Congo actualité n. 324

SOMMAIRE

1. KASAÏ: CAS KAMWINA NSAPU, L’HISTOIRE D’UNE ÉTINCELLE QUI DEVIENT INCENDIE

a. Les premiers motifs de discorde avec le pouvoir

b. À Kinshasa, une méfiance croissante

c. Le système « Kamwina Nsapu »

d. La goutte d’eau qui a fait débordé le vase

e. Les deux derniers jours de Kamuina Nsapu

f. L’embrasement du Kasaï

g. Un accord trouvé avec la famille de Kamuina Nsapu, mais la crise ne s’arrête pas

2. KASAÏ: L’INSURRECTION DE KAMWINA NSAPU ET LA RÉPRESSION DE L’ARMÉE

a. Une armée au service d’une « force étrangère d’occupation »

b. Le Général Eric Ruhorimbere, un ancien rebelle à la tête de la répression

c. À Tshimbulu, le colonel François Muhire et 19 fosses communes

d. Le «lieutenant Julle», l’autre «boucher»

e. Tous redéployés vers de nouveaux théâtres d’opérations

3. KASAÏ : LE LIVRE BLANC DU GOUVERNEMENT (TOME I)

Préface

I: Localisation du groupement de Kamuina Nsapu

II. Identité et situation administrative de feu Kamuina Nsapu

III. Genèse du conflit et déroulement des faits

IV. Le caractère terroriste du mode opératoire de Kamuina Nsapu

V. Méthodes d’actions et trafic de stupéfiants

1. KASAÏ: CAS KAMWINA NSAPU, L’HISTOIRE D’UNE ÉTINCELLE QUI DEVIENT INCENDIE

(Sonia Rolley – Radio France Internationale / RFI)

C’est l’histoire d’une étincelle qui devient incendie. Le 12 août 2016, Jean-Prince Mpandi, le 6e «Kamuina Nsapu» (chef coutumier) des Bajila Kasanga, est tué dans l’assaut de sa maison, dans la province du Kasaï-Central. Dix mois plus tard, on dénombre des centaines de morts, peut-être des milliers, mais aussi des milliers d’enfants enrôlés, plus d’un million de déplacés et au moins quarante-deux fosses communes.

a. Les premiers motifs de discorde avec le pouvoir

C’est fin 2012 que Jean-Prince Mpandi devient le 6e «Kamuina Nsapu», c’est-à-dire l’un des principaux chefs coutumiers du territoire de Dibaya, dans le futur Kasaï-Central. Il a 46 ans.

Pour les autorités congolaises, Jean-Prince Mpandi est un aventurier, un criminel qui aurait passé ses jeunes années entre Tshikapa, Lubumbashi, la Zambie et l’Afrique du Sud. Difficile de retracer son parcours. C’est à Lubumbashi, au Katanga, qu’il fait des études de technicien agricole. Il ne les aurait pas terminées. Dans les années 2004-2005, il réapparaît à Tshikapa au Kasaï. Il y monte une clinique traditionnelle et dit alors avoir appris la médecine auprès de praticiens chinois. Parfois, il dit même être allé en Chine. D’autres fois, il se présente comme un vétérinaire. Mais déjà, il a un discours aux accents politiques et parle d’unir son ethnie, les Bajila Kasanga dans un même mouvement.

Personne ne lui connaît d’affiliation politique, mais on lui prête des accointances avec l’Afrique du Sud, où vit sa famille, et avec les milieux contestataires, comme les «combattants» de l’UDPS, ou même avec Étienne Kabila, le «frère» autoproclamé de Joseph, qui est poursuivi un temps, avant d’être acquitté, pour tentative de coup d’État contre le chef de l’État.

Le chef Kamuina Nsapu souhaitait restaurer un pouvoir coutumier libre de toute ingérence politique. Pour cela, il aurait refusé de rejoindre la majorité Présidentielle et en aurait payé le prix, en n’étant pas reconnu par l’État comme Chef coutumier.

