Congo Actualité n° 116

28 octobre 2010
Ce numéro est complètement dédié au « Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo», rédigé par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU et paru dans sa version définitive le 1er octobre 2010. Ce document se trouve en :

http://www.ohchr.org/Documents/Countries/ZR/DRC_MAPPING_REPORT_FINAL_FR.pdf

SOMMAIRE

EDITORIAL

1. LA DIFFUSION PAR LES MEDIAS D’UNE UNE VERSION NON DEFINITIVE DU RAPPORT
2. LA PUBLICATION DE LA VERSION FINALE DU RAPPORT
3. UN PAS EN AVANT
4. LES CONSÉQUENCES
5. VERS LA FIN DU MENSONGE ET UN DÉBUT DE VÉRITÉ
6. VERS LA FIN DE L’IMPUNITÉ ET UN DÉBUT DE JUSTICE
7. LES LANGUES SE DÉLIENT

EDITORIAL. CETTE FOIS-CI, MERCI, ONU!

Ce qui s’est passé le 1er octobre 2010, précédé par la parution de la version non définitive le 26 août, n’a pas encore déployé toutes ses conséquences sur la région des Grands Lacs et même sur la politique internationale. Le document a été un acte de courage, un hommage dû à tant de morts pour des raisons qui n’étaient pas telles, écrasés par une machine épouvantable de guerre que certains ont mis en mouvement et conduit sans en être les victimes.

Toute personne, tout groupe épris du souci de la vérité et de la justice, souci de paix, dans les pays de la région des Grands Lacs africains en devrait faire lecture et en tirer des conséquences. En ce numéro, nous essayons de le présenter et d’en montrer la valeur et les enjeux.

Nous félicitons ici l’équipe qui a travaillé, sur terrain ou de loin, à reconstruire au moins les grands axes de l’histoire de cette terrible décennie 1993-2003 en République Démocratique du Congo. Faire mémoire de ceux qui ont été écrasés par la guerre, même en citant tout simplement leur nombre, signifie empêcher qu’ils meurent deux fois, que leur mort soit banalisée, signifie vouloir que de cette tragédie puissent se dégager des enseignements et des pistes de chemin pour l’avenir.

LE DOCUMENT PEUT ETRE LU SOUS DE DIFFERENTS ANGLES, TOUS IMPORTANTS.

L’angle humanitaire: un peuple s’est effondré, dans des guerres qui ont eu les civils, congolais ou réfugiés comme principal cible, car ils étaient désarmés. Le scénario n’est pas pire que celui d’autres guerres : c’est le visage quelque peu rapproché du monstre de la guerre, où la piété s’en meurt.

L’angle économique : le rapport fait encore une fois ressortir que ces guerres avaient comme but primaire les ressources de la RDCongo (minérales, territoriales, agricoles, les infrastructures et les biens des habitants).

L’angle médiatique: car ces guerres sont passées presque inaperçues ou mal perçues, comme des conflits purement ethniques, alors qu’on ne cesse de faire mémoire des shoah passées. Pourquoi ne parvenons-nous pas à percevoir la portée des événements pendant qu’ils se passent, pendant qu’il est possible de soustraire au moins un jour à l’horreur ?

L’angle sociologique et anthropologique: qu’est-ce qui fait que dans des populations qui vivaient calmement, avec des tensions normales que les palabres résolvaient, éclate une telle violence? Comme ce qui s’est passé n’est pas spécifique à l’Afrique mais à tout contexte de guerre, qui est l’être humain, qui peut faire de la souffrance de l’autre sa joie? Et qui, en plein orage, est aussi capable d’un dévouement à la fraternité jusqu’à exposer sa propre vie, en accueillant un étranger, en défendant un opprimé? Car il y aurait aussi cette histoire à reconstruire, qui se laisse entrevoir par ci par là dans le rapport.

L’angle religieux: toutes les religions peuvent s’interroger à partir de ce document, par rapport au passé et par rapport à leur action actuelle. Que signifie servir vraiment la personne, un peuple?

L’angle politique: D’où est venu l’orage? Quels étaient les projets politiques cachés qui l’ont déclenché ? Quels ont été les vides, les léthargies, les complicités qui ont permis à ce que dix ans s’écoulent de cette manière et que jusqu’aujourd’hui pour beaucoup de monde à l’Est la guerre ne soit pas terminée ? Lire ce rapport signifie se passionner davantage à la recherche des causes, à la lutte contre les racines cachées de ces événements.

Le temps est venu de partager avec l’Afrique non pas les restes de notre table, mais la soif de vérité, de justice, de dignité pour une paix véritable.

1. LA DIFFUSION PAR LES MEDIAS D’UNE VERSION NON DEFINITIVE DU RAPPORT

Mise en cause de plusieurs armées

Le 26 août, le journal français Le Monde a publié des extraits d’une une version non définitive du «Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo», rédigé par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU.

