Congo Actualité n. 135

SOMMAIRE

EDITORIAL: EN RETENANT LE SOUFFLE

1. À LA VEILLE DE LA PUBLICATION DES RÉSULTATS PROVISOIRES

– L’activité de la Commission électorale
– L’opposition rejette les résultats partiels
– Les communiqués de International Crisis Group et de la Conférence Épiscopale

2. LA PUBLICATION DES RÉSULTATS PROVISOIRES

3. APRÈS LA PUBLICATION DES RÉSULTATS

– Les réactions des partis politiques de l’opposition
– Les réactions de la Communauté Internationale
– Les incidents de Kinshasa, Mbuji-Mayi et Kamina
– Les déclarations du Centre Carter, du Cardinal Laurent Monsengwo et de la mission d’observation électorale de l’Union Européenne

 

EDITORIAL: EN RETENANT LE SOUFFLE

Les jours passent sous le signe de la préoccupation avant le 17 décembre, le jour prévu pour le verdict final de la Cour Suprême de Justice de la République démocratique du Congo (RD Congo), après examen des recours déposés auprès d’elle à propos des résultats des élections présidentielles. Les protestations de l’opposition, la lourde intervention des forces militaires de l’Etat pour réprimer les opposants, les décès de civils, la résurgence de vieilles tensions entre provinces partisanes de l’un ou l’autre candidat (Katanga et du Kasaï), les déclarations des associations et des institutions nationales et internationales sur les modalités du vote et du comptage des voix, les prises de position individuelles… le temps passe et la population s’inquiète.

Ce n’est pas seulement la question du résultat du vote ou de la victoire de l’un ou l’autre des deux candidats qui fait retenir le souffle, mais aussi celle de l’usage de la violence par chaque rival. Le gagnant, pour réprimer toute tentative ou désir de rébellion et le perdant, pour réclamer ses droits présumés.

Le manque de confiance de la part des partis de l’opposition vis à vis de la Cour Suprême, qu’ils considèrent fidèle au Président sortant, Joseph Kabila, est un élément de menace. On peut espérer qu’ils puissent suivre les conseils prodigués par le cardinal archevêque de Kinshasa, Mgr Laurent Monsengwo Pasinya qui, en déclarant les résultats publiés par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) en désaccord avec la vérité et la justice, a exhorté à entreprendre le chemin du recours à la Cour Suprême. Quelle sera alors leur décision?

Tout au long de ces jours-ci, le pouvoir est intervenu de manière excessive, par le biais d’une force de police qui, dans de nombreux cas, a agi brutalement, jusqu’à assassiner des civils. Risque-t-on d’installer une dictature violente, sous couvert de la sauvegarde d’une démocratie?

En ce moment, la force de la RD Congo est son peuple, qui ne veut plus qu’on entre dans la spirale de la violence. La force de la RD Congo est également la communauté internationale, si elle accepte de peser de tout son poids pour faire respecter le résultat des urnes, malgré les nombreuses bévues du processus électoral. Il est important, plus que jamais en ce moment, garder les yeux ouverts sur la RD Congo: ce sont la société civile et la population entière qui le demandent. À chacun de nous de se souvenir de ce peuple dans notre solidarité et, pour ceux qui croient, dans nos prières!

1. À LA VEILLE DE LA PUBLICATION DES RÉSULTATS PROVISOIRES

L’activité de la Commission électorale

Le 7 décembre, la Ceni au Katanga a publié son rapport final de compilation des résultats de l’élection présidentielle. D’après ce rapport, le taux de compilation pour l’ensemble de la province est de 99 %; alors que les résultats de 51 des 1442 bureaux de vote que compte la ville de Lubumbashi n’ont pas encore été retrouvés au centre local de compilation (CLCR).

La Ceni/Katanga a fourni la liste et les codes de ces cinquante et un bureaux, disséminés dans plusieurs communes de Lubumbashi, dont le CLCR ne retrouve pas encore les résultats. Ils représentent plus de vingt mille voix disparues. Ces bureaux de vote avaient bel et bien ouvert, le 28 novembre, a confirmé le secrétaire exécutif provincial de la Ceni/Katanga, Eddy Mutomb, estimant que cette perte pourrait être en partie due à des troubles enregistrés à Lubumbashi ce jour-là.

Par exemple, le centre de l’école Ndandja dans la commune Kampemba, qui comptait vingt bureaux de vote, avait été attaqué par des hommes armés, qui avaient incendié les urnes et isoloirs.

La Ceni/Katanga finalise le rapport général de la situation pour l’expédier à Kinshasa, selon lui, en mentionnant cette perte des résultats de cinquante et un bureaux.

Le 7 décembre, au cours de la conférence hebdomadaire, le porte parole de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation de la RDC (Monusco), Madnodje Mounoubai, a déclaré que cette Mission «n’a pas reçu mandat de certifier les résultats des élections du 28 novembre». Madnodje Mounoubai a affirmé que la Monusco ne joue aucun rôle dans le calcul des résultats des élections en RDC: «Nous n’avons pas ce mandat», conclut-il.

