Congo Actualité n. 240

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: Fixer des priorités pour respecter les délais

  1. ACTIVITÉ PARLEMENTAIRE
  2. PROCESSUS ELECTORAL
    1. Déjà en retard
    2. L’opposition pose des conditions
  3. VERS L’INSTALLATION DES NOUVELLES PROVINCES

 

ÉDITORIAL: FIXER DES PRIORITÉS POUR RESPECTER LES DÉLAIS

 

 

 

1. ACTIVITÉ PARLEMENTAIRE

 

Le 16 mars, au Palais du Peuple, on a démarré les travaux de la session ordinaire du Parlement.

Cette session s’ouvre moins de deux mois après la clôture de la session extraordinaire de janvier dernier, qui avait permis le vote de la loi portant modification de la loi électorale, la loi portant modalité d’installation de nouvelles provinces ainsi que celle portant fixation des limites des provinces plus la ville de Kinshasa.

Les parlementaires doivent voter des lois essentielles qu’imposent le calendrier électoral publié le 12 janvier par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Au cours de cette session, selon des sources parlementaires, les élus du peuple sont appelés à voter impérativement trois lois importantes: la loi sur la répartition des sièges aux niveaux municipal et local; la loi qui révise celle d’identification et enrôlement des électeurs pour ouvrir la possibilité d’enrôlement des Congolais de l’étranger et d’autres qui doivent accompagner l’installation des 26 nouvelles provinces en RDC.[1]

 

Le 4 avril, à Kinshasa, les neuf membres de la Cour Constitutionnelle ont prêté serment devant le chef de l’Etat, les deux chambres du Parlement réunies en congrès, le Conseil supérieur de la magistrature et autres personnalités du pays. Avec l’installation de cette Haute cour, la RDC dispose désormais d’un instrument juridique qui a la compétence de juger le président de la République et le Premier ministre.

La Cour constitutionnelle est juge de la constitutionnalité des lois, des actes ayant force de loi, des édits et des règlements intérieurs des chambres parlementaires.

Cet organe reçoit des recours en interprétation de la Constitution et tranche des conflits de compétences entre les pouvoirs législatifs et exécutifs.

En matière électorale, la Cour constitutionnelle a la compétence de connaitre les recours et trancher par ses arrêts les contentieux électoraux.

Les neuf membres de la Cour constitutionnelle avaient été nommés, en juillet 2014, par une ordonnance présidentielle. Professeurs de droit ou anciens magistrats, ils avaient été désignés par le Parlement, le Conseil supérieur de la magistrature et la présidence de la République.

Voici les neuf membres de la Cour constitutionnelle: Vunduawe Te Pemako, Jean-Pierre Mavungu,

Banyaku Luape, Jean-Louis Esambo, Luamba Bindu, Corneille Wasenda, Funga Molima,

Kalonda Kele et Kilomba Ngozi Mala.

Aux côtés des neuf membres de la haute cour, six membres du Parquet général près cette cour ont également prêté serment devant le chef de l’Etat.

Sur le plan pratique, on devait attendre que les membres de la Cour constitutionnelle adoptent leur règlement intérieur et qu’ils puissent élire leur président qui procédera à la remise et reprise avec le Premier président de la Cour suprême de justice.

Avec la prestation de serment des 9 membres de la Cour Constitutionnelle, un premier pas a été accompli dans l’organisation d’un nouvel ordre judiciaire. Il reste deux autres juridictions judiciaires pour parachever le nouvel ordre juridictionnel au Congo, avec notamment la mise en place de la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat. Ces deux juridictions seront dotées, chacune, des cours d’appel et des tribunaux de première instance, notamment pour juger les infractions pénales et les conflits qui surviendraient entre les instances administratives et les tierces personnes physiques ou morales.[2]

 

Le 5 avril, le vice-doyen chargé de l’enseignement à la Faculté des droits de l’Université de Kinshasa, le Professeur Gaspard N’gonda Koyi, a déclaré que, «après la prestation de serment par les membres de la Cour constitutionnelle, la Cour suprême de justice cesse d’exercer les attributions dévolues à la Cour constitutionnelle. Elle reste avec les attributions dévolues à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat jusqu’à leur institution».

