Congo Actualité n° 108

LA VISITE DE MICHAËLLE JEAN, GOUVERNEURE GENERALE DU CANADA – VICTOIRE INGABIRE ARRETEE A KIGALI – RWANDA: UN DEVELOPPEMENT A DEUX VITESSES

ÉDITORIAL

Nous transcrivons ici l’éditorial de Echos des Grands Lacs n. 64 (avril 2010) diffusé par Eurac.

Dans un discours très politique lors de la commémoration du génocide, le 7 avril 2010 à Kigali, le Président Paul Kagame a, non seulement évoqué les souffrances indescriptibles des victimes et de leurs familles, mais aussi exprimé son mépris pour les gens qui se sentent appelés à se plaindre sur le manque de liberté et d’espace politique pour les Rwandais, qui « sont aussi libres et heureux qu’ils n’ont jamais été dans leur vie. » Il s’étonne que certains encouragent des hooligans politiques, des gens inutiles venus de nulle part, dont « une certaine dame, avec un adjoint qui est un criminel du génocide, et qui dit qu’il y a eu un génocide et puis un autre, dont le monde commence à clamer qu’elle est un leader d’opposition. ».

Quelques jours auparavant, ces mêmes idées avaient été formulées de façon plus explicite dans un article intitulé « Genocide deniers and their agents » paru dans le New Times. Certes, il est très important que les souffrances des victimes et le deuil des survivants soient commémorés, pour qu’on n’oublie jamais ce qui s’est passé et pour qu’on souscrive ensemble au «Plus jamais ça». Nous aussi, nous nous inclinons avec respect devant leur douleur. Mais je regrette très profondément que ces souffrances et ces douleurs soient utilisées pour verrouiller l’espace politique. Depuis 1994, le pays est géré dans un climat psychologique fondé sur une logique de vainqueurs contre perdants, victimes contre bourreaux, ce qui conduit à un projet de société basé sur l’exclusion, sur la stigmatisation et sur un mur de silence autour de certains sujets. Il est absolument prioritaire que les crimes de génocide contre les Tutsi soient examinés, traités et punis, mais nous regrettons profondément pendant ce temps qu’il y ait un tabou énorme sur les crimes commis par le FPR depuis le début de la guerre. Ce tabou est consolidé par un cadre légal autour des notions vagues et mal définies, comme la diffusion de l’idéologie génocidaire, le négationnisme et le divisionnisme. Ces termes sont appliqués à tous ceux qui ont une lecture différente de la lecture officielle de l’histoire récente du Rwanda. Nous pensons que beaucoup de gens diabolisés par les autorités rwandaises dans ces termes ne nient pas le génocide. Ils savent que les crimes du FPR ne peuvent pas être comparés au génocide. Mais ils trouvent que ceci n’est pas un argument qu’ils doivent rester impunis, comme l’ont déclaré un groupe d’académiciens du monde entier en juin 2009. Tant que les souffrances d’une partie des victimes ne peuvent pas être exprimées, prises en considération et soignées, le pays et sa population n’arriveront pas à assumer le passé traumatisant et ne pourront pas entamer un processus de véritable réconciliation. Aujourd’hui, les souffrances et le deuil sont instrumentalisés dans un contexte précis: celui des élections présidentielles du 9 août 2010. Ils sont employés de façon abusive pour paralyser les leaders de l’opposition dans leurs activités politiques à la base, pour les empêcher de travailler et finalement d’exercer leurs droits politiques.

NEWS

L’opposant rwandais Bernard Ntaganda, chef du parti PS Imberakuri et candidat à la présidentielle du 9 août prochain, a été démis de ses fonctions. L’intérim est assuré par Christine Mukabunané jusqu’à l’élection d’un nouveau chef du parti dans deux mois mois. une frange du parti accuse Bernard Ntaganda d’être derrière les récentes attaques à la grenade à Kigali et d’adhérer à l’idéologie génocidaire. Ntaganda rejette ces accusations et accuse, à son tour, le parti au pouvoir, le Front patriotique rwandais (FPR) de l’avoir évincé pour détruire son parti, le seul parti d’opposition enregistré par le gouvernement rwandais.

Le 24 mars, le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda (CLIIR) et les associations membres de la SOCIRWA (Société Civile Rwandaise) ont organisé une manifestation pacifique devant les Ambassades des Etats-Unis et du Royaume Uni de Grande Bretagne à Bruxelles. Les objectifs de cette manifestation sont les suivants :

1. Demander l’intervention de ces deux grandes puissances pour faire libérer Déo MUSHAYIDI kidnappé au Burundi et emprisonné au Rwanda, Joseph NTAWANGUNDI condamné par un Gacaca fictif, Charles Ntakirutinka condamné à 10 ans, Théoneste Niyitegeka condamné à 15 ans et exiger la sécurité et la liberté d’action des autres opposants politiques rwandais (Frank Habineza, Bernard Ntaganda, Victoire Ingabire Umuhoza, …).

2. Dénoncer l’absence d’une justice indépendante et équitable au Rwanda et l’impunité dont jouissent les chefs militaires et politiques du FPR impliqués dans les crimes de génocide commis au Rwanda et en République Démocratique du Congo (RDC).