Le 8 décembre, la Ceni a annoncé le report, pour la deuxième fois consécutive, de la publication des résultats provisoires de la présidentielle à vendredi 9 décembre. Son président, Daniel Ngoy Mulunda, a déclaré que son bureau devrait prendre le temps de vérifier tous les procès verbaux de compilation des bureaux de vote. «Nous devons comparer si les résultats reçus sur procès-verbaux correspondent à ceux reçus par valise satellite. C’est un travail énorme et nous devons le faire pour assurer la crédibilité et la conformité des chiffres que nous allons communiquer, CLCR par CLCR [Centre local de compilation des résultats], province par province», a justifié devant la presse le président de la Céni, le pasteur Daniel Ngoy Mulunda. D’autres sources évoquent une autre raison pour expliquer ce report. Selon elles, le bureau de la Céni est en fait miné par des dissensions internes et deux membres issus l’opposition refuseraient pour l’heure de donner des résultats qu’ils estiment sans fondement.

 

L’opposition rejette les résultats partiels

Le 7 décembre, au cours d’un point de presse tenu à Kinshasa, Me Jacquemain Shabani, secrétaire général de l’Union pour la Démocratie et le Développement Social (UDPS), a déclaré que son parti, qui rejette en bloc les résultats partiels publiés par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), exige de cette institution citoyenne, la traçabilité des chiffres devant être publiés ce jeudi 8 décembre comme résultats provisoires. «La publication doit se faire bureau de vote par bureau de vote, centre par centre pour permettre la confrontation des chiffres. Les publications partielles de la CENI sont opaques, tendancieuses et sans référence. Ces résultats partiels suscitent le doute. C’est pourquoi l’UDPS n’en tient pas compte», a-t-il expliqué.

Considérant dès le début comme « nuls » les chiffres partiels publiés par la Céni, estimant qu’ils ne reflétaient pas « la vérité des urnes » et dénonçant des irrégularités et fraudes lors du scrutin, il a répété que «le peuple congolais s’est clairement exprimé pour l’alternance telle que confirmée par les résultats affichés dans tous les bureaux de vote» et que «aucun coup de force, aucune tentative de hold up électoral ne pourra tenir. La CENI doit nous exhiber les 169 procès-verbaux authentiques des 169 centres locaux de compilation des résultats».

Pour le secrétaire général de l’UDPS, le report de la publication des résultats provisoires est compris au sein de son parti, comme moyen pour la CENI de corriger les erreurs et d’adopter une attitude responsable au profit de ce qu’il qualifie de vérité des urnes.

Pour Tharcisse Loseke Nembalemba, co-fondateur de l’ECIDé et membre de la « Dynamique Tshisekedi Président », une coalition des partis qui soutient Etienne Tshisekedi wa Mulumba,

les membres du Bureau de la Ceni issus de l’opposition (MLC et ODR) ne pourraient ratifier les «résultats provisoires» de l’élection présidentielle qu’à la condition que ces « chiffres » soient appuyés par des P.V. établis en bonne et due forme au niveau de chaque circonscription électorale. «Chaque enveloppe en provenance d’une circonscription devrait être vérifiée pour s’assurer de l’authenticité des signatures des personnes habilitées au niveau des centres locaux de compilation des résultats», souligne-t-il. «Toute action contraire équivaudrait à un coup de force», a-t-il conclu.

Le 8 décembre, trois militants de l’UDPS ont été tués dans l’après midi, à Kinshasa, lors d’affrontements avec la police à Limete, où réside Etienne Tshisekedi. Un des militants a été tué par balle, les deux autres ont été écrasés par une jeep de la police, a annoncé en soirée un porte-parole du parti, Albert Moleka. Déjà dans la fin de matinée, la police avait dispersé quelques dizaines de jeunes militants de l’opposition réunis là-bas. Il y a eu quelques arrestations.

La contestation de l’éventuelle victoire de Joseph Kabila pour un second quinquennat fait craindre des troubles, particulièrement à Kinshasa, sous haute surveillance policière depuis quelques jours.

Les rassemblements des partisans de l’opposition y sont systématiquement dispersés. La dispersion se fait à coups de gaz lacrymogènes mais aussi par quelques tirs à balle réelle. La ville de quelque dix millions habitants vit au ralenti, écoles et administrations sont fermées, les taxis rares, les habitants hésitent à sortir, et la nuit venue les rues sont désertées. Jour après jour, signale un journaliste congolais, l’usage des cocktails molotov se répand de plus en plus chez les indignés de Kinshasa. Mais il ne l’écrira pas, car «les médias qui osent tenir un discours contraire au système ou critiquer la Commission électorale sont fermés sans autre forme de procès». On redoute également des violences dans la province du Katanga (sud-est), fief de Kabila, et celles des Kasaï occidental et oriental, région d’origine de Tshisekedi.

 

Les communiqués d’International Crisis Group et de la Conférence Épiscopale

Le 8 décembre, dans un communiqué, International Crisis Group (ICG) affirme que «une semaine après les élections présidentielle et législatives, la RD Congo est confrontée à une crise politique qui pourrait plonger à nouveau le pays dans un important cycle de violence. Les résultats (globaux de la commission électorale Céni, ndlr) risquent de provoquer des protestations de l’opposition, une réplique ferme des forces de l’ordre et des désordres accrus».

