Congo Actualité n. 382

SOMMAIRE

1. LE PROCESSUS ÉLECTORAL
a. Les résultats des élections sénatoriales au Nord-Kivu et au Maï-Ndombe
b. L’évaluation du processus électoral par les Missions d’Observation Électorale
2. L’INVALIDATION DU MANDAT DE PLUS DE 30 PARLEMENTAIRES PAR LA COUR CONSTITUTIONNELLE
a. Les arrêts
b. Les réactions de l’opposition
c. Les réactions de la majorité
d. Les manifestations de l’opposition
e. La mise en place d’un procédure de recours, en rectification pour erreur matérielle
f. Pour une solution à long terme
3. LE RETOUR DE JEAN-PIERRE BEMBA

1. LE PROCESSUS ÉLECTORAL

a. Les résultats des élections sénatoriales au Nord-Kivu et au Maï-Ndombe

Le 18 mai, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a publié les résultats des élections des sénateurs par les Assemblées provinciales du Nord-Kivu et du Maï-Ndombe. Le Front Commun pour le Congo (FCC) a remporté 6 sièges sur les 8 sièges prévus. Dans ces deux provinces, les sénatoriales avaient connu du retard suite au report des législatives dans les circonscriptions électorales de Beni-ville, Beni-territoire, Butembo (Nord Kivu) et Yumbi (Maï-Ndombe). La plateforme de l’ancien président de la République, Joseph Kabila, a obtenu 3 sièges dans chacune de deux provinces.
Déjà large vainqueur avec 84 sénateurs élus lors des premières sénatoriales organisées en mars dernier dans les autres 24 provinces, le FCC, avec ces 6 nouveaux sièges, augmente son total à 90 sénateurs. La chambre haute du parlement congolais, le Sénat est constitué de 108 sénateurs, en raison de 4 par provinces, excepté la ville province de Kinshasa qui en offre 8. Pour cette législature, le nombre est passé à 109 avec Joseph Kabila qui est devenu sénateur à vie, conformément à la constitution. Ce sera donc une chambre haute du parlement à forte connotation ancien régime.
L’opposition aura simplement 12 représentants dans cet hémicycle (MLC 4, G7 4, MS 1, ACC 1, AAD 1 et Zaïre 1). Le Cap pour le Changement (CACH), qui est en coalition avec le FCC, n’a récolté que 3 sièges dont 1 pour l’UDPS de Félix Tshisekedi, 1 pour l’UNC de Vital Kamerhe et 1 pour le RDT, un allié de l’UDPS. Les sénateurs validés ont entamé le processus de la rédaction du règlement intérieur avant d’élire les membres du bureau définitif.
À rappeler que, au niveau de l’Assemblée Nationale, le FCC de Joseph Kabile compte 339 députés et que le CACH de Félix Tshisekedi en compte 47.[1]

