KINSHASA, 30 DECEMBRE 2013: UN SIGNAL INQUIETANT

Editorial Congo Actualité n. 209– Par la Réseau Paix pour le Congo

 

Le 30 décembre, à Kinshasa, un groupe de partisans de Paul Joseph Mukungubila, chef d’une église évangélique, a attaqué en même temps le siège de la Radio Télévision Nationale Congolaise (RTNC), l’aéroport international de Njili et le camp militaire Tshatshi, siège de l’état-major général de l’armée. Des tirs à l’arme lourde ont été entendus aussi en plein centre ville de Lubumbashi, aux alentours de la résidence du Pasteur Mukungubila, et à l’aéroport de Kindu (Maniema).

Exécutants et mandataires

Paul Joseph Mukungubila dénonce régulièrement les tentatives de balkanisation de la RDC ainsi que le bradage et le pillage des ressources naturelles du pays par ses voisins, surtout par le Rwanda. Il est aussi un critique virulent de l’accord de paix signé le mois de décembre avec la rébellion du M23 dans l’Est de la RDCongo, accusant le gouvernement d’avoir cédé aux pressions des Tutsis et du Rwanda. Compte tenu de la simultanéité des événements et de l’importance symbolique et stratégique des objectifs (la RTNC, le siège de l’état-major de l’armée et l’aéroport international), tous les observateurs s’accordent pour dire que Mukungubila n’a été que l’auteur matériel d’un plan soigneusement concocté et planifié par de vrais mandataires. Le contexte le fait penser.

 

Une nomination mal vue

Le 28 décembre, deux jours avant les attaques du 30 décembre, le président Joseph Kabila nomme, à la tête de la police nationale congolaise, le général Charles Bisengimana (un nom rwandohone) en remplacement de John Numbi, un Katangais proche de Kabila. En décembre 2008, John Numbi avait participé personnellement aux négociations entre le président congolais Joseph Kabila et le président rwandais Paul Kagame pour « mettre fin » à la guerre du CNDP au Nord-Kivu, en faisant arrêter le général Laurent Nkunda et en le remplaçant par Bosco Ntaganda, en échange d’une opération militaire conjointe contre les FDLR. Ensuite, il avait été écarté de son poste de chef de la police après l’assassinat, en 2010, de Floribert Chebeya. Numbi est fortement mis en cause dans le meurtre de ce militant des droits de l’homme et de son chauffeur. Depuis lors, l’ancien chef de la police s’est reclus dans sa ferme du Katanga, non loin de Lubumbashi, où il est fortement soupçonné par les experts de l’ONU de téléguider les Bakata Katanga (détacher le Katanga), en fournissant armes et munitions à ce groupe armé. Les Bakata Katanga sont un groupe armé indépendantiste soutenu par des hommes politiques locaux, pour faire pression sur Joseph Kabila afin d’obtenir des postes ministériels ou de rétablir leur influence sur le camp présidentiel.

Le général Gabriel Amisi, de l’armée congolaise, n’a non plus accepté de bon gré la nomination de Charles Bisengimana. Ce Lega du territoire de Punia dans le Maniema, est connu sous le code de «Tango Four», pour avoir été responsable de la logistique (T4: tango four) au sein du RCD-Goma, un ancien groupe armé appuyé par le Rwanda. Impliqué dans le commerce illégal de minerais, soupçonné de complicité avec le M23, en ordonnant l’arrêt des opérations militaires quand l’ennemi se trouvait en difficulté, accusé de haute trahison pour avoir été à la base de la chute de Goma en novembre 2012, en ordonnant aux troupes de se retirer de la ville, il a été enfin suspendu de ses fonctions de chef d’état-major des Forces terrestres.

 

Qui tire les ficelles

Selon certains observateurs, derrière Paul Joseph Mukungubila, certains y voient les mains de John Numbi et Amisi Tango Four qui se sentiraient frustrés de ce que leurs postes respectifs de commissaire général de la PNC et de chef d’état-major de l’armée de terre leur échappent définitivement, depuis l’officialisation du Tutsi Bisengimana à la tête de la PNC. Autant John Numbi contrôle les miliciens Bakata-Katanga dans la province cuprifère, de même Amisi contrôle quelques Maï-Maï dans le Maniema et dans les Kivu. Comme constaté, ce qui unit John Numbi et Gabriel Amisi pourrait être leur implication, à différents niveaux, dans la guerre au Kivu et leur complicité avec le régime rwandais dans la poursuite de cette guerre d’occupation et de balkanisation du Pays. Encore, le général de brigade Jean-Claude Yav Kabej (chef des renseignements militaires, Démiap) et Kalev Mutond (chef du service de renseignement civil, ANR), tous les deux Balubakat, auraient joué un rôle-clé dans les contacts secrets entretenus entre Kinshasa et Kigali durant la guerre contre le M23.

 

Une piste à ne pas négliger

Si cela était vrai, on ne pourrait pas exclure, lors des enquêtes en cours sur les attaques de Kinshasa, Lubumbashi et Kindu, la piste rwandaise, à laquelle on pourrait ajouter celle ougandaise, vu que l’Ouganda et le Rwanda nourrissent les mêmes ambitions expansionnistes et hégémoniques sur l’est de la RDCongo. Face à la résistance constante et courageuse de la population du Kivu, le Rwanda et l’Ouganda pourraient chercher, dans les Katangais, de nouveaux alliés, pour déstabiliser le Pays et réaliser leur plan de balkanisation de la RDCongo, avec l’appui de certaines puissances et multinationales occidentales. Pour éviter ce danger, il est nécessaire de renforcer les services de sécurité et de renseignement et d’éliminer toute complicité au sein de l’armée et de la police.