ICG rappelle tous les ingrédients qui font de ce scrutin des élections contestables:

– le « déséquilibre politique en faveur de Joseph Kabila »,

– la modification de la constitution qui a permis la mise en place d’un scrutin à un seul tour, beaucoup plus favorable au président sortant, les voix de l’opposition se trouvant « éparpillées »,

– la nomination de « fidèles du pouvoir nommés à la Commission électorale (CENI) et à la Cour suprême de justice »,

– l’interdiction d’accès aux listes électorales à l’opposition et aux observateurs,

– les médias « contrôlés par l’Etat (qui) ont battu le rappel pour le président »…

– une « gestion chaotique » du scrutin (manque de listes, bulletins de vote et urnes), des violences localisées et des fraudes signalées (intimidation des électeurs, bourrages d’urnes…) », « le décompte des bulletins de vote aussi chaotique et dangereusement opaque.

Pour trouver une solution, ICG demande une « action internationale et régionale d’urgence pour sauver les élections et persuader les dirigeants congolais de s’abstenir de recourir à la violence ». Deux tâches qui ne s’annoncent pas faciles. ICG propose plusieurs mesures pour tenter de sortir de la crise:

– « la commission électorale doit compter les bulletins de vote de manière transparente (…). Elle doit publier les résultats de chaque bureau de vote, pour permettre une vérification indépendante »,

– « les autorités doivent expliquer clairement comment les partis politiques et les observateurs ont la possibilité de contester les résultats de chaque bureau de vote (…),

– « tous les dirigeants congolais doivent éviter les discours haineux. Etant donné que les manifestations vont sans doute devenir violentes, les dirigeants politiques ne doivent pas appeler à manifester après l’annonce des résultats »,

– « si des manifestations ont lieu, les forces de sécurité doivent s’abstenir de faire usage d’une force excessive. Toute violence doit faire l’objet d’une enquête par des organisations de droits de l’homme congolaises et internationales, ainsi que, si cela est approprié, par la CPI »,

– « l’ONU, l’UA et l’UE doivent envoyer immédiatement une médiation de haut niveau entre les parties. Un accord de partage du pouvoir n’est pas souhaitable. Les médiateurs doivent explorer des options pour un mécanisme alternatif de règlement du contentieux électoral ou pour une supervision indépendante des mécanismes existants (éventuellement sous les auspices de l’UA et avec un soutien international). Ils doivent également trouver un moyen d’éviter une crise constitutionnelle puisque le mandat de Kabila expire cette semaine ».

Le 8 décembre, dans un communiqué signé par le P. Donatien Nshole, premier secrétaire général-adjoint de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), les évêques de la RDCongo réagissent fermement à un article publié le mercredi 7 décembre sur le site de l’ambassade de la RDC en Belgique, et dénoncent l’utilisation qui est faite de leurs observations pendant le scrutin présidentiel du lundi 28 novembre.

L’article titré «L’Église catholique en accord avec les résultats de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et le bon déroulement du scrutin», affirme que «les témoins de l’Église catholique sont à 97,6 % d’accord avec les résultats publiés jusque-là par la Ceni».

Indignés parce qu’ils considèrent comme une «extrapolation» et soucieux de lever toute «équivoque», les évêques rappellent que les données sur lesquelles s’appuie l’auteur de l’article concernent 47 % des 3 000 bureaux couverts par 6 000 observateurs de la Cenco, soit 1 410 bureaux de vote sur les 63 865 prévus par la Ceni, autrement dit 2,2 % de l’ensemble. «Le plus regrettable, c’est que l’auteur se contente d’une pêche à la ligne et d’un choix très tendancieux allant jusqu’à déformer la vérité», insiste le communiqué.

La Cenco apporte un certain nombre de précisions.

Si comme l’article l’indique, la quasi-totalité (94 %) des observateurs de la Cenco a pu accéder librement aux bureaux de vote et si 97,6 % des résultats affichés étaient conformes à ceux observés, «il doit être bien compris qu’il ne s’agit pas des résultats partiels publiés par le Ceni, mais bien plutôt de ceux affichés devant les bureaux de vote», indique le communiqué.

Parmi les irrégularités relevées, la Cenco note que dans 27 % des cas, le nombre de bulletins de vote était inférieur au nombre d’électeurs, que les procédures de vote ont été interrompues dans 27,8 % des cas, que dans 11,1 % des cas, il y a eu harcèlement ou intimidation des électeurs, dans 22,2 % des cas, corruption ou achat des votes, et dans 38,9 % des cas, violence.

La conclusion du communiqué est sans appel: «De ce qui précède, il ressort avec évidence que, avec un échantillon de 2,2 % de l’ensemble des bureaux de vote, la Cenco n’est pas en mesure de se prononcer sur les tendances des résultats des élections présidentielles. Il n’est donc pas juste d’affirmer que l’Église catholique est en accord avec les résultats de la Ceni».

L’Église avait déjà lancé un appel à respecter la vérité des urnes.

Le 5 décembre, Mgr Nicolas Djomo, président de la Cenco, avait déjà fait une mise au point: «La Cenco invite instamment le peuple congolais, les acteurs politiques et la Ceni à s’en tenir impérativement à la vérité des urnes telle qu’exprimée et affichée au niveau des bureaux de vote. Pour garantir la sérénité et la crédibilité des résultats, comme le stipule la loi électorale à son article 63, la publication partielle devrait mentionner le nombre d’enrôlés, de votants, de bulletins nuls et de voix obtenues par chaque candidat».

