Congo Actualité n.242

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: Élections et dialogue

  1. VERS UN ÉNIÈME DIALOGUE

  2. Les premiers contacts d’un émissaire du Président Kabila avec l’opposition

  3. Une proposition de dialogue qui risque de replonger le Pays dans une nouvelle transition

  4. Un nouveau dialogue retenu inopportun par la majorité de l’opposition

  5. L’opposition réaffirme son refus au dialogue

  6. LE PROCESSUS ÉLECTORAL

  7. L’opération de présentation des candidatures aux élections provinciales

  8. L’opération de fiabilisation du fichier électoral

  9. Les retards accumulés

1. VERS UN ÉNIÈME DIALOGUE

a. Les premiers contacts d’un émissaire du Président Kabila avec l’opposition

Au début du mois de mai, un émissaire du président Joseph Kabila, le chef de l’Agence nationale des renseignements (ANR), Kalev Mutond, a rencontré différentes plateformes de l’opposition, pour leur proposer un dialogue.

Les différentes tendances de l’opposition se sont dites favorables à l’organisation d’un dialogue inclusif tel que recommandé par l’Accord global d’Addis-Abeba et ont insisté sur le respect de la Constitution.

Selon le secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Bruno Mavungu, son parti a transmis au président Kabila la feuille de route déjà déposée à la Mission de l’ONU au Congo (Monusco). Les matières à traiter devraient porter sur les contentieux électoraux de 2011 et sur l’organisation des futures élections. «On travaillerait dans le strict respect du délai constitutionnel», insiste bien Bruno Mavungu.

Pour leur part, l’Union pour la nation congolaise (UNC) et le Mouvement de libération du Congo (MLC) disent attendre du chef de l’Etat son point de vue sur la contre-proposition transmise à la Commission électorale nationale indépendante (Céni) par l’opposition au lendemain de la publication du calendrier électoral global. Ici aussi, on affirme qu’il ne sera jamais question de violer la Constitution.

Les Libéraux, eux, soupçonnent la majorité de mener une démarche qui tendrait à maintenir Joseph Kabila au pouvoir au-delà de 2016. Selon José Makila, cette plateforme promet de répondre au pouvoir après une réunion du groupe parlementaire, mais rejette déjà toute idée de formation d’un gouvernement de transition.[1]

Selon certaines sources proches de l’opposition, les leaders de l’UDPS, de l’UNC et du MLC seraient d’accord sur plusieurs points communs, notamment la tenue préalable d’un dialogue national inclusif de petit format, de courte durée et à piloter par un modérateur neutre (Communauté internationale). Un dialogue de petit format et de courte durée serait bien noté par la communauté internationale aussi.

Les matières à discuter devraient porter, pêle-mêle, sur les contentieux électoraux de 2011 qui affectent la légitimité des animateurs des institutions en place, l’élaboration d’un calendrier électoral consensuel, le report des élections locales, municipales et urbaines après 2016, le maintien des élections présidentielle et législatives au 27 novembre 2016, l’audit du fichier électoral, l’enregistrement et l’enrôlement de nouveaux majeurs, le financement du processus électoral, le gel du découpage territorial, la neutralité de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante), la libération des prisonniers politiques (cadres et combattants de l’Opposition), la réouverture des médias fermés, la libéralisation de l’espace politique, etc.[2]

L’Opposition Républicaine, plateforme de partis réunis autour du président du Sénat, Kengo Wa Dondo, se prononce en faveur du dialogue proposé à l’opposition par le président Kabila. Cette plateforme, qui participe au gouvernement, n’a pas été jusqu’ici consultée par l’émissaire du président Kabila pour le dialogue politique. Néanmoins, ses animateurs estiment être aussi des interlocuteurs valables dans cette démarche qui est destinée à résoudre la crise actuelle. «L’Opposition républicaine attend d’être consultée et elle donnera son point de vue sur la question le moment venu», a précisé Léon Mondole, coordinateur de la plateforme.[3]

Le 10 mai, au cours d’une conférence de presse organisée à Lubumbashi au Katanga, le président du parti « Patriote kabiliste », Mwenze Kongolo, a affirmé que le dialogue national entre l’Opposition et la Majorité présidentielle (MP) doit aboutir à la tenue d’une table ronde au format réduit pour ne discuter que du calendrier électoral global. Pour Mwenze Kongolo, ladite table ronde ne devrait pas être un lieu de partage du pouvoir entre l’opposition et la majorité et devrait surtout éviter tout «glissement» pour le prolongement du mandat de l’actuel chef de l’Etat. Il a aussi proposé que, s’il y aura dialogue, il faudrait qu’on limite le nombre de participants.[4]

b. Une proposition de dialogue qui risque de replonger le Pays dans une nouvelle transition

