SOMMAIRE
ÉDITORIAL: Premiers pas timides vers un nouveau cycle électoral
1. UNE FEUILLE DE ROUTE POUR LES PROCHAINES ÉLÉCTIONS
a. La CENI a présenté la feuille de route
b. Les réactions de l’opposition politique
2. BÂTONS ENTRE LES ROUES POUR VITAL KAMERHE
ÉDITORIAL: Premiers pas timides vers un nouveau cycle électoral
1. UNE FEUILLE DE ROUTE POUR LES PROCHAINES ÉLÉCTIONS
a. La CENI a présenté la feuille de route
Le 8 octobre 2013, à Kinshasa, l’Abbé Apollinaire Malumalu, président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a présenté une mouture de la feuille de route du processus électoral 2013-2016 aux 449 partis politiques régulièrement enregistrés en RDCongo. Des députés, sénateurs, ministres honoraires, chefs des partis et des regroupements politiques ont assisté à cette présentation.
S’agissant des moyens à mobiliser, le président de la CENI a d’abord cité les textes légaux qui manquent a l’environnement électoral congolais: la loi portant répartition des sièges pour les élections urbaines, municipales et locales; la loi sur la répartition des sièges pour les élections législatives nationales; la liste officielle des villes, groupements et communes etc. Autres moyens qui font défaut à la CENI, ce sont les juridictions compétentes pour la gestion des contentieux électoraux. Il s’agit principalement des cours administratives (à créer) pour résorber les crises postélectorales liées aux élections urbaines, municipales et locales. D’autres moyens sont strictement d’ordre humain (personnel à recruter, à former et à payer) et financier.
La CENI a proposé le changement du mode de suffrage pour les élections provinciales. Celles-ci devraient passer de suffrage direct, consacré pour le moment par la législation, au suffrage indirect. La CENI annonce aussi qu’il sera procédé à l’ouverture de 26 secrétariats exécutifs provinciaux de la CENI dans le pays, en conformité avec le découpage constitutionnel des nouvelles provinces. Selon une fuite d’informations, les élections urbaines, municipales et locales auraient lieu en 2014.[1]
Le 26 décembre, le président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), l’abbé Apollinaire Malu Malu, a annoncé que l’année 2014 serait une année électorale et a ainsi invité tous les Congolais à se préparer à des élections urbaines, municipales et provinciales.
«Le principal défi de la Ceni c’est d’organiser des élections chaque année à partir de 2014 jusqu’en 2016», a déclaré le président de la Ceni. Il a réaffirmé la volonté de son institution à faire respecter le chronogramme qui alignera en octobre et en novembre 2014 les élections urbaines, municipales et locales. Les élections provinciales, sénatoriales et des gouverneurs des provinces auraient lieu en 2015. Les députés provinciaux seraient élus au suffrage universel indirect avec élection au second degré. Les sénateurs nationaux et les gouverneurs des provinces seraient élu à suffrage indirect au troisième degré par les députés provinciaux. Tandis que la présidentielle et les législatives nationales auront lieu en 2016. Selon l’abbé Malu-Malu, les besoins de la Céni pour 2014 devraient s’élever au total à 284 millions de dollars pour son fonctionnement et les opérations (électorales).[2]
Le 30 janvier 2014, le président de la Ceni, l’Abbé Apollinaire Malu Malu, a présenté à l’Assemblée nationale la feuille de route de la poursuite du processus électoral. Il a présenté deux hypothèses.
– Dans la première hypothèse, la CENI propose que les élections urbaines, municipales et locales au suffrage universel direct se tiennent en 2015, suivies par les scrutins au suffrage indirect des députés provinciaux (une innovation), des sénateurs nationaux, des gouverneurs de province, des maires, des bourgmestres et des chefs de secteur. Après cette étape, la CENI se propose d’organiser des élections au suffrage universel direct des députés nationaux et du président de la République en 2016. Au regard de cette première hypothèse de travail, le cycle électoral sera bouclé en 2016.
– Dans la seconde hypothèse, l’Abbé Malu Malu propose d’entamer le cycle par les élections urbaines, municipales et locales au suffrage universel direct, suivies par les scrutins au suffrage indirect des maires, des bourgmestres et des chefs de secteur. Les élections au suffrage universel direct des députés provinciaux, des députés nationaux et du président de la République sont prévues en 2016. Dans cette hypothèse, les élections au second degré ou au suffrage indirect seront postposées en 2017, après les législatives provinciales et nationales ainsi que la présidentielle. Ainsi, les élections sénatoriales, des gouverneurs et vice-gouverneurs se tiendront en 2017.
