L’intégrité du territoire national n’est pas négociable

Congo Actualité n. 155 – Editorial par la Réseau « Paix pour le Congo »

 

La population du Nord-Kivu, dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDCongo) continue à vivre au rythme des coups de feu des Kalachnikovs et des mitrailleuses. Des milliers de personnes déplacées, une insécurité généralisée et beaucoup de peur.

Depuis plusieurs mois, le Nord-Kivu est le théâtre de violents affrontements entre l’armée nationale et un « nouveau » groupe armé, le Mouvement du 23 Mars (M23).

Présenté d’abord comme un phénomène interne de désertions de quelques soldats indisciplinés, puis comme un mutinerie en vue de certaines revendications et plus tard comme une rébellion, le M 23 s’est révélé, enfin, comme un mouvement d’invasion et d’occupation militaire du Kivu.

Le M23 bénéficie d’un soutien militaire, logistique et financier de grande envergure, de la part du régime rwandais, comme documenté, d’une manière détaillée, par le dernier rapport du Groupe d’experts des Nations Unies pour la RDCongo. Le rapport a également révélé l’objectif précis du M 23, clairement exprimé par le capitaine Célestin Senkoko, assistant personnel de James Kabarebe, ministre rwandais de la Défense, dans une rencontre du 23 mai, à Gisenyi (Rwanda): provoquer «une nouvelle guerre pour la sécession des deux Kivus».

Dans leur déclaration du 6 juillet, les évêques du Congo affirment que cette dernière guerre fait partie du «plan de balkanisation» (subdivision, démembrement) du Pays et parlent d’une «occupation irrégulière du territoire national» à laquelle ils s’opposent avec toutes leurs forces.

Il ne s’agit pas, par conséquent, d’une sécession qui, pour des raisons légitimes, pourrait se réaliser par un processus pacifique d’autodétermination qui comprendrait aussi un référendum populaire. Non, selon les mots du capitaine Célestin Senkoko, il s’agit d’une sécession imposée par la force des armes, en faisant recours à une guerre «soutenue» par un pays voisin, le Rwanda. En réalité, il ne s’agit pas seulement d’un soutien externe, mais plutôt d’une implication directe.

Qu’il y ait dans l’armée nationale stationnée dans les deux Kivu beaucoup de soldats de l’armée rwandaise n’est plus un secret d’État. L’ancien général Bosco Ntaganda et l’ancien colonel Ruzandiza (alias Sultani Makenga), membres du M23, le sont. En fait, de nombreux soldats rwandais qui ont participé aux guerres du Congo, aux côtés des soi-disant anciens mouvements rebelles, tels que l’AFDL, le RCD, le CNDP et les FRF, sont restés au Congo et, quand ces mouvements ont été incorporés dans l’armée nationale, eux aussi ont été intégrés dans l’armée congolaise, mais comme citoyens congolais, en tant que membres de groupes armés « congolais ». Il est donc question d’un long processus d’infiltration progressive depuis, pratiquement, 1996 et qui continue jusqu’aujourd’hui.

Dans ce contexte, de nombreux observateurs parlent d’une progressive « invasion rwandaise» sur le territoire congolais et de cycliques guerres d’occupation militaire. Quelques uns osent dire que, comme les mouvements rebelles précédents, le M23 aussi est un groupe terroriste contre lequel l’ONU devrait intervenir rapidement.

C’est pourquoi les évêques du Congo réaffirment avec force «l’unité et l’indivisibilité de la RDCongo dans ses frontières héritées de l’époque coloniale et reconnue comme telles par la communauté internationale le 30 juin 1960», date de l’indépendance. Et les évêques insistent: «l’intégrité du territoire national n’est pas négociable».

Face à cette situation, l’ONU et la communauté internationale se sont, jusqu’à présent, limitées à des timides «déclarations» de condamnation et à des simples « exhortations » au dialogue.

Par contre, la Société Civile a pris des positions plus tranchantes. Après la Voix des Sans Voix, Global Witness, Human Rights Watch et la Coalition pour les Grands Lacs d’Afrique, EURAC aussi, le réseau des ONG européennes présentes dans la région de l’Afrique centrale, monte au créneau, demandant à l’Union Européenne et à ses États membres de:

«1. Prendre une position forte en dénonçant l’appui du Rwanda aux rebelles du M23 et sa protection au général Bosco Ntaganda ;

2. Exiger du gouvernement rwandais de mettre fin immédiatement et sans condition à cet appui au M23 et à d’autres groupes armés à l’Est de la RDC ;

3. Revoir sa stratégie sécuritaire sur l’Est de la RDC dans laquelle le Rwanda ne devrait plus être considéré comme un acteur pacifique voulant promouvoir la paix à l’Est de la RDC et user de la pression et des sanctions pour le contraindre au respect du droit international ;

4. Prendre des sanctions contre les officiels rwandais cités dans le rapport de l’ONU dont : le ministre de la Défense, le général James Kabarebe ; le chef d’état-major, le général Charles Kayonga ; et les généraux Jack Nziza, Emmanuel Ruvusha et Alexis Kagame ;

5. Mettre en place des mécanismes afin de s’assurer que l’aide budgétaire et militaire octroyée au gouvernement rwandais ne soit pas utilisée pour le soutien aux groupes rebelles et à la déstabilisation de la région des Grands Lacs ;

6. Soutenir efficacement la RDC dans la restauration de l’autorité de l’Etat à travers tout son territoire et en particulier à l’Est du pays, notamment dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité (armée, police, justice) ;

7. S’opposer à la candidature du Rwanda pour un siège non permanent au Conseil de sécurité, siège qui risquerait d’accroitre son influence qui jusque là n’a pas été positive dans les efforts de pacification de l’Est de la RDC».