 

2. LA PUBLICATION DES RÉSULTATS PROVISOIRES

Le 9 décembre, la Commission Electorale Nationale Indépendante (Ceni) de la République Démocratique du Congo a publié les résultats provisoires complets de l’élection présidentielle du 28 novembre. Le président sortant, Joseph Kabila, a obtenu 8 880 944 voix, soit 48,95 % des suffrages.

L’opposant Etienne Tshisekedi wa Mulumba, leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) arrive deuxième avec 5 864 795 voix soit 32,33 % des suffrages. Dans la ville-province de Kinshasa, Etienne Tshisekedi a obtenu plus de 64% des voix, contre quelque 30% au président sortant Joseph Kabila. L’ancien président de l’Assemblée Nationale et opposant, Vital Kamerhe se classe à la 3e place avec 7,74 % des suffrages, devant le président du Sénat Léon Kengo (4,45 %). Les sept autres candidats réalisent des scores inférieurs à 2%.

Sur les 32.024.640 électeurs inscrits, 18.911.752 ont voté, soit un taux de participation de 58,81%, avec un total de 18.143.104 suffrages exprimés valables. La Céni a affiché sur son site internet les résultats de la présidentielle, mais souvent incomplets. Ainsi, le détail par bureaux de vote ne mentionne jamais le nombre d’inscrits.

Les 11 candidats ont 48h pour déposer des contestations auprès de la Cour Suprême de Justice (CSJ), qui devra proclamer officiellement les résultats définitifs le 17 décembre. Toutefois, la CSJ a déjà été l’objet de critiques. Fin novembre les missions de l’Union Européenne (UE) et du Centre Carter avaient dénoncé son « manque de transparence » en matière de contentieux électoraux. Jusqu’au 28 octobre, la Cour suprême comptait sept magistrats, mais le président Kabila en a nommé de nouveaux pour arriver à un total de 27. Le nouveau président, élu pour cinq ans, devra prêter serment le 20 décembre.

 

3. APRÈS LA PUBLICATION DES RÉSULTATS

Les réactions des partis politiques de l’opposition

Le 9 décembre, le candidat de l’opposition Etienne Tshisekedi a rejeté les résultats publiés par la Céni et s’est rapidement proclamé vainqueur de l’élection et « président élu de la République Démocratique du Congo »: «Je considère ces déclarations comme une véritable provocation du peuple congolais», déclare Etienne Tshisekedi, qui précise: «Il n’y a pas deux présidents. Nous avons des PV (procès-verbaux) qui montrent clairement que je suis gagnant et de loin ». M. Tshisekedi a donné son propre score: «54% des voix qui me sont attribuées contre 26% pour monsieur Kabila». En s’adressant à ses partisans, il continue: «En conséquence, je me considère dès aujourd’hui, comme un président élu de la République démocratique du Congo. Et je vous remercie pour la confiance que vous m’avez toujours manifestée, et je vous demande de rester calmes, pour faire face à la suite des événements, quand je vous donnerai les mots d’ordre qu’il faudra». Etienne Tshisekedi ajoute: «Je demande à la communauté internationale de prendre les dispositions nécessaires, pour non seulement trouver la solution à ce problème, mais aussi pour éviter que le sang des Congolais puisse à nouveau couler». Il a aussi refusé de contester la victoire annoncée de Joseph Kabila devant la Cour Suprême de Justice (CSJ): «Il n’y a pas de justice chez Kabila. Cette Cour est une institution privée de M. Kabila. On ne peut pas leur faire l’honneur de recourir à eux (les juges de la Cour). Ce serait leur reconnaître une certaine légitimité. Je ne le ferai jamais», a-t-il précisé.

Arrivé en 3e position (7,74%) selon la Céni, l’opposant Vital Kamerhe a également rejeté « catégoriquement » ces résultats et a reconnu la victoire de Tshisekedi. Le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC) a déclaré que les résultats de la Ceni proclamant Joseph Kabila vainqueur de la présidentielle du 28 novembre ne reflètent pas la volonté du peuple congolais. Selon Vital Kamerhe, les vrais résultats affichés aux bureaux de vote après dépouillement au soir du 28 novembre 2011 sont totalement différents de ceux publiés par la Ceni.

Le 10 décembre, chez la résidence d’Etienne Tshisekedi, à Limete, la résistance s’organise. Des militants de l’UDPS compilent des P-V des bureaux de vote qui remontent du terrain pour les comparer avec ceux publiés par la CENI. Leur but est de démontrer que la victoire de Joseph Kabila est frauduleuse. Ils auraient récupéré plus de la moitié des 64 000 P-V du scrutin

« En gros, nous avons le candidat Etienne Tshisekedi qui est à 56% et Joseph Kabila à 37% », indique Jean-Marie Beya, membre de l’équipe de compilation de l’opposition. Des chiffres radicalement différents de ceux communiqués par la Ceni.