La plupart des députés ne sont pas d’accord avec ces deux hypothèses. La majeure partie des députés de l’opposition ont boycotté cette cérémonie. Ils ont préféré sortir au moment où le président de la Ceni présentait sa feuille de route. Il faut aussi rappeler que les actuels Sénateurs et gouverneurs de provinces avaient été élus au suffrage universel indirect fin 2006 pour un mandat de cinq ans, selon la Constitution. Leur mandat est donc expiré depuis fin 2011.[3]
Selon la Ceni, l’objectif principal est de vider les arriérés électoraux 2006-2011.
La Ceni a opté pour l’organisation des élections municipales, urbaines et locales en 2015, ce qui va permettre de faire justice aux électeurs qui n’ont jamais choisis leur dirigeant à proximité, de mettre fin à un double arriéré électoral et de mettre fin au disfonctionnement institutionnel et à la crise de légitimité dans les entités locales territoriales et urbaine de base.
La Ceni a présenté les exigences du cahier des charges pour la réalisation du processus électoral.
Au parlement, elle a demandé de prendre en compte les budgets des opérations, du fonctionnement, investissement et rémunération; de réviser, au plus tard mars-avril-mai, le cadre légal pour les élections urbaines, municipales et locales ainsi que provinciales, sénatoriales, législatives et présidentielles. D’autres obligations à réaliser par les députés et les sénateurs résident à l’adoption des lois portant répartition des sièges en fonction des exigences du cycle électoral.
Au gouvernement de la République, la CENI exige de rende public, au plus tard fin février 2014, la liste officielle et la délimitation des groupements, la cartographie des villes, communes, quartiers, chefferies, secteurs et groupements et de financer le plan de sécurisation du processus électoral. Au-delà de la mobilisation du budget des opérations, le gouvernement congolais doit présenter le résultat du recensement administratif de la population au plus tard en septembre 2015. Sur le plan de la justice, les tribunaux de grande instance pour le traitement des contentieux des élections urbaines, municipales et locales doivent être opérationnels avant septembre 2014 suivi de la formation des magistrats et des auxiliaires de la justice sur les techniques électorales et la gestion des contentieux. Pour les élections présidentielles, la Ceni attend voir l’installation effective de la Cour constitutionnelle et le renforcement des capacités des cours d’appels ou des cours d’administration.[4]
Le 8 février, à Kinshasa, la CENI et des partis politiques ont signé le code de bonne conduite du processus électoral. A la même occasion, ils ont également acté le protocole d’accord instituant le comité de liaison entre l’institution électorale et les formations politiques.
Le président de la Ceni a qualifié le code de bonne conduite comme un ensemble de dispositifs, d’autorégulation et de principes destinés aux acteurs congolais en compétition électorale.
Selon Malu Malu, tous ceux qui n’ont pas signé ces documents peuvent se rendre à la Maison des électeurs, située dans le bâtiment de l’Ex-Kin Maziere à Kinshasa, pour le faire. Le délai court jusqu’à la fin de ce mois de février.
Certains regroupements politiques de l’opposition ont cependant boycotté la signature de ce document. C’est le cas notamment des Forces acquises au changement (Fac), de la Coordination pour le vrai dialogue (CVD) ainsi que des partis et regroupements politiques de l’opposition qui avaient participé aux concertations nationales.