Derrière l’intitulé se cache une décennie de violences, meurtres, viols, pillages, auxquels prirent part plusieurs pays de la région.

La Commission a recensé 617 cas de violences, classés par provinces, dans l’ordre chronologique et par types de crimes. Fruit d’un an de travail, le répertoire, d’une exhaustivité et d’une précision rares, va de la persécution des Kasaïens dans le Katanga (1993-1994) au conflit en Ituri (2003), en passant par les massacres de réfugiés hutus rwandais et de civils congolais (1996-1997), au lendemain du génocide rwandais.

Huit Etats africains sont mis en cause par ce rapport circonstancié et rigoureux qui détaille les massacres, viols et pillages commis par leurs militaires et leurs milices satellites. Tous sont impliqués: le Rwanda pour son appui à l’Alliance des Forces Démocratiques de Libération (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila (père de l’actuel président congolais) et au Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), l’Ouganda avec son instrumentalisation du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, le Burundi, mais aussi l’Angola, le Zimbabwe, le Tchad.

Le rapport, de 600 pages, décrit quatre périodes: les dernières années de pouvoir du maréchal-président Mobutu, de mars 1993 à juin 1996; la guerre menée de juillet 1996 à juillet 1998 par Laurent-Désiré Kabila et ses alliés rwandais, ougandais et burundais; la deuxième guerre d’août 1998 jusqu’à l’assassinat du président Laurent Désiré Kabila en janvier 2001, qui correspond à l’intervention d’au moins huit armées étrangères et 21 groupes armés irréguliers et, enfin, la mise en oeuvre progressive du cessez-le-feu jusqu’à juin 2003.

RDCongo victime collatérale des événements rwandais

Le rapport se penche sur la pire décennie, entre 1993 et 2003, quand la RDCongo devient une victime collatérale du génocide rwandais. En 1994, après le génocide rwandais de avril-juillet, l’Armée patriotique rwandaise (APR), à majorité tutsie et menée par Paul Kagamé, reprend le pouvoir à Kigali. Craignant des représailles de la part des Tutsi, près de deux millions de Hutu fuient le Rwanda et se réfugient de l’autre côté de la frontière, au Zaïre (future RDCongo), où ils s’entassent dans de vastes camps de réfugiés.

En 1996, sous prétexte d’aller au secours des « Banyamulenge victimes de discrimination » au Zaïre de Mobutu, le Rwanda de Paul Kagame – assisté par les armées burundaise et ougandaise – avait envahi les provinces zaïroises du Kivu. En réalité, c’était pour hâter le retour forcé des réfugiés hutus ou, plutôt, pour les tuer tout simplement, comme témoigné dans plusieurs cas documentés par le rapport et, enfin, pour lutter contre les « génocidaires Interahamwe », présentés à l’opinion internationale comme une menace pour la sécurité du Rwanda et des Tutsi congolais.

Comme affirmé dans le rapport, dans certains camps de réfugiés, un groupe d’extrémistes était en train de s’organiser en vue d’une reconquête du pays. C’est ainsi qu’en 1996, les camps des réfugiés sont la cible de raids menés par l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila, futur président de la RDCongo, une rébellion, rappelle le rapport du HCDH, «dont les troupes, l’armement et la logistique étaient fournis par le Rwanda».

La marche de l’AFDL/APR vers Kinshasa a été marquée par des massacres indiscriminés: Uvira, Bukavu, Goma, Tingi Tingi, Kisangani, Mbandaka, Ingende, Bokatola, Wendji Secli sont des noms de localités et villes où les populations locales ont été témoins des massacres des réfugiés hutu rwandais et de civils congolais. Selon des témoins, des cadavres ont été enfouis dans des fosses communes, ou jetés dans des latrines, des fleuves ou incinérés sur l’itinéraire des troupes de l’AFDL.

Le document met très clairement en cause le Rwanda et notamment son président Paul Kagamé, dans les exactions menées dans l’est de la RDCongo. Le rapport fournit de nombreux exemples de «crimes contre l’humanité» et «crimes de guerre», voire «crimes de génocide». Ainsi, en décembre 1996, quand des «éléments de l’AFDL/APR» ont «tué plusieurs centaines de réfugiés» dans le village de Mutiko. Ou quand les mêmes ont «tué près de 310 civils, dont un grand nombre de femmes et d’enfants» dans le village de Kinigi.

Génocide contre les Hutu en RDCongo ?

Le rapport du HCDH égrène les massacres et leurs circonstances. « L’usage extensif d’armes blanches (principalement des marteaux et des houes) et les massacres systématiques de survivants après la prise des camps démontrent que les nombreux décès ne sont pas imputables aux aléas de la guerre. Parmi les victimes, il y avait une majorité d’enfants, de femmes, de personnes âgées et de malades qui ne représentaient aucun danger pour les belligérants », dit le rapport.

