sont pas respectés par la Majorité Présidentielle», note le document.

Ainsi pour espérer à l’organisation réelle des élections libres, transparentes et démocratiques en RDC au cours du premier trimestre de 2018 et ainsi remettre le pays dans son fonctionnement constitutionnel, l’UDPS propose le plan suivant comme alternative:

  1. La démission pure et simple de Joseph Kabila au plus tard le 31 décembre 2017,
  2. Une concertation entre les forces politiques et sociales pour identifier une personnalité consensuelle capable de diriger une courte transition d’environ 6 mois pour préparer essentiellement les élections,
  3. La nomination d’un Premier ministre proposé par l’Udps,
  4. La mise en place d’un gouvernement de 25 ministères avec un mandat électoral,
  5. La mise en place d’un parlement de transition,
  6. La réalisation de certaines réformes, notamment dans les médias publics, à la CENI et dans les milieux judiciaires.

Pour la réussite de ce plan de redressement et de sortie de la crise qui sévit au Congo, l’UDPS recommande à la Communauté internationale, notamment à la France, la Belgique, les Etats-Unis et le Canada de rejeter fermement l’idée d’un 3ème dialogue avec la famille politique du chef de l’État Congolais. Pour le plus vieux parti de l’opposition, cette stratégie est maintenant utilisée pour distraire la population et les acteurs politiques pendant que Joseph Kabila se pérennise au pouvoir. “Son retrait serait une alternative à la crise et épargnerait le pays des confrontations chaotiques qui menacent la paix partout au pays”, écrit Jean Marc Kabund. Selon l’UDPS, la communauté internationale doit appuyer l’idée d’une courte transition sans Kabila: «Ceci sera le seul cadre qui garantira l’organisation des élections dans le délai convenu par tous».[1]

 

Au regard de ce mémo, l’on est tenté de parler d’un rétropédalage de l’Opposition qui, jusqu’ici, ne jurait que par la tenue des élections avant le 31décembre 2017. Certains analystes relèvent un certain nombre de contradictions qui méritent d’être éclairées.

L’UDPS est la première formation politique anti-Kabila à ouvertement admettre, sans le dire, l’impossibilité de tenir les élections cette année, contrairement à l’accord du 31 décembre 2016.

L’UDPS semble “plus être intéressé par la transition que par les élections“.

De plus, en proposant ce “calendrier”, l’UDPS revient sur des dates proposées par l’accord signé le 18 octobre 2016 à la Cité de l’Union africaine à Kinshasa, et auquel elle s’était, avec le Rassemblement, farouchement opposée.[2]

 

Cadre de la Majorité Présidentielle et porte-parole du gouvernement, le ministre Lambert Mende s’oppose à l’idée d’une transition politique “sans Kabila”. Pour Lambert Mende, , cette proposition viole la Constitution, qui n’a nullement prévu de transition à la tête du pays: «Cela veut dire réviser la constitution de la République démocratique du Congo, et donc déjà même ceux qui en parlent savent que c’est impossible. La Constitution ne prévoit pas de transition, il n’y a pas de vide juridique possible. L’éventualité d’un vide juridique appelé transition n’est pas intégrée dans la Constitution, et même l’accord du 31 décembre a clairement mentionné qu’un Président de la République en exercice, un député national, un sénateur, un député provincial… restent en fonction jusqu’à l’installation de nouveaux élus».[3]

 

Le 19 septembre, l’actuelle situation de la RDCongo a été l’objet d’une réunion de haut niveau organisée en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Y ont participé les représentants des cinq Pays membres permanents du Conseil de sécurité, de l’Union Africaine, de l’Union Européenne, de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL) e de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

D’après le compte-rendu publié à l’issue de la rencontre, les participants ont d’emblée «salué l’engagement exprimé par les autorités de la République démocratique du Congo à respecter la Constitution». Une allusion à l’article 71 de la Constitution, qui dispose que «le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois», et qui interdit de facto au président Joseph Kabila de concourir pour un troisième mandat.