Au cours d’un point de presse animé le 7 février, le coordonnateur des Fac, Martin Fayulu, a mis en doute la crédibilité du président de la Ceni: «Nous n’allons pas signer le code de bonne conduite parce que nous voulons le départ de Malu Malu. Nous, députés de l’opposition, nous avons signé une déclaration récusant Malu Malu. Il ne peut plus être à la tête de la Ceni. Il ne peut pas organiser les élections». Ce regroupement politique a en outre qualifié la signature de ce code de bonne conduite d’une « aventure » de l’abbé Malu Malu, car il n’aurait pas encore pris en considération les conditions qui avaient été proposées à la Ceni pour des élections crédibles après les dernières élections présidentielles et législatives. «Toutes les missions d’observations des élections du 28 novembre 2011 ont dit que le préalable avant de continuer le processus électoral dans ce pays, c’était d’auditer le fichier électoral. Où est passé l’audit du fichier électoral? Nous allons encore aux élections avec le même fichier électoral qui a posé problème en 2011», a ajouté le coordonnateur des Fac.[5]
b. Les réactions de l’opposition politique
L’opposition politique juge anticonstitutionnelle la feuille de route de la Ceni, car les deux options présentées violent la constitution. «On ne peut pas comprendre que la CENI se permette de changer le mode de scrutin en prétendant organiser, contrairement à ce qui est prescrit par la Constitution, les élections des députés provinciaux au suffrage universel indirect», a décrié Jean Lucien Busa, le président du Courant des démocrates républicains. Pourtant, le président de la CENI a insisté que les deux options contenues dans sa feuille de route n’étaient qu’une simple proposition technique et qu’il revenait à l’Assemblée nationale et aux autres institutions de trancher.[6]
Dans la première hypothèse, le président de la CENI a suggéré la suppression du «suffrage universel direct et secret» pour l’élection des députés provinciaux au profit du «suffrage indirect», afin de minimiser les coûts d’organisation, mais aussi de réduire les délais de temps. Si les députés provinciaux sont élus au second degré, pense la CENI, cela constituerait un gain de temps pour elle et d’argent pour le pays.
D’où une autre suggestion, à savoir celle impliquant la révision de la Constitution, en son article 197. Soumis à l’appréciation des députés nationaux, cette proposition a soulevé un grand tollé et continue d’agiter le microcosme politique national. Partis en vacances sans avoir levé une option, la Représentation nationale devrait absolument se prononcer, au mois de mars «pour» ou «contre».
Dans l’hypothèse de l’acception de l’idée de révision des dispositions constitutionnelles régissant les élections des députés provinciaux, soutient la CENI, leur élection pourrait se tenir dans le courant de l’année 2015, ce qui permettrait de renouveler, avant les élections présidentielle et législatives nationales, les mandats des sénateurs et des gouverneurs de province, dont le corps électoral est justement composé des élus provinciaux.
Dans le cas où l’Assemblée nationale rejetterait l’idée de toute révision constitutionnelle, le pouvoir organisateur des élections prévient qu’il ne serait pas possible, matériellement, financièrement et temporellement, d’organiser les votes des députés provinciaux, des sénateurs et gouverneurs de provinces au courant de 2015. Et l’année 2016 étant exclusivement réservée à la présidentielle et aux législatives nationales, il faudrait attendre 2017. Autrement dit, le maintien du «suffrage universel direct et secret» pour les députés provinciaux aurait pour conséquence logique la prolongation automatique des mandats des sénateurs et gouverneurs de province au-delà de 2016. Elus pour la dernière fois en 2007, ils auront ainsi bénéficié d’une rallonge gratuite de 5 ans.
Manifestement, la CENI attend que les députés nationaux prennent leurs responsabilités, en fixant l’opinion nationale, dès leur retour des vacances, sur le mode de scrutin qu’ils auront choisi pour les députés provinciaux. Leur avis est d’autant crucial qu’il va permettre aux Congolais de savoir ce qui les attend en 2015, 2016 ou 2017, selon qu’ils se seront prononcés « pour » ou « contre » la révision constitutionnelle.[7]
La conformité constitutionnelle de la feuille de route de la CENI, la garantie de la sérénité politique, l’audit du fichier électoral sont parmi les préalables posés par les principaux acteurs de l’Opposition politique congolaise, en l’occurrence l’UDPS, l’UNC et le MLC.
Pour l’UNC, la CENI devrait commencer par conformer sa feuille de route à la Constitution et aux lois de la République. Le secrétaire général adjoint de cette formation politique, le député national Claudel-André Lubaya, voit dans ce caractère «anticonstitutionnel» de la feuille de route de la CENI, «une brèche ouverte pour la révision de la Constitution». Il s’en tient également aux préalables de la révision du fichier électoral, «gage de la transparence du processus», a-t-il estimé.
Selon l’UDPS, la mise en marche de la machine électorale actuelle «constitue une distraction». «L’UDPS ne va pas cautionner le mal», a indiqué le porte-parole adjoint de ce parti, Augustin Kabuya.
Le député national Jean-Claude Vuemba du MPCR a affirmé: «Nous ne voulons pas des élections locales avant les élections provinciales. Et cela par respect au délai constitutionnel des mandats des institutions».