3. Dénoncer le soutien aveugle de l’Angleterre et des USA au régime FPR et le mutisme de la Communauté Internationale face aux crimes du FPR depuis 15 ans.

4. Demander aux autorités britanniques et américaines d’assumer leurs responsabilités et de revoir leur soutien politique, militaire, économique et diplomatique accordée au régime rwandais qui n’a aucun respect des valeurs universelles de la démocratie, des droits humains et des libertés publiques.

Le 07 avril, à l’occasion de la 16ème commémoration du génocide de 1994, le Président Paul Kagame a traité les opposants de «hooligans politiques», «de gens venus de nulle part …des gens inutiles», les présentant au passage comme des gens qui voudraient imposer des valeurs en référence à la démocratie multipartite, un système que les Occidentaux auraient mis «des centaines…des milliers d’années» à mettre en œuvre dans leurs pays.

1. Si, en sport, un hooligan est un adepte d’une discipline, généralement le football, qui utilise la violence pour peser sur le sort d’une rencontre, alors un hooligan politique est un adepte d’un parti qui utilise la violence pour peser sur l’issue d’une confrontation politique.

2. En cette matière, les dirigeants du Front patriotique rwandais, en général et son Président Paul Kagame en particulier, emploient systématiquement des moyens violents pour régler des questions politiques, et cela depuis 1990, que ce soit en politique intérieure ou en en politique extérieure.

3. S’il y a des hooligans politiques, ce n’est pas aux FDU-Inkingi qu’il faut les chercher. C’est à la tête du FPR-Inkotanyi, qu’il faut aller les chercher.

4. Prétendre que les Rwandais ne sont pas mûrs pour la démocratie et qu’il faudrait attendre des «centaines, …des milliers d’années» est l’expression même du mépris le plus abject que l’on puisse avoir à l’égard d’un peuple. C’est le Front patriotique rwandais qui n’est pas prêt pour la démocratie et non le peuple rwandais.

5. Le temps est venu pour la politique de changer de logique: la politique doit passer de la logique du pouvoir, qui vise à acquérir le plus de pouvoir possible pour le garder le plus longtemps possible au moyen de la violence et du mensonge, à celle de la responsabilité dont les principes de base consistent à exercer des responsabilités à plusieurs, dans un temps limité et un domaine limité, car on ne peut être compétent en tout.

Les Rwandais, comme tout autre peuple au monde, sont parfaitement capables de choisir leurs dirigeants. Ils sont parfaitement capables de choisir les politiques économiques qui leur conviennent en votant pour un programme. Seize ans après, utiliser le génocide pour continuer à différer le moment où les Rwandais pourront exercer leurs droits politiques n’est plus possible.

Le 10 avril, Paul Kagame a procédé à un changement à la tête du ministère de la Défense, en nommant ministre de la Défense un très proche, le général James Kabarebe, précédemment chef d’état-major des armées. Il remplace à ce poste le général Marcel Gatsinzi qui devient ministre des réfugiés et des désastres.

Le Président Paul Kagame a procédé aussi à un remaniement à la tête des forces rwandaises de défense (FRD): le Lt général Charles Kayonga, commandant de l’armée de terre, a été nommé nouveau chef d’état-major des FRD. Il est remplacé par le major général Caesar Kayizari. Le major Gatete Karuranga promu au grade de Lt Colonel a été nommé chef du service de renseignement extérieur. Le chef de l’armée de l’air le Lt général Charles Muhire a été désigné commandant des forces de réserve. Le commandement de l’armée de l’air a été confié au major Joseph Damari promu directement au grade de colonel.

Certains voient dans la nomination de James Kabarebe au poste de ministre de la Défense, le signe d’une reprise en main de l’armée par le président Kagame, à la suite de plusieurs attaques à la grenade dans la capitale et à quelques mois de la présidentielle.

A première vue, les nominations du 10 avril 2010 s’inscrivent dans le cadre de la réorganisation d’une armée surdimensionnée et pléthorique. Mais en y regardant de plus près, et à la lumière des derniers événements (défection du colonel Karegeya et du général Kayumba), on nota qu’il s’agit essentiellement de resserrer les rangs autour du petit cercle initial des combattants qui étaient autour de Kagame à Mulindi en 1994 et en même temps «gérer» le cas des rares «Hutus de service» notamment Marcel Gatsinzi.

Le 20 avril, l’armée rwandaise a annoncé l’arrestation et la suspension de deux de ses principaux généraux, accusés de « corruption » et de « mauvaise conduite ».

Le général Emmanuel Karenzi Karake a été suspendu de ses fonctions « pour mauvaise conduite non conforme aux principes qui régissent la discipline des Forces rwandaises de défense » (RDF), a annoncé le porte-parole de l’armée, le major Jill Rutaremara. Le général Charles Muhire a lui aussi été suspendu « pour crime grave de corruption et abus de pouvoir », a indiqué le major Rutaremara, précisant que les deux officiers supérieurs avaient été « arrêtés ».

« Cette décision a été prise pour renforcer la discipline, le respect et la confiance au sein » de l’armée rwandaise, a-t-il expliqué.