Connaissant les velléités de la Majorité Présidentielle d’obtenir un glissement des mandats du Chef de l’Etat, des Sénateurs, des Députés nationaux et provinciaux et des gouverneurs de provinces, nombre d’observateurs préfèrent se montrer prudents face au rapprochement entre les véritables « Poids lourds » de l’espace politique congolais. Si le Dialogue national inclusif finit par prendre corps, l’on risque d’assister à un terrible chamboulement dans le microcosme politique congolais.[5]

Selon certaines sources, le dialogue inclusif proposé par le Président Kabila ouvrirait la voie à une transition de trois ans. D’après certaines informations provenant des opposants eux-mêmes, les travaux de ce dialogue inclusif doivent avoir lieu rapidement pour aboutir à un accord consensuel de gestion de la transition. Le deal voudrait que la Majorité et l’opposition s’accordent uniquement à l’organisation des provinciales, pour créer une dynamique institutionnelle où les deux parties se partageraient les provinces. Les autres scrutins viendraient après trois ans.

Si à l’Udps, le schéma est accepté, les autres Unc, Mlc et Libéraux murissent encore la réflexion. Une réflexion de façade, indique une source proche de la direction du Mlc. Tous les opposants sont prêts à se noyer dans l’eau pour les postes ministériels. L’appât de Kabila est tellement accrochant que personne dans cette bouillabaisse ne veut rater l’occasion.

Dans les laboratoires kabilistes, l’option aurait été levée pour que la primature soit confiée à l’Udps et, plus particulièrement, à Félix Tshisekedi. La difficulté, c’est maintenant de trouver un poste à Vital Kamerhe. Mais pour lui, qui connait mieux le système Kabila et ses méthodes, seule la primature lui conviendrait et rien d’autre. Les négociations vont donc se poursuivre pour arriver à un compromis qui puisse donner naissance à une nouvelle transition.

L’objectif de Kabila serait d’obtenir un glissement en douceur avec les principaux partis de l’opposition, pour fermer la bouche à la communauté internationale qui tire les ficelles sur le respect de la constitution.[6]

La proposition d’un nouveau dialogue laisse sceptiques les opposants congolais car, pour se maintenir au pouvoir, le président Joseph Kabila possède encore la possibilité de faire glisser le calendrier électoral.

Pour faire glisser le calendrier et au vu des manifestations violentes de janvier à Kinshasa, Joseph Kabila doit à tout prix trouver un consensus politique pour se maintenir au-delà de 2016.

Pour le moment, les différents leaders de l’opposition sont divisés sur la question d’une possible transition politique. Comme souvent: UNC (Vital Kamerhe) et MLC (Jean-Pierre Bemba) se tiennent à distance et «renoncent à tout partage du pouvoir». Ces deux partis attendent la réponse du président Kabila sur leur contre-proposition de calendrier électoral déposée à la Commission électorale (CENI) fin avril 2015.

A l’UDPS, la position est flottante entre Bruno Mavungu, secrétaire général du parti, plutôt sur la ligne du refus de l’UNC et du MLC et Félix Tshisekedi, le fils du leader historique de l’UDPS, Etienne Tshisekedi. Si un dialogue «à minima» est bien présent dans le mémorandum de l’UDPS transmis au président Kabila, Félix apparaît de plus en plus comme le partisan d’une ouverture politique assumée vers la majorité présidentielle. A Kinshasa, la machine à rumeurs tourne à plein régime et propose même « Félix Premier ministre« , comme son père sous Mobutu dans les années 1990. Même si cette option est plus qu’irréaliste et sans intérêt stratégique pour Joseph Kabila, le débat sur la participation de l’opposition à un possible gouvernement d’union nationale est relancé. Et c’est sans doute cela que cherche une fois de plus Joseph Kabila: diviser l’opposition à défaut de pouvoir faire l’unanimité dans son propre camp. Deux sont donc les pièges à éviter: la simple opération de partage du pouvoir et l’éventualité d’une transition politique à venir.[7]

