Congo Actualité n. 195

SOMMAIRE:

ÉDITORIAL: Le paradoxe d’une négociation imposée

1. ALERTE:  PRÉPARATIFS DE NOUVELLES ATTAQUES PAR LE M23/RDF

2. LES NÉGOTIATIONS ENTRE LE GOUVERNEMENT ET LE M23 A KAMPALA

3. PEUT-ON NÉGOCIER AVEC LE M23? … PAS DU TOUT SÛR!

 

ÉDITORIAL: Le paradoxe d’une négociation imposée

Les négociations entre le Gouvernement de la République démocratique du Congo (RDCongo) et le Mouvement du 23 Mars (M23), un groupe armé soutenu militairement par le Rwanda et l’Ouganda, ont repris à Kampala, en Ouganda. Ce retour à la table des négociations, interrompues depuis mai, découle certainement de la volonté des Nations Unies, de l‘Union Européenne, de l’Union Africaine et des Etats-Unis d’Amérique de voir la crise congolaise être résolue par une solution négociée, certainement moins risquée qu’une action militaire des Forces Armées de la RDCongo (FADC) qui nécessiterait du soutien de la brigade d’intervention de la Mission des Nations Unies en RDCongo (Monusco).

Qu’est-ce que l’on peut attendre du M23?.

Le M23 est désormais considéré comme une force négative comme d’autres groupes armés et nombre de ses dirigeants sont inscrits sur la liste des sanctions établie par les Nations Unies et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique. La même délégation du M23 est constitué de personnes qui ont la nationalité rwandaise et qui ont recouvert, ou qui continuent à recouvrir, des postes importants dans l’appareil politique et militaire rwandais. En outre, presque tous les délégués du M23 sont des anciens membres des rébellions créés dans le passé par le même Rwanda: l’AFDL, le RCD et le CNDP et ont été déjà amnistiés et réintégré dans l’armée nationale à plusieurs reprises. On peut donc se demander opportunément avec qui du M23 pourrait-on traiter.

Malgré cela, selon la communauté internationale, Kinshasa et le M23 devraient conclure un accord pour une paix négociée au Nord-Kivu. Mais qu’est-ce que l’on peut attendre du M23 qui n’obéit, depuis qu’il a pris les armes en mai 2012, qu’aux agendas arrêtés à Kigali et Kampala, lesquels restent fondés sur la balkanisation de la RDC et le pillage de ses ressources naturelles?

Si le M23 se dit «prêt à désarmer et à retourner à la vie civile», toutefois il pose «deux conditions: le retour des réfugiés congolais tutsis qui vivent encore dans des camps au Rwanda, en Ouganda et au Burundi et la neutralisation des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), suivi de leur rapatriement dans leur pays d’origine». Le premier préalable cache, on s’en doute, le dessein de créer de nouvelles colonies de peuplement dans la partie Nord et Est du pays, avec des dizaines de milliers de faux Congolais que personne ne saurait ni recenser, ni contrôler. Quant au second, il serait la porte ouverte à un nouveau safari des soldats rwandais au Nord-Kivu, sous prétexte d’opérations mixtes avec les FARDC, en vue d’éradiquer les FDLR.

Des mesures réaliste?.

Même si le M23 affirme de « ne pas être intéressé à l’intégration de ses forces dans l’armée congolaise ou de ses cadres politiques dans le gouvernement congolais », les questions relatives à l’amnistie et à leur intégration dans l’armée et dans les institutions politiques et administratives font bien l’objet des négociations, de sorte que le gouvernement congolais a même élaboré et soumis à la médiation ougandaise des négociations une liste d’une centaine de membres du M23 (sur un total d’environ 1.700) qui ne devraient pas jouir d’amnistie, ni de réintégration dans l’armée. Il s’agit, en effet, de «personnes ayant participé à plus d’une mutinerie ou mouvement insurrectionnel, des auteurs présumés de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, notamment les meurtres de civils, viols et violences sexuelles, des personnes responsables du recrutement d’enfants soldats ainsi que de celles impliquées dans la chaîne de l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC, des personnes indexées par des sanctions nominatives de la communauté internationale ou pour violation des droits humains, ainsi que de celles jugées et condamnées par les Cours et tribunaux de la RDC pour activités criminelles».

Mais selon certains observateurs, l’exclusion de l’amnistie et de la réintégration dans l’’armée est une mesure totalement insuffisante qui devrait être suivie par l’arrestation de ces personnes pour les livrer à la justice. En outre, selon les mêmes observateurs, il n’est pas du tout certain que, parmi les autres 1600 membres restants du M23 qui pourraient être amnistiés et réintégrés, il n’y ait pas de militaires étrangers infiltrés, de déserteurs pour la énième fois, de membres de rébellions antérieures, d’auteurs de crimes contre l’humanité et de graves violations des droits de l’homme. Pour cette raison, même après une sélection rigoureuse, ceux qui pourraient être réintégrés dans l’armée nationale devraient être envoyés dans d’autres provinces du Pays, loin du Kivu où ils ont causé tant de souffrances à la population. Enfin, à Kampala, l’on ne devrait plus parler d’amnistie, ni de réintégration dans l’armée, ni de réinsertion sociale, mais seulement de désarmement et de justice, car la population a déjà trop souffert à cause de ce groupe terroriste appelé M23.

Enlever le prétexte.

