Congo : Le dilemme électoral

Confrontées au dilemme de respecter les échéances constitutionnelles et organiser des élections bâclées, ou d’ignorer ces échéances et plonger dans une période d’inconstitutionnalité du pouvoir, les autorités congolaises ont choisi la première option.

Congo : Le dilemme électoral , le dernier rapport d’International Crisis Group, examine les circonstances dans lesquelles la République Démocratique du Congo (RDC) se prépare pour ses secondes élections démocratiques. Les préparatifs techniques sont en retard. Ni la loi électorale, ni la liste des électeurs, ni le budget ne sont prêts. L’enregistrement des électeurs est déjà controversé, le financement du cycle électoral incomplet et le calendrier électoral problématique. Le parti de Joseph Kabila, l’actuel président, est déjà entré en campagne, bien avant le début de la période électorale, tandis que l’opposition se cherche toujours son « champion » pour la course présidentielle.

“Loin d’annoncer la consolidation de la démocratie, les élections à venir sont au mieux un problème logistique et au pire une nouvelle cause de déstabilisation pour le pays, qui ne s’est toujours pas complètement rétabli des guerres ayant causé des millions de morts à la fin de l’ère Mobutu”, estime Marc-André Lagrange, analyste senior spécialiste du Congo à Crisis Group.

Les politiciens congolais et la communauté internationale devraient dès maintenant anticiper la possibilité bien réelle que l’échéance constitutionnelle ne puisse pas être respectée, ce en dépit de la récente publication du calendrier électorale par la Commission Electorale. Négocier un accord de transition avec l’opposition, établir une nouvelle échéance pour l’organisation des élections et limiter les responsabilités du gouvernement aux affaires courantes durant la période de transition permettraient d’éviter qu’un report inconstitutionnel des élections ne devienne une crise de légitimité.

Bien que le rôle de la communauté internationale soit bien plus limité dans ce cycle électoral qu’en 2006, lorsque les Congolais participèrent à des élections pour la première fois depuis le renversement de Mobutu et les guerres qui suivirent, elle devrait faire comprendre à la classe politique qu’un report des élections serait préférable à des élections biaisées. Par ailleurs, si le gouvernement ne prend pas des mesures concrètes pour renforcer le processus électoral, les partenaires internationaux devraient se désengager, afin de ne pas lui conférer une aura de légitimité.

Le seul moyen de sortir de cette situation sans gagnants consiste à accélérer les préparatifs et à négocier un calendrier électoral de secours ainsi qu’un accord politique pour gérer le report et la période de transition consécutive qui seront probablement nécessaires. Il faut également porter davantage d’attention à la mise en place de mesures essentielles en faveur de la transparence et de l’inclusion, ainsi qu’un système de sécurité qui requerra nécessairement une aide importante de la part des Nations Unies.

Afin de ne pas se trouver piégé dans un processus biaisé qui pourrait tout aussi facilement déraper dans la violence que celui qu’à récemment expérimenté la Côte d’Ivoire, l’assistance financière et technique de la communauté internationale devrait être fournie en fonction d’un suivi constant et précis de la liberté de faire campagne, du respect du pluralisme politique, des violences politique, de l’accès aux médias nationaux, du dialogue avec les autorités congolaises et du financement public de la Commission Electorale, ainsi que des opportunités pour la société civile de conduire son propre suivi du processus.

“Le dilemme électoral auquel font face les autorités pourrait se propager à la rue, et si le calendrier électoral actuel n’est pas respecté, un report inconstitutionnel des élections se transformera en crise de légitimité”, analyse le directeur de projet pour l’Afrique centrale Thierry Vircoulon. “Si de nombreux aspects négatifs des élections de 2006 ont disparu, il reste un point commun : les élections congolaises constituent toujours un risque”.

Source: http://www.crisisgroup.org