b. L’évaluation du processus électoral par les Missions d’Observation Électorale

Le 16 mai, la Synergie des Missions d’Observation Citoyenne des Élections (SYMOCEL) a rendu public son rapport final d’observation des élections directes et indirectes de 2018 et 2019.
La Symocel a déploré le manque de transparence qui a entouré l’affichage et la publication des résultats des élections du 30 décembre 2018. Elle a déploré que la Céni se soit contentée d’annoncer des résultats globaux sans aucun détail, ce qui ne permet pas d’en vérifier la cohérence.
D’autant plus que, à l’issue du scrutin, l’affichage au niveau des bureaux de vote – pourtant obligatoire – a été incomplet. 85 % des résultats seulement y ont été affichés, rien au niveau des centres de compilation locaux. La Symocel, a jugé «inacceptable» de ne pas pouvoir «accéder aux résultats» et a dénoncé une «rétention d’informations». La mission d’observation a recommandé qu’à l’avenir la loi électorale précise sans ambiguïté l’obligation pour la Céni de publier les résultats bureau de vote par bureau de vote.
La Symocel a également déploré les difficultés rencontrées par de nombreux témoins des candidats à ces élections pour obtenir des procès-verbaux, ce qui a limité leur possibilité de déposer des recours en justice pour contester les résultats lorsqu’ils l’auraient souhaité.
Par ailleurs, la Symocel a estimé que «l’ampleur des allégations de corruption» lors des dernières élections des sénateurs et des gouverneurs des provinces a «vicié» le vote. La Mission a affirmé que «il n’est pas acceptable que l’on puisse accéder à de si hautes fonctions par des moyens de corruption» et a demandé une «révision du mode de scrutin» pour ces élections, afin de lutter contre le monnayage des voix.
Afin de contribuer à l’amélioration des processus électoraux à venir, la SYMOCEL recommande principalement ce qui suit:
1. La restructuration la CENI en vue de l’amélioration de son organisation et son fonctionnement.
2. Le recensement général de la population et la réhabilitation de l’état civil pour le règlement de la question du fichier électoral.
3. L’évaluation des réformes électorales intervenues entre 2015 et 2017 notamment le seuil légal de représentativité et les taux des frais de dépôt de candidature.
4. La mise en cohérence de la périodicité des scrutins et son incidence sur l’installation des institutions.
5. L’interdiction d’interrompre la fourniture d’accès internet et des sms pendant la période électorale, afin de garantir la transparence et l’intégrité du processus électoral ainsi que le droit de la population à l’information.
6. L’évaluation de l’utilisation de la Machine à voter, en vue de son éventuelle appropriation et de la sécurisation de ses données contre les attaques extérieures.
7. L’attribution d’une valeur authentique à toutes les copies des procès-verbaux remises aux témoins, ainsi qu’à tous les documents produits par la MAV, dans l’éventualité de son maintien.
8. La modification du mode d’élection des sénateurs et des gouverneurs des provinces, en élargissant le corps électoral à tous les élus de la province (députés nationaux, députés provinciaux et conseillers locaux), à défaut de la transformer en élection directe, pour rendre l’achat de votes difficile.
9. L’instauration d’un Centre National de Publication des Résultats pour une diffusion progressive des résultats.
10. La communication, aux parties prenantes, des mesures et modalités de transmission
des résultats aux Centre Locaux de Compilation des Résultats et de ceux-ci au Centre National de Traitement, de façon à en garantir la transparence, par la présence et le suivi des témoins et observateurs.
11. La clarification des dispositions de la Loi électorale relatives aux procédures de gestion et de traitement des résultats et la prise de mesures contraignantes pour leur publication.
12. La publication des résultats provisoires et définitifs bureau de vote par bureau de vote.
13. La simplification de l’accès des candidats aux éléments de preuve faisant foi lors des contentieux électoraux.[2]

Le 25 mai, après avoir évalué pendant cinq jours le processus électoral en RDC, la Commission Justice et Paix de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), la Synergie des Missions d’Observation Citoyenne des Élections (SYMOCEL) et la plateforme Agir pour des Élections Transparentes et Apaisées (AETA) ont présenté quelques recommandations pour les échéances futures.
À propos de la question relative à la périodicité des élections, elles ont fait remarquer que les scrutins présidentiels, législatifs et provinciaux se sont déroulés au-delà des délais fixés par la Constitution. «Les présidents de la République et les députés nationaux ont dépassé de deux ans les délais de leurs mandats. Les sénateurs, les députés provinciaux et les gouverneurs de province ont dépassé de plus de sept ans les leurs. C’est ainsi que le principe du respect de la périodicité des élections pour le renouvellement de la légitimité des institutions a été violé», a souligné Bishop Abraham Djamba, le président de la Synergie des missions d’observation citoyenne des élections (Symocel). Et sur cette question, les animateurs de ces structures attendent de Félix Tshisekedi des assurances. «Les participants au forum attendent du président de la République, garant du bon fonctionnement des institutions un engagement ferme pour la question du respect du nombre et de la durée des mandats de tous les élus», a-t-il indiqué.
Ces missions électorales souhaitent également une refonte de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) qui, pour elles, ne devrait pas être animée par des acteurs politiques, mais par des techniciens électoraux. «Doter la Céni d’un bureau composé exclusivement de techniciens électoraux présentés par les confessions religieuses et les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de l’observation électorale», a préconisé Bishop Abraham Djamba.
Elles ont plaidé aussi pour une loi électorale qui puisse interdire aux candidats la possibilité de postuler à plusieurs scrutins au cours d’un même cycle électoral, car le cumul des mandats constituerait un abus du droit à être élu.
Les trois organisations ont aussi proposé de changer les modes des scrutins des sénateur et des gouverneurs des provinces afin qu’ils soient élus au suffrage direct, ce qui pourrait contribuer à éviter le risque d’une éventuelle corruption de leurs électeurs qui sont les députés provinciaux. Enfin, elles disent attendre également du Président de la République et du gouvernement l’assurance de la sécurisation et du financement de la suite du processus électoral en ce qui concerne les élections urbaines, municipales et locales.[3]