Le général Karenzi Karake, dit « KK », est l’ancien numéro deux de la mission de paix ONU-Union africaine (Minuad), déployée au Darfour dans l’ouest du Soudan, qui compte un important contingent rwandais.

Ancien chef d’état-major des forces aériennes, le général Muhire avait quant à lui été nommé le 10 avril comme chef d’état-major de la Force de réserve de l’armée.

Tous deux Tutsi anglophones issus de la diaspora ougandaise (comme le président Kagame), ils faisaient partie du cercle très restreint des chefs militaires de haut rang du Front patriotique rwandais (FPR), ancienne rébellion majoritairement tutsi dirigée par Paul Kagame.

Le général Karake en particulier a joué un rôle très important dans l’offensive menée en 1996 en République démocratique du Congo (RDC), au cours de laquelle des dizaines de milliers de réfugiés hutus rwandais avaient été massacrés.

Une source bien informée estime que Paul Kagamé opère une véritable purge au sein de l’armée rwandaise pour se débarrasser de ceux qui pourraient lui faire de l’ombre. A Kigali aujourd’hui, ajoute cette source, on surnomme les militaires qui occupent les postes importants les «yes boss», ceux qui disent toujours «oui patron».

Reporters sans frontières dénonce la suspension pour une durée de six mois de deux journaux indépendants rwandais, Umuseso et Umuvugizi. Cette décision, rendue publique le 13 avril 2010 par le secrétaire exécutif du Haut Conseil des médias, Patrice Mulama, intervient dans un climat tendu entre la presse indépendante et les autorités politiques. A cinq mois de l’élection présidentielle, elle écarte, de fait, ces journaux de la campagne électorale.

« Nous condamnons fermement cette décision du Haut Conseil des médias qui vise clairement à museler les principales sources d’informations indépendantes dont bénéficie le pays. A l’approche de l’élection présidentielle d’août 2010, cette mesure étouffe toute voix critique et prive les Rwandais d’une alternative aux journaux d’Etat. Le Haut Conseil des médias, qui prend ses ordres au plus haut sommet de l’Etat, organise ainsi une campagne électorale verrouillée et monolithique », a déclaré Reporters sans frontières.

Le Haut Conseil des médias accuse les deux hebdomadaires « d’incitation de l’armée et de la police à l’insubordination aux ordres de leurs chefs », de « publication d’informations portant atteinte à l’ordre public », de « diffusion de rumeurs » ainsi que de « diffamation » et d’ »immixtion dans la vie privée des gens ».

Les condamnations par les tribunaux Gacaca pleuvent dans différentes régions et visent principalement les commerçants, fonctionnaires et autres personnes susceptibles de jouir d’une certaine considération dans leur communauté.

La stratégie utilisée est celle-ci:

– Des cadres du FPR se rendent dans leur région d’origine et collectent via IBUKA des listes de personnes jugées indésirables. Ils retournent à Kigali avec ces listes pour les compléter et préparer les directives à donner aux juges Gacaca;

– Comme les Gacaca locaux acquittent parfois leurs voisins dont ils savent bien qu’ils sont innocents, des responsables Gacaca d’une région lointaine reçoivent mission de se rendre au lieu de résidence des accusés, non pas pour juger, mais pour condamner sans offrir la moindre occasion de présenter les moyens de défense;

– Ainsi, les jugements sont prononcés au plus vite par des inyangamugayo (juges gacaca) inconnus dans la région où se déroule le procès et à l’égard d’accusés qu’ils ne connaissent pas.

LA VISITE DE MICHAËLLE JEAN, GOUVERNEURE GENERALE DU CANADA

Le 18 avril, un groupe de citoyens réunis à Montreal a présenté aux médias, lors d’une conférence de presse, une déclaration dans laquelle ils demandent au Canada de cesser de cautionner les crimes du dictateur Paul Kagame. Le groupe comprend notamment Jean-Marie Ndagijimana, ancien ambassadeur du Rwanda et auteur du livre Paul Kagame a sacrifié les Tutsi, ainsi que Luc Marchal, qui était, en 1994, le commandant du secteur Kigali de la MINUAR.

A propos de la visite officielle de la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, au Rwanda du 20 au 23 avril 2010, le groupe affirme qu’elle devrait profiter de cette visite pour exiger: que les élections présidentielles du mois d’août 2010 soient libres et démocratiques; que les partis d’oppositions soient autorisés à faire campagne; que des observateurs indépendants soient autorisés à circuler librement et commencent dès maintenant à superviser la campagne électorale».

Selon Augustin Baziramwabo, Président de la Communauté des immigrants rwandais de la région d’Ottawa-Gatineau (CIRO), plusieurs enjeux devraient retenir l’attention de Mme Michaëlle Jean au cours de son périple en sol rwandais.