Sous prétexte de leur distribuer une aide alimentaire ou de les rapatrier au Rwanda, les soldats de l’AFDL/APR regroupaient des réfugiés hutu et «tiraient sur eux de manière indiscriminée à l’arme lourde» ou les frappaient «à coups de marteau ou de houe».

Un exemple: «Le 26 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plusieurs centaines de réfugiés en fuite le long des axes reliant Nyantende à Walungu-centre et Nyantende à Bukavu. Les victimes … ont été tuées par balles, à coups de baïonnette ou sous l’effet d’éclats d’obus. Les militaires ont incendié la plupart des sites où se trouvaient les réfugiés. La majorité des victimes étaient des femmes, des enfants et des personnes âgées. Selon les témoignages recueillis, les militaires ont tué entre 200 et 600 personnes. Les corps des victimes ont été enterrés sur place par la population locale».

Autre exemple: « Aux alentours du 22 novembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plusieurs centaines de réfugiés dans le camp de Chimanga situé à 71 kilomètres à l’ouest de Bukavu. À leur arrivée dans le camp, les militaires ont demandé aux réfugiés de se rassembler afin d’assister à une réunion. Les militaires leur ont ensuite promis d’abattre une vache et de leur donner la viande afin qu’ils puissent reprendre des forces et rentrer dans de bonnes conditions au Rwanda. Ils ont ensuite commencé à enregistrer les réfugiés en les regroupant par préfecture d’origine. À un moment cependant, un coup de sifflet a retenti et les militaires positionnés tout autour du camp ont ouvert le feu sur les réfugiés. Selon les différentes sources, entre 500 et 800 réfugiés ont ainsi été tués».

Le rapport décrit « la nature systématique, méthodologique et préméditée des attaques contre les Hutus (qui) se sont déroulées dans chaque localité où des réfugiés ont été dépistés par l’AFDL/APR sur une très vaste étendue du territoire ».

Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU estime que des faits de « génocide » ont pu être commis en RDCongo en 1996-‘98 par des militaires rwandais ou soutenus par le Rwanda.

Peut-on donc parler de génocide? Le HCDH ne tranche pas la question, mais évoque la possibilité d’une telle qualification. Les enquêteurs de l’ONU estiment, en effet, que « les attaques systématiques et généralisées (contre des Hutus réfugiés en RDC) révèlent plusieurs éléments accablants qui, s’ils sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être qualifiés de crimes de génocide ».

Réactions à Kigali

Au regard des qualificatifs collés à ce massacre des Hutu par l’APR, à savoir: crimes de guerre et génocide, le pouvoir de Kigali qui a la particularité d’avoir fait du génocide des Tutsi de 1994 un fonds de commerce pour s’attirer la sympathie de la Communauté internationale et pour marginaliser les opposants à son régime, se retrouve dans l’embarras.

La possible qualification des massacres de Hutu en RDCongo comme crimes de génocide irrite l’homme fort de Kigali qui se plait jusqu’ici à qualifier de « négationniste » toute prise de position de ce genre. Il a même tenté d’empêcher la publication par l’ONU de ce rapport et a menacé de retirer ses troupes (3550 soldats) des opérations de l’ONU, notamment au Darfour.

2. LA PUBLICATION DE LA VERSION FINALE DU RAPPORT

Le 1er octobre, l’Organisation des Nations unies a publié officiellement le rapport très attendu sur les massacres commis dans l’ex-Zaire de 1993 à 2003.

Dans la version finale du document, les enquêteurs constatent que la qualification de «génocide» a «provoqué beaucoup de commentaires et que cette question demeure sans réponse». Mais les enquêteurs des Nations Unies réaffirment aujourd’hui encore que les soldats de Laurent Désiré Kabila et les militaires rwandais «n’auraient fait aucun effort pour distinguer les hutus membres des Forces armées rwandaises et les miliciens Interhamwe des autres civils hutus».

Le rapport final suggère «que les attaques étaient dirigées à l’époque contre les membres du groupe ethnique hutu en tant que tel». Les enquêteurs rappellent que, dans ces cas et selon l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide datant de 1948 et également selon l’article 6 du Statut de Rome, les Statuts de la Cour pénale internationale donc, l’on peut retenir l’intention de détruire tout un groupe ethnique ou seulement une partie de ce groupe.

Dans ce document explosif, les Nations Unies estiment toutefois que la question du génocide contre les Hutu au Congo «ne peut être tranchée que par une décision judiciaire sur la base de preuves irréfutables et sans appel». Les auteurs du rapport souhaitent donc la mise en place d’un tribunal compétent, qui aura pour mission de répondre une bonne fois pour toute à la question de savoir si le crime de génocide peut être retenu.