C’est le choc de deux mondes avec d’un côté Kinshasa, le pouvoir central, l’argent, la corruption et les guerriers, et de l’autre, les campagnes du Grand Kasaï, marginalisées, où l’on se souvient encore du temps où les chefs coutumiers étaient des vrais rois. Kamuina Nsapu espérait se tailler un royaume à lui dans la RDC de Joseph Kabila, revenir aux traditions des ancêtres et chasser l’État.

Vu de Kinshasa, c’est en juin 2015 que les affaires deviennent sérieuses, comme le démontre un document, jamais rendu public, mais cité récemment par les autorités. Celles-ci l’auraient retrouvé dans les affaires du chef Jean-Prince Mpandi et le présentent, depuis janvier 2017, comme une preuve de sa volonté d’avoir fomenté une insurrection.

En janvier 2017, le nouveau vice-Premier ministre de l’Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadari, dit à l’assemblée que le gouvernement détient un document signé par le chef Kamuina Nsapu et intitulé «Non aux élections en 2016». Selon le régime de Kinshasa, Jean-Prince Mpandi y aurait insisté sur la nécessité de restaurer les pouvoirs coutumiers, «émanations naturelles de la nationalité», aurait appelé «tous les jeunes» à ériger des barricades et à chasser les étrangers du Grand Kasaï, à l’exception des «diplomates».

«Monsieur Kamuina Nsapu fustige la négligence de l’État congolais depuis son accession à l’indépendance, (…) traite tous les détenteurs civils, militaires et policiers de « mercenaires », et qualifie le gouvernement national de « gouvernement d’occupation »». (Emmanuel Ramazani Shadari à la question d’un député de Dibaya, Martin Kabuya, à l’Assemblée nationale, le 17 janvier 2017).

b. À Kinshasa, une méfiance croissante

La RDCongo est victime d’une grande crise économique: effondrement de la monnaie nationale, raréfaction des devises, hausse des prix et chômage endémique. L’économie du Grand Kasaï sombre au même rythme que la MIBA, la Société minière du Bakwanga, jadis l’une des plus florissantes entreprises du pays, qui est en train d’épuiser le filon diamantifère de Mbuji Mayi et qui croule aujourd’hui sous 200 millions de dollars de dettes. Comme leurs sujets, les chefs coutumiers aussi sont paupérisés.

En décembre 2014, Évariste Boshab est nommé par Joseph Kabila vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et de la Sécurité et devient donc le principal interlocuteur de Kamuina Nsapu.

Depuis 2015, une nouvelle loi portant statut des chefs coutumiers est entrée en vigueur. Elle prévoit la rémunération des chefs et la publication d’un arrêté de reconnaissance du statut de chaque chef.

Certains chefs coutumiers, accusés d’être achetés par le régime en place, obtiennent la reconnaissance de leur statut sans difficulté. Mais d’autres, comme Kamuina Nsapu, doivent passer des heures sous un arbre devant le gouvernorat. Jean-Prince Mpandi patiente, mais n’obtient rien.

Le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Évariste Boshab, est accusé alors par ses détracteurs de multiplier les arrêtés accordant le statut de chef coutumier à ses affidés politiques, créant ainsi des doublons ou de nouvelles entités coutumières.

Le régime de Joseph Kabila est accusé d’avoir utilisé cette nouvelle loi à des fins politiques pour asseoir son contrôle sur le Grand Kasaï, terre d’opposition.

c. Le système « Kamwina Nsapu »

La « cyôta » est le nom donné au foyer, un feu permanent ou temporaire, chez le chef coutumier.

C’est le canal privilégié pour parler avec les ancêtres, un lieu de rencontre où l’on parle de tous les problèmes importants liés à la survie de l’aire coutumière. Chez les Kamwina Nsapu, la Tshiota est surtout un centre d’initiation. Dans le cas du conflit actuel, il faut passer par une Tshiota pour devenir un milicien à part entière, en prenant un « baptême » particulier. Au sein des Kamwina Nsapu, le « baptême » est une potion censée rendre invulnérable et invincible celui qui la boit.