Autrement dit, la communauté internationale s’inscrit en faux contre toute idée de prolongement du mandat de Joseph Kabila. Ceux qui, autour du chef de l’État congolais, avancent la piste d’un référendum constitutionnel sont ainsi prévenus. Petit bémol: les participants restent muets sur la proposition de l’opposition d’imposer une «transition sans Kabila»  pour conduire le pays vers des élections.

Les participants ont également «réaffirmé le rôle incontournable de l’accord de la Saint Sylvestre et la nécessité de sa mise en œuvre totale, afin de baliser la voie pour la tenue d’élections libres, justes, pacifiques et crédibles». D’après le texte, les scrutins présidentiels, législatifs et provinciaux  doivent également se tenir «dans les délais prescrits, conformément à l’accord de la Saint-Sylvestre». Une formulation qui se garde d’évoquer directement la fin décembre 2017 comme date butoir, ce que continue de réclamer une partie de l’opposition, laissant ainsi ouverte l’éventualité d’un report – prévu d’ailleurs par l’accord du 31 décembre. En effet, «nous ne sommes pas partisans d’un quelconque fétichisme de date. Si la Ceni publie un calendrier réaliste qui renvoie les élections au premier trimestre de l’année prochaine et qu’il y a un consensus de la classe politique congolaise, nous ne nous y opposerons pas», explique une source occidentale basée à Kinshasa.

Autre point saillant de cette réunion: la nécessité de «prendre des mesures de décrispation supplémentaires». Déjà prévues dans l’Accord de la Saint-Sylvestre, ces mesures prévoyaient, entre autres, la libération des prisonniers politiques et le retour des exilés politiques.

Les participants ont également reconnu «les progrès réalisés par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), notamment dans l’enrôlement des électeurs» et ils ont encouragé les bailleurs à «financer le Fond multipartenaires consacré au Projet d’Appui au Cycle Électoral au Congo (PACEC), afin d’appuyer le processus électoral». Le communiqué évoque également la mise en place d’une «équipe de coordination d’experts», afin «d’assister la Ceni et d’appuyer les préparatifs des élections». «Mais, jusqu’ici, la Ceni ne nous a toujours pas transmis le budget détaillé des élections à venir, encore moins la chaîne des dépenses des fonds qui auraient été débloqués par l’État congolais», déplore un diplomate belge.[4]

 

Le 23 septembre, intervenant à la 72ème Assemblée Générale de l’ONU à New York, le Président de la République, Joseph Kabila, a déclaré que «la stabilité politique constitue pour les Congolais un objectif constant de politique intérieure. Dans cette optique, depuis près d’une année, le Pays a fait recours au dialogue qui est un mode permanent de règlement des différends politiques». Il a salué «les efforts de toute la classe politique qui, dans la recherche d’un consensus global sur le processus électoral, a conclu l’Accord du 31 décembre 2016 ayant pour objectif ultime l’organisation des élections».

Le chef de l’Etat a salué les avancées réalisées dans le processus électoral en cours RDC avec l’enrôlement de près de 42 millions d’électeurs sur les 45 millions attendus. De ce fait, la marche de la RDC vers les élections «est irréversible», a-t-il affirmé sans avancer aucune date.

«J’affirme que le cap vers les élections crédibles, transparentes et apaisées est définitivement fixé et que notre marche dans cette direction est irréversible. Le tout, sans ingérence extérieure ni dictat quelconque», a déclaré Joseph Kabila. Cependant, il n’a pas avancé une date où ces élections, prévues par l’accord de la Saint Sylvestre au plus tard le 31 décembre 2017, pourraient se tenir.

Il a aussi rappelé que «la série d’évaluations du processus électoral entamée depuis une dizaine de jours par le Conseil National de Suivi de l’Accord, conjointement avec le Gouvernement et la Commission Electorale Nationale Indépendante, devrait permettre la publication prochaine, par celle-ci, qui est la seule institution compétente du calendrier électoral».