Le 12 décembre, l’opposition congolaise a déclaré qu’elle ne va pas saisir la Cour suprême de justice (CSJ) sur les irrégularités constatées lors du scrutin présidentiel du 28 novembre. Selon elle, «cette juridiction n’inspire pas confiance», car «inféodée au candidat numéro 3, Joseph Kabila». La loi électorale autorise la Cour suprême de justice de publier les résultats définitifs de la présidentielle, si elle n’est pas saisie par une requête de contestation 48 heures après la publication des résultats provisoires.

A cause de l’organisation chaotique du scrutin, l’opposition aurait beaucoup de mal à contester le scrutin devant la Cour suprême. Deux raisons à cela: les irrégularités sont tellement nombreuses et la logistique tellement anarchique qu’il serait très difficile de prouver quoique ce soit devant la Cour suprême (pas de chiffres fiables, bureaux de votes fermés, bulletins perdus, doublons sur le fichier électoral…). Deuxième difficulté pour prouver la fraude: Joseph Kabila a remplacé il y a quelques mois la majorité des membres de la Cour Suprême de Justice. Il semble que les nouveaux membres sont très «proches» du parti présidentiel. Dans ce contexte, la marge de manœuvre est courte pour l’opposition congolaise: contester «l’incontestable» face une Cour suprême «noyautée» par le président sortant, ou recourir à «la rue», au risque d’enfoncer le pays dans une spirale de violence.

Le 12 décembre, à 16 heures GMT, s’est conclu le délai pour le dépôt des recours du contentieux électoral pour la présidentielle. Le candidat Vital Kamerhe, président de l’UNC, a déposé son recours, en déclarant l’avoir déposé pour le compte de l’opposition politique qui dit avoir entendu les appels pressants du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, et surtout celui du cardinal Monsengwo qui, tout en condamnant le résultat de l’élection, encourage l’opposition à utiliser toutes les voies de recours.

Vital Kamerhe était, en effet, accompagné d’autres ténors de l’opposition dont Jacques Pierre Chalupa et Félix Tshisekedi, le fils de l’opposant Etienne Tshisekedi. Il a, en outre, affirmé avoir ainsi «rempli notre formalité» mais il explique: «Ce sera un aréopage d’avocats. Ça sera l’ensemble du peuple congolais, l’Eglise catholique, le Centre Carter et la communauté internationale, tous viennent nous assister. Et je pense que c’est quand même une pression très forte». Par ailleurs, le président de l’UNC continue à remettre en cause l’indépendance des hauts magistrats: «On a nommé certains magistrats au début de la campagne et pendant la campagne électorale. Et donc on peut avoir des fortes présomptions sur ce que ces gens là ont comme mission à la fin». Vital Kamerhe dit savoir comment la CSJ va dire le droit: «c’est sera en faveur du président sortant». Mais il attire l’attention des magistrats de cette juridiction: «Le peuple congolais a les yeux rivés sur la CSJ. Ils [les magistrats] ont l’occasion d’entrer dans l’histoire de notre pays positivement ou négativement».

La Haute Cour devra examiner si Vital Kamerhe agit en tant qu’individu, au nom de son parti l’UNC ou au nom de l’Opposition. Aux termes de l’article 73 de la loi électorale, il y a deux possibilités pour contester les résultats du scrutin présidentiel. Soit, c’est un parti ou regroupement politique qui a présenté un candidat à ce scrutin ou son mandataire; soit c’est un candidat qui s’est présenté à l’élection présidentielle. Or, l’Opposition n’est pas reconnue par la loi électorale comme regroupement politique, car elle n’est pas organisée et structurée avec des statuts, un règlement intérieur et un porte-parole. Bien plus, Vital Kamerhe n’a pas le statut de porte-parole de l’Opposition. Et par conséquent, il n’a pas qualité de l’engager en justice. Dans le cas où Vital Kamerhe aurait introduit la requête au nom de son parti, l’UNC, son recours pourrait être déclaré recevable. Mais cela ne suffit pas. Il devra fournir les éléments qui ont préjudicié son élection à la Présidence de la République. En conclusion, la requête en annulation des résultats du scrutin présidentiel du 28 novembre 2011, de Vital Kamerhe ou de l’Opposition (c’est selon), pourrait se révéler nulle et de nul effet.

 

Les réactions de la Communauté Internationale

Le 9 décembre, la Belgique a pris note des résultats et a appelé à éviter la violence, tandis que Paris a exhorté les autorités congolaises à « assurer l’ordre public dans le respect de l’Etat de droit ». Le Royaume-Uni s’est dit « préoccupé » par des soupçons d' »irrégularités » et a appelé la CSJ à examiner tous les recours « rapidement et de façon transparente ». L’Union européenne a appelé au calme et à une contestation éventuelle des résultats « par les voies légales ». Le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon a lancé un appel au calme, invitant « tous les candidats à faire preuve de retenue et à s’abstenir de tout acte de violence, de provocation et d’incitation à la violence ».