Le Professeur Ngonda Koyi a rappelé que la Cour de Cassation juge un certain nombre d’autorités notamment les députés nationaux, les sénateurs, les ministres, les députés provinciaux, les gouverneurs, les ministres provinciaux et les présidents des Assemblées provinciales.

Alors que le Conseil d’Etat examine la légalité des actes administratifs qui relèvent de l’autorité centrale ainsi que des organismes qui dépendent de cette autorité.[3]

 

Le 22 avril, au Sénat, une proposition de loi portant statut des anciens Chefs d’Etat du sénateur Modeste Mutinga Mutuishayi, a été déclarée recevable et envoyée à la Commission politique, administrative et juridique (PAJ) pour un examen plus approfondi.

Le texte de 24 articles a pour objectif, selon son auteur, de sécuriser matériellement et politiquement l’ancien chef de l’Etat, étant donné que le fait de quitter le pouvoir n’induit pas nécessairement l’assurance d’une sécurité matérielle et juridique de l’intéressé souvent contraint à s’expliquer sur sa gestion. La constitution de la République fait de l’ancien président de la RDC un sénateur à vie, mais pour l’auteur du projet de loi, la protection qui lui est accordée est insuffisante. Il ne s’agit pas d’une discrimination, mais de lui conférer un statut particulier de reconnaissance à la hauteur de lourdes charges d’Etat qu’il a eues à assumer.

Cette proposition de loi consacre non seulement l’immunité judiciaire des anciens chefs de l’Etat et renforce leur sécurité physique notamment par la mise à leur disposition d’éléments de la police et de l’armée en permanence, mais elle préserve surtout leur dignité par l’octroi d’un régime social des plus attractifs et incitatifs.

Au cours du débat général, plusieurs sénateurs dont Léonard She Okitundu et Jacques Djoli, ont insisté sur le fait qu’il s’agit d’une amélioration du statut de l’ancien chef de l’Etat non pas par rapport aux intentions qu’on lui prête, mais par rapport aux importants services rendus à la Nation.

Le sénateur Jacques Djoli a exprimé une crainte sur le fondement constitutionnel du texte.[4]

 

 

2. PROCESSUS ELECTORAL

 

Le 18 mars, la Commission Africaine pour la Supervision des Élections (CASE) a dévoilé les noms des 16 grands partis politiques parmi les 477 enregistrés officiellement en République démocratique du Congo (RDC).

Les 4 partis «géants» présentent un taux d’implantation de 75% à travers toute la République. Il s’agit de:

  1. Le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD),
  2. L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS),
  3. Le Mouvement de Libération du Congo (MLC) et
  4. L’Union pour la Nation Congolaise (UNC).

Sur ces quatre « super grands », trois sont de l’opposition politique (UDPS, MLC et UNC) et un, le PPRD, est de la Majorité présidentielle (MP), actuellement au pouvoir.

Douze (12) Partis politiques seulement sont implantés dans les chefs-lieux de province ou dans certains territoires d’origine de leurs leaders. Ils représentent un taux d’implantation de 45% sur l’ensemble de la République. Il s’agit de:

  1. Le Mouvement social pour le renouveau (MSR, MP),
  2. L’Alliance des forces démocratiques du Congo (AFDC, MP),
  3. L’Eveil de la conscience pour le travail et le développement (ECT, MP),
  4. L’Alliance pour le Renouveau au Congo (ARC, MP),
  5. L’Union Nationale des Démocrates Fédéralistes (UNADEF, MP),
  6. L’Union pour le Développement du Congo (UDECO, MP),
  7. Le Parti Démocrate Chrétien (PDC, Opposition),
  8. Le Parti Lumumbiste Unifié (PALU, Allié/MP),
  9. Le Rassemblement pour la Reconstruction du Congo (RRC, MP),
  10. L’Union des Nationalistes Fédéralistes du Congo (UNAFEC, MP),
  11. Le Parti du Peuple pour la Paix et la Démocratie (PPPD, MP),
  12. Le Mouvement pour l’Intégrité du Peuple (MIP, MP).

Ici, il s’agit bien des représentations symbolisées par un siège provincial visible et reconnu dans les milieux et pas forcément de leur implantation effective dans la population. La plus part des partis politiques non cités ici sont symbolisés par un drapeau ou par un représentant de la famille biologique du président fondateur ou autorité morale du parti.