En dépit de ces avancées, il a reconnu que «les défis de l’organisation des élections demeurent énormes, tant au plan logistique, financier, sécuritaire que normatif». C’est pour cela qu’il a demandé aux «vrais amis» de la RDCongo de «soutenir sincèrement le processus électoral en cours».[5]

 

Le 29 septembre, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a adopté une résolution qui demande aux autorités de la RDC de «publier, dès que possible, un calendrier électoral réaliste, conformément à l’Accord du 31 décembre 2016», et encourage le gouvernement à «créer sans tarder les conditions nécessaires à la tenue d’élections libres, transparentes, ouvertes et pacifiques, en particulier dans la perspective des élections législatives et présidentielle». La résolution adoptée encourage le gouvernement de la RDC de «s’assurer que tous les citoyens, quelle que soit leur affiliation politique, puissent participer librement aux affaires publiques» et qu’«ils jouissent pleinement de leurs droits et libertés fondamentaux, en particulier les libertés d’expression et de réunion pacifique».

Elle condamne, par ailleurs, les «actes de violence commis dans certaines régions du pays». Elle encourage aussi le gouvernement à «redoubler d’efforts pour mettre fin à la violence et à l’impunité dont jouissent les auteurs de ces graves violations des droits de l’Homme». Elle souligne aussi l’importance de «libérer toutes les personnes arbitrairement détenues, notamment les défenseurs des droits de l’Homme et les personnes aux affiliations politiques différentes». Cette résolution a été adoptée par 45 voix pour, 1 contre (Etats-Unis) et 1 abstention (Corée du Sud).[6]

 

 

2. UN PARLEMENT PEU ATTENTIF AU PROCESSUS ÉLECTORAL

 

Le 21 septembre, les présidents des commissions de l’Assemblée nationale se sont réunis pour adopter le calendrier de la session ordinaire de septembre 2017. Au cours de cette réunion, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a procédé à la présentation du kit technique du vote semi-électronique. Pour protester contre cette présentation, les membres de l’opposition ont quitté la salle avant la fin de la rencontre. Eve Bazaiba, député du MLC, donne les raisons de cette colère: «Nous avons suspendu notre participation à la conférence des présidents parce qu’il y a un point inscrit à l’ordre du jour qui nous a mis très mal à l’aise en tant qu’opposition. Il s’agit de la présentation par la CENI du kit du vote semi-électronique. Notre motivation est que c’est une matière qui n’est pas autorisée par la loi électorale. En deuxième lieu, c’est une matière hautement politique qui nécessite, avant d’entamer les questions techniques, qu’il y ait en avance une option levée en amont par les acteurs principaux des élections, notamment les partis politiques». Malgré le départ des membres de l’opposition, la CENI a poursuivi la présentation du kit technique du vote semi-électronique au reste des présidents des commissions.[7]

 

Le 25 septembre, lorsque la plénière de l’Assemblée Nationale devait commencer à examiner le projet de loi portant institution, composition, attribution, organisation et fonctionnement du conseil national de suivi de l’accord du 31 décembre 2016 (CNSA), le député national membre de l’UNC, Gregoire Mirindi, a retiré la proposition qu’il avait lui-même introduit le 11 avril dernier, à l’époque ou le CNSA n’avait pas encore ses animateurs et Vital Kamerhe, président de l’UNC, était l’un des prétendants au poste du président de cette institution d’appui à la démocratie.

«Le Bureau de l’Assemblée avait transmis ce projet de loi au Gouvernement pour des observations éventuelles. Ce dernier n’a déposé lesdites observations que la veille de la clôture de la Session ordinaire de mars 2017, plaçant ainsi le Parlement dans l’impossibilité d’examiner ladite proposition de loi dans le délai requis. Cette initiative législative sera donc examinée en priorité au cours de la présente Session», avait dit Aubin Minaku lors de son discours d’ouverture de cette session parlementaire.

Le député national Grégoire Mirindi justifie le retrait de sa proposition de loi par le retard qu’a connu la mise en place de cette institution, neuf mois après la signature dudit Accord qui d’ailleurs prévoit les élections au plus tard le 31 décembre 2017.