Prendre le baptême est l’une des étapes essentielles du processus d’initiation. Les personnages clefs sont les féticheurs, les « gardiens de la coutume ». Chaque Tshiota a son féticheur, comme chaque groupe de miliciens a son chef. Les féticheurs organisent les rites d’initiation et préparent le baptême. Ceci explique aussi le caractère déstructuré de l’insurrection. Chaque Tshiota peut engendrer plusieurs groupes de miliciens qui, depuis la mort de Jean prince Mpandi, ne répondent plus à un seul chef.

Les Kamwina Nsapu s’attaquent avant tout aux symboles de l’État qui représente, de leur point de vue, un régime répressif et usurpateur, donc considéré comme « ennemi ». C’est l’État des « étrangers » qui parlent une autre langue et qu’il faut chasser de la terre sacrée. Leur cibles privilégiées sont les forces de sécurité: l’armée, la police, l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) et la Direction générale des Migrations (DGM). La Commission électorales est également visée, car elle est accusée d’avoir manipulé le processus électoral. Les « ennemis » peuvent être décapités après avoir été publiquement accusés.

Les Kamwina Nsapu considèrent comme des « traîtres » ces Kasaïens, chefs coutumiers ou autorités locales, qui refusent de rejoindre les Kamwina Nsapu ou qui prennent le parti de l’État. Les conflits coutumiers expliquent largement la propagation de l’insurrection. Plus d’une centaine ce chefs coutumiers ont accusé le pouvoir politico administratif de s’ingérer dans les affaires coutumières, en créant des doublons ou des nouvelles chefferies. Les traîtres sont souvent les premières cibles. Ils peuvent également être décapités.

Les écoles et l’Église catholique aussi sont particulièrement visées. Les jeunes miliciens l’expliquent souvent par le fait qu’eux-mêmes ne peuvent pas étudier. C’est la génération de l’école payante. Depuis 1984, l’État paye peu, ou ne paie plus, les enseignants, obligeant les parents à débourser des frais scolaires exorbitants au vu de leur niveau de vie. L’Église catholique, qui gère la moitié des écoles du pays, se retrouve accusée de racket. Du point de vue des miliciens, l’Église catholique est aussi celle qui a permis de maintenir le président Joseph Kabila au pouvoir, en facilitant un dialogue politique à la fin de son deuxième et dernier mandat présidentiel. Les églises et les écoles peuvent être pillées ou même incendiées, leurs personnels violentés, même s’ils sont rarement tués.

d. La goutte d’eau qui a fait débordé le vase

L’influence de Kamuina Nsapu grandit. Non seulement à cause de ses discours contestataires devant la Tshiota, le feu sacré, mais aussi à cause des cérémonies qu’il organise, notamment le baptême, où est administré une potion censée rendre plus fort, voire même invincible aux balles.

Selon un responsable des services de sécurité qui a requis l’anonymat, ces cérémonies, associées à des discours aux accents politiques, se déroulaient déjà avant le 3 avril 2016. Ce jour-là, alors que Kamuina Nsapu est en Afrique du Sud, les forces de l’ordre mènent une perquisition musclée à son domicile.

«Sur la base des informations reçues, au mois d’avril 2016, d’un correspondant des services, signalant la présence d’armes de guerre au groupement dit Kamuina Nsapu, le conseil provincial de sécurité avait dépêché sur place une mission conjointe ANR, FARDC, PNC en vue de procéder à la vérification des faits». (Réponse du vice-Premier ministre de l’Intérieur Emmanuel Ramazani Shadari à la question d’un député de Dibaya, Martin Kabuya, à l’Assemblée nationale, le 17 janvier 2017).

Pour Jean-Prince Mpandi, cette perquisition est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Lorsqu’il revient de son séjour prolongé en Afrique du Sud, où séjourne sa famille, le chef coutumier fait ériger des barricades autour de son domicile et lance une révolte contre les institutions symboles de l’État central.

– Le 23 juillet 2016, de présumés adeptes de Kamuina Nsapu lancent une opération punitive contre Ntenda, un chef coutumier voisin et rival de Jean-Prince Mpandi, car proche du pouvoir central. Une centaine de cases sont brûlées et au moins six personnes tuées.