Le président de l’ECIDE et coordonnateur des FAC, le député national Martin Fayulu, a souligné que, «en présentant l’hypothèse de l’organisation des élections des députés provinciales au second degré, l’abbé Malumalu a violé l’article 197 de la Constitution. Il veut à tout prix commencer les élections par les locales interrompant ainsi le cycle électoral commencé le 28 novembre 2011. C’est un prétexte pour ne pas organiser l’élection présidentielle en 2016».[8]
Le député national Emery Okundji (opposition) a qualifié de «piège» la feuille de route électorale proposée par le président de la CENI à l’Assemblée Nationale, précisant que «il n’y a pas d’excuses possibles pour la CENI si, au bout de son travail, elle a produit un document remarquable par son caractère irréaliste, anticonstitutionnel et franchement aux inclinaisons politiques tendancieuses ». Selon lui, «le document présenté est une menace sérieuse pour la démocratie en RDCongo»
«La feuille de route présentée, non seulement viole la Constitution et la loi organique de la CENI, mais s’arroge aussi le pouvoir de prolonger, jusqu’à 2017, les mandats des Sénateurs, Députés provinciaux et Gouverneurs des provinces», a indiqué le député Okundji.
Fustigeant la proposition du scrutin indirect des députés, contrairement à la Constitution qui recommande le scrutin direct, il a affirmé que «le Bureau de la CENI veut pousser les députés nationaux à suggérer l’idée d’une nouvelle révision de la Constitution dont on n’ignore pas la réticence au niveau du peuple».
Il a insisté sur le fait que, «même au nom de l’indépendance qui lui est reconnue, la CENI devra rester dans la loi et surtout se garder de la piétiner car c’est du reste la loi qui garantit cette indépendance».
Il a fait remarquer que «l’Abbé Malumalu veut jouer au ponce Pilate en cas de non tenue des élections dans le délai en rejetant la responsabilité sur les députés». En effet, a-t-il expliqué, «le document de la CENI conditionne la matérialisation de sa propre feuille de route à l’opérationnalité effective de la décentralisation, du recensement de la population par le gouvernement, ce qui est irréaliste». Par ailleurs, a-t-il pressenti, «il se dessine lentement et sûrement les contours d’une situation qui devrait accorder un « mandat gratuit » au président Kabila et à sa majorité institutionnelle au-delà de 2016».[9]
Selon Samy Badibanga Ntita, Président du Groupe Parlementaire Udps & Alliés, «du fait d’un cycle électoral incomplet et défaillant en 2011, la République ne dispose toujours pas de responsables élus au niveau local; ceux qui sont en place au niveau provincial (Députés et Gouverneurs) ont terminé leur mandat, depuis plus de deux ans et ont perdu leur légitimité. Au niveau national, le mandat des sénateurs étant, lui aussi, dépassé, la légitimité de la Chambre Haute s’en trouve, de facto, affectée». Selon lui, le nouveau cycle électoral 2013-2016 doit impérativement répondre à ces graves préoccupations. C’est-à-dire, doter, enfin, les villes et les communes de responsables élus, redonner aussitôt que possible leur légitimité aux institutions qui l’ont perdue et respecter les échéances législatives et présidentielles de décembre 2016.
Le parlementaire congolais réaffirme son attachement aux principes républicains et affirme que «l’expérience montre qu’il ne peut y avoir d’avancées démocratiques durables, sans un respect strict de la Constitution, des échéances électorales, du nombre et de la durée de mandats. C’est la voie que la CENI doit suivre et la communauté internationale devrait conditionner son soutien au respect de ces principes».
Concrètement, il affirme que «puisqu’il faut organiser quatre scrutins universels directs avant la fin de l’année 2016, des regroupements de scrutins paraissent indispensables». Il propose donc que les élections locales et provinciales soient organisées ensemble, au début de l’année 2015 ou fin 2014. Cela permettra, d’une part, l’économie des ressources administratives, financières et logistiques et, d’autre part, le règlement de l’actuel dysfonctionnement institutionnel.
Il souligne également, que «un tel calendrier laisse largement le temps d’organiser l’élection indirecte des Sénateurs et des Gouverneurs avant novembre 2015 et tout ceci sans modification de la constitution». L’homme d’Etat congolais insiste également sur «la révision et la fiabilisation du fichier électoral» qui, à l’en croire, conditionnent la réussite de l’ensemble du processus électoral.