Le député national Zacharie Bababaswe se dit prêt à soumettre une autre proposition de loi instituant le CNSA dans les prochains jours. De son côté, le député Bayisago a affirmé qu’il a déjà déposé une proposition de loi sur le CNSA depuis le 6 juin dernier.[8]

 

Le 28 septembre, la Commission spéciale instituée pour approfondir la proposition de loi sur le statut d’ancien Président de la République élu aux suffrages universels directs, dont l’auteur est le sénateur Modeste Mutinga Mutuishayi, a présenté son rapport à la plénière du Sénat.

La loi vise la protection, par un statut spécial, de la vie des anciens Présidents de la République élus, les putschistes n’étant bien entendus pas concernés. Il s’agit donc d’un Président de la République élu au suffrage universel comme prévu dans la Constitution du 18 Février 2016.

Ce texte de loi ne protège pas l’ancien président élu en ce qui concerne les crimes qui ont trait au statut de Rome.

La Commission note que la Constitution fixe le statut post mandat du Président de la République élu qui devient de droit sénateur à vie. Mais la Commission estime qu’un ancien Président de la République élu au suffrage universel direct ne peut pas avoir comme statut que celui exclusif de sénateur à vie. C’est incomplet et insuffisant. D’où il faut compléter ce statut par un autre conféré par une loi.

Ce projet de loi garantie la sécurité personnelle de l’ancien président élu, la sécurité de sa famille ainsi que de son patrimoine. Ce projet de loi prévoit une protection tant physique que matérielle des anciens présidents de la République élus, ainsi que de leur patrimoine. Il est prévu une pension spéciale mensuelle pour l’ancien Président de la République élu dont la hauteur est fixée par un Décret du Premier ministre. Il a aussi droit à une allocation annuelle pour service rendu. Il bénéficie aussi des soins de santé et de la rente de survie y compris les membres de sa famille, toujours aux frais du trésor public. Il y a aussi des avantages complémentaires, notamment une habitation décente aux frais de l’Etat. En cas de décès de ces anciens présidents élus, leurs veuves et leurs enfants mineurs continueront à percevoir leurs avantages financiers.[9]

 

Le 10 octobre, la conférence des présidents des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale a approuvé l’inscription, dans le calendrier de la session en cours, de la proposition de loi portant institution, composition, attributions, organisation et fonctionnement du Conseil national de suivi de l’Accord et du processus électoral (CNSA), initiée par le député national Robert Paysayo Malaiko.[10]

 

 

3. LES ÉVÊQUES DE LA CENCO EN MISSION DE PLAIDOYER EN EUROPE

 

Le 26 septembre, au cours d’une conférence de presse au siège du Réseau européen pour l’Afrique centrale (EURAC), à Bruxelles, la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) a affirmé que «un éventuel 3è dialogue irait dans le sens de saper l’accord du 31 décembre» et qu’elle ne va pas piloter ce nouveau dialogue.

Le président de la CENCO, Mgr. Marcel Utembi, a déclaré: «Nous sommes logiques et cohérents envers nous-mêmes. L’Accord du 31 décembre souffre de sa mise en œuvre à 90%. Nous ne pouvons pas piloter un 3e dialogue, alors que le précédent n’est pas appliqué». Par la même occasion, les prélats catholiques ont appelé l’Union Européenne à la cohérence sur la crise politique que traverse la RDC. «Nous appelons l’Union européenne à avoir une politique cohérente sur la crise congolaise. Nous craignons que, au regard de l’évolution actuelle, certains pays européens changent leurs positions», poursuit l’évêque de Kisangani. Monseigneur Marcel Utembi Tapa, a aussi écarté toute possibilité de voir un ecclésiastique diriger une éventuelle transition politique en RDC. «Un ecclésiastique ne prendra pas les rênes du pays. Nous pensons que les laïcs ne doivent pas être infantilisés. Les évêques ne peuvent pas tout faire. N’attendez pas de la CENCO un coup d’Etat. Notre rôle est ailleurs. Nous restons dans notre rôle pastoral et prophétique. Comme pasteurs, nous appelons à la responsabilité, à la bonne foi des uns et des autres pour répondre aux aspirations du peuple», a dit Monseigneur Utembi.