Puisque la présence des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) sur le sol congolais est, selon le M23, «la cause» de la guerre, il est désormais évident qu’une paix réellement durable dans le Kivu devrait être la conséquence d’une approche impliquant tous les Pays de la Région des Grands Lacs. Sans cette approche globale, il n’y aurait pas une solution définitive aux déstabilisations de la Rdc par le Kivu. Le Président tanzanien Jakaya Kikwete l’avait déjà indiqué quand il avait osé proposer que le Rwanda et l’Ouganda puissent chercher une solution aux revendications de leurs respectives rébellions armées, les FDLR et les ADF-Nalu, qui ont fui à l’est de la RDCongo. Puisque la Communauté internationale a imposé à la RDCongo la solution politique par la reprise des négociations avec le M23, il faudra bien que, dans le même temps, cette même Communauté internationale impose au Rwanda de négocier avec les FDLR.

En tout cas, comme pour le M23, l’armée congolaise et la brigade d’intervention de la Monusco doivent obliger les FDLR aussi, même avec l’usage de la force si nécessaire, à déposer les armes, afin de traduire en justice tous ceux qui sont par elle recherchés et pour rapatrier, après identification préalable et sur base volontaire, tous les autres membres. Parmi ces derniers, si certains manifestaient le désir de rester au Congo, devront introduire une requête individuelle auprès des autorités congolaises compétentes et accepter de s’éloigner, désarmés, de la frontière avec leur pays d’origine. Dans ce cas, le gouvernement de la RDCongo agira conformément à la législation en vigueur en matière d’immigration. Autrement on aurait rien fait. C’est du moins ce que recherche le Rwanda: ne pas démanteler les FDLR pour continuer à disposer d’un prétexte pour envahir le Kivu et s’ingérer dans les affaires internes de la RDCongo.

1. ALERTE:  PRÉPARATIFS DE NOUVELLES ATTAQUES PAR LE M23/RDF

Le 5 septembre, selon des sources de la société civile du Nord Kivu, il s’est tenu, à Gisenyi (au Rwanda), une rencontre entre Hauts Officiers de l’armée rwandaise (RDF) et du M23 (dont les Colonels Makoma et Vianney Kazarama). L’objectif de cette rencontre était de planifier de nouvelles attaques contre les positions des FARDC. Il en résulte déjà que les éléments du M23 creusent en ces jours des trous de fusiliers sur la Colline Hehu (en Groupement de Kibumba, dans le Territoire de Nyiragongo, à la frontière avec le Rwanda). Toujours sur cette colline, on fait état d’une artillerie lourde du M23 qui se prépare à récupérer des mains des Fardc la Position dite de 3 Antennes, avant de poursuivre sur Kanyaruchinya. Selon les mêmes sources, le 7 septembre, une réunion du Commandement du M23 s’est tenue à Kiwanja, en Territoire de Rutshuru, pour voir comment accélérer les préparatifs d’assaut sur les positions des Fardc de Mabenga et Tongo (au nord du Territoire de Rutshuru) de Kibati (en Territoire de Nyiragongo) et de Goma.[1]

Le 12 septembre, la Société Civile du Nord-Kivu a été alertée de l’entrée, le soir du jour antérieur, d’un Bataillon de l’Armée Rwandaise à Matebe (en Groupement Jomba), à au moins 15km de Rutshuru-Centre, sur l’axe Bunagana. Ces éléments-RDF arrivent à titre de renfort au M23, en prévision des prochaines hostilités contre les FARDC sur les axes Tongo et Mabenga. Les mêmes sources font état de l’entrée, le 14 septembre, à Kibumba, d’un Bataillon et une Compagnie d’artillerie de la RDF.[2]

Le 12 septembre, dans une déclaration publiée à l’issue de consultations à huis clos, le Conseil de Sécurité de l’Onu a souligné que la sécurité reste “précaire” dans l’est de la RDCongo, malgré le recul des rebelles du M23 et la reprise de négociations à Kampala entre Kinshasa et le M23. La brigade d’intervention de la Monusco pourrait actionner ses drones de surveillance début décembre. De son côté, le patron des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Hervé Ladsous, a souligné, lors d’une conférence de presse, qu’après l’opération menée fin août par l’armée congolaise et la Monusco, le M23 avait été repoussé vers le nord et qu’il n’était “plus une menace directe” pour Goma ou pour les positions de la Monusco, mais qu’il fallait accélérer le règlement politique de ce dossier. Il a estimé que la Monusco devrait commencer “dans les premiers jours de décembre” à utiliser des drones de surveillance, en particulier pour contrôler les frontières de la RDC.[3]

Le 13 septembre, à l’issue d’un sommet en Namibie auquel assistait aussi le président congolais Joseph Kabila, la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC) a fait part de son inquiétude face au déploiement de troupes rwandaises à la frontière avec la République démocratique du Congo, et a émis l’espoir que le Rwanda n’envisage aucune invasion de la RDC, ce qui compliquerait une situation déjà délicate. La SADC a aussi «appelé les voisins de la RDC à contribuer à la paix, à la sécurité et à la stabilité de la RDC», selon le communiqué. La SADC s’est aussi félicité de «la pression militaire continue exercée sur les rebelles du M23 et les autres forces négatives dans l’Est de la RDC pour assurer une cessation des hostilités».[4]