– Dans la nuit du 3 au 4 août 2016, d’autres miliciens surgissent à la gare et au poste de police de Mfuamba, dans le territoire voisin de Demba. Ils frappent les policiers et emportent une Kalachnikov.

– Le 8 août, le chef coutumier prend d’assaut la ville de Tshimbulu. Commissariat, sous-commissariat, résidences du commandant de la police et du maire de la ville et même le bureau de la Commission électorale… Tout est incendié. Le bilan officiel est de neuf morts, dont cinq policiers.

e. Les deux derniers jours de Kamuina Nsapu

– Le jeudi 11 août 2016, le Conseil national de sécurité (CNS), mené par le vice-Premier ministre de l’Intérieur, Évariste Boshab, est au Kasaï-Central. Tous les chefs des forces et des services de sécurité font partie de la mission. Une délégation de députés nationaux élus dans la province est également dépêchée à Kananga. Parmi eux se trouve l’opposant Clément Kanku, qui est épinglé le jour même par le CNS pour son soutien au chef Kamuina Nsapu sur la base d’écoutes téléphoniques avec un présumé milicien. Les autorités demandent aux députés de transmettre à Jean-Prince Mpandi un ultimatum. Il a 24h pour se rendre aux forces de sécurité. Sinon, il sera tué.

Le chef Kamuina Nsapu propose aux députés de se rendre chez lui pour parler. Il insiste pour que la Monusco intervienne pour garantir sa sécurité.

– Le vendredi 12 août 2016, Jean-Prince Mpandi espère toujours l’arrivée de la délégation de députés. Mais il n’est pas surpris quand il apprend que des militaires s’approchent de son village. Le chef Kamuina Nsapu l’avait annoncé aux députés. S’il doit mourir, il a décidé qu’il mourra chez lui, sur sa terre. Jean-Prince Mpandi va au-devant des forces de sécurité. Blessé, il est obligé de battre en retraite. Aux environs de 16h, le 6e Kamuina Nsapu est tué d’une balle dans le ventre. Son corps est emporté par les forces de l’ordre.

f. L’embrasement du Kasaï

Bien loin d’éteindre le feu, la mort de Jean-Prince Mpandi l’attise et permet à son «rêve» de se réaliser. Une armée de jeunes se lève contre l’autorité de l’État. Sa mort marque le début d’une insurrection sans précédent et d’une répression d’une rare violence dans l’espace du Grand-Kasaï.

Depuis août 2016, le conflit s’est étendu bien au-delà de la zone coutumière de Kamuina Nsapu.

Le Grand Kasaï, havre de paix, est devenu une zone de guerre qui ressemble de plus en plus à l’est de la RDC. Les conflits ethniques sont instrumentalisés à des fins politiques ou économiques.

Début septembre 2016, l’ONU dénombre déjà au moins 51 morts, 21 localités directement affectées par le conflit, 806 cases brûlées, des bâtiments de l’État détruits et près de 12 000 déplacés dans le territoire de Dibaya.

Fin décembre 2016 et début janvier 2017, des renforts militaires arrivent dans le territoire de Kamuina Nsapu. Il s’agit d’une armée commandée par des officiers, pour l’essentiel rwandophones. Parmi ces officiers, il y a aussi ceux-là qu’il accusait de son vivant d’avoir violé ses attributs de pouvoir et de tout faire pour maintenir le président Joseph Kabila au pouvoir après la fin de son deuxième et dernier mandat.

Mais les milicien de Kamwina Nsapu continuent à s’attaquer à tout ce qui est symbole de l’État. Ils lancent leurs «attaques mystiques» les jeudis et les vendredis pour commémorer non seulement la mort du chef, mais aussi se souvenir des heures qui l’ont précédée. Ils tuent, et décapitent même parfois, les agents de l’État qu’ils parviennent à capturer. C’est une violence à caractère politique et les victimes sont ciblées: forces de sécurité, chefs ou autorités locales associés au pouvoir et donc «traîtres», agents de la Commission électorale. Comme les militaires, les jeunes miliciens se photographient et, plus rarement, se filment avec leurs victimes.