Interrogés au sujet d’un schéma du retour vers une nouvelle « Transition », des « experts » de l’Opposition évoluant dans les coulisses des chefs de l’UDPS, de l’UNC et du MLC jurent leurs grands dieux qu’Etienne Tshisekedi, Vital Kamerhe et Jean-Pierre Bemba ne seraient pas tentés par l’idée d’un nouveau partage « équitable et équilibré » des postes, synonyme de prolongation automatique de la législature en cours. Aucun de ces trois « Grands », soutient-on, ne serait preneur pour la « Primature », en dépit des rumeurs persistantes circulant dans ce sens. Diriger ou participer à un gouvernement de Transition dans un environnement où le Parlement (Sénat et Assemblée Nationale) est totalement contrôlé par la Majorité Présidentielle n’enchanterait personne du côté du leadership de l’UDPS, de l’UNC et du MLC. Ici, on met sur le compte de l’intox les moutures en circulation, sous les manteaux, avec des noms des « primaturables » et des « ministrables » qui auraient reçu la bénédiction de Tshisekedi, Kamerhe ou Jean-Pierre Bemba. Tous les trois se seraient mis d’accord pour ne pas cautionner un glissement de calendrier électoral.

Selon certaines sources, l’Opposition s’opposerait à un dialogue destiné à négocier un glissement de calendrier électoral en contrepartie d’une transition visant le partage du pouvoir. L’objectif partagé par les trois partis politiques serait d’obtenir un processus électoral transparent, avec comme « ligne rouge » à ne pas dépasser la date du 27 novembre 2016, retenue pour l’organisation des élections présidentielle et législatives, conformément au calendrier électoral et à la Constitution.[8]

c. Un nouveau dialogue retenu inopportun par la majorité de l’opposition

Le 12 mai, la secrétaire générale du MLC, Eve Bazaiba, a affirmé que l’heure n’est plus au dialogue sous forme de forum, en soulignant que «ce dialogue a déjà eu lieu à travers les concertations nationales», qui ont abouti à la formation du gouvernement Matata II qui comprend des ministres issus des rangs de l’opposition. D’après Eve Bazaïba, la plupart des résolutions des concertations nationales ne sont pas appliquées à ce jour. Ce qui lui fait dire que le dialogue préconisé n’apportera rien de nouveau. «La toute première recommandation était de ne pas toucher à la constitution. Qu’est-ce qu’on n’a pas vécu pour manipuler la constitution au point de faire couler le sang en janvier dernier», rappelle la secrétaire générale du MLC. Elle dénonce aussi la fermeture des chaînes de télévision proches de l’opposition et le maintien en détention des prisonniers politiques.[9]

Le 18 mai, le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), Vital Kamerhe, a affirmé que

 «le peuple est fatigué de voir les politiciens congolais dialoguer. On peut décrisper la situation sans passer par le dialogue». L’opposition juge inopportune l’organisation d’un dialogue qui risque, selon elle, d’entraîner le pays dans un schéma de transition et de glissement du calendrier électoral en violation de la constitution.[10]

Le 18 mai, à part les leaders de l’UDPS, ceux des autres partis et regroupements politiques se réclamant de l’Opposition, auxquels s’est jointe l’Opposition parlementaire, ont affirmé ne trouver aucune opportunité d’aller au dialogue tel que voulu par le Président de la République. Vital Kamerhe, Jean-Lucien Bussa, Ingele Ifoto, Lisanga Bonganga, Matthieu Kalele-ka-Bila, Martin Mukonkole, Alain Mbaya, Delly Sessanga et Jean-Claude Vuemba, qui se réunissaient à Fatima, ont dit redouter l’institution d’une nouvelle transition politique, autrement dit, le glissement des mandats.

Les opposants, réunis à Fatima ne veulent plus entendre parler de dialogue. La seule voie indiquée, selon eux, pour organiser des élections apaisées, reste la contre-proposition du calendrier électoral que l’Opposition avait déposée au siège national de la CENI, le 27 février 2015. Pour s’y adapter, la CENI n’a pas besoin d’un dialogue politique.

Les membres de l’opposition auraient voulu que les élections locales, municipales et urbaines, extrêmement budgétivores et conflictogènes, soient postposées après 2016. Les opposants mettent en avant plusieurs raisons. Les Entités territoriales décentralisées manquent cruellement d’infrastructures, sans oublier l’impréparation des cadres censés administrer les nouvelles entités territoriales. L’Opposition exige, par ailleurs, l’organisation d’une nouvelle opération d’enrôlement des électeurs notamment, les nouveaux majeurs dont le nombre est estimé à quelque 9 millions de personnes. En outre, le fichier électoral résultant des élections de 2011 est corrompu. Un audit s’avère nécessaire pour le nettoyer.