Le 28 mai, dans une déclaration conjointe, la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) et l’Eglise du Christ au Congo (ECC) ont lancé une pétition pour l’organisation des élections des conseillers communaux et des secteurs /chefferies avant la fin du mois de décembre 2019.  Elles ont noté le retard pris dans la convocation des élections locales, convocation prévue en mars dernier, selon le calendrier électoral.
Les deux organisations ont regretté que, «en dépit que ces élections soient prévues par la constitution, elles n’ont jamais été organisées depuis 2006 et risquent de ne pas l’être, quand on considère le calendrier publié par la commission électorale nationale indépendante (CENI) qui prévoyait la convocation de l’électorat le 18 mars 2019».
Elles ont invité le peuple, « en sa qualité de souverain primaire », d’exiger l’organisation des élections des conseillers communaux et des secteurs/chefferie avant la fin du mois de décembre 2019.
Pour ces deux confessions, «les élections locales sont le fondement de l’exercice de la démocratie à la base et de la décentralisation consacrée par la constitution congolaise». Elles font remarquer que la véritable démocratie et le véritable développement commencent à la base et non au sommet. La base, poursuivent la CENCO et l’ECC, ce sont les secteurs, les communes et les villes.
«Ce système de nomination des autorités locales est à la base du népotisme, du clientélisme et de la corruption qui, non seulement est contraire à la Constitution de la RDC, mais aussi et surtout prive les citoyens des services auxquels ils ont droit et pour lesquels, ils paient des taxes et impôts», indique le communiqué publié par les deux institutions.
«Cette politique de nommer les représentants du peuple à la base favorise le tribalisme, le clientélisme, la corruption et le détournement des fonds», a déclaré le secrétaire général de la CENCO, l’abbé Donatien Nshole.
«Regardez l’état d’insalubrité dans lequel se trouvent nos marchés et nos rues, où sont perçues chaque jour des taxes sans aucun service en retour», a ajouté le porte-parole protestant, le révérend Eric Nsenga Nshimba.
Selon le calendrier électoral, les élections des conseillers communaux et des secteurs ou chefferies, sont prévues le 22 septembre 2019. Celles des conseillers urbains, des bourgmestres et des chefs des secteurs sont revues le 4 décembre 2019, alors que les maires et leurs adjoints sont censés être élus le 25 janvier 2020. Pour organiser ces scrutins, l’État doit mobiliser quelque 400 millions de dollars.[4]

Le 13 juin, le directeur de cabinet du président de l’Eglise du Christ au Congo (ECC), le pasteur Moïse Gbema, a appelé à « diminuer sensiblement » la représentativité des politiques au sein de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), pour la crédibiliser davantage.
Si la présidence de cet organe chargé d’organiser les élections est réservé aux confessions religieuses, la vice-présidence est réservée au parti politique majoritaire au parlement et le poste de rapporteur à l’opposition. Le rapporteur adjoint est issu de la Majorité, le questeur également de la Majorité et son adjoint émane de l’opposition politique. Les sept autres membres prenant part à la plénière sont issus des organisations de la société civile et des partis politiques.
« Ce n’est pas l’administration électorale qui pose problème (…), c’est plutôt le manque d’indépendance qui pose problème», a déclaré le révérend Eric Senga, porte-parole de l’ECC, selon qui «on veut utiliser l’Eglise comme casquette, mais ce sont des gens qui ont des casquettes des politiciens. Pour éviter ce genre de théâtre, il faut donc dépolitiser la CENI ». Il a aussi annoncé que les chefs de confessions religieuses sont en train de « préparer des textes et des mécanismes, pour que celui qui sera membre de la CENI ne soit pas la marionnette du pouvoir».[5]

2. L’INVALIDATION DU MANDAT DE PLUS DE 30 PARLEMENTAIRES PAR LA COUR CONSTITUTIONNELLE

a. Les arrêts

Le 10 juin, la Cour Constitutionnelle a invalidé 23 parlementaires de l’opposition de Lamuka, dont 21 députés nationaux (8 de MLC, 7 de MS, 4 de AMK, 2 de la Dynamique de l’Opposition) et 2 sénateurs, tous de la plateforme Ensemble de Moïse Katumbi. Ces parlementaires ont été invalidés au profit de candidats malheureux du Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila.[6]