La prudence est le maître mot de ce document, comme démontré par le recours à des termes comme «apparemment» ou «suggérer». Les exemples ne manquent pas: « L’utilisation intensive d’armes blanches (principalement des marteaux) et le caractère apparemment systématique des massacres de survivants après que les camps soient pris suggère que les nombreux décès ne peuvent être attribués aux dangers de la guerre ou les considérer comme équivalant à des dommages collatéraux », dit le rapport, ajoutant que la plupart des victimes étaient des « enfants, femmes, personnes âgées et les malades ».

Le rapport établit aussi un lien entre les exactions commises et l’exploitation par des opérateurs locaux et étrangers des ressources naturelles qui abondent au Congo comme le cuivre, le cobalt, l’or, ou encore le coltan, minerai rare qui donne du tantale métallique, produit utilisé notamment dans les téléphones portables, les consoles de jeu ou l’industrie de pointe. Les mines à ciel ouvert de coltan sont encore aujourd’hui au cœur d’une véritable guerre au Kivu, région frontalière du Congo avec le Rwanda.

3. UN PAS EN AVANT

Il est étrange que l’annonce de ces massacres à grande échelle et à répétition suscite, de façon un peu hypocrite, autant de remous. En effet, depuis des années, de très nombreux témoignages provenant d’horizons divers relatent par le menu le long calvaire des réfugiés hutus et des populations congolaises des provinces orientales du Congo.

L’ONU, elle-même, n’a pas été en reste. Dès septembre 1994, un rapport du Haut-commissariat aux réfugiés, le «rapport Gersony», du nom de son coordinateur, accusait déjà l’Armée patriotique rwandaise (APR) de tueries «ciblées» contre la population hutu au Rwanda, avant, pendant et après le génocide de avril-juin.. Ce rapport avait été jugé tellement dérangeant à l’époque qu’il fut purement et simplement retiré de la circulation et considéré comme n’ayant jamais existé. L’escamotage de ce rapport, politiquement très incorrect, n’est qu’une tentative, parmi les nombreuses autres, de camoufler la vérité à l’opinion publique internationale quant à la véritable stratégie développée, dans la région des Grands Lacs, par l’Ouganda de Museveni et le Rwanda de Kagame et ce, avec la bénédiction si pas l’encouragement de leurs sponsors anglo-saxons.

Certains massacres commis en RDCongo contre les réfugiés hutu rwandais furent dénoncés en leur temps. Une mission de l’ONU, lancée en 1997 par l’ancien Secrétaire général Kofi Annan, était chargée d’enquêter sur des « allégations d’exactions perpétrées par les forces de Laurent-Désiré Kabila (père de l’actuel président congolais) lors de leur offensive sur l’armée du maréchal Mobutu Sese Seko, d’octobre 1996 à mai 1997 ».

Mais en avril 1998, Annan avait pris la décision de retirer la mission de la RDCongo « devant les obstacles répétés mis par le gouvernement de Laurent Desire Kabila au travail » des trois experts qui avaient toutefois eu le temps de publier un rapport, le «rapport Garreton», selon lequel les attaques «montraient bien que l’intention était d’éliminer les Hutus rwandais qui étaient restés au Zaïre» et que, «si cela était confirmé, il s’agirait d’un acte de génocide».

Ce rapport avait toutefois été « enterré » par le Conseil de sécurité, estime M. Brody, ancien enquêteur de l’ONU sur les massacres en RDCongo, qui travaille actuellement pour l’organisation non gouvernementale Human Rights Watch. « Les membres de la mission estiment que certains de ces massacres pourraient constituer un génocide (…), et appellent à enquêter davantage sur ces crimes et leur motivation », avait alors déclaré M. Annan devant le Conseil de sécurité.

4. LES CONSÉQUENCES

Le rapport du HCDH peut changer la perception globale de la Communauté internationale sur la question rwandaise. Et l’histoire écrite jusque là ne reprenant que le génocide commis sur les Tutsi en 1994, pourrait être sujette à une réécriture. Pour certains analystes, le rapport sur le massacre des Hutu par l’APR, est une exigence de mémoire, de vérité, d’équité et de responsabilité historique pour l’ONU.

Selon le sociologue français André Guichaoua, spécialiste de la région des Grands Lacs, ce rapport du HCDH change un rapport de force et une écriture de l’Histoire. Les «victimes» du génocide de 1994 sont épinglées, dans ce rapport, comme les responsables présumés d’un second massacre. Pendant longtemps le régime de Kigali a été intouchable du fait du génocide rwandais. Maintenant ce rapport peut mettre fin à seize ans d’impunité du camp des vainqueurs au Rwanda.