Toujours selon l’opposition, les élections provinciales et toutes les élections indirectes y rattachées doivent impérativement être organisées. Cela, pour renouveler les mandats, largement dépassés, des animateurs des Institutions qui souffrent d’un déficit de légitimité. Entre autres, le Sénat, les Assemblées provinciales et les Gouvernements provinciaux. Pour ce qui concerne le respect de la Constitution de la République, l’Opposition insiste sur la date du 27 novembre 2016, prévue par la CENI pour la tenue des élections présidentielle et législatives nationales.[11]

L’appel au dialogue lancé par le Président Kabila a provoqué une fracture au sein de l’opposition. Si une fragile unité a l’air de se dégager entre Kamerhe, Bemba, Vuemba, Busa …, l’UDPS d’Etienne Tshisekedi affiche une position plus ambiguë.

Félix Tshisekedi, qui est désormais aux commandes du parti en l’absence du père, plaidait depuis longtemps pour un dialogue avec Joseph Kabila. L’UDPS demandait notamment dans ce «dialogue» que le président Congolais remette le pouvoir à Etienne Tshisekedi, vainqueur, selon ce parti d’opposition, des élections chaotiques de 2011. Dans cette perspective, l’UDPS n’a donc pas signé la déclaration de l’UNC et du MLC.

Parmi les non-signataires, ont trouve aussi Samy Badibanga de l’UDPS et alliés et la SCODE de Jean-Claude Muyambo. Une fracture dans l’opposition qui augure déjà des alliances futures qui pourraient se nouer dans la perspective des prochaines élections présidentielles. Félix Tshisekedi est clairement en train de prendre la main sur le parti et cherche déjà des alliés: Badibanga, Muyambo? Alors que l’UNC et le MLC espèrent récupérer quelques déçus de l’UDPS (Mavungu ?) avant de se lancer dans la bataille présidentielle.

Une chose est sûre. Pour «réussir» son dialogue, Joseph Kabila doit ramener un gros poisson de l’opposition dans ses filets (Félix Tshisekedi ?) et morceler un peu plus l’opposition. Rien n’est joué pour le premier objectif, quant au second… c’est déjà une réussite.[12]

Réagissant à la division qui semble s’être créée parmi les acteurs de l’opposition sur leur participation au dialogue préconisé par le chef de l’Etat, le président du Mouvement pour le renouveau (MR), l’opposant Clément Kanku, a demandé un dialogue interne à l’opposition avant de répondre à l’offre du président Kabila.[13]

d. L’opposition réaffirme son refus au dialogue

Le 28 mai, après avoir été consultée par l’émissaire du chef de l’Etat, l’Opposition républicaine, dont le président du Sénat Léon Kengo wa Dondo est l’autorité morale, a fait savoir qu’elle juge inopportun le dialogue national proposé par le président Joseph Kabila. Elle estime que le Gouvernement Matata II doit plutôt appliquer les résolutions des concertations nationales.

«Sur 763 recommandations desdites concertations nationales, dont 100 avaient été sélectionnées comme prioritaires, il n’y a que 23 qui ont été exécutées ou en cours d’exécution. Soit 20 à 23% seulement du taux d’exécution», a déploré Léon Mondole, modérateur du conseil national de l’Opposition républicaine.[14]

Le 29 mai, à l’issue d’une rencontre organisée à Kinshasa, des partis de l’opposition, dont le MLC, l’UNC, le CDR et les Fac, ont réaffirmé devant la presse leur refus de participer au dialogue politique préconisé par le chef de l’Etat Joseph Kabila. Le rapporteur de cette rencontre de l’opposition, Delly Sesanga, a expliqué que l’opposition restait néanmoins ouverte aux discussions en cours au sein de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) sur le calendrier électoral et le processus électoral afin que celui-ci réponde au critère de crédibilité, de transparence et pluralisme, consacrés par la constitution.[15]

Le 4 juin, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) a indiqué qu’il posait des conditions à sa participation au dialogue national voulu par le président Joseph Kabila. L’UDPS veut «le dialogue tel que préconisé par la communauté internationale», a déclaré son secrétaire général, Bruno Mavungu, qui a fait là référence à la résolution 2211 adoptée en mars par le Conseil de sécurité de l’ONU et autorisant la Mission des Nations unies en RDC (Monusco) à contribuer à des discussions inter-congolaises destinées à sortir le pays de la crise politique qu’il traverse depuis 2011 et à permettre la tenue d’élections apaisées. L’UDPS participera au dialogue si celui-ci est orchestré par un médiateur étranger, a indiqué M. Mavungu.[16]

Englué dans une crise politique profonde, depuis sa réélection contestée de 2011, Joseph Kabila a déjà cherché à renouer le dialogue en 2013 avec des Concertations nationales, dont les recommandations sont restées, pour la plupart, lettre morte. Depuis les violentes manifestations de janvier 2015 contre le projet de modification de la loi électorale, le président congolais tente une nouvelle fois de reprendre la main, en voulant y associer l’opposition. Le dialogue national, proposé il y a quelques semaines, peine pourtant à se mettre en place. La préparation du dialogue national proposé par le président congolais tourne à vide.