Le 23 septembre, dans une déclaration à l’occasion de la 68ème session de l’Assemblée Générale de l’Onu, la Société Civile du Nord-Kivu a voulu attirer l’attention des Etas du monde sur le fait que la Paix et la sécurité dans la Région de Grands-Lacs sont en ces jours menacées par le RWANDA et l’OUGANDA qui violent de manière flagrante l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, dont ils sont pourtant signataires. Contrairement à leurs engagements, ces Etats continuent à utiliser les Forces Négatives (M23, FDLR, ADF-NALU), les Terroristes (AL-SHEBAAB) et d’autres milices locales pour poursuivre le pillage des ressources naturelles et à saboter l’autorité de l’Etat à l’Est de la RDC. Dans cette déclaration, la Société Civile du Nord-Kivu demande à l’Onu de donner plus de chance aux FARDC et à la Brigade Internationale de la MONUSCO (FIB), pour neutraliser et éradiquer par la force tous les groupes armés et les Forces Négatives (M23, FDLR, ADF-NALU, AL-SHEBAAB et autres milices locales) déstabilisant la paix et la sécurité au Nord-Kivu.[5]

Le 23 septembre, plusieurs chefs d’État et de gouvernement de la Région des Grands Lacs, dont le Congolais Joseph Kabila et le Rwandais Paul Kagame, ont participé à New York à la deuxième réunion du mécanisme régional de suivi pour la mise en œuvre de l’Accord d’Addis Abeba. A l’ouverture de cette réunion, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a appelé à un apaisement des tensions dans la région des Grands Lacs pour que cet accord soit appliqué. Les pays signataires de cet accord s’étaient notamment engagés à ne pas soutenir les groupes armés actifs dans cette partie de l’Afrique, mais le Rwanda et l’Ouganda continuent à soutenir la rébellion du M23. Par ailleurs, Ban Ki-moon a appelé la communauté internationale à aider les pays des Grands Lacs à s’acquitter des engagements pris à Addis-Abeba. Les signataires de l’Accord-cadre ont, une nouvelle fois, fermement condamné le M-23 pour la reprise des hostilités en RDC et les activités de «toutes les forces négatives» opérant en RDCongo. Ils ont réaffirmé le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de tous les pays de la région et ont, enfin, exhorté le gouvernement congolais et le M23 à conclure rapidement les pourparlers de sortie de crise en cours depuis des mois à Kampala.[6]

2. LES NÉGOTIATIONS ENTRE LE GOUVERNEMENT ET LE M23 A KAMPALA

Le retour à la table des négociations, interrompues depuis mai, découle certainement de la volonté des Nations Unies, de l‘Union Européenne, de l’Union Africaine et des Etats-Unis d’Amérique de voir la crise congolaise être résolue par une solution négociée. Il y a aussi la pression des Chefs d’Etat et de gouvernement réunis le 5 septembre à Kampala, à l’occasion du 7me Sommet de la CIRGL (Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs), qui ont lancé un ultimatum de trois jours aux autorités congolaises et aux responsables du M23 pour la reprise des pourparlers de Kampala.[7]

Le 8 septembre, le chef politique du M23, Bertrand Bisimwa, a déclaré que son mouvement se dit «prêt à désarmer et à retourner à la vie civile», comme exigé par la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL). Mais il pose «deux conditions: la neutralisation des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) et leur rapatriement dans leur pays d’origine et le retour des réfugiés congolais tutsis qui vivent encore dans des camps au Rwanda, en Ouganda et au Burundi». Il a ajouté que «le M23 n’est pas intéressé par l’intégration au sein de l’armée (congolaise) ni au sein du gouvernement congolais».[8]

Membre de la délégation du gouvernement et coordonateur du mécanisme national de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, François Muamba a affirmé que Kinshasa exclut toute discussion touchant à la constitution de la RDC. Il a indiqué que «le M23 nous avait dit, au mois de décembre quand nous démarrions ces négociations, que la raison principales de la guerre c’était la non application de l’accord CNDP-Gouvernement du 23 mars 2009. On a déjà traité ça! Pour nous, il faut conclure, car il n’y a plus lieu de discuter d’autres choses». La partie gouvernementale dit fermer la porte à toute déstabilisation de nature à mettre en cause la souveraineté du pays. «Nous offrons de solutions pour que la guerre s’arrête, mais pas à n’importe quel prix», a souligné François Muamba. Depuis mars dernier, deux textes de proposition d’accord sont sur la table du facilitateur, l’un présenté par la délégation du gouvernement et l’autre par celle du M23. C’est la synthèse consensuelle attendue de ces textes qui doit faire objet d’un accord final à signer par les deux parties.[9]

Le 10 septembre, les négociations entre le gouvernement de Kinshasa et les rebelles du M23 ont finalement repris à Kampala. Les deux délégations sont arrivées séparément. Au total, ils seront douze côté M23, une petite dizaine côté gouvernement de RDC. Pas assez, selon le règlement, pour permettre la tenue d’une plénière et donc la signature d’un accord. Dans un premier temps, les échanges auront lieu par écrit, par l’intermédiaire de la médiation. Selon la médiation ougandaise, c’est un texte de synthèse rédigé au mois de juin dernier, qui devrait servir de base aux échanges. Un texte déjà rejeté par les deux parties.[10]