Le P. Clément Makiobo Malelo, de la Commission Épiscopale Nationale Justice et paix du Congo, prenant la parole a estimé que «Le soutien à la CENI doit être conditionné par les prescrits de l’Accord du 31 décembre. Pour beaucoup de congolais, la CENI est devenue une caisse de résonance de la Majorité présidentielle».[11]

 

Dans une interview, le vice président de la Cenco, Mgr. Fridolin Ambongo, s’est montré très critique à l’endroit de la Majorité Présidentielle dont il a jugé les intentions de maintien au pouvoir comme les seules motivations des dialogues à répétition. Pour lui, la mission de la Cenco par rapport au dialogue du Centre interdiocésain n’a pas été terminée à cause des visées de maintien au pouvoir. «On ne peut pas terminer une mission avec des gens qui ne se servent du Dialogue que comme tremplin pour se maintenir au pouvoir», a clairement dit le prélat.

Pour Monseigneur Fridolin Ambongo, dans l’état actuel de la situation, il n’y a visiblement aucune volonté d’aller aux élections: «La Cenco s’est embarquée dans le dialogue parce qu’elle croyait que le dialogue était l’unique voie qui pouvait aider le pays à sortir de la crise. On termine un dialogue, mais on ne pense pas à sa mise en application (…) Nous ne regretterons jamais de nous être engagés pour la cause de notre peuple et nous continuerons à le faire. Nous regrettons l’irresponsabilité et l’insouciance de la classe politique par rapport à la crise que vit le peuple. On dirait qu’ils flottent sur une autre planète».

Un 3ème dialogue n’a aucune utilité, soutient Fridolin Ambongo. L’accord du 31 décembre est pour lui suffisant et ne souffre que de son application effective. «La Cenco n’a aucune intention d’aller se balader dans une assemblée où de toute façon on sait qu’elle n’aboutira à rien. Qu’il y ait 3e ou 4e dialogue, cela n’aboutira à rien. La Cenco n’est pas disposée à se prêter à un jeu de cette nature. A moins qu’il y ait un autre type d’échange mais qui ne soit pas exactement ce qu’on a connu jusqu’à aujourd’hui. Mais pour le moment, nous ne proposons aucun autre type de dialogue, parce que nous sommes convaincus que l’accord de la Saint Sylvestre reste d’actualité, car il représente l’unique voie de sortie de la crise politique qui secoue le pays: il suffit de l’appliquer», a-t-il déclaré.[12]

 

Le 29 septembre, dans une interview sur la RTBF, le Père Clément Makiobo, un des représentants de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), affirme que «l’accord signé le 31 décembre 2016 entre le pouvoir et l’opposition n’est pas caduc. D’abord, n’oublions pas que cet accord est la seule feuille de route reconnue par le Conseil de sécurité des Nations-Unies. Et donc pour nous, ce texte a encore des éléments à défendre et à protéger, en vue de sortir le pays de la crise». Pour lui, le report annoncé des élections censées se tenir avant la fin de l’année en cours ne devrait non plus affecter l’accord: «L’accord prévoit effectivement d’organiser les élections en décembre 2017, mais il précise que, en cas de retard ou de problème, ces élections peuvent être repoussées, à condition qu’il y ait une concertation entre la Ceni (la Commission électorale nationale indépendante), le gouvernement et le Conseil national de suivi de l’accord. Cela signifie donc que le processus est toujours en cours».

Néanmoins, selon certains observateurs, cette concertation parmi les trois institutions citées risque d’être impossible, car le Parlement n’a pas encore adopté la loi sur le Conseil national de suivi de l’accord. Aussi, une large partie de l’opposition ne participe ni au gouvernement, ni dans la composition du CNSA. Toutefois, le prêtre catholique veut pour sa part croire à un bon dénouement: «Récemment à l’ONU, le président Joseph Kabila a annoncé la venue prochaine d’un calendrier électoral. Nous voulons bien le croire. Mais nous serons très attentifs à la manière dont il va concrétiser ce qu’il a annoncé».[13]

 

 

4. LE REASSEMBLEMENT DE L’OPPOSITION INSISTE POUR UNE TRANSITION SANS KABILA

 

Le 27 septembre, le porte-parole de l’UDPS, Augustin Kabuya, a affirmé que, en cas de non-tenue d’élections avant le 31 décembre 2017, il n’y aurait pas de 3è dialogue, mais on envisagerait une transition de six mois, sans Kabila. Cette période de transition devrait être dirigée par une personnalité consensuelle issue de la Société civile.