Le 13 juin, le coordonnateur du Front Commun pour le Congo (FCC), Néhémie Mwilanya, a indiqué aux médias que 10 députés aussi de sa famille politique ont été invalidés par la Cour constitutionnelle. Toutefois, ce qu’il n’a pas dit c’est que ces 10 députés invalidés ont été cependant remplacés par d’autres membres du FCC et non de l’opposition.[7]

b. Les réactions de l’opposition

Le 11 juin, à l’issue de leur assemblée générale extraordinaire tenue à Kinshasa, les députés membres de Lamuka ont déclaré que ces arrêts de la Cour constitutionnelle ont été manifestement commandés pour museler l’opposition politique. Ces parlementaires ont affirmé que «la Haute Cour n’a fait qu’obéir à un ordre politique pour fragiliser davantage l’opposition et ce, en dépit du meilleur résultat qu’ont obtenu ces élus invalidés». Selon l’opposition Lamuka, la Cour a rendu ces arrêts au-delà du délai de 60 jours fixé par l’article 74 de la loi électorale et, donc, en violation flagrante des procédures en matière de contentieux électoral. En outre, ces invalidations ont été publiées sans être accompagnées par les motivations relatives et n’ont visé que les députés de l’opposition, afin de les remplacer par des membres du FCC.[8]

L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) a constaté que la Cour Constitutionnelle a invalidé des députés proclamés par la CENI sans avoir préalablement procédé au recomptage des voix en présence des parties concernées: «Dans plusieurs cas documentés par l’ACAJ, la Cour a d’office ajouté des voix à certains candidats, dont certains du PPRD, sans qu’il y ait eu préalablement un recomptage contradictoire de voix».
Selon l’ACAJ, «la Cour Constitutionnelle a parfois modifié la valeur seuil sur base des données inconnues à la fois de la CENI et des candidats à la députation, alors qu’elle ne dispose pas de tous les procès-verbaux. Elle a octroyé à des candidats des procès-verbaux non reconnus par la CENI et, donc, elle a fabriqué des élus en lieu et place de ceux qui ont été votés par les électeurs et proclamés par la CENI, dans le but de satisfaire une famille politique dont la majorité des juges sont l’émanation». L’organisation cite parmi les cas les plus flagrants:
– Jean Goubald Kalala qui avait obtenu 3.049 voix sur 13.894 de son groupement Dynamique de l’Opposition, mais invalidé et remplacé par M. Kangudia, du parti MIP qui n’a totalisé que 4.000 voix;
– Daniel Nsafu, qui a eu 6.502 voix sur 10.617 de son groupement AMK, invalidé et remplacé par Otete Lokadi Doudou du PPRD, qui n’a fait que 1.077 voix sur 3.409 de son parti.[9]

D’autres exemples :le candidat du Mouvement de Libération du Congo (MLC) élu dans le district du Mont-Amba, à Kinshasa, l’avocat Raphaël Kibuka, était, selon la CENI, le 4ème meilleur élu de la ville, avec 26.802 voix. Mais il a été invalidé et remplacé par Sylvie Ingele, fille de l’ancien ministre Ingele Ifoto, membre éminent de la coalition de Joseph Kabila. Sylvie Ingele, qui est aussi amie intime de la fille du président de la chambre IV de la Cour constitutionnelle, le juge Ubulu,  n’avait récolté que 649 voix. En outre, la liste du MLC dans le district du Mont-Amba (Kinshasa) avait réalisé 40.751 voix, tandis que la liste ABCE, le regroupement de Mme Ingele, n’avait réalisé que 5.048 voix. Un autre cas est celui d’un député de Kalemie, Kabongo, qui avait obtenu plus de 18.000 voix et qui s’est vu invalidé au profit d’un autre qui avait obtenu moins de 5.000 voix.
Parmi les élus qui ont été invalidés, il y a aussi Jean Goubald, Chérubin Okende, Daniel Safu, Daniel Mbau, …, tous de LAMUKA.[10]

Le 14 juin, dans un communiqué de presse signé par son porte-parole, Jean-Bertrand Ewanga, Ensemble pour le changement a fustigé les arrêts de la Cour constitutionnelle qui revoient à la hausse le nombre de parlementaires du Front Commun pour le Congo (FCC). La plateforme dirigée par Moise Katumbi voit en ces décisions une stratégie du FCC Kabila qui se positionnerait pour une éventuelle révision constitutionnelle: «Ensemble pour le changement rejette tous ces arrêts invalidant les parlementaires de Lamuka régulièrement élus par le peuple congolais et dont les sièges ont été attribués d’autorité par la Cour constitutionnelle au FCC de Joseph Kabila afin qu’il ait une majorité illégitimement écrasante qui lui permettra de réviser la constitution à sa guise et de perpétuer la dictature ainsi que la mauvaise gouvernance».
Un député de Lamuka a ajouté que «le FCC, qui avait 345 élus, en compte après les invalidations, 368. Soit largement les 2/3 des 500 députés nationaux nécessaires à une éventuelle révision de la constitution ou d’une destitution du chef de l’État». Alors que la coalition CACH, qui n’a vu aucun de ses élus invalidés au détriment du FCC n’a pas encore dit mot sur cette affaire, l’élu porte à son attention que ces invalidations pourraient «participer d’un plan B contre le président Tshisekedi».[11]