Mais c’est avant tout une insurrection populaire. Les commerçants qui se refusent de payer des taxes de plus en plus élevées se disent volontiers « Kamuina Nsapu ». Les jeunes dans les villes glissent dans leurs poches un bandeau rouge, signe emblématique de la révolte. Quand ils sont arrêtés, cela suffit parfois à les transformer en miliciens. Et quand ils arrivent dans les villages, fuyant les forces de sécurité, ils sont facilement acceptés. Les villageois disent se reconnaître dans cette colère. Tout juste leur reprochent-ils de drainer derrière eux les militaires et la mort. Ils leur reprochent aussi, de plus en plus, de s’en prendre aux écoles et aux églises.

L’insurrection se propage dans les cinq provinces de la grande région du Grand Kasaï. Plus le gouvernement réprime, plus les miliciens s’éparpillent et font de nouveaux adeptes. Les Tshiota, «les baptêmes», la révolte contre l’ingérence dans les affaires coutumières, la marginalisation, le refus de la pauvreté et du maintien au pouvoir de Joseph Kabila… Toutes ces thématiques «parlent» aux Kasaïens. La contagion se fait de proche en proche.

g. Un accord trouvé avec la famille de Kamuina Nsapu, mais la crise ne s’arrête pas

Le 17 mars 2017, le nouveau vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadari, annonce la fin du phénomène Kamuina Nsapu. Un accord a été trouvé avec la famille. Un mois plus tard, le nouveau chef Kamuina Nsapu est désigné par des représentants de la famille. Jacques Kabeya Ntumba a travaillé avec le député Clément Kanku à Kinshasa. Il est considéré comme proche des autorités. De très rares voix au sein de la cour s’élèvent pour le contester. Officiellement, le corps de Jean-Prince Mpandi a été rendu à la famille et celle-ci appelle à la fin des hostilités. Mais sur le terrain, rien ne semble changer.1

2. KASAÏ: L’INSURRECTION DE KAMWINA NSAPU ET LA RÉPRESSION DE L’ARMÉE

(Sonia Rolley – Radio France Internationale / RFI)

En l’espace de dix mois, le Grand Kasaï, havre de paix depuis plus de 40 ans, s’est transformé en zone de conflit. Depuis la mort du chef Kamuina Nsapu, on dénombre des centaines, peut-être des milliers de morts, au moins quarante-deux fosses communes et plus d’un million de déplacés. Face à une insurrection sans précédent, les forces de sécurité ont mené une violente campagne de contre-insurrection. La violence a atteint une intensité rare. En dix mois, le conflit entre les adeptes du chef coutumier Kamuina Nsapu et les forces de sécurité a touché cinq provinces.

Les responsables de cette opération de contre-insurrection sont connus. Ils sont le produit des heures les plus sombres de l’histoire du Congo, celles de ses deux guerres et des atrocités qui se perpétuent depuis dans l’Est du pays.

a. Une armée au service d’une « force étrangère d’occupation »

Les Kamuina Nsapu n’ont fait que réagir au déploiement, sur leur territoire, de nouveaux militaires provenant de l’Est du Pays, comme les groupes d’autodéfense de type Maï-Maï l’ont fait au début de la première guerre du Congo. Pour les miliciens, ces militaires, et en particulier ceux qui ont été de toutes les rébellions soutenues par le Rwanda, sont des envahisseurs au même titre que l’armée rwandaise.

Les officiers déployés dans le Grand Kasaï ont commencé leurs carrières en 1996 et 1997, à l’époque de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila. Officiers ou «Kadogo», ce sont, pour la plupart, des soldats de l’est du pays, qui ont été envoyés sur les terres «sacrées» du chef Kamuina Nsapu, au gré des restructurations au sein de l’armée congolaise.

La raison pour laquelle le pouvoir déplace les généraux d’est en ouest, c’est qu’il veut empêcher ces ex-rebelles de se retourner contre le président Joseph Kabila, notamment en les coupant de leurs bases, le Rwanda et l’Ouganda. Ce redéploiement se fait au grand dam des Kasaïens eux-mêmes, qui considèrent ces militaires comme des étrangers, des «Rwandais», présentés comme criminels et oppresseurs.