Le premier enjeu concerne la démocratie. La guerre «de libération» déclenchée par le Front patriotique rwandais (FPR) le 1er octobre 1990 et qui a conduit au génocide rwandais de 1994, avait pour but, aux dires de ses initiateurs, d’«instaurer la démocratie au Rwanda». Seize ans plus tard, l’état des lieux est calamiteux: l’espace politique est verrouillé à double tour par différentes dispositions « légales » comme celle qui oblige toute formation politique à faire parti du « forum des partis » dominé par le FPR au pouvoir; le pays vit le totalitarisme et les affres d’un parti-État (le FPR); les droits humains sont constamment bafoués; l’instrumentalisation du génocide rwandais, qui a conduit à des procès sommaires, brime les droits et libertés élémentaires des citoyens; le fossé entre une minorité opulente et une masse populaire démunie se creuse constamment; une politique délibérée d’affamer la population dans les campagnes où les paysans sont forcés de cultiver des produits destinés à l’exportation (comme les fleurs) alors qu’ils meurent de faim faute de produits vivriers. Aussi les Rwandais assistent-ils impuissants à un multipartisme de façade. Prochainement, ils se rendront aux urnes pour les présidentielles 2010 prévues au mois d’août. Mais le rétrécissement de l’espace politique au Rwanda leur privera à coup sûr de s’exprimer librement.

Alors que plusieurs partis factices se sont fait enregistrer sans difficultés, les FDU (Forces Démocratiques Unifiées) de Mme Victoire Ingabire, la figure de proue de l’opposition rwandaise, n’ont même pas été autorisées à tenir leur congrès constitutif. Rentrée d’exil en janvier dernier pour faire enregistrer son parti, Mme Ingabire fait l’objet de harcèlements et de tracasseries administratives et policières incessantes. Jouant avec une certaine rhétorique confuse, les autorités rwandaises accusent aujourd’hui Mme Ingabire de «divisionnisme», de «négationnisme» et de véhiculer l’«idéologie génocidaire». Ces accusations constituent une arme régulièrement brandie par le FPR à l’endroit de ses concurrents politiques dans le but de les disqualifier pour la prochaine présidentielle.

Le deuxième enjeu a trait à la liberté d’expression. Seuls les médias « qui mangent dans la main du pouvoir » ont droit au chapitre pour vanter les mérites du régime. Le président Kagame vient d’interdire deux journaux locaux, «Umuseso» et «Umuvugizi». Ces hebdomadaires qui paraissent en langue Kinyarwanda (langue locale) étaient très appréciés des Rwandais, car ils étaient les seuls à pouvoir dénoncer les errements du pouvoir incarné par Paul Kagame.

Le troisième enjeu, pierre d’assise d’une démocratie digne de ce nom, concerne la justice. Les tribunaux populaires « Gacaca » avaient été créés comme un supplétif pragmatique au système judiciaire classique. Le bilan de ces tribunaux est lui aussi des plus mitigés. Après environ dix années d’existence, ces tribunaux ont mérité à juste titre le qualificatif de «justice du vainqueur» et, dans biens des cas, sont devenus un véhicule de corruption, une occasion de spoliation de biens d’autrui et, enfin, un outil de répression continue.

La communauté rwandaise du Canada est en droit de demander au gouvernement canadien, par l’entremise de la gouverneure générale, d’éviter d’être une caution morale d’une dictature qui ne dit pas son nom. Mme Jean devrait être une voix forte de tous les «sans-voix» au Rwanda en appelant de tous ses vœux l’ouverture de l’espace politique dans ce pays.

Le 20 avril, dans un communiqué, le congrès rwandais du Canada redoute fortement que le thème de la démocratie et de la bonne gouvernance soit sacrifié au profit des « succès » réels ou de façade du régime de Kigali (économie, sécurité), et surtout parce que cette visite survient dans le contexte de la commémoration du 16ème anniversaire du génocide rwandais. À la veille des élections présidentielles, le régime de Paul Kagame réprime systématiquement ses opposants, en les accusant de propager l’idéologie génocidaire, comme l’a démontré Human Rights Watch. La gouverneure générale du Canada soulèvera-t-elle le cas de madame Victoire Ingabire, dirigeante de l’opposition et candidate à l’élection présidentielle, qui est victime de multiples agressions depuis qu’elle est rentrée d’exil et qui n’arrive pas à faire enregistrer son parti politique? Demandera-t-elle au président Kagame d’abroger la loi sur l’idéologie génocidaire, laquelle loi porte atteinte à la pluralité politique et de cesser sa politique d’agression contre l’opposition politique et réclamer plutôt une véritable réconciliation nationale à travers le dialogue inter rwandais ? Fera-t-elle pression au régime de Kigali afin qu’il entame les réformes politiques nécessaires pour une plus grande stabilité du Rwanda et de la région des Grands Lacs en général ? La gouverneure générale se recueillera au Centre commémoratif du génocide de Gisozi. La meilleure commémoration qu’on puisse faire en ce moment aux victimes du génocide rwandais est de faire en sorte que leur sang n’ait pas été versé pour rien, en dénonçant vigoureusement les dérives dictatoriales du régime de Paul Kagame. Ne pas le faire, serait une insulte aux victimes du génocide rwandais. Ne pas le faire, ce serait cautionner un régime qui, tôt ou tard, amènera le Rwanda inéluctablement vers une autre tragédie, tel que beaucoup d’observateurs avertis n’arrêtent de le dire.