Une coalition regroupant le MLC de Jean-Pierre Bemba, l’UNC de Vital Kamerhe, des dissidents de l’UDPS et des représentants de plusieurs dizaines de petits partis (CDR, Fac…) s’est très rapidement opposé au dialogue national. Pour ces opposants, ce dialogue n’apporte aucune réponse à la crise politique. Selon eux, tout peut se régler à la Commission électorale (CENI). Ils y ont d’ailleurs déposé un mémo pour, notamment, «exiger le report, après 2016, des élections locales, municipales et urbaines (manque de moyens et impréparation) et organiser une nouvelle opération d’enrôlement». Ces partis d’opposition ne voient donc pas « l’opportunité d’un dialogue qui risque de (nous) entraîner dans un schéma de transition et de déboucher au glissement du calendrier électoral en violation de la Constitution».

Même le très consensuel Léon Kengo, président du Sénat, qui se serait bien vu Premier ministre d’un gouvernement d’ouverture, a fait volte-face en quelques heures. Après avoir un temps accepté l’idée du dialogue, le patron du bloc de «l’Opposition Républicaine» s’est rétracté en jugeant la proposition de Joseph Kabila «inopportune», venant ainsi grossir les rangs des opposants au dialogue.

L’UDPS, le parti de l’opposant «historique», Etienne Tshisekedi, s’était, contre toute attente, dit prêt au dialogue. Un changement de cap «détonnant», lorsque l’on connait l’intransigeance du «Sphinx de Limete» vis à vis de Joseph Kabila. Félix Tshisekedi, qui tient désormais les rênes du parti, voit dans cette stratégie un bon moyen de couper l’herbe sous le pieds au MLC et à l’UNC. Une stratégie risquée, qui fait dire à certains que Félix Tshisekedi «court après la Primature». Dans une interview à Jeune Afrique, Félix jure «ne pas vouloir aller à la mangeoire» et pose un préalable au dialogue de Kabila. L’UDPS souhaite qu’il soit mené sous l’égide de la communauté internationale et non par le seul président Kabila, qui serait alors «juge et partie». Une condition (difficilement acceptable pour Joseph Kabila), qui permet ainsi à l’UDPS de se tenir à distance du pouvoir.

Dans ce contexte, on ne trouve pas grand monde pour aller dialoguer avec Joseph Kabila. La faute à qui? D’abord aux contours mal définis du dialogue. De quoi va-t-on parler? Jusqu’où? Quelles limites fixent-on? Le grand flou de ce dialogue a plutôt joué un effet repoussoir pour l’opposition, qui a senti «le piège» plutôt que la volonté de sortir de la crise politique.[17]

2. LE PROCESSUS ÉLECTORAL

a. L’opération de présentation des candidatures aux élections provinciales

Le 19 mai, la Commission électorale a déclaré que les formulaires retirés pour les candidatures aux les élections provinciale sont évalués à 6881, contre seulement 517 candidatures déposées.

La Commission Electorale a fait savoir qu’il est hors de question de s’attendre à une quelconque prolongation de délai. La procédure d’inscription des candidats, tant pour les partis politiques, les regroupements politiques que pour les indépendants, prend fin le 25 mai à 16h00. Seulement ceux qui trouveront ce jour là, peu avant 16 h00, dans l’enceinte des BRTC, recevront des jetons qui leur permettront de poursuivre la procédure dans les 48 heures qui vont suivre.[18]