Les Hutu éparpillés aux quatre coins du monde avaient déjà tenté sans succès de faire accepter l’évidence d’un « génocide Hutu », comme l’écrit l’ancien ambassadeur rwandais à Paris, Jean-Marie Vianney Ndagijimana, aux pages 159 et 160 de son ouvrage « Paul Kagame a sacrifié les Tutsi »: « (…), nous réaffirmons qu’un groupe de Hutu a commis un génocide en détruisant intentionnellement la vie de centaines de milliers de Rwandais d’ethnie tutsi, et qu’un groupe de Tutsi a commis un génocide en détruisant intentionnellement la vie de centaines de milliers de Rwandais d’ethnie hutu ». Ndagijimana est de mère Tutsi et de père Hutu.

5. VERS LA FIN DU MENSONGE ET UN DÉBUT DE VÉRITÉ

La vérité sur le conflit rwandais doit éclater au grand jour pour permettre aux Rwandais de s’engager dans la voie de la réconciliation, de la promotion de la culture de la paix et du développement durable et intégré, tout en assumant leur histoire. C’est la vérité qui va montrer qu’il n’y a au Rwanda ni une ethnie plus cruelle qu’une autre, ni une ethnie qui produit plus d’extrémistes qu’une autre, mais plutôt des individus, sinon de petits groupes, mal intentionnées qui exploitent les différences ethniques pour assouvir leur soif hégémonique. C’est cette même vérité qui désamorcera une guerre civile qui couve dans ce pays déjà ravagé par des conflits internes récurrents.

Les évènements rwandais de 1994 ont fracturé la société rwandaise. Ils ont aussi favorisé cette vision simpliste et manichéenne du conflit rwandais: alors que les Rwandais se barricadaient dans leurs camps respectifs en s’accusant mutuellement d’être responsables des malheurs du pays des milles collines, les étrangers non avertis considéraient les Tutsi comme étant tout simplement les gentils, victimes des méchants et bourreaux Hutu.

Cette vision a été renforcée par le fait que le FPR, se posant en protecteur des Tutsi, a remporté la guerre qui l’opposait au régime de Juvénal Habyarimana et a fait régner sa «vérité», celle du vainqueur, pendant un certain temps qui, l’on peut l’espérer, a pris fin depuis.

La sortie du rapport du HCDH porte indubitablement un coup fatal à cette vision simpliste et manichéenne. Ses conséquences quant à la possibilité de réconciliation entre Hutu et Tutsi sont positives.

– Pour beaucoup de victimes des crimes du FPR, qui sont majoritairement Hutu, il n’y avait aucune possibilité de réconciliation tant que, aux yeux d’un public non averti, être Hutu voulait dire généralement «bourreau» et jamais victime.

– Pour beaucoup de Tutsi, entendre un Hutu réclamer que l’on reconnaisse sa qualité de victime des crimes d’une organisation tutsie qu’est le FPR revenait à dire qu’il veut nier aux Tutsi la qualité de victimes du génocide de 1994. Ce qui revient à nier ce génocide en quelque sorte. Cette position allait avec le sentiment qu’une réconciliation voulait dire la repentance de tous les Hutu sans distinction et son acceptation par les Tutsi.

Cette déduction procède principalement de trois phénomènes au moins: Propagande, Ignorance et la Reconnaissance.

La propagande: cette confusion est semée par le FPR et ses amis pour continuer à masquer leurs crimes. L’ignorance: alors que le génocide des Tutsi a eu une couverture médiatique suffisante pour n’être ignoré par personne, les crimes du FPR ont été commis loin des caméras. Les criminels prenaient en effet toujours soin et assurance que les journalistes soient éloignés ou empêchés d’approcher les endroits où se commettaient leurs crimes. Enfin, la reconnaissance: les victimes du génocide des Tutsi craignent que la reconnaissance de la qualité de victime à l’ethnie hutue atteindrait la leur et la «diluerait» en diminuant son importance.

– Partant de ce qui précède, désormais les Hutu et les Tutsi de bonne volonté peuvent envisager une possible et réelle réconciliation. Toutefois, cette possibilité dépendra, bien entendu, de cette reconnaissance mutuelle de la souffrance des uns et des autres, sans pour autant que cette reconnaissance puisse faire oublier qu’il y a des criminels dans chaque camps, dont le sort devrait être décidé soit par la justice, soit discuté dans une éventuelle commission Vérité et Réconciliation.

6. VERS LA FIN DE L’IMPUNITÉ ET UN DÉBUT DE JUSTICE

Des millions de morts

Derrière la radiographie des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 en RDCongo se cache une décennie de meurtres, de viols, de pillages auxquels prirent part plusieurs pays de la région. Des actes qui firent un nombre indéterminé de morts, mais qui se chiffrent au bas mot à plusieurs millions.