Les partis politiques opérationnels dans la ville de Kinshasa sont 461 partis politiques et représentent un taux d’implantation de 20%. Ils sont tous installés à Kinshasa sans aucune base réelle sur le terrain. En outre, selon les conclusions du rapport de la CASE, 97% des Partis politiques régulièrement agréés en RDCongo ne sont ni suffisamment implantés ni véritablement connus par la population.

Selon la Case, «par manque d’éducation civique, de sensibilisation et de formation de membres des différents partis ou de la population, sur 100 % des personnes interrogées sur l’organisation, le fonctionnement, l’implantation des partis politiques sur le terrain, 99% affirment n’avoir aucune connaissance desdits partis politiques auxquels ils sont censés appartenir. D’autres encore n’ont aucune connaissance de la signification de leurs sigles, projets de société et du rôle qu’ils jouent auprès de la population».[5]

 

Le 22 mars, l’autorité morale de la MP (Majorité Présidentielle), Joseph Kabila, a réuni, à Kingankati, dans la banlieue de Kinshasa, les grosses pointures de sa famille politique dont, entre autres, les membres du Bureau Politique et les présidents des groupes parlementaires.

Avant que Joseph Kabila ne prenne la parole, dans tous les esprits flottait l’affaire de la lettre lui adressée par les présidents de sept partis politiques. Dans cette correspondance, le «G.7» (le MSR de Pierre Lumbi, l’ARC d’Olivier Kamitatu, l’Unafec de Gabriel Kyungu, l’Unadef de Mwando Nsimba, le MSDD de Lutundula Apala, le PDC de José Endundo et l’ARCO) sollicitait un débat interne autour des questions politiques de l’heure, notamment la clarification sur le processus électoral, le découpage territorial, les événements de janvier 2015, les ambitions politiques des uns et des autres, etc.

Contrairement aux attentes, Joseph Kabila a surpris tout le monde, en se limitant à ouvrir la séance et à exhorter les participants à débattre librement et franchement du tout, avant de se retirer.

Le débat interne a été houleux. Selon certains témoins, «faucons» et «modérés» se sont dits des vérités en face.

Tous ont été unanimes à reconnaître qu’il faut recréer l’unité et la cohésion internes, avant d’affronter les autres composantes de la Société congolaise, notamment l’Opposition et la Société civile. Bien qu’aucune résolution ni décision n’ait été arrêtée, on pense que le linge sale a été lavé en famille, sans la moindre interférence de Joseph Kabila, qui s’est complètement effacé pour la circonstance. Il est à souhaiter que les poches d’incompréhension ont été vidées et que la MP pourrait aborder, sans tabou, des questions ultra-sensibles, telles que celle de la succession de Joseph Kabila. Car, à la lumière des événements de janvier 2015 et des pressions de la communauté internationale, il serait mal venu qu’il puisse se représenter ou bloquer la machine électorale. Par conséquent, la MP devrait se faire violence et réfléchir déjà au candidat capable de fédérer ses forces politiques en vue de l’alternance au sommet de l’Etat en 2016.[6]

 

a. Déjà en retard

 

Samy Badibanga Ntita, président du groupe parlementaire UDPS et Alliés, premier groupe d’opposition à l’Assemblée nationale, a relevé les nombreux retards qui s’accumulent sur le processus électoral tel qu’imaginé par la centrale électorale congolaise.

En premier lieu, Samy Badibanga Ntita a déclaré que «selon le calendrier électoral, il était prévu que le gouvernement dépose au Parlement la loi sur la répartition des sièges pour les élections communales et locales entre le 22 mars et le 5 avril. Or, cela n’a pas été fait», suite aux incohérences recensées sur la liste des groupements transmis par le ministre de l’Intérieur et la non-affectation des électeurs dans lesdites entités. Il poursuit en citant également l’audit externe du fichier électoral, qui aurait dû être fait du 26 mars au 12 avril. De même, rien n’a été fait à ce jour. «Outre ce retard, les modalités pratiques d’exécution de cet audit demeurent inconnues», ajoute le président du groupe parlementaire UDPS et Alliés.