Elle participera à une séance de discussion sur la réconciliation nationale. Va-t-elle demander justice pour les crimes de guerre commis par le Front patriotique rwandais de Paul Kagame ? Va-t-elle demander les résultats des enquêtes sur les assassinats des pères canadiens Guy Pinard et Claude Simard, de Mme Hélène Pinsky et sa famille ou du frère François Cardinal?

Le 21 avril, la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, a reconnu, lors d’une visite officielle à Kigali, « une part de responsabilité » de son pays dans l’inaction de la communauté internationale lors du génocide rwandais de 1994. « En 2008, dans une motion du gouvernement du Canada, il a été réitéré que le génocide a résulté de l’indifférence et de l’inaction de la communauté internationale qui a gravement manqué à son devoir d’assistance à une population en danger », a-t-elle expliqué. « Le Canada n’hésite pas à reconnaître sa part de responsabilité », a poursuivi la gouverneure générale. « Je crois que nous aurions pu faire une différence, je crois que nous aurions pu limiter l’ampleur de l’horreur », a ajouté Mme Jean.

VICTOIRE INGABIRE ARRETEE A KIGALI

Le 21 avril, Victoire Ingabire, une opposante rwandaise qui avait annoncé sa décision de se présenter à l’élection présidentielle prévue en août, a été arrêtée à Kigali pour « collaboration avec une organisation terroriste, divisionnisme, propagation de l’idéologie du génocide. « négation et minimisation du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 ». Elle est notamment accusée d’association avec les rebelles hutu rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) basées dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Mme Ingabire est présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU), un parti qui à ce jour n’a pas été agréé par les autorités rwandaises. Ces dernières semaines, les FDU ont dénoncé « un nombre croissant de menaces, d’agressions et de harcèlements subis par l’opposition à l’approche de la présidentielle » et ont accusé les autorités rwandaises de bloquer délibérément son enregistrement, afin d’empêcher la participation de Mme Ingabire à l’élection.

Son arrestation «montre clairement que le régime de Kigali n’est pas prêt à accepter la compétition démocratique; nous étions partis pour un combat politique basé sur la non-violence», a déclaré Eugene Ndahayo, ancien vice-président du FDU, qui vit en exil à Paris.

Le 21 avril, le Comité de Soutien des FDU-Inkingi condamne dans les termes les plus vigoureux l’arrestation de la Présidente des FDU-Inkingi, Mme Victoire Ingabire Umuhoza, à cause de ses opinions politiques sur la façon d’aboutir à une véritable réconciliation nationale et à la paix, par l’établissement d’un état de droit garantissant les mêmes chances pour tous ainsi que sur la façon de mettre fin à la violence politique par une compétition démocratique non violente pour l’exercice du pouvoir.

C’est tragique pour le Rwanda qu’un appel à une justice équitable pour tous les Rwandais indistinctement de leur appartenance politique ou ethnique et pour un dialogue national inclusif, soit transformé en accusations d’ idéologie de génocide, divisionnisme et collaboration avec une organisation terroriste, les FDLR. Cet acte illégal est un défi non seulement à la conscience et à la dignité de tout le peuple rwandais, mais aussi à la communauté internationale, en particulier les gouvernements étrangers qui soutiennent celui du Rwanda. Enfin, le Comité de Soutien des FDU-INKINGI exige la libération immédiate et sans conditions de Mme Ingabire.

Selon Bernard Desgagné l’arrestation arbitraire de Victoire Ingabire par le régime du Front Patriotique Rwandais de Paul Kagame, est une intolérable démonstration d’arrogance et de cruauté qui a pour but de museler toute opposition politique et d’éviter que Paul Kagame soit un jour traduit devant la justice pour répondre de ses immenses crimes. Paul Kagame sait que le FPR et lui n’ont aucune chance de remporter des élections tenues dans de véritables conditions démocratiques et que, s’il perd, la vérité sortira au grand jour et la justice pourra enfin suivre son cours, ce qui signifierait la fin du régime dictatorial du FPR, la réconciliation de tout le peuple rwandais et la fin des souffrances des Congolais.

Il y a une seule façon de mettre fin aux carnages au Rwanda et au Congo, et c’est de cesser de faire l’autruche comme le font actuellement les médias et les hommes de la politique et de la diplomatie internationale. Il est temps qu’on mette un terme aux mensonges et à l’occultation qui permettent à Paul Kagame de se maintenir au pouvoir avec l’appui de ses commanditaires occidentaux, en particulier les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Belgique et le Canada. Les exactions actuelles au Congo sont causées non pas par des génocidaires virtuels qui hanteraient les forêts du Congo, comme le prétend Paul Kagame et comme le répètent certains perroquets occidentaux, mais bien par le régime oppressif et sanguinaire du FPR, qui a envahi le Congo avec ses marionnettes. Cette situation dure depuis 1996.

La gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jea, en visite officielle à Kigali devrait dénoncer l’arrestation de Victoire Ingabire Umuhoza et quitter immédiatement le Rwanda en signe de protestation.

Le gouvernement du Canada aussi devrait rappeler immédiatement son ambassadeur pour consultation et convoquer l’ambassadeur du Rwanda à Ottawa pour protester énergiquement contre l’arrestation de Victoire Ingabire Umuhoza.

