Congo Actualité n. 283

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: UN CONCLAVE DE L’OPPOSITION À GENVAL – BRUXELLES

  1. LA COMMISSION ÉLECTORALE ET L’OPÉRATION D’ENRÔLEMENT DES ÉLECTEURS
  2. LE PPRD MENACE LA POSSIBILITÉ D’UN REFERENDUM
  3. UN PANEL INTERNATIONAL EN APPUI DU FACILITATEUR DU DIALOGUE
  4. LE CONCLAVE DE L’OPPOSITION À BRUXELLES
    1. À la veille du conclave
    2. Le déroulement du conclave
    3. Les réactions de la majorité présidentielle
  5. LE CAS MOÏSE KATUMBI
    1. Moïse Katumbi en Europe
    2. Ses gardes du corps devant la justice à Kinshasa

ÉDITORIAL: UN CONCLAVE DE L’OPPOSITION À GENVAL – BRUXELLES

 

1. LA COMMISSION ÉLECTORALE ET L’OPÉRATION D’ENRÔLEMENT DES ÉLECTEURS

Le 3 juin, le Bureau Central de Coordination (BCECO), organe de l’Etat habilité pour les passations des marchés publics, saisi par la CENI, a annoncé d’avoir signé des contrats avec trois entreprises: Gemalto SA, pour l’acquisition des kits d’enrôlement des électeurs, pour un montant de 47.409,40 Euros, hors taxes; Tiger-Standar-Panorama, pour l’achat des sources d’énergie (groupes électrogène diésel), pour un montant de 12.944.850 $, hors taxes sur la valeur ajoutée et REN FORM CC pour l’achat des cartes d’électeur, pour un montant de 8.499.600 $, hors taxes.

Après les opérations de test-pilote d’enrôlement tenues à l’Université pédagogique nationale (UPN) pour Kinshasa, dans un milieu urbain, et à Gombe-Matadi pour le Kongo-Central, dans un milieu rural, la Commission électorale avait annoncé le lancement de l’opération de révision du fichier électoral pour la fin du mois de juillet 2016.

D’ailleurs, la CENI est rassurée par les Nations-Unies, via la Monusco, d’apporter l’appui logistique nécessaire à l’opération, notamment dans le déploiement des kits d’enrôlement à travers les provinces de la RD Congo. Tout comme le gouvernement avait garanti à la CENI de poursuivre le financement du processus électoral.[1]

Le 6 juin, le président de la Commission électorale, Corneille Nangaa, a déclaré que, «après le contrat, nous allons recevoir 500 premiers kits d’enrôlement des électeurs vers la fin du mois de juin». Ce matériel permettra à la CENI de lancer en juillet l’opération d’enrôlement et d’identification dans la province pilote du Nord-Ubangi. «Dix jours après nous allons évaluer pour faire les derniers ajustements sur le plan de logiciel et autres. Ainsi, nous allons lancer la production à grande échelle qui nous permettra de procéder à l’enrôlement dans d’autres zones», a-t-il ajouté.[2]

À propos du temps nécessaire pour l’opération d’enrôlement des électeurs, Corneille Nangaa a rappelé que «on avait parlé de plus ou moins 16 mois et un jour. On a commencé à compter depuis le mois de février. En milieu de l’année 2017, le fichier sera déjà prêt. Le fichier aujourd’hui est le seul argument, malheureusement, qui justifie la non-tenue de l’élection avant la fin de l’année 2016. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a la contrainte légale et constitutionnelle qui est là et il y a aussi la contrainte technique. Comment concilier les deux contraintes? C’est ça la question. Et c’est là où nous disons que cette question devrait être gérée par d’autres acteurs. La Céni se focalise sur ce critère technique parce que, après tout, il faut avoir un fichier fiable pour aller aux élections. Les finances aussi constituent effectivement une contrainte importante au processus. Mais il faut dire qu’avec le gouvernement, dès décembre, dès notre prise de fonction, nous sommes tombés d’accord sur le plan de décaissement. Et depuis janvier jusqu’à ce jour le gouvernement exécute ces plans de décaissement correctement».[3]