Le vice-président de la délégation du M23, Roger Lumbala, a répété que «Nous ne demandons pas une quelconque intégration. L’armée du M23 ne peut pas intégrer une armée mal organisée. Nous ne voulons pas non plus une intégration politique pour aller à Kinshasa à travailler dans un gouvernement qui a échoué». Roger Lumbala a dit qu’il faut d’abord combattre les FDLR et que les réfugiés retournent en Rdc. Selon certains observateurs, lorsque Lumbala dit que le M23 n’a pas besoin de l’intégration, c’est un faux-fuyant, car l’on sait que l’objectif que le M23 s’est fixé en devenant rebelle, c’est d’infiltrer ultérieurement l’armée et le Gouvernement. Lorsqu’il parle de la traque des FDLR, on se rend vite compte qu’il ne fait que répéter le refrain entonné maintes fois par Paul Kagame, de qui le M23 reçoit les ordres. En ce qui concerne le retour des réfugiés, Lumbala oublie que cette question est de la compétence des chefs d’Etat de la Région et du haut commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés.[11]

Le 12 septembre, le porte-parole de l’armée congolaise au Nord-Kivu, colonel Olivier Hamuli, a déclaré que la création du M23 a ralenti la traque menée par l’armée congolaise contre les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR). Il répondait au M23 qui conditionne son désarmement par la neutralisation des rebelles rwandais. L’officier congolais a indiqué qu’entre 2010 et 2012, les FARDC ont réussi à rapatrier 2 500 rebelles des FDLR. «Dans l’entre-temps, le M23 vient de faire plus d’une année à Rutshuru et à Nyiragongo. Aucun jour, nous avons suivi même sur la voie des ondes que le M23 a eu des affrontements avec les FDLR. Aucune fois», a poursuivi le colonel Hamuli. Selon lui, la neutralisation des FDLR est un «prétexte» pour le M23 qui n’a jamais manifesté la volonté de lutter contre les rebelles rwandais. «Les FDLR sont à Katemba, c’est à côté de Kiwanja qu’ils [les M23] contrôlent», a argumenté le porte-parole de l’armée congolais, ajoutant que lors des affrontements entre les factions Makenga et Bosco Ntaganda en février dernier, le premier groupe s’est coalisé avec les FDLR pour combattre le second. «Nous avons des preuves», a-t-il assuré.[12]

Le 12 septembre, l’Envoyée Spéciale du Secrétaire Général de l’Onu pour la Région des Grands Lacs, Mary Robinson, a réitéré qu’il ne devait y avoir ni amnistie ni intégration dans l’armée congolaise pour les membres du M23 et d’autres groupes armés qui auraient commis des violations des droits de l’homme. Elle a indiqué qu’au cours de sa récente visite à Kigali, elle avait fait part au président Paul Kagamé des accusations de collusion entre le Rwanda et le M23, mais que celui-ci avait répondu «qu’elles étaient sans fondements». Mme Robinson a aussi demandé aux pays membres du Conseil d’inciter les chefs d’Etats des pays concernés (Rwanda, RDC, Ouganda, Burundi) à se rencontrer en marge de l’Assemblée générale de l’Onu fin septembre “pour progresser dans la coopération régionale“. Une réunion consacrée à la RDC est prévue, en effet, le 23 septembre à New York, en marge de l’Assemblée Générale.[13]

Le 13 septembre, le porte-parole du ministère ougandais de la Défense, Paddy Ankunda, a déclaré que « jusqu’à présent, le médiateur a tenu des consultations séparées avec les délégations » pour « construire un consensus ». « Des progrès ont été faits, et nous espérons que la semaine prochaines (les deux parties et le médiateur) publieront un communiqué commun sur ce qui aura progressé, » a-t-il ajouté. De son côté, François Mwamba, négociateur du gouvernement congolais, a déclaré qu’aucune avancée n’avait encore été enregistrée. Il a expliqué que la médiation n’avait pas encore présenté de «véritable document de travail qui puisse permettre aux uns et aux autres de se prononcer» et il a accusé également les rebelles du M23 de ne pas respecter l’une des décisions des chefs d’Etat des Grands Lacs, qui leur avaient demandé de cesser «toute activité militaire» sur le terrain.[14]

A Kampala, le M23 multiplie ses revendications, en exigeant la constitution d’une zone tampon autour de la partie du territoire de Rutshuru passée sous son contrôle depuis environ une année.

Selon certains observateurs, c’est une façon de se préserver contre une attaque éventuelle des Forces armées de la RDC ou de la Brigade d’intervention des Nations unies. Le M23 multiplie ses revendications pour retarder davantage la conclusion d’un accord avec Kinshasa. Il cherche à gagner du temps, qu’il mettra à profit pour se réorganiser et à préparer une nouvelle offensive militaire en vue de récupérer les terrains perdus dernièrement. Ainsi, invoquer une zone tampon autour de Rutshuru, c’est consacrer un no man’s land et répondre positivement à cette nouvelle revendication du M23 c’est consacrer dans les faits la balkanisation de la RDC, car l’on confierait au M23 les territoires par lui occupés. La zone tampon réclamée par le M23 est un piège qui va mener inexorablement à la balkanisation de la RDC. Toutefois, le peuple congolais résistera et s’y opposera jusqu’au bout, en défendant la souveraineté nationale, l’intangibilité des frontières et l’intégrité territoriale de la RDCongo.[15]