 

Les incidents de Kinshasa, Mbuji-Mayi et Kamina

Le 9 décembre, à Kinshasa, l’annonce des résultats a déclenché une explosion de joie et de klaxons dans le quartier résidentiel de la Gombe, jusque-là désert et silencieux et où se trouve la résidence du président sortant. Dans d’autres quartiers de la capitale kinoise, des partisans de Tshisekedi commençaient en revanche à manifester. «On a perdu la bataille mais on n’a pas perdu la guerre», a déclaré un jeune militant du parti de l’opposant, l’UDPS, présent devant le siège du mouvement dans un quartier populaire de la capitale. Dans quelques quartiers de Kinshasa, sous haute surveillance policière et militaire depuis quelques jours, des incidents ont éclaté et des tirs ont été entendus peu après l’annonce des résultats électoraux. Quelques pillages limités ont également eu lieu. Aucun incident majeur n’avait été signalé jusque-là dans le reste du pays.

Le 9 décembre, à Kinshasa, dans les quartiers de Matonge et Kauka, après l’annonce des résultats provisoires, les populations se sont terrées chez eux laissant, dans un premier temps, les rues aux seules forces de l’ordre. Après quelque temps, les habitants de ces quartiers sont sortis et ont immédiatement commencé à lancer des pierres contre les policiers anti-émeutes en patrouille dans ces quartiers. D’autres jeunes gens hostiles au Président Kabila ont brûlé des pneus le long des avenues Victoire, Université et Bongolo. Dans la commune de Ngiri-Ngiri, sur les avenues Kasa-Vubu et Elengesa, des barricades ont été dressées sur les routes. Un dispositif renforcé de la police était perceptible au rond-point Moulaert, commune de Bandalungwa. Des échauffourées ont éclaté à cet endroit entre des jeunes gens de Ngiri-Ngiri et de Bandalungwa et les forces de l’ordre. Dans la commune de Ngaliema, on a enregistré des cas des pillages des boutiques tenues par des ressortissants chinois, notamment au niveau de la route Matadi et Lalou. Des scènes de violence de ce genre ont été également signalées dans plusieurs autres quartiers de la ville de Kinshasa, bastion de l’opposition. Dans le quartier très populaire de Bandale (centre), des jeunes ont incendié des pneus et jeté des pierres en direction de policiers armés. Des tirs ont été entendus dans ce quartier et également dans celui de Limete (est), où se trouve le QG de l’opposant Etienne Tshisekedi. Des policiers dispersaient les regroupements de militants à coups de gaz lacrymogène.

Le 10 décembre, Kinshasa est quadrillée par la police, des militaires et des éléments de la garde républicaine. Quasiment aucun taxi ou véhicules ne circulent, les stations-service sont fermées comme de nombreux magasins. Des habitants accusent les policiers de voler des téléphones, l’argent et des portables. On entendait encore quelques détonations sporadiques à la mi-journée. A Limete, où Etienne Tshisekedi a son QG, un témoin a affirmé que des « combattants » (militants) de l’UDPS, étaient armés de kalachnikov.

Dans le quartier Bumbu (centre), des civils armés de battes de base-ball secondent des policiers qui procèdent à des interpellations musclées. Des policiers en panne de menottes ont ligoté trois jeunes hommes avec de fines cordes qui sanglent leurs bras. « Vous êtes des instigateurs! Vous, vous êtes là pour soulever la masse! », lance un policier, pendant qu’un autre gifle l’un des suspects. Il ne bronche pas. Un autre jeune, accusé d’avoir mis le feu à un pneu, pleure son innocence et implore Dieu de lui venir en aide. Trois autres jeunes en civil accompagnent les policiers. « Ils nous aident à dénicher certains badauds qui veulent semer des troubles parce qu’avec nos uniformes, nous sommes très visibles », explique un policier, alors que l’un des « aides » tient un longeron en guise d’arme. Selon certains témoignages, quelques membres des forces de l’ordre menaient leurs opérations en civils.

Mêmes scènes à Mombele. Des policiers pénètrent dans des domiciles et embarquent quelques jeunes. Les interpellés sont emmenés dans un véhicule. Un père s’approche pour récupérer son fils, ses autres enfants en bas âge hurlent et pleurent de peur. « Il n’a rien fait! » lance-t-il. « On va te tuer! » menace un policier pour le faire fuir. Un autre jeune est interpellé: « Mais quelle brutalité! », murmure un vieil homme témoin de la scène. Dans les communes de Bandal, Limété, Kitambo, Ngiri Ngiri ou Kasa Vubu des jeunes bloquaient l’entrée des rues avec des barricades de fortune. Quelques uns avaient une pierre, un bâton ou une machette à la main et sur la chaussée on pouvait encore voir de nombreuses traces de pneus brulés.

Selon des témoignages recueillis, six personnes, dont deux femmes, ont été tuées par balle samedi 10 décembre dans la ville de Kinshasa. Parmi les victimes, trois personnes ont été tuées par balle à Kimbanseke, non loin de l’ancienne maison communale de Ndjili. Un jeune homme du quartier 8 a été abattu au quartier 7 pendant qu’il pillait l’école Mwapi. A Ngiringiri, une fille de 19 ans a été atteinte d’une balle dans la tête alors qu’elle était sortie pour acheter du pain. Un autre jeune homme a été tué dans le quartier situé derrière la prison de Makala.

Le 11 décembre, le calme est revenu timidement dans la ville de Kinshasa. Les transports en commun ont repris leur trafic, on a observé la réouverture des stations d’essence, restées fermées depuis vendredi soir pour empêcher les jeunes de s’approvisionner en carburant leur servant à la fabrication de cocktail molotov. Le petit commerce a également repris ainsi que les cultes dominicaux, peu fréquentés cependant.