L’un des premiers à ouvrir la voie Est-Ouest est le général Obed Rwibasira (il est aujourd’hui chef d’état major adjoint de l’armée de terre, chargé de l’administration et de la logistique), jusque-là commandant de la région militaire du Nord-Kivu. Il était accusé de laisser l’armée rwandaise faire des incursions en territoire congolais. Il est transféré en décembre 2004 à Mbuji-Mayi, au Kasaï-Oriental, puis à Kananga, au Kasaï-Central.

Quand la crise du M23 éclate, l’état-major craint que certains de ses officiers se joignent aux mutins. Parmi ces unités, il y a le 811ème régiment commandé par le colonel Innocent Zimurinda, qui est également muté à Kananga en avril 2012. Seuls quelques 700 militaires arrivent à destination. Le reste a rejoint Bosco Ntaganda et la rébellion du M23, y compris Innocent Zimurinda, aujourd’hui réfugié au Rwanda.

b. Le Général Eric Ruhorimbere, un ancien rebelle à la tête de la répression

Chef des opérations, il lui est reproché d’avoir eu un recours excessif à la force et d’être responsable des exécutions sommaires commises par ses militaires dans le Grand Kasaï. S’il est aujourd’hui basé à Mbuji-Mayi au Kasaï-Oriental, Eric Ruhorimbere a été de toutes les rébellions dans l’est du pays. Membre de l’AFDL pendant la première guerre du Congo (1996-1997), officier du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) lors de la deuxième guerre du Congo (1998-2003), on le retrouve, en 2004 lors de la prise de Bukavu, aux côtés du colonel insurgé Jules Mutebutsi. Comme lui, il sera obligé de fuir un temps au Rwanda. Trois ans plus tard, il rejoint, bien que tardivement, le CNDP, la rébellion de Laurent Nkunda. A la différence d’autres rebelles de l’Est, Eric Ruhorimbere ne rallie pas le Mouvement du 23 mars (M23), même s’il a longtemps servi sous les ordres de Bosco Ntaganda, dit «Terminator», qui est à l’origine de cette révolte de 2012. Alors que le M23 fuit en Ouganda et au Rwanda, Eric Ruhorimbere est récompensé pour son apparente fidélité aux FARDC. Bien qu’il fasse partie des généraux considérés par la Monusco comme «rouges», il est promu général en 2014. Joseph Kabila le nomme, en compagnie d’autres généraux «rouges», dans le centre et l’ouest du pays.

c. À Tshimbulu, le colonel François Muhire et 19 fosses communes

Le 8 août 2016, les adeptes de Kamwina Nsapu prennent d’assaut le commissariat et d’autres bâtiments publics. Ces affrontements font une dizaine de morts. Mais c’est à partir de janvier 2017 que « les fleuves de sang » se déversent. En cinq mois, les miliciens attaquent à dix reprises et sont massacrés à Tshimbulu et dans les localités environnantes. Sur les quarante-deux fosses que l’ONU a documentées jusqu’à présent, dix-neuf ont été découvertes à Tshimbulu.

Depuis janvier 2017 et l’apparition de ces fosses communes, l’officier en charge des opérations à Tshimbulu s’appelle François Muhire Sebasonza. Il est affecté au 2101ème régiment, officiellement basé à Kananga. La justice militaire congolaise l’accuse d’être l’un des principaux auteurs d’un massacre (au moins 200 morts et des centaines de maisons brûlées ou pillées) commis à Kitchanga, au Nord-Kivu, en février 2013, lorsqu’il conduisait le 812ème régiment. Après le massacre de Kitchanga, François Muhire et ses hommes disparaissent du théâtre des opérations. Les hommes du 812e régiment sont redéployés dans le Katanga. Mais en 2016, quand le 812e régiment est officiellement censé se trouver au Katanga, loin du Grand Kasaï et lorsque la crise Kamuina Nsapu éclate, au moins quatre des officiers soupçonnés du massacre de Kitchanga sont à Kananga, puis à Tshimbulu, au Kasaï-Central. Sur leurs théâtres d’opération, les fosses communes se multiplient.