2. LE PPRD MENACE LA POSSIBILITÉ D’UN REFERENDUM

Le 4 juin, dans un discours prononcé lors d’une manifestation à Kinshasa, en occasion du 45ème anniversaire de la naissance du Président Joseph Kabila, le secrétaire général du Parti Populaire pour la Reconstruction et le Développement (PPRD), parti au pouvoir, Henri Mova Sakanyi, a soulevé l’idée d’organiser un référendum, pour réviser la Constitution et permettre à Joseph Kabila de se présenter pour un troisième mandat. «Le Président Kabila qui, aujourd’hui, à 45 ans, est encore trop jeune pour prendre sa retraite. Si vous ne passez pas par le dialogue qu’il a proposé, en face de vous il y a le peuple et le peuple souverain s’exprime au travers d’un mode de scrutin universellement connu, c’est le référendum», a-t-il lancé à l’endroit de l’Opposition. «Le peuple congolais est souverain et sa volonté ne souffre d’aucune contestation. Attention, un jour il risque de dire « allons au référendum » et on ne parlera plus du dialogue», a-t-il lancé. «Le jour vient et il n’est plus très loin ce jour là où le peuple souverainement décidera de son sort», a ajouté M. Mova. «Si le peuple décide de son référendum, il va le faire: le peuple congolais de Brazzaville l’a fait, le peuple rwandais l’a fait», a-t-il dit en référence aux référendums ayant permis en 2015 au président congolais Denis Sassou Nguesso de briguer un nouveau mandat (et de se faire réélire en mars) et au chef de l’Etat rwandais Paul Kagame de se présenter à la présidentielle censée avoir lieu en 2017. Pour concrétiser ce projet de référendum, le secrétaire général adjoint et président du groupe parlementaire PPRD, Emmanuel Ramazani Shadary, a avancé l’idée d’une pétition qui sera lancée incessamment à cette fin. [4]

Selon les leaders de l’opposition, la déclaration de Henri Mova est un signe que Joseph Kabila ne souhaite pas quitter le pouvoir au terme de son deuxième mandat. «Nous connaissons les manoeuvres qu’ils sont en train d’opérer pour arriver à ne pas avoir d’élections», accuse Félix Tshisekedi, secrétaire national de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), en ajoutant: «Si jamais il n’y a pas élection, la Constitution doit quand même être respectée, donc le mandat de M. Kabila doit prendre fin et va s’ouvrir une période de transition que la classe politique va organiser sans Kabila».[5]

Réagissant à l’éventualité d’un référendum, le président de l’Alliance des démocrates pour le progrès (ADP) et cadre du G7, le député Christophe Lutundula a estimé que le parti au pouvoir veut tenter un coup d’état constitutionnel. Selon lui, aucune disposition de la constitution ne statue sur cette question. «Le referendum auquel ils pensent n’est pas possible dans le cadre de la constitution actuelle qui limite strictement les matières à referendum. Et en espèce, l’article 220 de la constitution interdit formellement toute révision de la constitution concernant la durée et le nombre des mandats du président de la république», a rétorqué Christophe Lutundula. Pour le député membre du G7, l’idée du referendum soulevée par le PPRD démontre clairement que le président Joseph Kabila n’a pas l’intention de laisser le pouvoir en fin 2016.[6]

Si l’annonce d’Henri Mova n’a pas surpris les observateurs attentifs de la scène politique congolaise, elle a néanmoins plongé les analystes dans la perplexité. L’organisation d’un référendum implique l’existence d’un fichier électoral et des moyens financiers. Tout le monde sait que le fichier actuel, de l’aveu même de la famille politique du Chef de l’Etat, n’est pas fiable car, ayant été « mis au jour » (pour ainsi dire) la dernière fois en 2011, il contient encore des doublons et les données des personnes décédées ou étrangères, il ne tient pas compte des changements de résidence qui ont pu avoir lieu et ne contient pas les données des nouveaux majeurs et des Congolais résident à l’étranger. Sur quelle base va-t-on donc consulter les citoyens congolais? Par ailleurs, la question des ressources financières reste d’actualité. S’il n’y a pas d’argent pour organiser les élections, où l’on va le chercher pour organiser un référendum? D’autant plus que, tout dernièrement, le Gouvernement a demandé au Parlement de délester les prévisions budgétaires de 2016 d’un montant de deux milliards de dollars devenus irréalisables au niveau des structures réalisatrices des recettes de l’Etat.[7]

3. UN PANEL INTERNATIONAL EN APPUI DU FACILITATEUR DU DIALOGUE

Le 6 juin, l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Union Africaine (UA), l’Union Européenne (UE) et l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) ont convenu de mettre en place un groupe international de soutien au facilitateur du dialogue politique national, Edem Kodjo. Le communiqué de ces organisations internationales a précisé que ce groupe devra comprendre aussi des représentants de la Conférence internationale de la région des grands lacs (CIRGL) et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

Ces quatre organisations ont aussi promis de «mobiliser l’expertise et les ressources requises pour maximiser les chances de réussite du dialogue». Elles réaffirment également leur «plein soutien aux efforts de facilitation conduits par M. Edem Kodjo, au nom de l’UA».