Le 12 décembre, les activités ont repris à Kinshasa et la quasi totalité des services a fonctionné normalement. Les boutiques, magasins et marchés, les services de l’administration publique, les banques et les hôpitaux ont pu rouvrir. La plupart des écoles primaires et secondaires sont en revanche restées fermées. Les quelques élèves qui se sont présentés ont été priés de regagner leur domicile.

Le 10 décembre, la ville de Mbuji-Mayi est déserte. Dans les marchés, les vendeurs ont été dispersés par les forces de l’ordre. Les rues désertes sont occupées par des hommes en armes. Il n’y a aucun transport en commun. Seuls quelques rares taxi-motos sont visibles. Des barrières sont érigées sur la voie publique. A certains endroits, on peut voir des restes de pneus brûlés par des jeunes gens. Des hommes en armes sont postés à divers endroits stratégiques de la ville. La nuit qui a suivi la publication des résultats par la Ceni a été très tendue. De fortes détonations d’armes lourdes et légères se sont fait entendre à travers la ville. Des agressions commises par des hommes en armes ont été signalées à travers la ville. Une personne a été tuée par balles la nuit par des inconnus armés dans la commune de Bipemba. Les résidences de certains cadres de l’opposition ont été la cible d’hommes en armes, selon des témoignages. Des coups de feu retentissaient encore le samedi matin dans les périmètres de la permanence de l’UDPS. Ces tirs avaient été entendus vendredi aux environs de 20h, après qu’une forte clameur se soit élevée de la ville. La population venait d’apprendre que le candidat de l’UDPS s’était autoproclamé président. Les gens étaient sortis manifester leur joie par des cris, coups de sifflet et sons de trompette. Les forces de l’ordre étaient alors intervenues pour les disperser à l’aide de gaz lacrymogènes.

Le 10 décembre, plusieurs sources concordantes ont fait état d’actes de xénophobie des originaires vis-à-vis des non originaires, à Kamina et dans certaines villes et cités de la province du Katanga. Des attaques et extorsions des biens des non originaires, notamment des kasaïens, ont été enregistrées au quartier 82 de Kamina. Des familles menacées (pas moins de trois cents personnes) se sont amassées à la gare ferroviaire de Kamina. Ces victimes sont constituées en majorité des femmes et des enfants. Selon un témoin, ces personnes «sont entourées des jeunes de l’Unafec», l’Union Nationale des Fédéralistes du Congo de Kyungu wa Kumwanza, président de l’Assemblée provinciale. Selon des témoignages recueillis sur place, dans la mi-journée, un premier groupe des Kasaiens ont quitté Kamina pour Mwene-Ditu (Kasaï-Oriental) par train. D’autres témoignages ont aussi état d’actes de xénophobie à Kambove, Likasi et Kolwezi. Depuis plusieurs jours, des informations concordantes font état des menaces des Katangais sur les non originaires, en marge du processus électoral.

 

Les déclarations du Centre Carter, du Cardinal Laurent Monsengwo et de la mission d’observation électorale de l’Union Européenne

Le 10 décembre, les observateurs internationaux du Centre Carter ont estimé dans un communiqué que le processus de compilation des résultats de la présidentielle « n’était pas crédible ». Les résultats de l’élection présidentielle sont caractérisés par de telles irrégularités qu’ils « manquent de crédibilité ».

Dans de nombreux bureaux du Katanga, M. Kabila récolte 100% des suffrages, avec des taux de bureaux compilés et de participation très hauts. « A plusieurs endroits (…) il a été rapporté des taux de participation élevés allant de 99 à 100%, ce qui est impossible, avec toutes ou presque toutes les voix allant à Kabila », relève le Centre Carter. L’ONG cite par exemple le cas de la circonscription de Malemba-Nkulu où, avec 493 bureaux de vote et un taux de participation de 99,46 %, M. Kabila totalise 100 % des voix (266.886).

En revanche, dans d’autres régions où « Etienne Tshisekedi a obtenu des scores élevés, les pourcentages des bureaux de vote comptabilisés et les taux de participation sont extrêmement moins élevés », ajoute l’ONG. Dans la province du Kasaï occidental (centre), où M. Tshisekedi a souvent obtenu des très bons scores, « dans 11 des 12 CLCR le taux de participation était inférieur à la moyenne nationale », qui a été de 58,81%. Ainsi, dans la circonscription de Mbuji-Mayi (Kasai oriental, centre), un fief de M. Tshisekedi, celui-ci obtient 97,29 % des suffrages, mais le taux de participation n’atteint que 51,47 %, avec une prise en compte des résultats pour 86,03 % des bureaux de vote. A Kinshasa aussi, les taux de compilation et de participation sont souvent plus faibles. Ainsi, dans la circonscription de Lukunga, seuls 1.709 bureaux (sur 2.593) ont été pris en compte, avec 386.288 votants sur 833.513 inscrits.