Le 23 mai, à un jour de la clôture du dépôt des candidatures aux provinciales, la plate-forme de l’opposition «Forces acquises au changement (Fac)» a affirmé de maintenir son refus de s’engager à cette opération électorale. Le coordonnateur de cette structure, Martin Fayulu Madidi, a livré cette position au cours d’une conférence de presse à Kinshasa. Il a indiqué que les Fac ne déposeront pas leurs candidatures à ces scrutins tant que la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) n’aura pas répondu pas aux revendications de l’opposition, notamment l’intégration de nouveaux majeurs au fichier électoral ou encore la modification du calendrier électoral avec l’élimination des élections locales pour donner priorité aux présidentielle et législatives. Pour l’opposition, la situation politique est délétère et caractérisée, aux dires de Fayulu, par «un processus électoral hypothétique, l’installation improvisée et dangereuse de nouvelles provinces».[19]

Le 25 mai, l’opération de dépôt des candidatures aux provinciales devait prendre fin. Un engouement des postulants venus déposer leurs dossiers est constaté au dernier jour dans les bureaux de traitement et de réception des candidatures (BRTC) de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Les agents se disent débordés de cette situation.

Certains candidats se sont amenés avec des formulaires vierges pour les remplir sur place dans les BRTC. Ce qui donne un grand travail aux agents de la Ceni. Ils sont obligés de les aider à bien les remplir, en respectant notamment la classification des documents, l’utilisation des encres sur les documents. Il y a des pages où il faut remplir avec de l’encre bleue et d’autres avec de l’encres noire. En dehors de cette aide que les agents de la Ceni devraient apporter aux candidats retardataires, il se pose aussi un problème de vérification des dossiers.

Normalement, les agents de la Ceni doivent étudier tous les dossiers qui leur parviennent. Ceux qui sont incomplets sont retournés à leurs titulaires pour les compléter. Avec cet afflux de candidats, leur travail des agents de la Ceni ne se limite qu’à recevoir et n’analysent presque pas toutes les candidatures. Ce qui risque d’être préjudiciable aux candidats. En plus, au dernier jour de la fermeture des BRTC, plusieurs candidats sont encore à l’étape du retrait des notes de perception de la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation (DGRAD) pour le payement de la caution. D’autres candidats se retrouvent encore dans les différentes communes de la capitale. Ils sont à la recherche des attestations de naissances et des légalisations de documents exigés.[20]

Le 25 mai, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a prolongé l’opération de dépôt des candidatures jusqu’au samedi 30 mai sur toute l’étendue du territoire. La décision a été prise par le bureau de cette institution au cours de sa plénière extraordinaire organisée à Kinshasa, «en tenant compte des difficultés réelles des multiples demandes et sollicitations des partis et regroupements politiques, et compte tenu des rapports réels reçus; principalement le cas de traçage des payements effectués en dehors des circonscriptions des candidats». Dans son intervention, le Secrétaire Exécutif National Adjoint de la Ceni, Corneille Naanga, a livré les statistiques des candidatures déposées. Il a fait état de 8.130 formulaires retirés sur l’ensemble de l’étendue nationale avant la clôture des opérations de dépôt des candidatures, soit 6.512 par les partis politiques, 1.446 par les candidats indépendants et 170 par les regroupements politiques. Et, sur les 8.130 formulaires retirés, seuls 4.077 dossiers de candidatures ont été enregistrés et 3.020 dossiers consolidés dans la base des données du siège à Kinshasa. Corneille Naanga a révélé que les candidatures féminines ne représentent que 11% de l’ensemble.[21]

Jusqu’au 28 mai, 8.658 formulaires ont été retirés dont 7.091 par les partis politiques, 175 par les regroupements politiques, 1392 par les candidats indépendants. Par contre, 3.023 dossiers pour le compte des partis politiques, 31 pour les regroupements politiques et 239 pour les indépendants, soit 3.293dossiers de candidatures ont été déjà déposés en bonne et due forme.[22]

Le 30 mai, la Commission électorale a mis fin au processus de dépôts des candidatures pour lel élection des députés provinciaux. Néanmoins, un sursis de 24 heures a été donné à certains candidats qui n’ont pas pu déposer leurs candidatures malgré leur présence, le samedi 30 mai 2015, aux bureaux de réception et de traitement des candidatures (BRTC).

Après l’opération de dépôt des candidatures, la Commission électorale accorde un délai de cinq jours aux formations politiques, soit du 31 mai au 4 juin, pour des éventuels ajouts, retrait ou substitution des candidatures.

Du 5 juin au 14 juin, par ailleurs, il est prévu, entre autres, la transmission de données des candidatures, l’examen de ceux-ci et la délibération par l’Assemblée Plénière.