Selon les chiffres de l’ONU et les organisations humanitaires, plus de 200 000 Hutus ont disparu à l’époque de l’avancée de l’APR au Zaïre et pendant l’administration rwandaise au Congo, puis du Kivu par le RCD Goma (Rassemblement Congolais pour la Démocratie, basé à Goma). Selon l’ONG International Rescue Committee, rien que sur le sol de la RDC, 3,8 millions de personnes auraient péri entre août 1998 et avril 2004, à cause de la guerre. Autant de crimes qui sont, à quelques exceptions près, restés impunis. Si l’on considère la période allant de 1990 à nos jours, les experts s’accordent pour estimer le nombre de victimes au Rwanda et en RDCongo dans une fourchette allant de 6 à 8 millions de personnes.

Il est grand temps que les responsables de ces crimes, dont l’ampleur est historique, rendent enfin compte de leurs actes devant la justice internationale. C’est l’unique façon pour empêcher que ces millions d’êtres humains, victimes de la soif de pouvoir d’un noyau de fanatiques enragés et de l’indifférence coupable de beaucoup d’autres, ne périssent une seconde fois abandonnés dans les oubliettes de l’histoire.

Implication internationale

Les militants des Droits de l’Homme accusent les gouvernements des États-Unis et britannique d’être les alliés du Président Paul Kagamé, par le fait qu’en apportant leur aide au Rwanda, ils l’ont utilisé comme une plate-forme en vue d’affaiblir l’influence française dans la région. Et par voie de conséquence, ils ne veulent pas d’enquêtes sur lui.

« La question maintenant est la même qu’auparavant: Y a-t-il une volonté politique pour identifier les assassins et les traduire en justice? », a demandé M. Reed Brody, un ancien sous-enquêteur de l’ONU qui a aidé à rédiger le rapport de 1998.

Quoi faire

La publication du rapport du Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme, dressant le bilan d’une décennie de guerres atroces à l’est de la RDCongo appelle à renforcer d’urgence la justice internationale.

La compilation des rapports existants et la collecte de nouveaux témoignages menée par le HCDH fournissent une base pour des poursuites judiciaires à venir contre les auteurs de ce que le HCDH qualifie de « crimes contre l’humanité, crimes de guerre, voire de génocide » après des années d’impunité.

Le document doit servir de base à la mise en place des mécanismes judiciaires adaptés, comme la création d’un tribunal – international ou mixte – et d’une commission vérité et réconciliation, pour mettre fin au cycle de l’impunité dans la région. En effet, la plupart des crimes dénoncés dans le rapport sortent du champ de compétence de la Cour pénale internationale qui, créée en 2002, ne peut pas trancher sur des crimes commis avant sa création.

Si les noms des groupes armés sont cités dans le rapport, les informations sur l’identité des auteurs présumés de certains crimes, «consignées dans une base de données confidentielle», n’apparaissent pas dans le rapport.

« Si ces massacres à grande échelle ne sont pas punis, alors la région sera condamnée à vivre de nouvelles atrocités », prévient Reed Brody qui a déjà enquêté pour l’ONU sur ces crimes en 1997 et 1998.

Le rapport avance la piste d’un tribunal mixte international, indépendant du système judiciaire congolais (type Sierra Leone) ou bien celle de chambres mixtes spécialisées intégrées au système judiciaire national (type Cambodge). Un bémol toutefois, le rapport déclare que le choix du mécanisme « le plus approprié » revient «exclusivement au gouvernement » de la RDC.

Kinshasa a déjà fait son choix. Sans surprise, fin août, le ministre congolais de la Justice, Luzolo Bambi, a annoncé qu’un projet de loi était en cours de rédaction pour créer « des chambres spécialisées au sein des juridictions congolaises », composées uniquement de magistrats congolais. On peut légitimement douter de la partialité d’une justice congolaise aux très maigres moyens qui a déjà du mal à administrer une justice ordinaire.

7. LES LANGUES SE DÉLIENT

Un’interview à Louise Uwacu

Louise Uwacu, écrivaine de nationalité canadienne mais originaire du Rwanda, est une rescapée du génocide de 1994. Militante pour la paix, elle est présidente de l’Ong Positivisvison. Voici l’interview parue sur Voxafrica le 02.10.’10, le lendemain de la publication officielle du rapport rédigé par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU.

Q. : Vous êtes une rescapée du génocide commis au Rwanda en 1994 contre les Tutsis. Le rapport cite un autre génocide commis, cette fois-ci, contre les Hutus dans l’Est de la RDCongo. Est-ce que la comparaison de ces deux termes de génocide vous choque ?

R.: «Il ne suffit pas de survivre à la guerre, aux massacres, au génocide. Il faut aussi, après ça, redevenir un être humain qui a un cœur et qui peut, au delà de sa propre souffrance, être capable de voir la souffrance de son voisin.

