LA «VÉRITÉ DES URNES», ENCORE UNE PRIORITÉ

Congo Actualité n. 139 – Editorial par la Réseau « Paix pour le Congo »

La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a publié les résultats provisoires des élections législatives du 28 novembre. Même s’ils n’ont pas encore été validés par la Cour Suprême de Justice (CSJ), une certaine configuration de la prochaine Assemblée Nationale des Députés semble se dessiner déjà. Sur cette base, l’on commence déjà à diffuser les premières prévisions sur le futur Premier Ministre, le nouveau gouvernement et le prochain président de la Chambre des députés. Tout semble se dérouler comme s’il s’agissait d’élections parfaitement normales et régulières, sans tenir compte des nombreux erreurs, des graves irrégularités et des plusieurs fraudes électorales constatées au cours des élections, soit législatives que présidentielles, organisées simultanément le même jour et dans les mêmes circonstances.

Si l’on veut continuer comme ça, les nouvelles institutions, la Présidence et le Parlement, seront dans l’impossibilité de gouverner, car elles ne jouiront pas du consensus du peuple qui continuera à réclamer la «vérité des urnes». Cette revendication populaire sera, en effet, la grande pierre d’achoppement pour un Président de la République désigné et proclamé comme tel par la CENI et la CSJ, dans un manque de transparence et de crédibilité. Le peuple congolais est bien conscient que le Président manque de légitimité, lorsque les résultats publiés ne correspondent pas exactement à ceux qui ont été exprimés dans les urnes. C’est de même pour les Députés élus dans des circonstances similaires. La Ceni et la CSJ ont le devoir de rétablir la vérité des résultats des élections. Sinon, elles seront soupçonnées de haute trahison.

La crise de légitimité, tout à fait évidente dans la majorité présidentielle, peut frapper l’opposition aussi. En effet, sur quelle base peut-elle affirmer la victoire électorale de son candidat? Sur l’extraordinaire accueil populaire remarqué après son retour de l’étranger, sur la constatation unanime des nombreuses irrégularités et de la fraude électorale, sur les premières prévisions lors du décompte des bulletins de vote, sur les projections obtenues à partir des résultats partiels d’une partie des bureaux de vote? En fait, sans avoir un tableau complet des « vrais résultats » provenant de tous les sièges, il est très difficile de savoir qui a gagné et qui a perdu l’élection présidentielle. Probablement, seulement un recomptage des voix, si possible, pourrait le révéler. On pourrait, par exemple, procéder à la vérification au moins des résultats contestés, en confrontant les résultats indiqués dans les procès-verbaux récupérés par les témoins de tous les partis et par les observateurs électoraux avec ceux publiés par la CENI. L’objectif d’une telle opération devrait être de se rapprocher, autant que possible, de la vérité des urnes et en tirer les conséquences nécessaires, dans le respect de la volonté du peuple, quelle qu’elle soit.

La réponse que l’on donnera à la question de la légitimité déterminera la crédibilité de la CENI et de la CSJ, le bon fonctionnement des institutions de l’Etat (Présidence et Parlement) et la poursuite heureuse du processus électoral, dans ses phases successives des élections sénatoriales, provinciales et locales. L’alternative qui tend à annuler les législatives, sans abroger l’élection présidentielle qui, pourtant, s’est tenue dans la même journée et avec les mêmes irrégularités, et la perspective d’un gouvernement, sans aucun parlement, qui gouvernera par ordonnances et décrets-lois jusqu’à de nouvelles élections législatives, ne semblent pas, franchement, être des mesures très démocratiques. Il serait par contre souhaitable un dialogue inclusif, avec la participation des différents partis politiques, de la société civile et de la CENI, pour essayer de trouver la meilleure solution pour faire apparaître la vérité des urnes. Le peuple congolais le mérite et en a parfaitement le droit.