Les quatre organisations disent qu’il faut garder à l’esprit que le facilitateur agit «dans le cadre des instruments pertinents de l’Union africaine et de la résolution 2277» qui appelle au respect des délais constitutionnels.

Les quatre organisations appellent le gouvernement à «promouvoir le respect des droits et libertés», y compris, dit le communiqué, par la libération de prisonniers politiques. «La préservation de l’espace politique et l’exercice des droits fondamentaux […] sont une condition sine qua non pour permettre la réussite du dialogue politique que le président Joseph Kabila appelle de ses voeux », disent les quatre organisations.

Les 4 organisations internationales soulignent, dans le même communiqué, l’importance cruciale que revêtent la tenue et la conclusion réussie d’un dialogue politique entre tous les acteurs congolais pour leur permettre «d’arriver à un consensus permettant la tenue, dans le cadre de la Constitution congolaise, d’élections libres, régulières, transparentes et crédibles».

L’ONU, l’UE, l’UA, et l’OIF exhortent tous les acteurs congolais à se joindre au dialogue et à apporter leur entière coopération au Facilitateur. Ces organisations rappellent que la finalité est de préserver la paix et la stabilité dans le pays, mais aussi d’approfondir le processus démocratique et l’État de droit. Elles demandent au Gouvernement et à tous les acteurs politiques en RDC de s’abstenir de toute action de nature à accroître la tension politique et à conduire à la violence.[8]

4. LE CONCLAVE DE L’OPPOSITION À BRUXELLES

a. À la veille du conclave

Le 6 juin, Corneille Mulumba, Coordonnateur du Regroupement des Pionniers de l’UDPS a tenu une conférence de presse sur la position du Regroupement à propos du Conclave de Bruxelles convoqué par le Président de l’UDPS, Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Ci après. quelques extraits de cette conférence de presse:

«Les Pionniers de l’UDPS sont convaincus que, dans les conditions actuelles, le dialogue politique et une transition gérée collégialement sont la seule voie pour des élections crédibles et apaisées, seule voie pour l’UDPS d’accéder au pouvoir.

Les Pionniers de l’UDPS constatent avec réalisme et pragmatisme qu’il est trop tard pour organiser les élections convenables; l’article 73 de la Constitution fixant la convocation du corps électoral à 90 jours avant la fin de la législature, soit au mois de septembre de dette année; c.-à-d. dans 3 mois.

Les élections ont pour but de consolider notre démocratie et de renforcer nos institutions. Nous devons donc les organiser quand nous sommes prêts, pour pouvoir les réussir à tout prix.

En effet, à quoi nous serviraient des élections qui déboucheraient sur la violence, la destruction et la mort parce que contestées? Ne tombons plus dans ce genre de piège. Nous invitons la classe politique congolaise et les acteurs de la société civile à ne pas trop focaliser leur attention sur les individus. La RDC, notre mère-patrie est de loin plus importante et mérite plus de grandeur de notre part. Les individus passent et la RDC demeure. Ne soyons pas égoïstes et pensons aux générations futures. Concentrons-nous plutôt sur l’avenir de la nation, et sur les dangers qui menacent l’intégrité de notre territoire national. Concentrons-nous sur les enjeux et leurs conséquences. Mettons chaque fois dans la balance ce que nous gagnons et ce que nous perdons en adoptant telle ou telle position, en posant tel ou tel acte. Apprenons à distinguer ce qui important, prioritaire et ce qui l’est moins, l’essentiel de l’accessoire.

L’UDPS doit jouer son rôle de fille ainée de l’opposition, indiquer au peuple et à la jeune classe politique la voie à suivre, la voie du salut et du progrès. L’UDPS ne peut pas emboiter le pas à ceux qui ont pour seule ambition de s’asseoir à leur tour dans le fauteuil de Joseph Kabila, et cela à n’importe quelles conditions quitte à vendre le Congo. L’UDPS doit apporter au peuple congolais les changements auxquels il aspire légitimement. Nous avons le devoir de lui redonner l’espoir d’une vie meilleure. Et cela passe notamment par des bonnes élections, des élections réussies.

Les Pionniers de l’UDPS sont convaincus de ce qui suit:

Tout groupe de pays, tout pays, toute organisation ou tout individu qui chercherait à nous imposer les délais constitutionnels, c’est-à-dire, de convoquer le corps électoral dans trois mois, doit être considérer comme ennemi du Congo, quelqu’un qui cherche à semer le chaos et la désolation, à bouter le feu à notre pays.

Tout Congolais qui exige l’organisation des élections dans les délais constitutionnels c’est-à-dire la convocation du corps électoral dans trois mois, doit être considérée comme un inconscient, un irresponsable, pire un complice.