Pour Samy Badibanga, les retards enregistrés dans l’exécution de ces deux opérations, considérées comme activités critiques par la CENI elle-même dans son calendrier, font que le glissement redouté risque bel et bien d’être à nouveau à l’ordre du jour si on n’y prend garde. C’est pourquoi, à cause des retards qui s’accumulent, il invite encore une fois le Parlement à se saisir de la question et à initier des discussions avec tous les acteurs politiques et la société civile afin que les Congolais puissent se mettre d’accord sur un calendrier électoral réaliste et accepté par tous.[7]

 

Le 3 avril, le rapporteur de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Jean-Pierre Kalamba, a assuré que la question de répartition des sièges pour les élections provinciales a déjà été résolue. Il a fait cette précision deux semaines avant le début de l’opération de dépôt des candidatures des élections provinciales, conformément au calendrier électoral de la Ceni, publié depuis deux mois à Kinshasa. Jean-Pierre Kalamba a indiqué que le dépôt de ces candidatures qui débute le 15 avril se fera selon le nombre de sièges tels que répartis dans la loi numéro 11/014 du 17 Août 2011 qui n’a jamais été abrogée. Selon cette loi, deux étapes caractérisent la répartition des sièges: par province et par circonscription à l’intérieur de chaque province. La première étape consiste en la répartition des sièges par province, en fonction du nombre d’électeurs enrôlés, selon le tableau établi à l’article 145 de la loi électorale. La deuxième étape consiste en la répartition des sièges par circonscription à l’intérieur de chaque province. Le rapporteur de la Ceni a précisé que la loi du 17 août 2011 a reparti les sièges en tenant compte des 26 provinces: «Les législateurs étaient prévoyants car les sièges ne sont pas répartis par 11 provinces mais ils sont détaillés pour les 26 provinces».

Jean-Pierre Kalamba a par ailleurs souligné que la question de répartition des sièges pour les élections provinciales s’inscrit dans la logique du cycle électoral, entamé depuis le 28 novembre 2011. Selon la loi du 17 août 2011, au moins 780 députés provinciaux seront élus pour le compte des 26 provinces. Pour la répartition des sièges au niveau des élections locales, le rapporteur de la Ceni a indiqué que le dépôt des candidatures n’interviendra qu’à partir du 26 mai prochain. Jean-Pierre Kalamba a précisé que le tableau de répartition des sièges pour les locales est en élaboration et il sera disponible à temps: «Cette loi qui est presque fin prête sera bientôt déposée au Parlement et elle sera utilisée le 26 mai prochain ».[8]

 

La commission électorale indépendante (CENI) tient à éviter tout malentendu en indiquant que la loi sur la répartition des sièges attendue ne concerne pas les élections provinciales qui, ces dernières, faisant partie des arriérés électoraux de 2011, sont règlementées par la loi du 17 août 2011, mais les locales, municipales et urbaines.

L’organisation de ces élections locales, municipales et urbaines, prévues au mois de novembre prochain, dépendra du vote par l’Assemblée nationale de la loi sur la répartition des sièges. La difficulté tient au fait que l’examen et le vote de cette loi ne sont pas prévus dans le calendrier des travaux de la session de mars en cours au parlement car, jusqu’à ce jour, il n’y a aucun écho du côté du Gouvernement quant au dépôt, à l’Assemblée nationale, du projet de loi sur la répartition de sièges. C’est sur ce point, que certains observateurs se montrent dubitatifs quant à la bonne tenue des élections locales, urbaines et municipales. Car sans ce projet, le Parlement ne peut rien faire.

La balle est donc dans le camp gouvernemental. Malheureusement, estiment les mêmes observateurs, ce sujet n’est pas encore abordé au niveau de l’Exécutif.

Si le vote de cette loi intervenait au mois de septembre prochain, lors de la dernière session parlementaire, certains analystes ne voient pas par quel miracle la Ceni pourra organiser les élections locales le mois de novembre.[9]

 

Le 11 avril, au terme de sa session extraordinaire de trois jours, tenue à Kinshasa, le Mouvement de libération du Congo (MLC) a proposé le report des élections, municipales, urbaines et locales après 2016, contrairement au calendrier de la Ceni, qui a fixé ces scrutins au 25 octobre 2015. «On est en train de préparer les élections provinciales et entre temps il y a la mise en application de nouvelles provinces», a déclaré le secrétaire général-adjoint chargé des fédérations du MLC, Alexis Lenga, qui redoute que la Ceni ne soit pas en mesure d’organiser les élections locales au niveau des entités territoriales décentralisées.[10]

 

Le 15 avril, le président de la Ligue des Jeunes de l’Envol, José Kadima, accompagné de son avocat-conseil, Elvis Mayo, a déposé à la Cour Constitutionnelle une requête en inconstitutionnalité contre le calendrier global publié en date du 12 février 2015 par la Commission Electorale, portant sur les élections provinciales, urbaines, municipales et locales 2015.