Le 17 septembre, le facilitateur Crispus Kiyonga, ministre ougandais de la Défense, a convoqué une plénière au cours de laquelle il a proposé un projet d’ordre du jour constitué de dix points à traiter. Il s’agit de la libération des prisonniers, la transformation du M23, le retour et la réinstallation des refugiés et des déplacés internes, les biens expropriés, la réconciliation nationale et justice, la commission d’enquête indépendante, la gouvernance et réforme socio-économique, la mise en œuvre des conclusions de la revue de l’accord de paix du 23 Mars 2009, la déclaration de la zone sinistrée et le mécanisme de mise en œuvre, suivi et évaluation. Il est à remarquer que certaines revendications du M23, comme la lutte contre les FDLR ne figure plus sur les matières à traiter. Selon certains membres de la délégation gouvernementale, certains points de ce dernier ordre du jour ont été déjà largement traités. À propos du retour et de la réinstallation des refugiés et des déplacés internes, c’est depuis l’accord du 23 mars 2009 que le Gouvernement congolais a procédé à la signature des Accords tripartites avec le HCR et respectivement avec le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda et la République du Congo. A la faveur des réunions tripartites déjà organisées, la situation des réfugiés congolais vivant dans ces pays et des refugiés en provenance de ces pays vivant en RDC est clarifiée. Le HCR travaille sans ménager aucun effort avec tous les pays concernés pour organiser les retours, qui auraient pu s’accélérer si l’insécurité au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, du fait de la présence des forces négatives comme le M23, n’empêchait pas la sécurisation et la viabilisation des zones de retour.[16]

Le 19 septembre, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, au cours d’une conférence de presse à Kinshasa, a annoncé que le gouvernement congolais a établi et remis à la facilitation des pourparlers de Kampala une liste d’une centaine de commandants et hommes de troupes du M23, définitivement non éligibles au bénéfice d’une loi d’amnistie et à la réintégration des Forces armées de la RDC, sur un total estimé à plus ou moins mille sept cents combattants.

Il justifie cette décision par «le souci d’éviter l’éternel retour à la case de départ dans la spirale des violences récurrentes que subissent les populations congolaises dans l’Est du pays».

Selon Lambert Mende, le gouvernement s’en tient à quelques «principes clairs» dans les conclusions en gestation des pourparlers de Kampala. Il a affirmé que: «les personnes ayant participé à plus d’une mutinerie ou mouvement insurrectionnel, les auteurs présumés de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, notamment les meurtres de civils, viols et violences sexuelles, les personnes responsables du recrutement d’enfants soldats ainsi que celles impliquées dans la chaîne de l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC, les personnes indexées par des sanctions nominatives de la communauté internationale ou pour violation des droits humains, ainsi que celles jugées et condamnées par les Cours et tribunaux de la RDC pour activités criminelles,

ne sont pas éligibles au bénéfice d’une loi d’Amnistie ou à l’intégration dans les forces armées de la République».

Cette liste établie par le gouvernement met en outre en lumière quelques huit (8) cas de fraude à la nationalité dans le chef d’activistes du M23 jouissant d’une nationalité étrangère, certains ayant même appartenu à des forces armées étrangères alors que la loi congolaise consacre jusqu’à ce jour le principe de la nationalité unique et exclusive. Il va sans dire que tant que la Constitution congolaise n’aura pas permis la double nationalité, les personnes détentrices d’une autre nationalité ne peuvent prétendre à l’intégration dans les FARDC. Car la principale condition pour faire partie des forces régulières congolaises, c’est d’être Congolais. Or, en l’état actuel de la loi, on ne peut être Congolais et jouir dans le même temps d’une autre nationalité. Se trouvent dans ce cas, un ex-général, deux ex-colonels, trois ex-lieutenant-colonels et majors qui s’étaient infiltrés au sein des forces armées congolaises à la faveur des opérations dites de brassage et de mixage. La liste établie comprend également des personnes jugées et condamnées par les Cours et tribunaux pour activités criminelles. Il s’agit de trois Colonels dont un condamné à la peine capitale et deux à la perpétuité en prison à Kinshasa et deux lieutenants colonels dont un s’est évadée. En outre, l’Etat-major général des FARDC avait radié des rangs de l’armée nationale un certain nombre d’officiers pour faits d’indiscipline. A l’évidence, aucune parmi les personnes concernées par cette décision de la haute hiérarchie militaire n’est éligible à une réintégration au sein des FARDC. Toutefois, le gouvernement de la RDC s’interdit toute chasse aux sorcières et n’appliquera donc pas le principe inique d’une responsabilité collective des membres du M23 quant aux crimes commis tout au long de l’existence de cette force négative. Le bénéficiaire de l’amnistie et de l’intégration au sein des FARDC feront l’objet d’un examen au cas par cas car il importe en même temps que chaque personne au sein de ce groupe armé assume la responsabilité de ses actes. «C’est ainsi et ainsi seulement que nous pourrons combattre l’impunité et espérer établir une paix durable dans notre pays et dans la région des Grands Lacs», a affirmé le porte-parole du gouvernement de la RDC.[17]

Le premier nom sur cette liste est celui de Bosco Ntaganda, dit Terminator, aujourd’hui transféré devant la Cour pénale internationale (CPI). Derrière son nom figurent quelques lignes de biographie. « Sujet rwandais, né à Kinigi au Rwanda, ancien instructeur en chef au centre de Gabiro de l’Armée patriotique rwandaise (APR)». Sept autres officiers supérieurs du M23 sont identifiés par Kinshasa comme de nationalité rwandaise. Les plus connus sont Innocent Kaina dit India Queen, Innocent Zimurinda réfugié depuis mars 2013 au Rwanda, Bizimungu Masozera qui aurait fait partie du contingent rwandais au Darfour ou encore Bosco Mberabagabo, dit Castro.