En effet, dans son plan machiavélique, la majorité en place a piégé la classe politique et paralysé le processus électoral. Pendant ce temps, l’opposition a été distraite. Aujourd’hui, admettons avec réalisme que le mal a été fait, qu’il n’est plus possible matériellement d’organiser des élections crédibles et apaisées dans les délais constitutionnels. Décidons ensemble, autour d’une table, comment contourner ce piège. Pour les Pionniers de l’UDPS c’est dans ce sens, et dans ce sens seulement, que doivent être dirigés les travaux de Bruxelles».[9]

Selon Bruno Tshibala, porte-parole de l’UDPS, la rencontre de Bruxelles vise à «sceller l’unité des forces politiques de l’opposition acquises au changement». Les élections et le dialogue politique convoqué par le président Kabila seront aussi au menu de ce forum. «Notre pays traverse une crise politique très grave. Il y a tout un chaos qui se profile à l’horizon. Le président Tshisekedi a pris l’initiative de convoquer les forces politiques et sociales acquises au changement pour réfléchir sur la manière et stratégie à conjurer ce chaos», a affirmé Bruno Tshibala. D’après lui, les participants devront réfléchir sur la manière de mettre fin à la crise, «en passant le dialogue politique, tel que prévu par l’accord-cadre d’Addis-Abeba et la résolution 2277 du Conseil de sécurité de l’ONU».[10]

Convoquée par l’opposant historique, Étienne Tshisekedi, la réunion de Bruxelles permet désormais d’y voir plus clair sur les lignes de fracture au sein de l’opposition. Trois grands blocs se dégagent des rangs de l’opposition et des multiples plateformes qui se sont crées dans la galaxie des opposants au chef de l’Etat congolais: le G7 et l’AR, autour de l’ex-gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi; la Dynamique de l’opposition autour de Vital Kamerhe (UNC), Eve Bazaïba (MLC) et Martin Fayulu (Ecidé) et bien sûr le troisième pôle autour de l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, que son fils Félix reprend petit à petit en main.

Le G7 a tout de suite répondu présents à l’invitation du patron de l’UDPS… ce qui n’a pas été le cas de la Dynamique de l’opposition, qui a attendu plusieurs jours avant de confirmer sa participation.

A Bruxelles, chacun aura la candidature unique de l’opposition en tête. Avec une présidentielle à un seul tour, l’opposition ne doit pas avancer divisée si elle souhaite battre le candidat de la majorité présidentielle. Si Katumbi et Kamerhe sont à couteaux tirés pour prendre la tête du leadership de l’opposition, les relations entre l’UNC et l’UDPS ont toujours été des plus «délicates».

Lors de la présidentielle de 2011, des tractations avaient eu lieu entre Tshisekedi et Kamerhe au sujet d’une candidature unique de l’opposition. Cette négociation n’avait pas abouti, chacun des participants rejetant la responsabilité de l’échec sur l’autre. D’autre part, du point de vue de l’UDPS, le candidat naturel de l’opposition se nomme bel et bien évidemment Etienne Tshisekedi. Inutile d’attendre un ralliement du «Sphinx» à un quelconque candidat déclaré. Ce qui pourrait en revanche se jouer à Bruxelles, c’est plutôt la désignation d’Etienne Tshisekedi comme «candidat» à une présidence de transition, une fois l’élection présidentielle reportée. Ce scénario permettrait à Katumbi et à Kamerhe de se présenter par la suite.[11]

b. Le déroulement du conclave

Le 8 juin, initialement prévu à 11h puis reporté à 17h, le conclave de l’opposition a ouvert ses travaux en fin de journée. Le but affiché de cet évènement est de fédérer les forces acquises au changement, et demander le départ de Joseph Kabila au terme de son mandat. Étienne Tshisekedi a prononcé le discours d’ouverture à 19h30, dans la salle de conférences de l’hôtel Martins (connu aussi sous le nom de château du lac), où se tenaient les travaux. Voici quelques extraits:

«Le peuple attend de nous des réponses claires à ses revendications de respect de la Constitution de la République et de l’alternance démocratique.

En date du 13 septembre 2015, dans un message adressé à notre peuple, nous avions lancé un appel aux Forces politiques et sociales acquises au changement à s’unir à l’UDPS pour nous permettre d’obtenir un dialogue politique conforme à l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et aux résolutions subséquentes, en vue de promouvoir ensemble un processus électoral consensuel dans le respect de notre Constitution et des délais qu’elle fixe, mais aussi le transfert du pouvoir dans le respect de l’expression populaire.

Nous restons convaincus que le dialogue demeure la voie indiquée pour nous sortir de la crise.