Membre de la Coalition des Démocrates (CODE) et ancien ministre du commerce extérieur devenu sénateur, Jean-Lucien Bussa a affirmé que la haute Cour a accordé un des leurs sièges à un regroupement politique qui n’a pas atteint le seuil électoral. Une situation inexplicable, selon lui: «À Zongo qui a un seul siège, le député de la CODE avait été proclamé premier avec 2.254 voix. On ne l’avait pas attaqué en justice, mais il a été écarté et remplacé par un candidat qui avait obtenu 45 voix. Sans recomptage des voix, on a donné le siège au regroupement d’Olenghankoy, qui n’a pas atteint le seuil». Toujours selon Jean-Lucien Bussa, les députés nationaux de la CODE, Dieudonné Sambo, élu dans la circonscription électorale de Gungu, dans le Kwilu et Georges Kazadi Kabongo, un des élus de Kaniama, ont été remplacés respectivement par l’actuel ministre du travail issu du Palu et Alliés et le ministre de l’industrie en fonction, membre de l’ADRP.[12]

Le 20 juin, le député national Steve Mbikayi a alerté les élus nationaux invalidés par la Cour Constitutionnelle d’exiger des procès verbaux (PV) authentiques de ceux qui ont été réhabilités dans le cadre des contentieux électoraux des législatives de décembre 2018. Pour l’ancien ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire, certains députés ont fabriqué de faux procès verbaux (PV) afin qu’ils soient proclamés par la Cour Constitutionnelle: «Certaines personnalités ont fabriqué de faux PV! Ayant obtenu 500 voix, elles en ont fabrique d’autres contenant plus de 10.000 voix».[13]

c. Les réactions de la majorité

Le 11 juin, Me Aimé Kilolo, cadre du Front Commun pour le Congo (FCC), a affirmé qu’il est prématuré d’émettre un certain jugement à ce stade sur ces arrêts de la Cour constitutionnelle car, selon lui, avant d’émettre un jugement, il faudrait d’abord accéder au contenu de ces arrêts.
«Au moment où nous parlons, personne n’a encore reçu notification des arrêts en question. Tout ce dont le public a connaissance, c’est uniquement le dispositif, c’est-à-dire la conclusion, la décision finale validée ou invalidée. Il faudra accéder au contenu de ces arrêts, pour en connaître les motivations», a fait savoir Me Kilolo, avocat et expert en question politique et juridique.[14]

Le 13 juin, le coordonnateur du Front Commun pour le Congo (FCC), Néhémie Mwilanya, a déclaré de juger équitable le travail de la Cour constitutionnelle: «À partir du moment où il y a des invalidations de part et d’autre, cela veut dire que la Cour constitutionnelle a joué son rôle».[15]

Le 15 juin, le regroupement politique Alliance des Acteurs pour la Bonne gouvernance au Congo (AABC), amputé de ses trois députés nationaux dont les mandats ont été invalidés, a introduit les requêtes à la Cour constitutionnelle pour l’appeler à “rectifier” ses arrêts qui contiennent des “erreurs matérielles”. AABC appelle, pour ce faire, le Premier président de la Cour constitutionnelle à mettre en place une “chambre spéciale”, afin d’examiner les erreurs et remettre ses trois députés nationaux “valablement élus” dans leurs droits.
AABC est membre du Front commun pour le Congo (FCC). Et ces élus invalidés ont été remplacés par trois ministres du gouvernement sortant. Il s’agit de Raphael Muembo Nkumba, l’élu de Lubefu au Sankuru, remplacé par Emery Okundji ; de Kennedy Katasi Kyala, l’élu de Lukunga à Kinshasa, remplacé par Thomas Luhaka Losendjola et de Faustin Kaningu Shem, l’élu de Kabare au Sud-Kivu, remplacé par Marie-Ange Mushobekwa.[16]

d. Les manifestations de l’opposition

Le 11 juin, dans un communiqué, le Mouvement de Libération du Congo (MLC) a appelé à une marche pacifique qui sera organisée le 15 juin, pour protester contre l’invalidation de ses députés nationaux par la Cour Constitutionnelle. Selon ce parti, les arrêts de la Cour Constitutionnelle sont juridiquement entachés d’irrégularités, car rendus sans motivations et en dehors des délais de 60 jours prévus par l’article 74 de la loi électorale. Les 8 députés nationaux invalidés du MLC sont Didier Mekata, Dongo Mobutu, Daniel Mbau Sukisa, Raphael Kibuka, Goba Moto, Jean-Martin Elakani, Albert Akim Wanga et Hardy Ngobe. Des 22 députés, le MLC n’en compterait plus que 14.[17]