D’autres sont qualifiés par le gouvernement congolais d’anciens membres de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) ou des Forces rwandaises de défense (RDF), l’actuelle dénomination de l’armée rwandaise. Sultani Makenga, aujourd’hui chef militaire du M23, aurait eu le grade de sergent au sein de l’APR. Baudouin Ngaruye aurait été, lui, instructeur au centre de Gabiro, comme Bosco Ntaganda, et son cousin, Patrick Safari, caporal au sein des RDF.[18]

Le 20 septembre, le vice-président et porte-parole de la société civile du Nord-Kivu, Omar Kavota, a déclaré que son organisation s’oppose à l’intégration des rebelles du M23 au sein des Forces armées de la RDC (FARDC), de la police nationale et des institutions publiques. Il a appelé le gouvernement à élargir aux hommes des troupes sa liste des membres du M23 qu’il ne veut pas réintégrer au sein des FARDC. «Nous exprimons notre déception suite à la disponibilité du gouvernement à intégrer les membres du M23 dans l’armée et même dans les institutions politiques. En faisant cela, il risque d’intégrer au sein des FARDC une très grande partie de l’armée rwandaise», a révélé Omar Kavota. Pour le vice-président de la société civile du Nord-Kivu, cette liste du gouvernement ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan, car «les Congolais au sein de ce mouvement rebelle ne peuvent pas dépasser 10%». Omar Kavota a par ailleurs indiqué que la population du Nord-Kivu attendait que le M23 puisse «s’auto-dissoudre», comme l’avait demandé le gouvernement congolais ou, le cas échéant, puisse être neutralisé par les FARDC et la brigade d’intervention de la Monusco.[19]

L’opinion congolaise devrait, à priori, se réjouir de l’établissement, par les autorités congolaises, d’une liste noire des combattants du M23 non éligibles à l’amnistie et à l’intégration au sein des FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo). Seulement voilà! Le pays dispose-t-il d’un fichier fiable de tous les infiltrés d’hier et d’aujourd’hui «brassés» et «mixés» et qui font la navette entre l’armée nationale et les mouvement rebelles, au grès des circonstances? La RDC a-t-elle les moyens de contrôler les mouvements des soldats et officiers étrangers qui passent la frontière tantôt pour venir renforcer les rangs des groupes armés, tantôt pour infiltrer leurs contingents? En principe, on ne devrait évoquer à Kampala ni amnistie, ni réintégration, ni réinsertion, mais seulement désarmement et justice, car la population civile a déjà trop souffert à cause de ce mouvement terroriste dénommé M23.[20]

3. PEUT-ON NÉGOCIER AVEC LE M23? … PAS DU TOUT SÛR!

Selon la communauté internationale, Kinshasa et le M23 devraient conclure un accord pour une paix négociée au Nord-Kivu. Mais qu’est-ce que l’on peut attendre du M23 qui n’obéit, depuis qu’il a pris les armes en mai 2012, qu’aux agendas arrêtés à Kigali et Kampala, lesquels restent fondés sur la balkanisation de la RDC et le pillage de ses ressources naturelles?

Le premier préalable posé par le M23 pour désarmer cache, on s’en doute, le dessein de créer de nouvelles colonies de peuplement dans la partie Nord et Est du pays, avec des dizaines de milliers de faux Congolais que personne ne saurait ni recenser, ni contrôler. Quant au second, il serait la porte ouverte à un nouveau safari des soldats rwandais et ougandais au Nord-Kivu et en Province Orientale, sous prétexte d’opérations mixtes avec les FARDC, en vue d’éradiquer les FDLR et les ADF/Nalu. Mais combien d’expéditions «punitives» faut-il aux armées rwandaises et ougandaises à l’intérieur des frontières congolaises, pour vider les poches des forces négatives étrangères? Depuis 1996, elles feignent de passer au peigne fin les forêts, collines et vallées du Nord et de l’Est du pays, sans pour autant mettre un terme au phénomène FDLR, ADF/Nalu et LRA (Armée de Résistance du Seigneur).[21]

Il faut rappeler que le 16 janvier 2013, le M23 avait fait un certain nombre de propositions que la délégation gouvernementale avait rejetées les qualifiant de “vaste blague”.