Le requérant reproche à la Commission Electorale l’exclusion du processus électoral, des jeunes congolais se trouvant actuellement dans la tranche d’âge de 18-21 ans, en violation de l’article 5 de la Constitution qui stipule, dans son dernier alinéa, que « … sont électeurs et éligibles, dans les conditions déterminées par la loi, tous les Congolais des deux sexes, âgés de dix-huit ans révolus et jouissant de leurs droits civils et politiques ». Le président de la Ligue des Jeunes de l’Envol a fait remarquer que l’absence des opérations d’enrôlement et d’identification dans le calendrier électoral de la CENI exclut les jeunes ayant atteint l’âge de voter depuis 2011, au mépris des dispositions impératives et absolues de la Constitution.

Il a souligné que la violation des droits civils et politiques de ces jeunes pourrait être évitée par une opération de mise à jour du fichier électoral, préalable à l’organisation des scrutins de 2015.

«Ne l’ayant pas pris en compte, le calendrier de la CENI doit être frappé d’inconstitutionnalité», a martelé le président de la Ligue des Jeunes de l’Envol, selon qui la CENI devrait nécessairement et au préalable procéder à l’opération de révision des listes électorales, afin d’inclure les Congolais remplissant les conditions requises constitutionnellement pour être électeurs. C’est pour cela que le délégué de l’Envol a demandé à la Cour Constitutionnelle d’ordonner à la CENI la mise à jour du fichier électoral, en procédant à l’identification et à l’enrôlement des jeunes âgés de 18 à 21 ans.[11]

 

Depuis le 15 avril, la Commission électorale enregistre les candidatures pour les élections provinciales qui auront lieu le 25 octobre prochain. Le président de la Commission électorale, l’abbé Malu Malu, a assuré que le calendrier électoral sera respecté.

Mais si la volonté est là, les premiers retards aussi. La loi sur la répartition des sièges pour les locales et municipales devait être adoptée le 5 avril et promulguée le 20 avril, elle n’a même pas encore été examinée par les députés. Idem avec le financement de ces élections. Le gouvernement n’a toujours pas annoncé le plan de décaissement pour tous ces scrutins de plus d’un milliard de dollars. Enfin au sein de la majorité comme de l’opposition certaines voix continuent de réclamer qu’on décale les locales, pour éviter de retarder tous les autres scrutins.[12]

 

Le 17 avril, pendant plusieurs heures les députés se sont interrogés sur la pertinence du calendrier électoral qui prévoit d’organiser sept scrutins en un an et demi. Ainsi que sur la pertinence de mettre en place le redécoupage du pays en 26 provinces alors que démarre un cycle électoral crucial pour le pays. Un débat très attendu à l’Assemblée nationale.

C’est d’ailleurs de la majorité qu’est venue la demande qu’un débat se tienne. «La question est tellement importante et aux implications à la fois financières et politiques qu’il fallait que la représentation nationale donne son point de vue», analyse Christophe Lutundula, le député de la majorité qui a introduit la question à l’Assemblée nationale. L’inquiétude de ce député provient des multiples contraintes préalables à la mise en œuvre du calendrier électoral et à l’installation des 26 provinces: «Il n’y a pas un budget de fonctionnement, ni des organes délibérant et des exécutifs encore moins de nouvelles provinces. Jusqu’au moment où nous parlons, le gouvernement ne nous pas encore amené une loi rectificative pour montrer ce que ça coûte et comment on trouverait les ressources». Une inquiétude partagée par certains députés notamment au sein de l’opposition, à l’instar de Mayo Mambeke, qui parle d’un échec programmé de ces deux opérations.