Il ne faut pas se perdre dans la terminologie de nos drames. Il y a eu un génocide au Rwanda et, s’il y a eu un génocide au Congo, … ce qui est important, c’est le fait de se rappeler que le sang versé est le sang d’un être humain, que ce soit votre sang, que ce soit le sang d’un congolais, d’un somalien, d’un nigérien, il va falloir que l’Africain, l’Afrique, se réveille et qu’il se rende compte que c’est le sang africain qui est versé depuis des générations et ça va continuer…

S’il y a eu un génocide au Congo, ils vont le prouver, le démontrer et, de toute façon, si l’Onu est en train de le dire maintenant, c’est qu’ils le savent depuis et c’est ce qu’ils voient et ce qu’ils observent. Et, d’ailleurs, s’ils le publient aujourd’hui, c’est qu’ils ont complètement failli à leur mission qui est censée être une mission de paix, une mission qui fait que cela n’arrive pas. Et donc si c’est eux qui le publient, peut être cela est arrivé.

Les puissances internationales qui veulent profiter des richesses du cœur de l’Afrique ont profité de la souffrance de Son Excellence Paul Kagame, ils ont profité du fait qu’il avait été un réfugié depuis son enfance, ils ont profité de sa souffrance et de sa passion pour son Pays, ils l’ont armé, ils l’ont utilisé. Et là, puisqu’ils n’en ont plus besoin, ils veulent s’en débarrasser.

Ils ont fait la même chose avec plusieurs dirigeants africains. Ils les utilisent, on les prend pour des marionnettes, on les envoie dans les missions et on s’en fout pendant qu’ils travaillent, pendant qu’ils servent leurs intérêts, on s’en fout de combien de sang, de combien de gens qu’ils vont massacrer, qu’ils vont exterminer. Mais, dès que n’on en veut plus, là, on les accuse de tout genre de crimes.

Cela fait partie d’une organisation, de tout un échelon…. Il ne faut pas se focaliser sur Paul Kagame, il faut aller au delà: qui l’a armé, qui le conseille, qui lui donne tout ce pouvoir pour qu’il fasse ce qu’il fait. Donc, si nous voulons une vraie justice, c’est comme une maffia. Quand vous voulez l’attaquer, quand vous voulez faire justice, vous n’attaquez pas que les gens, les soldats et les militaires que vous voyez sur le côté, vous allez au haut niveau et vous cherchez les grands chefs. Donc, il fait partie de tout cet organisme, il fait partie d’une pyramide.

Et si un jour les Africains veulent avoir la paix et la justice, il va falloir qu’on aille au delà de Paul Kagame et qu’on réalise qu’on est manipulés par de grandes puissances qui, elles, peuvent emmener une autre personne et l’utiliser pour les mêmes buts.

La justice passe par la vérité. La vérité traverse le feu sans jamais brûler. Donc, que la vérité soit dite, que ce soit la vérité du coté tutsi, que ce soit la vérité du coté hutu, que ce soit la vérité du coté du Congo, au Soudan, en Ouganda. Que la vérité soit dite et quand, après, on sera détaché de tout ça, on aura la justice. Notre justice, justement, c’est la vérité, parce qu’il y a beaucoup de mensonges, beaucoup de manipulations. Ces puissances qui disent: on va venir vous sauvez alors qu’ils ne viennent pas pour nous sauver.

S’il faut un tribunal pour le Congo, est-ce qu’ils vont convoquer Bill Clinton, est-ce qu’ils vont convoquer Tony Blair, est-ce qu’ils vont convoquer Sarkozy, est-ce qu’ils vont convoquer toutes ces autres personnes qui sont supérieures dans la hiérarchie et qui ont un plus grand rôle dans l’extermination des Africains? Est-ce qu’ils vont les convoquer? Est-ce qu’ils vont convoquer la famille royale de la Belgique et la famille royale de l’Angleterre? Le tribunal international pour la Sierre Léone n’accuse pas les familles royales d’Europe qui portent, pourtant, des diamants tâchés de sang, notre sang. Ils ne sont jamais convoqués. Donc, notre justice, la justice africaine c’est la vérité.

J’encourage tout le monde, tous ceux qui sont impliqués et, d’ailleurs, ce que je conseille à Paul Kagame, c’est qu’il devienne un témoin, parce que la raison pour laquelle ils veulent l’éliminer, l’écarter, tout d’un coup ils se rendent compte qu’il est un criminel, c’est parce qu’il en connaît trop.

Alors, qu’il devienne un témoin et qu’il dise la vérité et qu’il dise le rôle que toutes ces grandes puissances ont eu.