1. À propos des questions sécuritaires, le M23 avait recommandé:

– l’éradication et le rapatriement des FDLR, ADF-NALU, FNL se trouvant au sein des FARDC et de ceux qui opèrent à partir du territoire congolais;

– l’éradication des groupes armés congolais dont la plupart ont été créés par le Gouvernement congolais dans sa stratégie de gestion du conflit dans l’Est de la RDC;

– la création de la Police de proximité;

– la reconnaissance formelle des grades actualisés des militaires du M23. A cet effet, un mécanisme de fidélisation des troupes de l’Armée Révolutionnaire Congolaise, ARC en sigle, dans le processus d’intégration au sein de l’Armée nationale devra être mis en place;

– la prise en charge par le Gouvernement de l’actif et du passif comptable du M23;

2. À propos des questions politiques, le M23 avait recommandé:

– l’annulation des résultats des élections du 28 novembre 2011 après vérification de la vérité des urnes;

– la dissolution du Sénat;

– la dissolution des Assemblées Provinciales, entrainant ipso facto la démission des Gouverneurs et des Vices Gouverneurs;

 – la mise en place du Conseil National de Transition Congolais (CNTC) qui aura pour mission de diriger le pays pendant la période transitoire. Le CNTC aura notamment pour mission de:

a) Réviser la Constitution; b) Former un gouvernement de transition; c) Mettre en place les autres institutions de la République; d) Restructurer la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI); e) Organiser les élections générales en commençant par les locales et en finissant avec les présidentielles.

– la mise en place d’un système fédéral.[22]

Mi avril 2013, le M23 avait de nouveau proposé au gouvernement congolais un Projet d’accord en 25 articles, dont voici quelques extraits:

Article 5: Du fait des guerres récurrentes ayant entraîné la destruction des infrastructures et du tissu socio-économique … le Gouvernement s’engage à décréter la partie Est de la RDC (Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri, Haut-Uele, Maniema et Tanganyika) comme étant une «Zone Sinistrée» qui devra jouir d’un statut administratif particulier, d’un programme spécifique pour sa sécurisation et d’une large autonomie fiscale et financière.

Article 7: Afin de faciliter l’intégration des cadres politiques du M23, le Gouvernement de la RDC s’engage à les faire participer à la gestion des institutions nationales par le biais de: Gouvernement central; Diplomatie – Chancelleries; Entreprises publiques; Gouvernements provinciaux; Etat-Major Général; Etc.

Article 9: En vue de faciliter la réconciliation nationale, le Gouvernement de la RDC s’engage à promulguer une loi d’amnistie pour faits de guerre et faits insurrectionnels couvrant la période allant du 07 Mai 2009 jusqu’à la fin de la mise en œuvre de cet Accord.

Article 12: Le M23 s’engage à mener, sur une durée de cinq ans renouvelables, des opérations conjointes avec le Gouvernement de la RDCongo, en vue de l’éradication définitive de toutes les forces négatives étrangères opérant à partir du territoire congolais (LRA, ADF-NALU, FNL, FDLR…). De ce fait, il y aura une articulation entre le forces de la RDCongo (FARDC) et celles du M23 (ARC).

Article 13: Le Gouvernement de la RDC s’engage à reconnaître formellement les grades des militaires et des policiers du M23 sur base d’un OB (Ordre de Bataille) présenté par le M23.

Article 16: Le Gouvernement de la RDC s’engage à reconnaître tous les actes politiques et administratifs posés dans les entités sous administration du M23.

Article 23: Le M23 s’engage à déposer définitivement les armes et à démobiliser les membres de l’ARC qui ne souhaiteront pas intégrer les FARDC dès que la partie Est de la RDC sera sécurisée, débarrassée de toutes les forces négatives étrangères et de tous les groupes armés nationaux et que les déplacés internes et les réfugiés seront retournés, réinstallés et réinsérés dans leurs lieux d’origine. [23]

Selon certains observateurs, en présentant ce projet d’accord, le M23 poursuit son plan de balkanisation de la RDCongo, en voulant garder le contrôle administratif et militaire sur l’est du Pays et en infiltrant, au niveau national, l’armée et les Institutions politiques de l’État.

Le M23 et nombreux de ses caciques sont sous fortes sanctions des Nations Unies et du gouvernement des Etats-Unis d’Amérique. En effet, la Résolution 2098/2012 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, complétant la résolution 1596/2005, a clairement établi les listes des entités et personnes frappées par des mesures des Nations Unies: les FDLR, l’ADF/NALU et le M23, ainsi que leurs principaux dirigeants, notamment Bosco Ntaganda, Sultani Makenga, Runiga Lugerero, Eric Badege, Innocent Kaina, Baudouin Ngaruye, Zilurinda -tous du M23-. Mudakumura Sylvestre et Ignace Murwanashaka de FDLR et Jamil Mukulu pour le compte de l’ADF qui sont tous frappés par ces mesures exceptionnelles. De leur part, les Chefs d’Etats de la CIRGL avaient déjà qualifié le M23 de force négative, au même titre que les FDLR. Le président américain aussi a signé, le 1er mars 2013, des ordonnances alignant le M23 et les FDLR sur la longue liste des groupes terroristes identifiés par le Département d’Etat américain. Cette liste des Etats-Unis cible également Sultani Makenga et Runiga Rugerero.

On peut donc se demander opportunément avec qui du M23 pourrait-on traiter, d’autant plus que les autorités de Kigali ont infiltré la délégation du pseudo mouvement rebelle avec des «apôtres-fidèles» à leur service. Des personnes bien identifiées comme ayant la nationalité rwandaise et ayant ou continuant à exercer des fonctions dans l’appareil militaro-politique de Kagame sont en effet dans cette délégation. François Ruchogoza, qui a longtemps dirigé la délégation du M23 à ces pourparlers est reconnu comme un ancien militaire de l’armée rwandaise RDF. C’est aussi le cas de Jean-Baptiste Gasominari, dont la nationalité rwandaise est bien confirmée. Oscar Balenda, 2ème rapporteur de la délégation du M23, est bien le jeune frère du sénateur rwandais Balinda encore actif au parlement de son pays, tandis que Bizimungu Masogera figurant aussi sur la liste des délégués du M23, est un militaire actif de la RDF, qui a même fait partie du contingent rwandais au Darfour. Il en est de même pour d’autres délégués du M23 aux négociations de Kampala. Castro Mberabagobo serait un ancien officier de la police rwandaise en charge de la protection des réfugiés, Moïse Rusingiza, ancien de la Police rwandaise, Isaac Shengeri Madakumba et Fred Shirungu, sujets rwandais.