Le 15 juin 2015, sauf imprévu, la CENI publiera les listes provisoires des candidats Députés provinciaux dont les dossiers auront été dûment validés.[23]

Le 2 juin, au cours d’un point de presse organisé à Kinshasa, le rapporteur de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Jean-Pierre Kalamba, a déclaré que Dix-sept mille quatre cent dix (17.410) candidatures ont été réceptionnées pour les élections provinciales. Selon le rapporteur de la Ceni, 15 422 hommes ont postulé contre 1 988 femmes. Les candidatures reçues représentent 92% pour les partis politiques, 7% d’indépendants et 1% pour les regroupements politiques. Les postulants vont se battre pour sept cent-onze (711) sièges à pourvoir. Dans l’ensemble, cela représente une tension électorale de 23 candidats pour un siège contre 17 en 2006.

Quant au problème du MLC (aile Bazaiba et aile Thomas Luhaka) , Jean-Pierre Kalamba a évoqué la loi sur le fonctionnement des partis politiques. Celle-ci stipule qu’en cas de conflit au sein d’une formation politique, au 1er niveau, les acteurs doivent se référer aux statuts et au règlement intérieur. Au 2ème niveau, s’adresser au ministère de l’Intérieur pour poser le problème, car c’est lui qui gère les partis politiques. Si le conflit dégénère il faut, en dernier lieu, aller au Tribunal de Grande Instance.

Par ailleurs, la Ceni a annoncé le report de l’inscription des conseillers des communes, des secteurs et chefferies pour les élections municipales et locales. «Ce report se justifie par le fait que le projet de loi portant répartition des sièges pour ces scrutins n’est pas encore adopté au niveau du parlement ni promulgué par le président de la république», a expliqué Jean-Pierre Kalamba. Toutefois, il a précisé que «l’on est encore dans les délais du 28 juillet 2015, tel que précisé dans le calendrier électoral publié». Les élections provinciales, municipales, urbaines et locales auront lieu le 25 octobre 2015. Les résultats seront annoncés le 10 décembre.[24]

Le 2 juin, le Président de l’Assemblée Nationale, Aubin Minaku, a affirmé que le projet de loi portant répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections locales et municipales se trouve sur la table du bureau de l’Assemblée nationale depuis le samedi 30 mai. Au cours de la plénière, Aubin Minaku a fait savoir que ledit projet de loi a été déposé en urgence alors qu’il n’est pas inscrit au calendrier de la session en cours. Le speaker de la chambre basse du Parlement a toutefois indiqué que ce projet de loi du gouvernement pouvait être examiné à n’importe quel moment.[25]

b. L’opération de fiabilisation du fichier électoral

Le 22 mai, à Kinshasa, la Commission électorale a présenté les résultats des opérations menées dans le cadre de la fiabilisation du fichier électoral. Le fichier actualisé contient 30 682 599 électeurs. Le fichier électoral posait plusieurs problèmes: des électeurs omis, des doublons, la délocalisation de certains électeurs obligés parfois de parcourir de longues distances pour voter. A ces difficultés, s’est ajouté la nécessité d’adapter le fichier électoral à la nouvelle législation sur le découpage territorial. Le travail fait a permis, entre autres, de supprimer du fichier les inscriptions multiples d’une même personne, de  réintégrer les électeurs qui en avaient été omis et d’agréger les données à l’échelle des 26 nouvelles provinces de la RDC.

Le fichier électoral sera soumis, dans les prochains jours, à l’audit externe de l’équipe de l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie), dirigée par le général malien Siaka Sangaré.

Ainsi, ce fichier électoral fiabilisé ne concerne pas l’élection présidentielle et les élections législatives nationales de 2016, mais seulement les élections provinciales et locales de 2015.

La CENI a déjà élaboré le projet portant répartition des sièges pour les élections urbaines, municipales et locales qui est soumis au gouvernement avant de le transmettre au Parlement pour examen et éventuel vote.[26]

Le 2 juin, le rapporteur de la Commission électorale, Jean-Pierre Kalamba, a déclaré que, pour l’opération de fiabilisation du fichier électoral, en date du 28 novembre 2011, le serveur de la Ceni avait enregistré au total 30.623.379 électeurs. Avec l’opération de fiabilisation du fichier, la Ceni a intégré 718.545 «omis» dans la base des données. Mais, en même temps, elle a détecté 843.335 électeurs doublons. Cependant, lors de l’opération de dédoublonnage effectuée par la société Hologram de la RDC, celle-ci faisait état de 119.941 doublons. Une deuxième expertise réalisée par la société Zetes de Belgique a permis d’éliminer 120.000 doublons. Ainsi, le fichier stabilisé, prêt pour l’audit, contient 30.682.599 électeurs dont 184.010 sans coordonnées biométriques. Bref, la Ceni attend l’arrivée des membres de l’Organisation Internationale de la Francophonie pour l’audit externe. Quant à l’intégration de nouveaux majeurs, le rapporteur a déclaré que la Ceni n’est pas contre, mais elle se limite à un enrôlement à court terme, selon la loi.[27]