Concrètement, au cours de ces travaux, cette Conférence doit:

  1. Sceller l’unité des Forces politiques et sociales acquises au changement autour des objectifs communs;
  2. Convenir d’aller au dialogue politique sous la modération du facilitateur international renforcé par un panel des représentants des organisations suivantes : les Nations unies, l’Union européenne, l’Organisation internationale de la Francophonie et les Etats-Unis d’Amérique, en vue d’assurer la garantie de bonne fin des résolutions du dialogue politique ;
  3. Veiller à la bonne mise en application de la Résolution 2277 par toutes les parties concernées.

Enfin, le régime républicain que notre peuple a choisi comme système de gouvernement est conventionnel, ce qui implique le respect des principes et règles convenues. C’est ainsi que nous disons encore une fois: si les élections présidentielle et législatives ne sont pas organisées dans le délai, Monsieur Kabila quitte le pouvoir».[12]

Le 9 juin, on a repris les travaux du conclave. Pour le G7, acquis dès le départ à la réunion, il y a notamment Olivier Kamitatu et Christophe Lutundula. Pour la Dynamique de l’opposition, qui a finalement accepté de prendre part à la conférence, sont présents Martin Fayulu, président de l’ECIDE, et Patrick Mayombé, le modérateur de la plateforme. Vital Kamerhe est absent, mais le secrétaire général de sa formation politique, l’UNC, Jean-Bertrand Ewanga a fait le déplacement. Il dit être là au nom du parti. Quant à la société civile, elle est représentée par Georges Kapiamba, président de l’ACAJ, et par des membres de la lucha principalement. L’objectif du jour est de définir des stratégies communes en vue d’une alternance politique démocratique.

Les travaux du conclave se sont clôturés tard dans la soirée. C’est à 1h5 que le Rapporteur Jean-Claude Mwalimu a terminé la lecture des différentes résolutions proposées dans l’Acte d’engagements, dont voici quelques extraits:

«I. Déclarons solennellement notre attachement indéfectible à la Constitution de la République et à son strict respect. C’est pour cette raison que nous disons:

– NON à toute idée ou projet de référendum pour élaborer une nouvelle Constitution;

– Non au dialogue convoqué par l’ordonnance de Monsieur Kabila du 28 novembre 2015.

  1. Exigeons:

– l’organisation des élections dans le délai constitutionnel et de l’élection présidentielle avant le 19 décembre 2016, conformément à l’article 73 de la Constitution;

– la mise en œuvre intégrale de la Résolution 2277 du Conseil de Sécurité des Nations Unies sous la modération du facilitateur international renforcé par un panel des représentants des Nations Unies, de l’Union Européenne, de l’Union Africaine, de l’Organisation Internationale de la Francophonie ainsi que des Etats Unis d’Amérique;

– L’examen de la question de l’organisation et du fonctionnement de la CENI et de la Cour

constitutionnelle;

– La convocation par la CENI du scrutin pour l’élection du Président de la République le 19 septembre de cette année, conformément à l’article 73 de la Constitution.

III. Prenons acte de la fin du deuxième et dernier mandat de Monsieur Joseph Kabila Kabange le 19 décembre 2016 à minuit et saluons son départ du pouvoir le 20 décembre 2016 à 0h00.

  1. Demeurons engagés dans l’unité des forces de l’opposition au sein du « Rassemblement », pour faire aboutir la lutte du peuple congolais au service de l’alternance et de l’Etat de droit.
  2. Appelons:

– La Communauté internationale à accompagner le peuple congolais dans sa lutte pour la consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit;

– Le peuple congolais à la mobilisation générale pour la réalisation effective de ces objectifs et à se tenir prêt pour répondre à son devoir défendre la Constitution de la République».

Pour matérialiser les engagements pris, les Forces Politiques et Sociales Acquises au Changement ont décidé de mettre en place un mécanisme de suivi, dénommé « Rassemblement de l’Opposition Congolaise » comportant deux organes:

– Le Conseil des Sages, composé des représentants de chaque partie prenante et présidé par Monsieur Etienne Tshisekedi wa Mulumba en sa qualité d’initiateur;

Le « Conseil des sages » est composé de huit membres représentant chacune des coalitions des partis: Charles Mwando Nsimba, G7; Patrick Mayombe, Dynamique de l’opposition; Raphaël Katebe Katoto, Alliance pour la République (AR); Laurent Batumona, Front du Peuple; Baudouin Wassa, G14; Freddy Kita, Majorité présidentielle populaire (MPP); Georges Kapiamba, Société civile; Kitenge Yezu, Convention des Républicains.