Le débat a été agité. Car les questions sont nombreuses: comment financer à la fois sept scrutins de plus d’un milliard de dollars et, en même temps, le redécoupage du pays en 26 provinces. Le tout d’ici quelques mois. Pour Delly Sessanga, député de l’opposition, cette hâte est dangereuse, notamment pour les élections locales encore jamais organisées dans le pays: «Les lois, les moyens financiers qui devaient être mobilisés ne sont pas au rendez-vous. Si les élections locales sont faites dans la précipitation avec des contours mal définis, le pays va imploser». Des craintes sécuritaires donc, mais pas seulement.

Le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, Evariste Boshab, a assuré que les élections se tiendront dans le délai. Il a aussi souligné la mise en place effective des nouvelles provinces, lors de sa réponse à la question orale avec débat du député Christophe Lutundula. Evariste Boshab a toutefois reconnu le retard observé dans le processus d’installation de nouvelles provinces. Mais il a ajouté que cette opération n’aura pas d’incidences négatives sur la tenue des élections.[13]

 

b. L’opposition pose des conditions

 

Le 20 avril, plusieurs partis, regroupements politiques et groupes parlementaires de l’opposition ont conditionné leurs participations aux élections provinciales, dont le dépôt des candidatures a débuté le 15 avril. Ils disent attendre «des assurances de la Commission électorale sur certains pré-requis», avant de s’engager dans le processus de dépôt des candidatures.

Le président de l’Alliance des Travaillistes Congolais (ATD), José Makila, parle de ces pré-requis:

«La Ceni avait demandé 45 millions de dollars mais jusqu’à présent on leur a remis 5 millions seulement. La Ceni n’a pas encore d’argent pour organiser les élections. De deux, pour les élections locales et municipales, on n’a pas encore la loi sur la délimitation des villes et des mairies».

Pour Martin Fayulu, de l’Engagement citoyen pour le développement (Ecidé), la situation politique congolaise est caractérisée par «un processus électoral hypothétique et l’installation improvisée et dangereuse des nouvelles provinces».

L’Opposition a donc lancé un appel au boycott des opérations de dépôt de candidatures aux élections provinciales, lancées par la CENI le 15 avril. Elle pose, entre autres préalables à toute participation à ces scrutins, l’audit du fichier électoral; le rejet du calendrier électoral actuel au profit d’un calendrier électoral consensuel; l’enrôlement de nouveaux majeurs présentement privés du droit de vote et la résolution des contraintes financières liées l’organisation du processus électoral.

De manière globale, elle exige un calendrier consensuel, l’audit du fichier électoral, l’enrôlement de nouveaux majeurs âgés de 18 à 22 ans, le renvoi des élections locales, urbaines, municipales au-delà de 2016, le plan de décaissement des fonds réservés au processus électoral, etc. [14]

 

L’Opposition a posé comme préalable au dépôt des dossiers de ses candidats aux élections législatives provinciales des réponses claires et satisfaisantes à son cahier de charges.

Les violons sont loin de s’accorder entre différents leaders de l’opposition, même au sein des mêmes parties politiques, sur l’acceptation ou non de déposer leurs candidatures aux élections provinciales. L’Opposition est très divisée sur la tenue des élections provinciales.

Une partie de l’Opposition conditionne sa participation à ces scrutins par la tenue du dialogue qui doit dégager un consensus sur les divergences qui entachent le processus électoral. Il s’agit de l’Udps de la 10ème Rue, celui du siège avec Bruno Mavungu comme secrétaire général, le Mlc de Jean-Pierre Bemba Gombo, l’Unc de Vital Kamerhe, l’ECIDE de Martin Fayulu… Eux s’opposent à l’opération de dépôt de candidatures.

En face, toujours l’Udps mais par le biais de son secrétaire national aux Relations extérieures Félix Thisekedi, fils du leader charismatique Tshisekedi WA Mulumba, le Parti travailliste (PT) de Steve Mbikayi et le MLP de Franck Diongo qui continue à se qualifier d’opposant radical. Eux sont contre le boycott des provinciales. Leurs candidats se préparent donc à déposer leurs candidatures conformément au calendrier électoral de la CENI. Ils ne veulent pas entendre parler du dialogue, du moins pour les deux derniers.