Selon Samy Badibanga, «la bonne conduite de cette opération préalable permettra au processus de disposer d’une liste des électeurs actualisée comprenant les omis ainsi que les électeurs réorientés mais aussi les citoyens ayant accédé a la majorité depuis la tenue des dernières élections et qui ne figurent donc pas sur les listes actuelles». Cet exercice de remise à jour des données de base doit s’étendre jusqu’à la cartographie opérationnelle des sites de vote des entités de base et des groupements, ce qui permettra de faciliter la convocation unique de l’électorat pour des élections combinées.[10]
2. BÂTONS ENTRE LES ROUES POUR VITAL KAMERHE
Le 6 février, le président de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), Vital Kamerhe, a dénoncé une politisation de l’affaire qui l’oppose à la député Wivine Moleka devant le Tribunal de paix de la Gombe. Il a affirmé que, le 4 février, le ministère public a requis trois ans de prison ferme contre lui, alors qu’un arrangement à l’amiable a déjà été conclu entre les deux parties et acté par le tribunal. Pour sa part, la députée nationale Wivine Moleka exige, pour clore l’affaire, de recevoir des excuses officielles de Vital Kamhere pour l’avoir accusée d’avoir fraudé les élections législatives de 2011.
Vital Kamhere s’est dit surpris du réquisitoire du Ministère public. Pour lui, les juges jouent le jeu de certains politiques qui aimeraient le voir disqualifié pour les prochaines échéances électorales en RDC, notamment la présidentielle de 2016. Vital Kamhere a toutefois affirmé faire confiance en la justice congolaise malgré, selon lui, la manipulation de certains juges.
Mme Wivine Moleka, membre du PPRD, le parti présidentiel, a été élue député nationale pour le compte du district de la Lukunga, à Kinshasa, lors des élections législatives de 2011.
Vital Kamerhe fut l’ancien secrétaire général du PPRD, le parti présidentiel, et ex-président de l’Assemblée nationale. Il a été contraint à la démission en 2009 après avoir critiqué les opérations militaires menées conjointement par les Forces armées rwandaises et congolaises contre les FDLR au Nord-Kivu. Depuis 2010, il est à la tête de l’UNC un parti d’opposition. Vital Kamhere était arrivé troisième à la présidentielle de 2011, derrière son ancien allié, le président sortant Joseph Kabila, et l’opposant historique Etienne Tshisekedi.[11]
Le 7 février, Vital Kamerhe a été empêché de voyager pour Goma où il devait se rendre avec des membres de son parti pour apporter un message de compassion et de réconciliation aux populations du Nord et Sud-Kivu. L’opposant avait déjà embarqué à bord d’un avion de la compagnie Malu qu’il avait affrété à l’aéroport de Ndolo lorsque le pilote a reçu l’ordre de ne pas décoller.
Joint au téléphone, le patron de la RVA qui affirme se trouver dans un hôpital a déclaré que son entreprise ne gère que la piste de l’aéroport de Ndolo. Selon lui, c’est l’Autorité de l’aviation civile qui donne l’ordre de décoller. Le directeur général de l’Aviation civile contacté peu avant midi affirme également se trouver dans un hôpital. Il dit ne pas être au courant de ce qui se passe à l’aéroport de Ndolo et promet de s’enquérir de la situation.
De sa part, Vital Kamerhe a affirmé que la raison de cette interdiction de vol ne lui a pas été signifiée. Selon lui, c’est la Régie des voies aériennes (RVA) qui a ordonné au pilote de ne pas décoller et il a accusé le gouvernement d’être à l’origine de cette interdiction de voyager.