– La coordination des actions, chargée d’exécuter les résolutions de la Conférence et de coordonner les actions en vue de favoriser l’avènement de l’alternance démocratique.[13]

c. Les réactions de la majorité présidentielle

Le 10 juin, la Majorité Présidentielle (MP) a rejeté les résolutions adoptées la veille par le « conclave » de l’opposition en Belgique ayant exigé le départ du chef de l’État à la fin de l’année. «La MP rejette toutes les résolutions de ce conclave comme constitutives d’une tentative de coup d’État», a déclaré son secrétaire-général, Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale, lors d’une conférence de presse à Kinshasa.

Le forum des opposants qui s’est tenu à Genval, près de Bruxelles, est «un complot contre la Nation», a-t-il ajouté, en appelant les Congolais à se lever pour «faire échec au coup d’État institutionnel en gestation». «La MP dénonce et fustige toute approche insurrectionnelle tendant au renversement des institutions démocratiquement élues en violation des dispositions pertinentes de la Constitution comme attentatoire à la démocratie», a encore déclaré M. Minaku.

«La République est en train de s’organiser pour les prochaines élections. Tout le monde sait que la Commission électorale est en pleine opération préparatoire de l’enrôlement. Et donc, tous, nous sommes inscrits dans un schéma électoral, un schéma démocratique», a poursuivi le secrétaire général de la MP sans pour autant préciser la date à laquelle ces élections se tiendront.

La Majorité présidentielle (MP) a aussi invité le facilitateur Edem Kodjo à poursuivre l’action entreprise, en vue de la mise en place effective du comité préparatoire et de l’ouverture du dialogue politique, «avec les filles et fils de toutes les composantes disposées à trouver des solutions aux problèmes majeurs qui minent le processus électoral». Aubin Minaku souligne, par ailleurs, que le mandat de Monsieur Kodjo, tel que défini par l’Union africaine, ne contrarie en rien la résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations unies. «A titre d’illustration, le communiqué conjoint signé le 6 juin à Addis Abeba par l’UA, l’ONU, l’OIF et l’UE ne rappelle-t-il pas le mandat du facilitateur Edem Kodjo et n’appelle-t-il pas toutes les parties à participer à ce forum?», s’est interrogé le président de l’Assemblée nationale.

Selon Aubin Minaku, la MP encourage la Commission électorale à poursuivre ses efforts pour doter le pays d’un «fichier électoral transparent, fiable et inclusif». Ce fichier, selon le secrétaire général de la MP, reprendra les dix millions de nouveaux majeurs et les Congolais de la diaspora, «en vue d’ouvrir la voie à l’organisation prochaine d’élections crédibles, démocratiques et apaisées à tous les niveaux, de la base au sommet».[14]

d. Une évaluation

Derrière les points d’accord (dont aucun n’est vraiment nouveau) de la rencontre de Genval pointent aussi les divergences de l’opposition. Le premier point de fixation du conclave a concerné le dialogue. Mais la participation ou non à un dialogue avec Joseph Kabila fait toujours débat. Les deux grands absents du « conclave » de Belgique étaient d’ailleurs deux opposants les plus farouches au dialogue: Vital Kamerhe, le patron de l’UNC et Eve Bazaïba, la secrétaire générale du MLC.

L’absence (très remarqué) de Vital Kamerhe ne tient pas au simple désaccord sur le dialogue. Pour l’ancien président de l’Assemblée nationale, la raison de son absence s’appelle plutôt Moïse Katumbi, un autre candidat possible à la prochaine présidentielle et donc concurrent direct. Il faut dire que derrière le grand raout de Genval se profile l’ombre de l’ancien gouverneur du Katanga, lui aussi absent, mais pour des «raisons de santé».

Toutefois, l’entourage de Moïse Katumbi était très présent dans l’organisation du «conclave». Pour certains observateurs, c’est depuis quelques semaines que Moïse Katumbi fait des appels du pied à l’UDPS pour se rapprocher d’Etienne Tshisekedi. Il serait en quête d’un «certificat d’opposant» délivré par Tshisekedi en personne. Un rapprochement avec le «vieux sage» pourrait lui permettre d’élargir sa base, pour le moment limitée aux ex-frondeurs de la majorité réunis au sein du G7 et à l’AR (Alternance pour la République). En retour, Etienne Tshisekedi pourra sans doute compter sur Katumbi et ses soutiens, afin de décrocher une hypothétique présidence de transition. Car à l’UDPS, le mot est sur toutes les bouches, même s’il n’a jamais été prononcé en public pendant le «conclave». L’opposant historique se rêve désormais en sauveur du pays en cas de glissement du calendrier électoral. Une transition qu’il voudrait négocier avec le président sortant et la communauté internationale.

Seul problème pour le moment: ni Kabila, ni les bailleurs de la RDC ne semblent emballés par cette solution. Hors micro, il faut également dire que beaucoup de participants au «conclave» se pose des questions sur la réelle capacité physique d’Etienne Tshisekedi, 83 ans, à pouvoir assumer cette lourde charge.