Mbikayi estime que l’heure n’est plus à la politique de la chaise vide qui a fait louper beaucoup d’opportunités à l’Opposition. Ne pas aller aux élections serait donc faire le jeu de la MP. Enfonçant davantage le clou, Frank Diongo abhorre toute idée de dialogue ni avec le régime de Kabila lui-même ni avec la CENI. Ce dialogue ne conduira à rien. Le Président du MLP ne comprend pas le bien-fondé d’un dialogue entre ces partis politique de l’Opposition avec la CENI.

Car tous, Udps, Mlc et Unc ont leurs membres qui siègent au Bureau de cette institution. Ils ne les ont jamais désapprouvés. Ce qui veut dire qu’ils continuent à défendre valablement leurs intérêts. Ces trois partis sont bien représentés à la CENI. Comment peuvent-ils alors réclamer de prendre langue avec l’institution dans laquelle leurs membres continuent à siéger? Pour Franck Diongo, c’est un non-sens.

D’où ils demandent aux opposants d’aller déposer leurs candidatures pour les provinciales. Il n’est pas question de laisser autant de champ libre à la MP par le boycott comme décrété par leurs autres collègues de l’Opposition. La MP contrôlerait alors dans cette optique toutes les provinces dans la mesure où elle sera seule aux provinciales, du fait du désengagement de l’Opposition.

Quant à Félix Tshisekedi, il est en hiatus avec la position officielle du parti, l’Udps et de la directive de son père, le Lider Maximo. Celui-ci accepte d’aller aux élections à tous les niveaux. Mais à condition qu’il y ait d’abord le dialogue sous l’égide de la Monusco, afin de dégager un consensus sur tout le processus électoral. C’est lors de son meeting tenu dans la ville de Goma au Nord-Kivu, que Félix Thsisekedi a nuancé que, tout en réclamant le dialogue, l’Udps va néanmoins aux élections. Sous-entendu: le dialogue pour lui n’est pas un préalable aux élections.

Position contestée tout de suite à Kinshasa par le secrétaire général Bruno Mavungu.

Comme on le voit, l’Opposition est divisée sur les provinciales. Une partie qui est favorable et l’autre qui pose des conditions.

On constate aussi que, par rapport à cette question, il y a une sorte de schisme qui ne dit pas son nom à l’Udps. Primo, il y a le siège national, avec Bruno Mavungu, qui est sur la ligne du parti comme décrétée par le Président national à partir de Bruxelles. Secundo, il y a le secrétaire aux Relations extérieures Félix Tshisekedi qui, à partir de Goma, a annoncé l’option d’aller aux provinciales.[15]

 

A la date du 27 avril, 3.871 formulaires ont été retirés, dont 3.053 par les Partis politiques; 46 par les Regroupements politiques et 772 par les Candidats indépendants. 3 Partis politiques et 2 indépendants ont déposé leurs dossiers.

Les Bureaux de Réception et Traitement des Candidatures (BRTC) sont 171.

La circonscription électorale, c’est la Ville et le Territoire dans les provinces. C’est la commune dans la ville de Kinshasa. Il s’agit de 20 anciennes villes, 145 territoires de la RDC et 24 communes de Kinshasa, soit au total 189 circonscriptions.

Les provinces dont il est question sont celles énumérées à l’art. 2 de la Constitution.

Seules les anciennes villes sont donc des circonscriptions électorales pour les élections provinciales. Les nouvelles villes ne sont pas concernées pour élections provinciales de 2015 car les décrets conférant le statut de ville et de commune à certaines agglomérations des provinces ont été signés par le Premier Ministre le 13 juin 2013, alors que la loi n°11/014 portant répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections législatives nationales et provinciales a été promulguée le 17 août 2011. Le nombre de sièges pour les provinciales 2015 est fixé à 711 sièges éligibles et 69 sièges à coopter.[16]

 

Le 2 mai, à Kinshasa, le vice-président de la Commission électorale, André Pungwe, a annoncé que l’opération de dépôt des candidatures pour les élections provinciales, prévue du 15 avril jusqu’au 5 mai, a été prolongée jusqu’au 25 mai prochain sur toute l’étendue de la RDC.

Il a assuré que la prolongation de cette opération n’aura aucune incidence majeure sur le chronogramme global de l’institution électorale.

Le rapporteur de la Ceni, Jean-Pierre Kalamba, a attribué ce report aux difficultés rencontrées, par des candidats, dans certains coins du pays. Il a notamment évoqué le cas du territoire d’Inongo (Bandundu), où les candidats aux provinciales n’ont pas pu verser leurs cautions à la banque centrale faute de connexion internet.