Augustin Kabuya a aussi ajouté que Félix Tshisekedi, leader de l’UDPS et président du Rassemblement de l’Opposition n’est pas intéressé par la Primature pour une transition dirigée par Joseph Kabila. Il a par la même occasion démenti la rumeur selon laquelle Félix Tshisekedi remplacerait Bruno Tshibala à la Primature pour une transition de deux ans dirigée par l’actuel chef de l’Etat. Les ambitions du leader de l’UDPS, c’est de se porter candidat à l’élection présidentielle, raison pour laquelle l’UDPS ne sent pas concernée par un 3è round des négociations.[14]

 

Du 29 septembre au 1er octobre, le président de la Commission de l’Union Africaine, le Tchadien Moussa Faki, était à Kinshasa pour faire l’état des lieux du processus électoral avec plusieurs personnalités congolaises, notamment le président de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (Cenco), le président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), le président du Conseil National de Suivi de l’Accord du 3l décembre 2016, les délégués du Rassemblement des Forces Politiques et Sociales Acquises au Changement et le Chef de l’Etat.

Dans l’échantillon de ses interlocuteurs, l’Eglise catholique et le Rassemblement de l’Opposition lui ont brutalement rappelé la cause principale du blocage du processus électoral, à savoir le refus du pouvoir en place d’exécuter l’Accord de la Saint Sylvestre dans les termes convenus il y a dix mois.

S’agissant du message du Rassemblement, il s’est articulé autour du rejet catégorique de toute initiative allant dans le sens d’une nouvelle prolongation, au-delà du 31 décembre 2017, du second et dernier mandat du Chef de l’Etat actuellement en fonctions. Selon les ténors de cette méga plate-forme politique, l’unique voie de sortie de la crise politique serait le constat de la non organisation des élections dans les délais prévus, la «retraite politique» de Joseph Kabila et l’organisation d’une courte période de transition devant avoir pour seule finalité, la tenue d’élections libres, démocratiques et transparentes à bref délai.

Ci-dessous, le communiqué du Rassemblement de l’Opposition rendu public le 30 septembre, après l’entretien avec Moussa Faki:

«La délégation du Rassemblement a réaffirmé ce qui suit:

  1. La Constitution de la République a organisé les mécanismes de conquête, d’exercice et de dévolution du pouvoir politique en RDC; et ce, au moyen de l’organisation régulière des élections crédibles; 2. Par divers subterfuges, monsieur Kabila s’est évertué à créer des conditions pour ne pas organiser des élections en 2016 en s’appuyant sur la violence, les violations répétées des libertés publiques et des droits humains ainsi que sur une Commission électorale nationale indépendante (CENI) complètement à sa solde;
  2. Au terme du second et dernier mandat de monsieur Kabila, le Rassemblement avait accepté, de bonne foi, de participer au dialogue organisé sous les auspices des Evêques de la CENCO en vue de trouver une solution apaisée à la crise politique ainsi créée;
  3. En sabotant la mise en œuvre de l’Accord trouvé le 31 décembre 2016, monsieur Kabila a, une fois de plus, démontré qu’il n’était pas un interlocuteur valable: le dialogue n’est pour lui qu’un moyen de baisser la tension, afin de demeurer indéfiniment au pouvoir;
  4. Par ailleurs, étant donné que la CENI s’est montrée incapable de confectionner un fichier électoral fiable, rendant ainsi matériellement impossible l’organisation des élections honnêtes dans le délai prévu par l’Accord de la Saint Sylvestre, le Rassemblement a réaffirmé sa position dégagée lors de son deuxième Conclave tenu à Kinshasa, à savoir: qu’il y ait élection ou pas, monsieur Kabila doit partir au plus tard le 31 décembre 2017;
  5. Pour le Rassemblement, seule une transition sans monsieur Kabila est une option viable. Il faudra alors mettre en place un gouvernement de transition dirigé par des Congolais intègres et compétents ayant pour mission essentielle d’organiser des élections crédibles, favoriser l’alternance démocratique et permettre le retour à l’ordre constitutionnel. Les animateurs de cette transition ne participeront pas aux élections post-transition».[15]