Le 12 juin, au cours d’un point de presse tenu à son hôtel situé dans la commune de Gombe, à Kinshasa, Martin Fayulu Madidi, président du parti politique Engagement pour la Citoyenneté et le Développement (ECIDE) et l’un des leaders de la plateforme politique LAMUKA, a annoncé une série d’activités de protestation contre les invalidations de députés nationaux et sénateurs de LAMUKA. Il s’agit des activités suivantes:
– Sit-in devant la cour constitutionnelle (Tous les jours);
– Marche des mamans de LAMUKA, le 13 juin, de la Gare Centrale jusqu’à la Cour constitutionnelle;
– Marche des députés et sénateurs de LAMUKA, le 13 juin, du Palais du Peuple jusqu’à la Cour Constitutionnelle;
– Suspension des activités parlementaires des élus de LAMUKA jusqu’à nouvel ordre;
– Des manifestations de grande envergure le 30 juin.
Martin Fayulu Madidi a indiqué que ces décisions ont été prises par tous les leaders de LAMUKA. Par la même occasion, il a accusé le président Félix Tshisekedi et l’ancien président Joseph Kabila d’avoir «assassiné la démocratie et l’Etat de droit, en faisant de la corruption le seul véritable salaire du juge et du magistrat».[18]

Le 13 juin, dans la matinée, près de 200 femmes de la coalition Lamuka ont marché de la Gare centrale jusqu’à la Cour constitutionnelle pour dénoncer les arrêts invalidant une vingtaine de députés et sénateurs opposants. Arrivées à la Cour constitutionnelle vers midi, elles ont été rejointes par une centaine de militants des partis et regroupements de LAMUKA, dont le MLC, l’ECIDE, L’ENVOL. Il y a eu des moments de tension dès que ces militants ont commencé à bruler des pneus.
Par contre, la marche des parlementaires de l’opposition n’a pas eu lieu comme prévu. Pendant que les cadres de Lamuka tenaient une réunion en prélude à cette marche, les militants se mobilisaient déjà sur terrain. Ils ont ensuite été dispersés par la police. Celle-ci a empêché l’accès à toutes les voies qui conduisent au Palais du Peuple, point de chute prévue de cette manifestation.[19]

Le 13 juin, dans une correspondance signée par sa secrétaire Eve Bazaiba, le Mouvement de Libération du Congo (MLC) a informé le Gentiny Ngobila, gouverneur de la ville province de Kinshasa, de la marche du 15 juin contre l’invalidation de ses élus par la Cour Constitutionnelle. Cette marche partira du siège du MLC sur enseignement à Kasa-Vubu pour chuter à la Cour Constitutionnelle.[20]

Le 14 juin, tout juste à la veille de la clôture de la session ordinaire de mars, mais comme annoncé l’11 juin, les députés de l’opposition membres de Lamuka ne se sont pas rendus à la plénière de l’Assemblée Nationale.[21]

Le 15 juin, la police a tiré en l’air et utilisé les gaz lacrymogènes aux alentours du siège provincial du Mouvement de Libération du Congo (MLC), sur l’avenue de l’Enseignement, dans la commune de Kasa-Vubu, en face du stade des Martyrs, à Kinshasa, pour disperser les militants de Lamuka. Les opposants s’apprêtaient à entamer une marche qui devrait déboucher sur le dépôt d’un mémo à la Cour Constitutionnelle, dans la commune de la Gombe. «La manifestation n’a pas été autorisée. Ce n’est qu’hier que le gouverneur a reçu la lettre, donc il n’a pas pris acte. Nous sommes en train de négocier avec les cadres du MLC pour qu’ils restent dans leur quartier général. Il n’y a donc pas marche », a dit le général Sylvano Kasongo, chef de la Police à Kinshasa.[22]

e. Mise en place d’un procédure de recours, en rectification pour erreur matérielle