A Kisangani (Province Orientale), les candidats disaient être bloqués au niveau du notaire de cette marie, Georges Kamonyi, qui leur demandait des frais exorbitants pour la légalisation des photocopies des titres académiques ou autres.

Jean-Pierre Kalamba a également donné le chronogramme aménagé de la Ceni:

«Du 6 au 25 mai, c’est ça le délai de prolongation. Du 26 mai au 30 sont les 5 jours du délai légal de retrait, ajout ou substitution des candidats. Et aux alentours du 7, la Ceni aura déjà examiné au niveau du bureau, la liste de candidats députés provinciaux de toute la République pour publier la liste provisoire».

A trois jours de la fin du premier délai butoir de cette opération, des candidatures pour les élections provinciales ne s’empressaient pas. Au bureau de réception et de traitement des candidatures de la place YMCA à la commune de Kalamu (Kinshasa) par exemple, la première candidature a été enregistrée le 26 avril, onze jours après le lancement de l’opération de dépôt des candidatures.

De nombreux partis politiques de l’opposition continuent de conditionner leur participation aux élections provinciales, municipales et locales. Ils posent un certain nombre de préalables notamment: le réaménagement du calendrier électoral et le décaissement des fonds nécessaires pour organiser les élections.[17]

 

 

3. VERS L’INSTALLATION DES NOUVELLES PROVINCES

 

Le 18 avril, les travaux des commissions chargées de l’installation des nouvelles provinces ont été lancés à Kinshasa. Les membres de ces commissions, nommés depuis le 13 avril par un décret du Premier ministre, ont été présentés au public le 19 avril lors d’une cérémonie présidée par Evariste Boshab, vice-premier ministre chargé de l’Intérieur et Sécurité.

Ils sont au total quatre-vingt-dix membres qui forment six commissions de quinze membres chacune. Ces commissions vont travailler pendant trente jours. Elles feront le rapport final devant les assemblées des six provinces démembrées: Bandundu, Equateur, Kasaï-Occidental, Kasaï-Oriental, Katanga et Province Orientale.

D’après le décret du Premier ministre, les actuelles assemblées provinciales ne pourront que prendre acte du rapport final de ces commissions, sans débat.

Evariste Boshab, qui se dit confiant sur les travaux d’installation de nouvelles provinces, rappelle aux commissions sur quoi elles devront s’atteler: «L’essentiel de votre mission est d’établir l’état des lieux de votre province, d’en dresser l’actif et le passif et d’en proposer une répartition harmonieuse du patrimoine ainsi que des ressources humaines et financières».

D’après le secrétaire général du gouvernement, c’est à partir du 30 juin que les nouvelles provinces devront effectivement entrer en fonction avec de nouveaux gouverneurs qui seront élus par les actuels députés provinciaux arrivés fin mandat. Il s’agit d’une disposition provisoire, en attendant les élections des gouverneurs des vingt-six provinces, prévues au mois de février 2016 sur le calendrier de la Commission électorale.[18]

[1] Cf Radio Okapi, 16.03.’15

[2] Cf Radio Okapi, 04.04.’15

[3] Cf Radio Okapi, 06.04.’15

[4] Cf ACP – Kinshasa, 23.04.’15 (via mediacongo.net)

[5] Cf Angelo Mobateli – Le Potentiel – Kinshasa, 19.03.’15

[6] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 23.03.’15

[7] Cf Le Phare – Kinshasa, 06.04.’15

[8] Cf Radio Okapi, 03.04.’15

[9] Cf Molina/Forum des As – Digitalcongo, 06.04.’15

[10] Cf Radio Okapi, 12.04.’15

[11] Cf Eric Wemba – Le Phare – Kinshasa, 16.04.’15

[12] Cf RFI, 17.04.’15

[13] Cf Radio Okapi, 17.04.’15; RFI, 18.04.’15

[14] Cf Radio Okapi, 20.04.’15

[15] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 28.04.’15

[16] Cf La Prospérité – Kinshasa – Congoforum, 30.04.’15

[17] Cf Radio Okapi, 02.05.’15

[18] Cf Radio Okapi, 19.04.’15