 

Le 5 octobre, dans un communiqué de presse, Martin Mukonkole, membre de la plateforme Alternance pour la République (AR), qui soutient la candidature de Moïse Katumbi à la présidentielle, a déclaré  que le Rassemblement ne compte plus discuter avec le pouvoir, pour une probable gestion consensuelle en échange du maintien de Joseph Kabila comme président de la république après le 31 décembre 2017: «Au Rassemblement, nous ne comptons pas négocier avec le pouvoir en place pour un autre glissement. Pour nous, il faut appliquer l’accord du 31 décembre 2016 car c’est encore possible d’organiser les élections législatives et présidentielles à la fin de cette année. Si cela s’avère impossible, nous pensons que l’urgence serait de commencer par la présidentielle, car cela ne dépend nullement des circonscriptions électorales. Si cela n’est pas fait, après le 31 décembre 2017 nous organiserons une courte transition ne dépassant pas 6 mois sans Monsieur Kabila, afin de doter les institutions de notre pays des nouveaux animateurs reflétant la volonté de notre peuple».[16]

 

 

5. APRÈS LE 30 SEPTEMBRE: DÉSOBÉISSANCE CIVILE ET FISCALE?

 

Le 30 septembre, la CENI n’a pas procédé à la convocation du corps électoral qui aurait pu permettre de tenir les élections le 31 décembre 2017, au plus tard, tel que prévu par l’accord du 31 décembre 2016. En effet, selon la Constitution congolaise, un délai de 90 jours est requis entre la convocation du corps électoral et la date du vote. Étant donné que ce délai de 90 jours prévu par la loi pour convoquer le corps électoral a été dépassé, il s’en suit que les élections présidentielle, législatives et provinciales n’auront désormais pas lieu avant le 31 décembre 2017.[17]

 

Le 30 septembre, la fédération de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) du Kasaï Oriental a lancé officiellement le mot d’ordre de désobéissance civile et fiscale.

«Les impôts et les taxes contribuent au développement et au bien-être des citoyens en général. Ce qui n’est pas le cas en RDC où les impôts et taxes servent essentiellement à l’enrichissement d’un groupe au détriment de la communauté nationale qui est soumise à tout genre de misère. Ici au Kasaï Oriental, il n’y a eu aucune oeuvre sociale de grande envergure en faveur de la population Kasaïenne, les impôts sont à la merci d’un individu qui ne songe pas au développement de la province et des population autochtones, pourquoi faut-il continuer à payer les impôts pour continuer à enrichir un seul individu?» s’est interrogé Bruno Kabangu Tshizubu, Président fédéral ai de l’UDPS du Kasaï Oriental dans une déclaration lue au cours d’une conférence de presse tenue au siège de son parti. «Ainsi donc, je demande au peuple Congolais en général et Kasaïen en particulier de ne pas payer les taxes et impôts à partir de ce 1er octobre jusqu’au départ des dirigeants actuels. L’appel à la désobéissance est pour nous un moyens de faire échec au pouvoir de Kabila» a-t-il ajouté.

La Fédération n’a pas attendu une consigne de la direction nationale de l’UDPS. «Chez nous, les fédérations fonctionnent de manière autonome. Cependant, nous nous appuyons sur le mot d’ordre du Rassemblement”, a expliqué Michel Ilunga Katomba, chargé de la communication de la fédération de l’UDPS-Kasaï oriental.