On profite de la souffrance et de la douleur des gens. On vient, on vous prend, vous êtes un réfugié qui a vécu à l’extérieur de votre pays pendant une vingtaine d’années. C’est sûr que vous voulez rentrer chez vous. Et, bon, on vous dit : Tenez, si vous allez massacrer toutes ces gens, on va vous mettre au pouvoir, on va vous supporter, vous allez devenir président, on va derrière vous. Mais, vous voyez, sans aucun intérêt pour votre peuple, parce que, après tout, qui meurt dans tous ces conflits? À la fin de la journée, on se rend compte que c’est nous qui mourons dans tous ces conflits et que, à la fin de la journée, les puissants sont à Paris, à Londres, (à Bruxelles, à Washington, à New York), ils relaxent.

Evaluation du Rapport de la part de Human Rights Watch

«Ce rapport détaillé et approfondi est un rappel puissant de l’ampleur des crimes commis au Congo et de l’absence choquante de justice », a déclaré Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch. «Ces événements ne peuvent plus être passés sous silence. Suivi d’une action régionale et internationale ferme, ce rapport pourrait constituer une contribution majeure à la fin de l’impunité».

«Il est temps d’identifier et d’engager des poursuites contre les personnes qui ont perpétré et ordonné ces atrocités, en allant jusqu’au sommet de la chaîne de commandement », a insisté Kenneth Roth. « Les gouvernements à travers le monde ont gardé le silence pendant que des centaines de milliers de civils non armés étaient massacrés au Congo. Ils ont une responsabilité aujourd’hui de veiller à ce que la justice soit rendue».

L’un des passages du rapport les plus controversés concerne les crimes commis par des militaires rwandais. Le rapport de l’ONU soulève la question de savoir si certains de ces crimes peuvent être qualifiés de « crimes de génocide ». « Les questions de qualification et de terminologie sont importantes, mais ne devraient pas éclipser la nécessité d’agir sur le contenu du rapport, quelle que soit la façon dont les crimes sont qualifiés », a expliqué Kenneth Roth. « À tout le moins, les troupes rwandaises et leurs alliés congolais ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité à une échelle massive, et de grands nombres de civils ont été tués en toute impunité. C’est de cela que nous devons nous souvenir, et c’est cela qui réclame une action concertée pour la justice».

Le rapport est tout aussi important pour mettre en lumière les injustices du passé que pour sa pertinence relativement à la situation actuelle au Congo, a ajouté Human Rights Watch.

«Ce document va au-delà d’un simple rapport historique », a conclu Kenneth Roth. «Nombre des types d’exactions commises contre les civils et décrites par l’équipe de l’ONU se poursuivent au Congo de nos jours, nourries par une culture d’impunité. La création d’un mécanisme de justice chargé de traiter les crimes du passé et du présent sera essentielle pour mettre fin à ce cycle d’impunité et de violence».

Un rédacteur du Rapport s’exprime

Selon Luc Côté, membre du groupe qui a rédigé le rapport commandé par le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, les crimes de guerre perpétrés contre les Hutus en République démocratique du Congo (RDC) entre 1996 et 1997 rappellent le génocide rwandais de 1994.

Luc Côté, un Québécois qui a travaillé auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda de 1995 à 1999, a expliqué que les troupes tutsi rwandaises et leurs alliés rebelles de l’AFDL ont «systématiquement visé, pourchassé, massacré, immolé et tiré» sur les Hutus en RDC entre 1996 et 1997, lors de la première guerre du Congo.

«Je suis tombé des nues» au cours de cette enquête, a dit M. Côté. «Au Congo, j’ai observé des comportements que j’avais déjà vus au Rwanda» lors du génocide (avril à juillet 1994). «C’était la même chose. Des dizaines et des dizaines d’incidents se sont déroulés sur le même modèle. Cela s’est passé de façon systématique», a-t-il ajouté. «Le fait qu’un groupe spécifique soit visé; le fait que dans des discours on appelle à « se débarrasser de tous ces Hutus », que cela se soit passé de façon systématique, que des cadavres aient été incinérés, que tout ait été fait pour cacher les preuves et empêcher des étrangers d’y aller; tout ceci, soumis à un tribunal, peut constituer des preuves permettant de conclure qu’il y a eu tentative de décimer un groupe, ce qui est considéré comme un génocide», a affirmé Luc Côté.

Des Hutu rwandais réfugiés au Zaïre auraient donc été visés non pas du fait de leur implication dans le génocide des Tutsi en 1994, mais en tant que Hutu et donc visés comme tels, d’où la qualification possible et évoquée de «crime de génocide ». Reste à savoir, comme le souligne le rapport, si ces actes entraient dans le cadre d’un plan concerté.

«Je croyais avoir vu le pire lors du génocide au Rwanda. Nous avons des témoignages du Congo qui montrent que ce qui s’est passé est tout aussi terrible que ce qui a eu lieu au Rwanda, a dit M. Côté. Au Rwanda, cela a pris trois mois. Au Congo, cela ne s’est jamais arrêté».

« N’ayant pas construit le monde avec humanité, on est contraint de faire des actions humanitaires »
Pierre Rabhi, philosophe et agronome algérien .