Le 14 juin, une délégation de l’opposition parlementaire a rencontré le président de la Cour Constitutionnelle, Benoit Lwamba. À l’issue de cette réunion, le député national Jacques Djoli, chef de cette délégation, a affirmé que «il y a eu trop de déséquilibres dans les arrêts de la Cour constitutionnelle concernant les contentieux électoraux. Les mieux élus se sont fait remplacer par des non-élus». D’après lui, la Cour constitutionnelle devrait rectifier ses erreurs: «Nous avons demandé à la Cour de revoir ces déséquilibres, car il y a eu des erreurs, voire des manifestations de dol (fautes commises intentionnellement) dans certaines décisions rendues, où pratiquement les meilleurs élus ont été remplacés». Selon Jacques Djoli, la délégation a demandé à la Cour de revenir sur ces cas, pour que justice soit faite et lui a proposé de faire appel aux chambres spéciales,  «procédures prévues par la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour et par la loi électorale».
La délégation de l’opposition parlementaire qui a rencontré le président de la Cour constitutionnelle était composée des présidents de trois groupes parlementaires de l’opposition à l’Assemblée nationale: le MLC et Alliés, le MS-G7 et le EMK et alliés ainsi que de certains députés invalidés.[23]

Le 14 juin, la coalition Lamuka était en réunion avec le président de la Cour constitutionnelle, Benoit Lwamba. Chérubin Okende, porte-parole de Moïse Katumbi, coordonnateur de Lamuka et l’un des députés invalidés a affirmé: «Nous avons démontré à la Cour que les arrêts rendus ont beaucoup d’incongruités. Le président s’est montré très réceptif et a promis de s’impliquer pour la mise en place d’une commission spéciale pour le réexamen, « en procédure de recours en rectification pour erreur matérielle », des cas des députés de l’opposition invalidés».[24]

Le 17 juin, le président de la Cour Constitutionnelle, Benoît Lwamba, a été reçu par le président de la République, Félix Tshisekedi. Ils ont échangé notamment sur le retard dans le traitement des contentieux électoraux consécutifs aux élections législatives de décembre 2018.
Au sortir de la rencontre, Benoît Lwamba a affirmé:  «La loi nous donne deux mois pour examiner tous les recours introduits. Nous avions plus de 1240 dossier, mais, il n’y a que 7 juges seulement qui peuvent siéger en cette matière. L’on comprendra que 1240 dossiers pour 7 juges en 2 mois, humainement ce n’est pas possible».
Benoît Lwamba s’est également appesanti sur la seule fenêtre qui donne lieu au réexamen des arrêts de la Cour: « En principe, les arrêts de la Cour sont sans recours. Nos décisions peuvent être attaquées par la seule voie de rectification d’erreur matérielle. Les personnes qui pensent que la Cour s’est trompée sont revenues avec des requêtes. On parle d’une commission spéciale mais, en réalité, c’est toujours la Cour qui va examiner ces requêtes, pour voir si elles sont oui ou non fondées».
Les arrêts de la Cour constitutionnelle ne pouvant donner lieu à un recours, la seule alternative qui restaient aux députés invalidés étaient d’introduire des recours pour demander la correction d’éventuelles erreurs matérielles. Mais «la correction de ces erreurs matérielles ne va rien changer de spécial, si ce n’est que de corriger certaines fautes d’orthographe, certaines erreurs de transcription comme des noms mal écrits. Le fond restera le même», ont précisé des conseillers de cette Cour.[25]

f. Pour une solution à long terme

L’11 juin, dans une interview, Maître Papis Tshimpangila, avocat conseil de feu Étienne Tshisekedi et cadre de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) a dit constater que le contentieux électoral des législatives nationales a prouvé ses limites. Me Tshimpangila a affirmé qu’il faut repenser le système électoral et y apporter les correctifs nécessaires. «Il appartiendra au chef de l’État, en tant que garant du bon fonctionnement des pouvoirs publics et des institutions, de convoquer des assises nationales pour repenser notre système électoral avec la participation de toutes les parties prenantes (majorité, opposition, société civile…)», a dit Me Papis Tshimpangila.
En ce qui concerne le contentieux des législatives nationales, ce cadre de l’UDPS a déclaré qu’il faudrait le traiter en dehors de la Cour Constitutionnelle: «Il faut déboulonner la Cour Constitutionnelle du processus du contentieux des résultats de législatives, puisque sa saisine ne répond pas aux principes d’équité et de non discrimination.
Il convient de rappeler que les députés provinciaux bénéficient du double degré de juridiction dans le cadre du contentieux des résultats, à savoir: la saisine de la Cour d’appel avec une possibilité d’appel devant le conseil d’État. Par contre, les députés nationaux ne bénéficient que de la saisine de la Cour Constitutionnelle, qui statue en premier et dernier ressort. Il serait donc convenable de réviser l’article 161 de la Constitution et la loi électorale, pour permettre aux députés nationaux de bénéficier du double degré de juridiction, en attribuant la compétence de leur contentieux électoral à la Cour d’appel du ressort de chaque circonscription électorale et, en cas de recours, au Conseil d’État».
Selon Maître Papis Tshimpangila, «il faudrait aussi que la validation des mandats des députés se fasse après que les cours et tribunaux aient vidé leur saisine, pour éviter le phénomène d’invalidation des mandats après l’installation des députés. Tout ceci, nécessite des réformes profondes qui ne pourront qu’être impulser par le président de la République».[26]