En fin de compte, ce rassemblement, sous ses dehors d’union de l’opposition, ressemble plutôt à un jeu de dupe : Tshisekedi voudrait accéder à une présidence de transition que personne ne souhaite, en échange de quoi il soutiendrait ensuite la candidature de Katumbi, dont le troisième homme, Vital Kamerhe, ne veut pas. Chacun joue désormais sa partition: Thsisekedi pour négocier une transition, Katumbi pour s’imposer en leader de l’opposition et Kamerhe pour continuer à peser afin de négocier in fine la primature. Chacun dans son rôle… en attendant le prochain scénario concocté par un Joseph Kabila jamais en manque d’imagination pour continuer à se maintenir au pouvoir.[15]

5. LE CAS MOÏSE KATUMBI

a. Moïse Katumbi en Europe

Le 28 mai, Moise Katumbi a quitté l’Afrique du sud pour aller poursuivre ses soins à Londres, en Europe. Le 20 mai dernier, il avait été évacué de la RDC dans un avion médicalisé vers l’Afrique du Sud pour être soigné. Le député Francis Kalombo, un proche de l’ancien gouverneur, a déclaré que les médecins sud-africains ont conseillé à M. Katumbi d’aller poursuivre ses soins en Europe, où il avait été soigné par le passé. L’ancien gouverneur du Katanga est accusé de recrutement des mercenaires étrangers. Il a été inculpé et placé sous mandat d’arrêt provisoire. Il a reçu une autorisation du Procureur général de la République de se faire soigner à l’étranger. Francis Kalombo fait savoir que M. Katumbi n’a aucune intention de se soustraire à la justice.[16]

b. Ses gardes du corps devant la justice à Kinshasa

Le 28 mai, Me George Kapiamba, un des avocats de Moïse Katumbi, a dénoncé «le transfert» à Kinshasa de quatre autres collaborateurs de Moïse Katumbi, arrêtés le 24 avril lors du meeting de Katumbi dispersé à coups de gaz lacrymogènes et détenus au secret depuis près d’un mois. Parmi eux, figurent deux officiers de police qui «s’occupaient de la sécurité de Moïse Katumbi», a précisé l’avocat, en ajoutant que «les quatre sont: Auguy Kabamba, ancien garde de l’ancien gouverneur; le colonel Aaron Ngweshi, issu de l’unité de la police chargée de la protection des personnalités; un agent du gouvernorat chargé du protocole à l’aéroport et un autre officier de la police».[17]

Le 29 mai, l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) a dénoncé la détention «illégale» de quatre proches de Moïse Katumbi. Arrêtés à Lubumbashi (Haut-Katanga), ces personnes sont détenues par les services de renseignement depuis leur transfèrement à Kinshasa le 25 avril dernier. L’ACAJ exige leur déferrement sans délai devant le Parquet général de la République. Selon le communiqué de l’ACAJ, les proches du gouverneur honoraire de l’ex-Katanga aux arrêts sont: Yannick Kibinda Mukeba, Franck Mwashila, Sefu Idi et Darryl Lewis (de nationalité américaine). Ils avaient été arrêtés à Lubumbashi le 24 avril dernier, lors d’une manifestation de l’opposition dispersée par la police.[18]

Le 30 mai, quatre coaccusés de Moïse Katumbi pour atteinte à la sureté de l’Etat ont été transférés au Parquet général de la République à Kinshasa. Ce groupe est composé de trois Congolais et d’un Américain tous accusés comme Moïse Katumbi d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Leurs avocats ont finalement découvert qu’ils étaient en réalité huit à être interpellés dans cette affaire.[19]

Le 8 juin, le Parquet général de la République a confirmé que, plus d’un mois après son arrestation à Lubumbashi et sa détention à l’ANR, l’Américain Darryl Lewis, soupçonné d’être un « mercenaire » au service de l’opposant Moïse Katumbi, va être expulsé du territoire congolais. Darryl Lewis «a été mis à disposition de l’ambassadeur des États-Unis en RDC, pour qu’il puisse retourner dans son pays», a déclaré devant la presse Victor Mumba, premier avocat général de la République à la sortie d’une réunion du Parquet général avec les représentants diplomatiques américains et les avocats de l’opposant Moïse Katumbi. Plus tôt dans la matinée, une source proche de la présidence de la République avait confié que «Darryl Lewis [était] déclaré persona non grata en RD Congo et [devait] quitter le territoire congolais dès ce soir». «Le retour dans son pays ne signifie pas que le dossier est clos pour autant», a souligné l’avocat général, annonçant la mise en place d’une «commission rogatoire internationale».[20]

Pourquoi Darryl L. Lewis, 48 ans, ex-caporal des marines américain reconverti dans le business de la sécurité (il a notamment été employé par la célèbre société Blackwater) puis dans la protection privée de l’opposant et candidat Moïse Katumbi, est-il entré sur le territoire congolais, ainsi que six autres anciens militaires américains et un Sud-Africain apparemment chargés de la même mission, sans que les autorités de Kinshasa en soient averties?