Le 22 avril, Victoire Ingabire a été remise en liberté provisoire et placée sous contrôle judiciaire en attendant son procès. Le Tribunal de Gasabo à Kigali a ordonné la remise en liberté provisoire de Mme Ingabire, assortie d’une obligation de se présenter chaque lundi devant le juge et d’une interdiction de quitter la capitale.

RWANDA, UN DEVELOPPEMENT A DEUX VITESSES

Un Rwanda riche et puissant?

Le 29 décembre 2009, le Rwanda est devenu officiellement le 54e pays membre du Commonwealth

britannique présidé par Elisabeth II, reine de Grande-Bretagne.

Le Rwanda, pays sans ressources minières, de tradition francophone, avec une population de 8 millions d’habitants, est devenu un des pays les plus puissants d’Afrique avec une armée forte de plus de 30 000 hommes avec composantes aérienne et navale. Sa capitale Kigali est devenue le Singapour africain et un important centre d’exportation de minerais, dont le coltan. Kigali abrite, en effet, de nombreuses filiales de sociétés d’extraction de minerais, spécialement canadiennes et australiennes. En outre, Kigali est aussi devenue le siège de la Fondation Bill Clinton pour l’Afrique, Tony Blair est le conseiller privé du président Kagame et l’Union Européenne soutient le régime de Kigali en y installant un représentant permanent avec rang d’ambassadeur.

Comment cette métamorphose a-t-elle pu se produire?

Il s’agit d’un processus entamé en 1990 avec l’agression du Rwanda, à partir de l’Ouganda, par l’Armée patriotique rwandaise (APR), bras armé du Front patriotique rwandais (FPR).

Trois constatations s’imposent.

1. Le régime de ce pays, devenu étonnamment riche et puissant, s’appuie sur une étroite minorité qui opprime la grande majorité de la population totalement apeurée. La préparation des élections du

mois d’août prochain montre bien dans quel climat antidémocratique vit cette population.

2. L’occupation multiforme du Kivu (Est de la RDCongo) et l’exploitation militarisée de ses ressources naturelles sont la seule source de l’actuelle richesse et du nouveau développement de Kigali.

3. Il est devenu clair que le processus de transformation d’un Rwanda francophone en une base

stratégique anglophone était planifié dès 1990 par l’Ouganda au service des multinationales qui ont

financé l’agression contre le Rwanda. Ce plan initial prévoyait d’ailleurs également la conquête du

Congo. Les agressions rwandaises de 1996 et 1998 en sont la preuve évidente.

Les différentes mesures économiques, politiques et foncières prises par le gouvernement rwandais prouvent que l’appauvrissement d’une grande partie de la population fait partie d’une politique délibérée.

Selon le dernier rapport du PNUD sur le développement humain portant sur le Rwanda, 62 % de la population rurale vit actuellement dans la pauvreté avec moins de 0,44 $US par jour, alors que cette proportion n’était que de 50,3 % en 1990. Le rapport mentionne aussi qu’en 2000, la tranche des 20 % les plus riches détenait 51,4 % du produit intérieur brut alors que celle des 20 % les plus pauvres subsistait avec seulement 5,4 % du PIB, ce qui place le Rwanda parmi 15 % des pays les plus inégalitaires au monde. Comparées à la situation d’avant la guerre de 1990, ces proportions étaient respectivement de 48,3 % et de 7,6 %.

Cette évaluation du PNUD est corroborée par le récent rapport de la Banque Africaine de développement (African Economic Outlook 2009), dont le président n’est qu’un ancien ministre du régime de Kigali. Le rapport parle ni plus ni moins de «régression en matière de lutte contre la pauvreté et la faim».

En effet, le contraste est saisissant entre le luxe affiché par Kigali où vivent les dignitaires du pays et la campagne où vit plus de 90 % de la population.

Dans les années 80 et 90, la politique économique et sociale était centrée sur le développement rural, avec sans doute le réseau routier le plus dense et le mieux entretenu de la région, des infrastructures sanitaires (centre de santé) dans pratiquement chaque commune, des investissements importants au niveau agricole.

Actuellement, des régions qui jadis étaient des greniers du pays telles que le Bugesera et le Gisaka, sont actuellement en proie à la famine.

Aujourd’hui la priorité est donnée au développement de la ville de Kigali où vivent les dignitaires du régime et à des investissements de prestige, justement destinés à montrer aux visiteurs une image flatteuse de Kigali. Des fonds importants qui proviennent des bailleurs étrangers ont été massivement investis dans les nombreuses structures policières qui contrôlent la population, dans la guerre au Congo et dans une armée, la plus pléthorique d’Afrique.

Qu’est-ce qui explique ce contraste entre un prétendu taux de croissance et une pauvreté rampante?

Le Rwanda est un pays à vocation agricole. En 2004, l’agriculture contribuait à 40 % du PIB.

83,3 % de la population vit en milieu rural. 28,29 % exploitent individuellement une superficie inférieure à 0,2 hectare et environ 70 % des familles rurales, vivant de l’agriculture disposent d’une exploitation inférieure à un hectare et ne peuvent gagner leur vie.