Le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, accuse Vital Kamhere de vouloir se faire remarquer en racontant des mensonges. «C’est une société d’aviation, que vous appelez Malu, et qui a des problèmes avec la RVA ou l’autorité de l’aviation civile, soit des problèmes techniques, soit des problèmes de redevance. Mais le fait qu’il y ait Kamhere ou pas dedans, ça n’a rien à voir», s’est-il-insurgé. Lambert Mende invite à la prudence dans cette affaire qui, selon lui, ne peut-être éclairée que par l’Autorité de l’aviation civile ou le ministère des Transports. Le porte-parole du gouvernement accuse Vital Kamerhe de chercher à «compenser ce qu’il a perdu en 2011 en se créant artificiellement comme une vedette et en racontant partout des choses qui ne sont pas vraies».[12]
Le 9 février, Vital Kamerhe et la délégation qui l’accompagnait ont été de nouveau empêchés de voyager, à l’aéroport de N’djili. Ils devaient se rendre à Goma au Nord-Kivu, à bord d’un vole régulier de la compagnie CAA. Pour Kamerhe, les autorités congolaises sont décidées à le mettre en prison et il se dit «presque convaincu que son acte de condamnation a déjà été signé par le président Kabila». Des propos balayés par le ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, qui estime que l’opposant Kamerhe n’a pas rempli les formalités d’embarquement. Richard Muyej dit ne pas comprendre les agissements de Vital Kamerhe: «On s’était convenu de se rencontrer le lundi ou le mardi pour échanger sur cette situation, de manière à aplanir cette divergence et pour qu’il puisse programmer son voyage en toute tranquillité. En tant que leader d’un parti politique, il a même droit à être sécurisé par mon ministère».[13]
Dans ces interdiction de voyager au Kivu, Vital Kamerhe n’y voit qu’une volonté du pouvoir de « l’exclure du jeu politique » avant la présidentielle de 2016. Il a donc affirmé: «Le président Joseph Kabila veut m’exclure du jeu politique. Pourquoi m’empêcher de me rendre à Goma pour apporter un message de compassion et de réconciliation aux populations du Nord et Sud-Kivu ? Kabila a déjà décidé de me faire condamner à trois ans de prison ferme dans l’affaire qui m’oppose à la députée Wiwine Moleka».[14]
Le 10 février, dans une déclaration, la délégation de l’Union Européenne (UE) en RDCongo appelle au respect des droits de l’opposition dans la perspective des prochaines élections locales, provinciales, législatives et présidentielle d’ici à novembre 2016. L’UE estime important de protéger l’exercice de la liberté d’expression, d’assurer un espace politique ouvert et de garantir la liberté de mouvement ainsi que l’indépendance et l’impartialité de la justice. «La délégation de l’UE a pris note avec inquiétude des entraves et des restrictions de déplacement dont certains responsables politiques de l’opposition ont été récemment l’objet. Le dernier cas en date concerne le président de l’Union pour la nation congolaise, Vital Kamerhe», a indiqué la déclaration de l’UE.
La délégation européenne a par ailleurs «noté les résolutions récentes par lesquelles l’Union Interparlementaire a exprimé sa préoccupation sur plusieurs cas de harcèlements récents à l’encontre de parlementaires», mais n’a pas précisé les élus auxquels elle faisait allusion. «Les partis politiques doivent être à même de jouer le rôle prévu par la Constitution de la RDCongo. Nous continuerons à suivre le processus électoral de très près», a prévenu la délégation.[15]
Le 12 février, des discussions entre la délégation de l’UNC, parti de Kamerhe, le ministre de l’Intérieur et l’Agence nationale des renseignements ont permis d’obtenir que, après les divergences entre lui et les autorités congolaises, l’opposant Vital Kamerhe puisse se rendre dans l’Est de la RDC, où il compte organiser une caravane de paix. Il en avait été empêché à deux reprises la semaine dernière. «Le gouvernement nous a fait part de ses inquiétudes quant à ce déplacement étant donné que la zone de l’Est du pays n’est pas encore suffisamment pacifiée, ni sécurisée. Nous avons rassuré le gouvernement de notre intention de nous y rendre dans le respect des lois de la République et dans le libre exercice de nos droits fondamentaux et inaliénables. Il appartient désormais à l’UNC dans le cadre de son agenda, perturbé par des dernières hésitations, de programmer ses déplacements pas seulement dans l’Est mais à travers tout le pays», indiqué André-Claudel Lubaya, cadre de l’UNC.[16]
[1] Cf Ceni, 08.11.’13 http://www.ceni.gouv.cd/news.aspx?id_news=57
[2] Cf Xinua – Kinshasa, 27.12.’13 (via mediacongo.net)
[3] Cf Radio Okapi, 30.01.’14
[4] Cf Vusolo-Vwa-Mpipo – Business et Finances, 12.02.’14
[5] Cf Radio Okapi, 08.02.’14
[6] Cf 7sur7.cd – Kinshasa, 31.01.’14
[7] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 05.02.’14
[8] Cf Pitshou Mulumba – Le Potentiel – Kinshasa, 11.02.’14
[9] Cf Bertin Kangamotema – Le Potentiel – Kinshasa, 10.02.’14
[10] Cf La prospérité – Kinshasa – Africatime, 13.02.’14
[11] Cf Radio Okapi, 06.02.’14
[12] Cf Radio Okapi, 07.02.’14
[13] Cf Radio Okapi, 09.02.’14
[14] Cf Trésor Kibangula – jeune Afrique, 09.02.’14
[15] Cf AFP – Jeune Afrique, 11.02.’14
[16] Cf Radio Okapi, 13.02.’14