En effet, lors de son conclave tenu en juillet 2017, le Rassemblement de l’Opposition avait promis d’appeler à la désobéissance fiscale à partir de ce 1er octobre, si la CENI ne convoquait pas le corps électoral dans le délai inscrit dans l’Accord du 31 décembre 2016: «A partir du 1er octobre 2017, à défaut pour la CENI de convoquer le corps électoral pour les scrutins électoraux prévus au 31 décembre 2017 au plus tard, les actions suivantes sont prévues et seront d’application jusqu’au départ de Joseph Kabila du pouvoir et du bureau de la CENI: appel au peuple congolais de ne plus reconnaître Joseph Kabila comme Président de la République et à la communauté internationale d’en faire autant, sit-in devant les bureaux de la CENI sur toute l’étendue de la République pour le départ de Corneille Naanga et de tout son Bureau, lancement des actions de désobéissance civile en vertu de l’article 64 de la Constitution, notamment ne plus s’acquitter de tout impôt, taxes, redevances publiques, factures de la SNEL, REGIDESO».[18]

 

Le 2 octobre, après la non-convocation du corps électoral par la CENI, la Dynamique de l’opposition, plateforme politique membre du Rassemblement, a lancé une campagne de  sensibilisation à la désobéissance civile, dans le cadre du programme d’action prévu en vue de la tenue des élections conformément à l’accord de la Saint-Sylvestre. La Dynamique a opté de commencer d’abord par une campagne de sensibilisation, afin d’expliquer à la population le contenu de cette forme de protestation, avant de procéder au mot d’ordre proprement dit. Le Rassemblement de l’Opposition avait promis d’appeler à la désobéissance civile à partir du 1er octobre si la CENI ne convoquait pas le corps électoral dans le délai inscrit dans l’Accord du 31 décembre 2016.[19]

 

Le 3 octobre, dans une déclaration, le gouverneur du Kasaï-Oriental, Alphonse Ngoyi Kasanji, a condamné l’appel à la désobéissance fiscale lancé par la fédération du Kasaï Oriental de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) et il a invité la population à continuer à payer ses taxes, mettant en garde ceux qui oseront s’attaquer aux agents des régies financières: «Celui qui va s’attaquer à un agent de service de perception d’impôt, il ne s’en prendra qu’à lui-même. Parce que ça s’appelle l’incivisme et c’est un acte répréhensible. Donc celui qui a appelé à la désobéissance civile, je demanderai à la justice de s’en occuper».[20]

[1] Cf Politico.cd, 21,09.’17; Élysée Odia – 7sur7.cd, 25.09.’17

[2] Cf Gaston Engbaka – Politico.cd, 21.09.’17

[3] Cf Politico.cd, 21.09.’17

[4] Cf Olivier Liffran et Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 21.09.’17

[5] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 25.09.’17

http://www.lepotentielonline.com/index.php?option=com_content&view=article&id=17757:discours-du-president-joseph-kabila-a-l-onu&catid=90:online-depeches

[6] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 02.10.’17

[7] Cf Radio Okapi, 22.09.’17

[8] Cf Stanys Bujakera Tshiamala – Actualité.cd, 25.09.’17

[9] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 29.09.’17; Radio Okapi, 29.09.’17

[10] Cf Politico.cd, 10.10.’17

[11] Cf Dony Mukoko – Cas-info.ca, 26.09.’17; Actualité.cd, 26.09.’17

[12] Cf Rachel Kitsita – Actualité.cd, 27.09.’17

[13] Cf Politico.cd, 30.09.’17; Ghizlane Kounda – Rtbf, 29.09.’17

[14] Cf Augustin K. – Politico.cd, 01.10.’17

[15] Cf Le Phare – Kinshasa, 03.10.’17

[16] Cf Stanys Bujakera Tshiamala – Actualité.cd, 05.10.’17

[17] Cf Ibrahima Bayo Jr – La Tribune / Afrique, 02.10.’17

[18] Cf Christine Tshibuyi – Actualité.cd, 01.10.’17

[19] Cf Christine Tshibuyi – Actualité.cd 02.10.’17

[20] Cf Will Cleas Nlemvo – Actualité.cd, 03.10.’17