Dans ces conditions, la situation actuelle du Rwanda ne peut être que la conséquence d’un mauvais choix des priorités. La Banque africaine de développement parle d’investissement insuffisant dans le secteur agricole. Pour être exact, il faudrait constater que le secteur rural est purement et simplement le parent pauvre de la politique économique du régime. En effet, alors que 80 % de la population vit de l’agriculture, ce secteur ne reçoit que 3 % du budget du gouvernement, soit très loin des 10 % recommandés par la FAO.

Par ailleurs, selon le CIA-World Factbook, en 2006, le Rwanda a consacré 13 % de son PIB aux dépenses militaires. L’aide au développement accordée au Rwanda est ponctionnée à concurrence de 10 % pour financer l’armée et les organes de sécurité, soit le double de la part réservée à l’agriculture.

Le gouvernement envisagerait même de raser toutes les plantations de bananiers qui constituent parfois la seule ressource des ménages ruraux.

L’obligation de vendre les récoltes agricoles à des grossistes prive les producteurs d’une marge qu’ils percevaient en vendant directement leurs produits au marché. En effet, une politique de licence prohibitive a été mise sur pied: Les paysans, s’ils amènent leurs produits au marché, doivent passer par des intermédiaires et payer une taxe pouvant aller jusqu’à 50 % du prix estimé.

L’interdiction de certaines activités économiques en milieu rural aggrave une économie rurale déjà faiblement monétisée. Ainsi sont visées les activités de fabrication de briques et tuiles, de charbon de bois, ainsi que de vins de bananes. L’activité d’élevage est aussi fortement balisée car le gouvernement exige un élevage intensif qui n’est pas à la portée de tous.

La carence de main d’œuvre agricole est une autre réalité mal perçue. En effet, la politique carcérale du régime fait que la plupart des personnes actives se trouve soit en prison, soit soumise aux fameuses peines alternatives, obligatoires pour le compte de l’État, baptisées ‘travaux d’intérêt général’- TIG. Ce sont autant des efforts qui ne sont pas investis dans l’agriculture et dans des activités de lutte contre la pauvreté.

Le développement urbain de Kigali, dont s’enorgueillit tant le régime, n’a pas eu d’effet d’entraînement sur le reste du pays et profite donc à une élite vivant dans une sorte de bulle. En effet, les investissements profitent à une forte population immigrée qui ne s’investit pas en milieu rural, les anciens habitants sont expropriés sans une suffisante indemnisation qui permettrait de reconstruire au moins l’équivalent des maisons détruites. Les nouvelles exigences urbanistiques sont taillées sur mesure pour exclure les gens à faible revenu et les repousser le plus loin possible dans des ghettos. Les mesures d’expropriation, de destruction des maisons et d’urbanisation visent à chasser les anciens habitants de la ville de Kigali.

Une catégorisation officielle de la population qui exclut.

Selon le document « Évaluation Participative de la Pauvreté (EPP) (2001-2003) », le gouvernement

rwandais a identifié et classifié pour chaque colline (umudugugu), six catégories correspondant à la

richesse de chaque individu . Cette catégorisation, selon le gouvernement, devrait permettre d’initier des actions de développement en visant les catégories supérieures et intermédiaires. Dans les faits, elle est considérée comme dévalorisant pour la population et montre la volonté du gouvernement de mieux contrôler la population.

Se basant sur cette classification, le gouvernement prétend qu’en ciblant les catégories «supérieures», il y aurait un effet d’entraînement sur les couches les plus pauvres, la population «d’en bas». Or, ceci est de loin d’être le cas, car au lieu d’assister à une redistribution des efforts pour la lutte contre la pauvreté, nous assistons à une accumulation en faveur des populations les plus aisées et à une paupérisation et une clochardisation d’une partie de plus en plus élevée de la population. Cette catégorisation, officialisée est considérée comme dévalorisante et est très mal vécue par la population, surtout qu’elle s’ajoute à d’autres formes d’exclusion, telle l’obligation de porter des chaussures pour, par exemple, aller au marché, même quand on n’a pas de moyens suffisants pour les acheter.

Conclusion.

Le développement urbain affiché par la capitale Kigali cache d’énormes disparités économiques entre une bourgeoisie proche du pouvoir (les fameux « returnees ») rentrés au Rwanda à la faveur de la prise du pouvoir par le FPR, et une majorité écrasante de Rwandais soumise à une paupérisation croissante.

Ceci est le résultat d’une politique d’investissement sélectif dans des secteurs à faible effet multiplicateur, au mépris de l’agriculture qui occupe près de 90 % des Rwandais.

Des mesures taxatives, des restrictions d’accès aux terres les plus fertiles et la nouvelle réglementation du commerce des produits vivriers appauvrissent encore plus la population. Jamais l’écart n’a été aussi criant.

La réalité économique du Rwanda est que le taux de croissance élevé observé depuis 1994 est le fruit d’une assistance étrangère massive. En effet, selon le PNUD, le Rwanda continue de dépendre de l’aide étrangère, avec presque 50 % de son budget financé par l’assistance étrangère. Jamais dans l’histoire du Rwanda, le pays n’a été aussi dépendant de la manne étrangère. Cette aide et cette croissance n’empêchent pas la paupérisation et l’exclusion de la population rurale.