Toutes ces personnes ont reçu mission de noyauter les rencontres de Kampala pour y privilégier les intérêts de leur pays, aujourd’hui aux abois face à la communauté internationale qui dénonce ouvertement son implication dans l’agression en cours au Nord-Kivu.

Il ne faut pas oublier non plus que presque tous les délégués du M23 aux négociations de Kampala sont des anciens membres des anciennes rebellions créées par le Rwanda: l’AFDL, le RCD et le CNDP et qu’ils ont été déjà amnistiés et réintégrés dans l’armée plusieurs fois.[24]

Lorsque les Fardc et la Monusco ont lancé l’assaut final sur Kibati, le M23 a, encore une fois, parlé d’une coalition FDLR-Fardc. Rien que cette évocation de la présence des FDLR sur le champ de bataille permet au Rwanda de traverser la frontière et d’agresser la Rdc. Le Rwanda lui-même, lorsque la Brigade d’intervention de la Monusco a installé un PC à Kinyaruchinya l’a, dans un communiqué officiel, accusée de coopérer avec les génocidaires des FDLR. Toutes ces déclarations ne sont destinées qu’à avoir un prétexte pour intervenir en Rdc. Puisque ces FDLR sont «la cause» de la guerre, comment peuvent-elles être oubliées dans la recherche des solutions? Ce n’est pas par leur traque à imposer à la Rdc qu’on va les démanteler, l’armée rwandaise s’y étant déjà plusieurs fois risquée sur le territoire congolais sans les inquiéter le moins du monde.

Il est désormais évident qu’une paix réellement durable dans le Kivu devrait être la conséquence d’une approche régionale dans la recherche des solutions aux crises récurrentes à l’est de la Rdc. Sans cette approche globale, il n’y aurait pas une solution définitive aux déstabilisations de la Rdc par le Kivu. Le Président tanzanien Jakaya Kikwete l’avait déjà indiqué quand il avait osé proposer que le Rwanda et l’Ouganda puissent chercher une solution aux revendications de leurs respectives rébellions armées, les FDLR et les ADF-Nalu, qui ont fui à l’est de la RDCongo.

En effet, que vaut un Accord de paix entre le gouvernement congolais et le M23 s’il n’intègre pas l’épineuse question des FDLR hutu, actifs sur le territoire congolais, ceux-là-mêmes qui ont justifié, au moins officiellement, toutes les agressions du Rwanda camouflées en rébellions internes? Un tel Accord sera vite dépassé par les événements.

De ce point de vue, l’approche de Jakaya Kikwete s’impose. Puisque la Communauté internationale a imposé à Joseph Kabila la solution politique par la reprise des négociations avec le M23, il faudra bien que, dans le même temps, cette même Communauté internationale impose au Rwanda de négocier avec les FDLR. Autrement on aurait rien fait. C’est du moins ce que recherche le Rwanda: ne pas démanteler les FDLR pour continuer à disposer d’un prétexte pour envahir le Kivu et s’ingérer dans les affaires internes de la RDCongo. On l’a bien compris.[25]


[1] Cf Omar Kavota – Société Civile du Nord Kivu, 08.09.’13

[2] Cf Omar Kavota – Société Civile du Nord Kivu, 13 et 15.09.’13

[3] Cf Radio Okapi, 12.09.’13

[4] Cf AFP – Windhoek, 14.09.’13

[5] Correspondance particulière

[6] Cf Radio Okapi, 24.09.’13

[7] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 11.09.’13

[8] Cf Radio Okapi, 08.09.’13

[9] Cf Radio Okapi, 09.09.’13

[10] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 10.09.’13

[11] Cf L’Avenir – Kinshasa, 11.09.’13

[12] Cf Radio Okapi, 12.09.’13

[13] Cf Radio Okapi, 12.09.’13

[14] Cf AFP – Kampala, 13.09.’13; Radio Okapi, 14.09.’13

[15] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 18.09.’13

[16] Cf L’Avenir – Kinshasa, 18.09.’13

[17] Cf Radio Okapi, 19.09.’13; Le Potentiel – Kinshasa, 20.09.’13

[18] Cf RFI, 20.09.’13

[19] Cf Radio Okapi, 20.09.’13

[20] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 20.09.13

[21] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 09.09.’13

[23] Cf Willy Kilapi – L’Observateur – Kinshasa, 22.04.’13 (via mediacongo.net):

http://www.mediacongo.net/show.asp?doc=32778#

[24] Cf Kisungu Kas – Africa News, 09.09.’13; Pour consulter les listes des délégués du M23 à Kampala: Baudouin Amba Wetshi – Congo Indépendant, 11.09.’13 : http://www.congoindependant.com/article.php?articleid=8295

[25] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 09.09.’13