3. LE RETOUR DE JEAN-PIERRE BEMBA

Le 23 juin, Le président du Mouvement de Libération du Congo (MLC) et leader de LAMUKA, Jean-Pierre Bemba, est arrivé à Kinshasa. Son jet privé a atterri vers 7 heures du matin à l’aéroport international de N’djili, en provenance de Bruxelles en Belgique. À sa descente de l’avion, il a été accueilli par Eve Bazaiba, secrétaire générale du MLC, Martin Fayulu, président de l’Ecidé et Adolphe Muzito, lui aussi membre de LAMUKA. C’est à 12 heures qu’il a quitté l’aéroport pour se diriger vers le terrain Sainte-Thérèse, où l’on a prévu un meeting. Le parcours a été mouvementé et parsemé d’accrochages entre militants et forces de l’ordre. À certains endroits, aux gaz lacrymogènes de la police, les militants ont répondu par des projectiles. Après environ quatre heures de route, Bemba est arrivé à Sainte-Thérèse.
Dans son adresse, Jean-Pierre Bemba s’est engagé, avec la plateforme LAMUKA, à poursuivre le combat pour la vérité des urnes et la lutte pour les intérêts du peuple congolais. Il s’est appesanti sur la question de la corruption qui gangrène la société congolaise. Pour lui, ce mal ronge la RDC depuis son indépendance. Il en prend pour preuve ce qui se passe à la Cour constitutionnelle avec les invalidations des députés nationaux de LAMUKA. Il a aussi fustigé le comportement des gouvernant actuels, qui ne travaillent pas pour les intérêts du peuple, mais pour les leurs propres.
Jean-Pierre a estimé que l’heure est venue pour que «la RDC goûte le miel de la bonne gouvernance et d’un Etat de droit». Jean-Pierre Bemba a également annoncé que les leaders de Lamuka se réuniront bientôt, pour donner un mot d’ordre le 30 juin prochain, fête de l’indépendance.[27]

[1] Cf Fonseca Mansianga – Actualité.cd, 21.05.’19
[2] Cf RFI, 17.05.’19; Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 16.05.’19
[3] Cf RFI, 25.05.’19; Radio Okapi, 26.05.’19; Auguy Mudiayi – Actualité.cd, 25.06.’19
[4] Cf Christine Tshibuyi – Actualité.cd, 28.05.’19; Radio Okapi, 28.05.’19
[5] Cf Christine Tshibuyi – Actualité.cd, 13.06.’19
[6] Cf Actualité.cd, 11.06.’19
[7] Cf Stanis Bujakera – Actualité.cd, 13.06.’19
[8] Cf Radio Okapi, 12.06.’19
[9] Cf Actualité.cd, 14.06.’19
[10] Cf Politico.cd, 12.06.’19
[11] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 15.06.’19; Walter Nkuy – Top Congo FM / via mediacongo.net, 15.06.’19
[12] Cf 7sur7.cd, 17.06.’19
[13] F Merveil Molo/Stagiaire – 7sur7.cd, 20.06.’19
[14] Cf Radio Okapi, 12.06.’19
[15] Cf Stanis Bujakera – Actualité.cd, 13.06.’19
[16] Cf Japhet Toko – Actualité.cd, 15.06.’19
[17] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 11.06.’19; Auguy Mudiayi – Actualité.cd, 11.06.’19
[18] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 12.06.’19
[19] Cf Prisca LokaleActualité.cd, 13.06.’19; Berith Yakitenge – Actualité.cd, 13.06.’19
[20] Cf Jeff Kaleb – 7sur7.cd, 13.06.’19
[21] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 15.06.’19; Walter Nkuy – Top Congo FM / via mediacongo.net, 15.06.’19
[22] Cf Fonseca Mansianga – Actualité.cd, 15.06.’19
[23] Cf Radio Okapi, 14.06.’19
[24] Cf Actualité.cd, 14.06.’19
[25] Cf Actualité.cd, 17.06.’19; Radio Okapi, 18.06.’19
[26] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 13.06.’19
[27] Cf Radio Okapi, 23.06.’19; RFI, 23.06.’19