Arrêté le 24 avril à Lubumbashi en marge d’une manifestation pro-Katumbi et transféré à Kinshasa, Lewis a fourni des précisions sur ce point lors d’auditions tenues en présence de représentants de l’ambassade américaine, puis de ses avocats. Il en ressort que tous étaient munis de visas en bonne et due forme délivrés, début février, par les ambassades de RD Congo aux États-Unis et en Afrique du Sud, sans que leurs dossiers aient été transmis à Kinshasa pour autorisation préalable. Et sans que l’objet réel de leur mission soit mentionné.

Les lettres d’invitation accompagnant les demandes de visa émanaient entre autres de Pomba One Security, une société de gardiennage dont le siège est à Lubumbashi. Elles concernaient des citoyens africains-américains employés (pour trois d’entre eux, dont Lewis) de Jones Group International, société dirigée par James Logan Jones, un général à la retraite et ex-conseiller à la sécurité de Barack Obama – ce qui aurait dû attirer l’attention.

L’Agence nationale de renseignements (ANR) a donc ouvert une enquête visant deux diplomates congolais – l’un premier conseiller à Washington, l’autre premier secrétaire à Pretoria – présumés impliqués dans la délivrance de ces visas, ainsi que sur les circonstances dans lesquelles ces visas auraient été prorogés de trois mois par la direction générale de migration (DGM) du Haut-Katanga, via une filière incluant des pasteurs évangéliques.

Daté du 4 mai, le rapport d’enquête préliminaire de l’ANR qualifie les ex-militaires américains, dont il détaille les mouvements, les coordonnées et les états de service, de « mercenaires », ce que démentent le département d’État et l’entourage de Katumbi, pour qui il s’agit de simples consultants en matière de sécurité privée. Toutefois, le rapport de l’ANR reconnaît que, «au stade actuel des investigations, aucune arme de guerre n’a été saisie».

Quant au chiffre de « 600 mercenaires » hâtivement avancé par des sources gouvernementales à Kinshasa, il correspond en fait au nombre de ressortissants américains entrés dans l’ex-province du Katanga via l’aéroport de la Luano (Lubumbashi) entre octobre 2015 et avril 2016. Soit 404 hommes et 254 femmes.[21]

[1] Cf Lucien Kazadi T. – La Tempête des Tropiques – Kinshasa, 07.06.’16

[2] Cf Radio Okapi, 07.06.’16

[3] Cf Sonia Rolley – RFI, 07.06.’16

[4] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 06.06.’16

[5] Cf RFI, 05.06.’16

[6] Cf Radio Okapi, 07.06.’16

[7] Le Phare – Kinshasa, 06.06.’16

[8] Cf Radio Okapi, 06.06.’16; RFI, 06.06.’16

[9] Cf Peter Tshibangu – La Prospérité – Kinshasa, 06.06.’16 http://www.laprosperiteonline.com/index.php/actualites/80-politique/3536-conclave-de-bruxelles-les-pionniers-de-l-udps-soutiennent-etienne-tshisekedi

[10] Cf Radio Okapi, 07.06.’16

[11] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 05.06.’16

[12] Cf Jeune Afrique, 08.06.’16 ; Le Potentiel – Kinshasa, 09.06.’16

http://www.lepotentielonline.com/index.php?option=com_content&view=article&id=14712

[13] Cf Texte complet de l’acte d’engagements :

http://www.congoforum.be/upldocs/ENGAGEMENTS%20DES%20FPS%20-%20GENVAL.pdf

Texte complet du Rapport de la conférence :

http://www.congoforum.be/upldocs/RAPPORT%20DE%20LA%20CONFERENCE% pdf

Info Congo Indépendant , 10.06.’16

[14] Cf AFP – Africatime, 10.06.’16; Radio Okapi, 10 et 11.06.’16

[15] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 10.06.’16

[16] Cf Radio Okapi, 29.05.’16

[17] Cf AFP – Jeune Afrique, 30.05.’16; Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 30.05.’16

[18] Cf Radio Okapi, 30.05.’16

[19] Cf RFI, 31.05.’16; Radio Okapi, 01.06.’16

[20] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 08.06.’16

[21] Cf Jeune Afrique, 05.06.’16