Le Centre Carter note une organisation chaotique dans le processus de comptage – avec des bulletins de vote empilés à même le sol et sur lesquels on marchait, ou des feuilles de résultats trempées par la pluie puis suspendues sur des bâtons pour les faire sécher. Selon le Centre Carter, dans la capitale, « près de 2.000 plis de résultats de bureaux de vote ont été perdus (représentant à peu près 350.000 électeurs) et ne seront jamais comptés », ainsi que 1.000 autres plis perdus dans le reste du pays (environ 500.000 électeurs).

Selon l’Ong, «ces constats et d’autres indiquent une mauvaise gestion du traitement des résultats et compromettent l’intégrité de l’élection présidentielle». Toutefois, ces constatations ne signifient pas « que l’ordre final des candidats (ndlr : Kabila premier, Tshisekedi deuxième) est forcément différent » de celui annoncé par la Céni, mais «uniquement que le processus de traitement des résultats n’est pas crédible», précise l’ONG.

Le 12 décembre, l’archévêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, a affirmé dans une déclaration à la presse à Kinshasa, que les résultats de la présidentielle publiés par la Ceni ne sont pas «conformes ni à la vérité ni à la justice». «Comment, par exemple, comprendre que le 6 décembre, Monsieur TSHISEKEDI qui avait 5.927.728 voix sur 17.329.137 suffrages exprimés, ait le 9 décembre 5.863.745 voix sur 18.144.154 suffrages? Il perd par conséquent 64.000 voix», écrit l’archevêque de Kinshasa dans une courte déclaration où il demande aussi aux contestataires éventuels de recourir aux voies de droit et de ne pas se livrer à la violence, expliquant que les résultats sont provisoires et doivent être confirmés par la Cour suprême de justice. «Dans ce cadre, l’Eglise est moralement tenue à offrir son aide à la justice pour établir la vérité des urnes là où ont été ses observateurs», conclut l’archevêque.

Le 13 décembre, dans un communiqué, la mission d’observation électorale de l’Union Européenne déplore le manque de transparence et les irrégularités dans les procédures de collecte, compilation et publication des résultats de l’élection présidentielle.

Les observateurs de l’Union Européenne indiquent que plusieurs témoins des candidats et des partis politiques ont été empêchés d’observer l’ensemble des étapes de la compilation au Katanga, à Kinshasa, au Sud-Kivu et en Province Orientale. L’absence d’observateurs lors de la consolidation des résultats au Centre national de traitement de la Commission électorale à Kinshasa « ne peut qu’affecter la confiance dans les résultats annoncés et leur crédibilité », note la Mission d’observation électorale de l’UE.

Elle a aussi recensé plusieurs Centres locaux de compilation de résultats (CLCR) qui n’ont pas affiché les résultats de la compilation immédiatement après les élections. «Or, l’affichage public immédiat était un signe de transparence mais aussi c’est le signal qu’attendaient et qu’attendent les citoyens congolais pour s’assurer que ces résultats traduisent fidèlement la volonté de leur vote», a déclaré la chef de cette mission, Mariya Nedelcheva. « En contradiction avec la loi électorale, le bureau de la Céni a demandé à plusieurs CLCR de ne pas afficher immédiatement les résultats de la compilation mais de les envoyer d’abord au siège de la Céni afin de réaliser un contrôle de cohérence », souligne la mission de l’UE, qui cite notamment les cas de Kinshasa, Lubumbashi, Kisangani ou Goma.

En outre, la transmission des plis sécurisés à destination de la CENI, du Secrétariat Exécutif Provincial (SEP) et de la Cour Suprême de Justice (CSJ) n’a pas été systématique et immédiate. Enfin, le système de transmission des résultats par satellite, dit «V-sat », n’était pas présent partout.

Le communiqué de la mission indique qu’un nombre important de bureaux de vote n’a pas été comptabilisé. Il cite la Ceni qui aurait dénombré 4 875 bureaux de vote non comptabilisés sur l’ensemble du territoire congolais, dont 2 020 à Kinshasa. Ces bureaux représenteraient 1,6 millions d’électeurs et le 7,63% du total des 64.000 bureaux.

Le même document indique que la publication des résultats provisoires est caractérisée par un manque de transparence: «Si la Ceni a finalement publié des résultats détaillés par bureaux de vote, ils ne comprennent pas le scan des procès verbaux de chaque bureau de vote établis à la fin du dépouillement. Ces résultats ne reprennent que la saisie informatisée des PV, réalisés au sein des CLCR, parfois sans témoins. Plusieurs résultats de bureau de vote rendus publics le soir du dépouillement sur le terrain, notamment à Lubumbashi, ne correspondent pas avec ceux publiés par la Ceni».

En outre, la mission d’observation de l’Union européenne relève que «près de 3,2 millions d’électeurs ont voté sur des listes de dérogation ou d’omis, soit plus de 17% du total de votants, car leur nom manquait sur les listes des bureaux». Les provinces les plus marquées par ce phénomène sont Kinshasa (27,77%), le Nord-Kivu (24,5%), l’Equateur (20,29%), le Sud-Kivu (19,02%) et le Bandundu (18,54%).

«Il est de la responsabilité des acteurs politiques et des institutions congolaises de mener leur propre examen des résultats des élections et d’identifier les solutions à la situation actuelle», a déclaré le chef de la MOE-UE, la députée bulgare Mariya Nedelcheva, citée dans le communiqué.