c. Les retards accumulés

Alors que le Gouvernement n’a toujours pas soumis à l’Assemblée Nationale le projet de loi sur la répartition des sièges, la plate-forme AETA vient de tirer la sonnette d’alarme sur la non-exécution des opérations prévues en mars et avril dernier. Retard qui risque de perturber toute la planification des opérations et échéances électorales.

Le président de la Ligue Nationale pour les Elections Libres et Transparentes (Linelit) déplore le fait que le gouvernement congolais n’a toujours pas soumis à l’Assemblée Nationale le projet de loi portant répartition des sièges. Pourtant ceci devrait intervenir en principe du 10 au 21 mars 2015. Nous sommes au, mois de mai, jusqu’alors rien n’est fait, tance Jérôme Bonso.

L’Assemblée Nationale a aussi une part de responsabilités dans le retard déjà accumulé par le Calendrier électoral. Car, en principe, le parlement devrait procéder à l’examen et l’adoption de la loi portant répartition de sièges pour les élections communales et locales prévue du 22 mars au 5 avril 2015. Le constat est amer du fait que jusqu’à ce jour rien n’est fait.

Selon les contraintes du calendrier électoral global, la promulgation de la loi portant répartition des sièges pour les élections communales et locales était prévue le 26 avril 2015. Un mois après cette date, rien n’est encore fait ! Que dire de l’audit externe du fichier électoral prévu du 22 mars au 12 avril 2015?

Sur le plan financier, Jérôme Bonso redoute que le non respect du plan de décaissement des fonds par le gouvernement Matata mette la Ceni dans l’incapacité de mettre en œuvre le calendrier électoral global. C’est pourquoi la Linelit exhorte Kinshasa à doter la Ceni d’une autonomie financière suffisante, afin de faire respecter strictement les dates des opérations électorales en général et celles du 27 novembre 2016, en particulier, relatives à la convocation de l’électorat pour la présidentielle et la législative nationale.

Jérôme Bonso constate une absence de consensus. Ce qui est dangereux pour le processus, au risque de replonger le pays dans un chaos semblable à celui de 2011. Selon lui, le consensus nait de la confiance dans le processus électoral pour une gestion consensuelle et concertée des élections apaisées. C’est pourquoi il lance un appel à la classe politique congolaise toutes tendances confondues à s’investir dans la reconstruction d’un consensus électoral large et solide.[28]

[1] Cf RFI, 08.05.15

[2] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 07.05.15

[3] Cf RFI, 10.05.’15

[4] Cf Radio Okapi, 11.05.’15

[5] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 07.05.15

[6] Cf 7sur7.cd – Kinshasa, 06.05.’15

[7] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 10.05.’15

[8] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 07.05.15

[9] Cf Radio Okapi, 13.05.’15

[10] Cf Radio Okapi, 19.05.’15

[11] Cf La Prospérité – Kinshasa, 19.05.’15 (via mediacongo.net)

[12] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 19.05.’15

[13] Cf Radio Okapi, 21.05.’15

[14] Cf Radio Okapi, 28.05.’15

[15] Cf Radio Okapi, 30.05.’15

[16] Cf AFP – Africatime, 04.06.’15

[17] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 31.05.’15

[18] Cf La Prospérité – Kinshasa, 21.05.’15

[19] Cf Radio Okapi, 24.05.’15

[20] Cf Radio Okapi, 25.05.15

[21] Cf Dorcas Nsomue – Le Phare – Kinshasa, 26.05.’15; Radio Okapi, 25.05.’15

[22] Cf La Tempête des Tropiques – Kinshasa, 01.06.’15

[23] Cf La Prospérité – Kinshasa, 31.05.’15 (via mediacongo.net)

[24] Cf Radio Okapi, 03.06.’15; Dorcas Nsomue – Le Phare – Kinshasa, 03.06.’15

[25] Cf Radio Okapi, 03.06.’15

[26] Cf Radio Okapi, 23.05.’15

[27] Cf Dorcas Nsomue – Le Phare – Kinshasa, 03.06.’15

[28] Cf Godé Kalonji M. – La Tempête des Tropiques – Kinshasa, 25.05.’15