La famine au Rwanda a été également constatée par Madame Susan Thompson de l’Université d’Ottawa: «La plupart des visiteurs étrangers ne voient pas la pauvreté abjecte et la vie misérable des rwandais ordinaires au quotidien. Pour la plupart d’entre eux, tant hutu que tutsi, la vie depuis le génocide n’est pas aussi reluisante que les autorités de Kigali prétendent».

La famine est, entre autres, causées par des programmes insensés imposés par le régime Kagame. Par exemple, les rwandais n’ont plus le droit de cultiver les cultures de leur choix. Ils sont forcés de cultiver ce que le régime leur dicte et celui qui n’obéit pas aux directives du régime voit ses cultures détruites par les local defense units. Dans certaines régions, les paysans sont forcés de cultiver des fleurs commercialisées par les favoris du pouvoir, dont Madame Janet Kagame. Les paysans sont forcés de vendre leurs maigres récoltes, à prix dérisoire, à des coopératives contrôlées par le pouvoir, lesquelles coopératives vendent les mêmes récoltes à des prix trois, quatre, cinq fois le prix payé au producteur. Les paysans affamés sont forcés de porter des chaussures et donc d’acheter des chaussures avant d’acheter à manger. Naturellement, le monopole de la commercialisation des chaussures à bas prix est détenu par les commerçants à la solde du pouvoir.

Le régime impose au paysan de posséder au moins une vache qui doit obligatoirement être parquée dans une étable où elle est nourrie et abreuvée. Ainsi le paysan, en plus des corvées quotidiennes pour sa propre survie, doit cultiver le fourrage, couper et porter le fourrage à la vache et puiser de l’eau pour abreuver la vache. Les paysans risquent d’être esclaves de leur vache.

Depuis la colonisation jusqu’à la prise du pouvoir par Kagame, le Rwanda avait un réseau de santé cité comme modèle en Afrique. Aujourd’hui, le menu peuple dans les villes mais surtout dans les campagnes n’a plus accès aux soins médicaux.

Par dessus de la famine et la privation de soins de santé, les Rwandais qui se reconnaissent comme des Hutus n’ont pas le droit de pleurer leurs morts en public. Ils doivent souffrir en silence et s’efforcer de sourire aux soldats de Kagame qui ont tué leurs proches. Celui qui ose dire que des Rwandais hutu ont été massacrés avant, pendant et après le génocide de 1994 est vite qualifié de négationniste ou de divisionniste ou de véhiculer l’idéologie génocidaire. Mais au fait, pour quelle raison est-on arrivé à cela? Tout simplement, parce que les tueries au Rwanda en 1994 ont été présentées au public occidental, de façon partielle et partiale, comme ‘le génocide des tutsis commis par des hutus’, en imposant le silence sur tous les crimes commis par le FPR à partir de1990.

Ceux et celles qui sont jugés pas assez serviles sont vite condamnés par les tribunaux GACACA à des peines d’emprisonnement sévères allant jusqu’à la prison à perpétuité.

Les tribunaux Gacaca sont officiellement chargés de juger les suspects du génocide, mais en réalité ils condamnent souvent les insoumis, réels ou potentiels, à des travaux d’intérêt général où les condamnés sont forcés de travailler gratuitement pour les notables du pouvoir.

Au Rwanda il est aujourd’hui interdit de construire avec des briques adobes alors que toutes les organisations d’aide recommandent la brique adobe comme matériau peu coûteux, durable et écologique pour la construction d’habitations à faible coût. La conséquence est que la plupart des gens ne peuvent plus posséder une maison et sont forcés d’être locataires de maisons construites par les barons du régime. Ceux qui peuvent encore se construire une maison sont forcés d’utiliser soit des blocs de ciment ou des briques cuites, la cimenterie et la briqueterie étant, naturellement, contrôlées par les favoris du régime. Récemment le quartier dit Kiyovu des pauvres dans la capitale a été rasé. Des prix dérisoires ont été payés aux propriétaires des terrains. Ces mêmes terrains ont été vendus plus de dix fois le prix payé à de riches développeurs.

Les proches des prisonniers n’ont pas le droit d’apporter des repas qu’ils ont eux-mêmes préparés aux prisonniers. Ces proches doivent acheter toute provision dans des commerces installés aux abords des prisons et gérés, au profit des barons du régime, par des commerçants qui ne peuvent faire autrement sous peine d’être traités eux-mêmes de génocidaires.

Dans un pays où le salaire du Président est de plus de 12000$ par mois et celui des généraux plus de 10000$ par mois, le salaire d’un enseignant à l’école primaire n’est que de 100$ par mois et les travailleurs sont forcés de verser 10% de leur salaire au parti-état FPR. C’est une condition incontournable pour continuer à travailler.

Malgré l’extrême gravité de ces mauvais traitements subis par la population, peu de gens osent lutter contre cette oppression innommable, car tout le monde est terrorisé.

« À tout nouveau crime ou horreur, nous devrions opposer un nouveau petit geste d’amour et de bonté que nous aurons retrouvé en nous mêmes »
(Etty Hillesum, Westerbork, 3 juillet 1943)