Les fosses communes de Tshimbulu sont faciles à repérer. Tous les habitants en parlent. Elles sont toujours près de la route. A côté, sur la piste, il y a des traces de sang, parfois des bras, des jambes, des corps entiers, qui sont mal enfouis ou restent à l’air libre. La terre est fraîchement remuée. Ces fosses se trouvent, pour la plupart, dans un rayon de moins de cinq kilomètres autour de Tshimbulu.

Entre le 8 août 2016 et le 4 janvier 2017, Tshimbulu ne connaît aucun affrontement. Le colonel Muhire et ses hommes arrivent et, juste après le réveillon de décembre 2016, les miliciens lancent leur première attaque. Pour les miliciens Kamuina Nsapu, les officiers FARDC rwandophones sont des « Rwandais », des étrangers qu’il faut chasser de leur « terre sacrée ». Leur arrivée est synonyme d’invasion. Les miliciens attaquent presque chaque mois la ville de Tshimbulu, où sont stationnés ces militaires. Sous les ordres du colonel François Muhire, les FARDC y répondent au lance-roquette.

d. Le «lieutenant Julle», l’autre «boucher»

À Tshimbulu, il y a un autre nom que l’on murmure, c’est celui d’un lieutenant. Julle Bukamumbe se dit Kasaïen. Il serait même originaire du territoire de Kazumba, au Kasaï-Central. C’est un «vrai» Kasaïen parlant tshiluba, mais aussi les deux autres langues parlées au sein de l’armée, le lingala et le swahili. Le «lieutenant Julle» est arrivé fin décembre 2016. Il est plutôt bavard avec la population locale. Il se plaint des mauvaises relations avec les «Rwandais», favorisés par la hiérarchie. Comme les Kamuina Nsapu, il accuse ses compagnons d’armes rwandophones d’être des «étrangers». Mais il ne semble pas très populaire. Le lieutenant Julle «a beaucoup tué», disent les villageois, et pas seulement à Tshimbulu. Des habitants du territoire de Dibaya, là où a démarré l’insurrection, disent avoir reconnu sa voix sur les vidéos de l’assaut mortel contre le chef Kamuina Nsapu, le 12 août 2016. Trois sources disent l’identifier formellement. Parmi elles, il y a l’auteur de l’une des deux vidéos filmées.

e. Tous redéployés vers de nouveaux théâtres d’opérations

Depuis que, le 8 mars 2017, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, le Jordanien Zeid Ra’ad Al Hussein, a appelé à une enquête internationale, les officiers «les plus visibles» de l’armée congolaise ont peu à peu disparu des théâtres d’opérations. Ni le colonel François Muhire, ni le lieutenant Julle Bukamumbe ne sont à l’heure actuelle présents à Tshimbulu. À Kananga, le commandement opérationnel a été pour l’essentiel remplacé. Tous semblent avoir été redéployés vers de nouveaux théâtres d’opérations.2

3. KASAÏ : LE LIVRE BLANC DU GOUVERNEMENT (TOME I)

Préface

À travers ce «Livre Blanc» daté du 12 juin 2017, le Gouvernement congolais veut rétablir la VERITÉ sur les événements malheureux qui ont endeuillé la République Démocratique du Congo en Général, et les Provinces du Kasaï en particulier. Ceci, dans le souci de permettre à l’opinion nationale et internationale de savoir ce qui s’est réellement passé, nonobstant toutes les rumeurs et campagnes d’intoxications

nourries ça et là. Plusieurs civils innocents ont trouvé la mort parce qu’ils ont simplement refusé d’adhérer à l’idéologie de la milice de Kamuina Nsapu. Des centaines de policiers et militaires congolais ont été également tués, puis décapités parce qu’ils ont voulu faire respecter l’ordre public et défendre la patrie. Deux experts de l’Organisation des Nations Unies (ONU) ont été aussi lâchement assassinés, l’un décapité plus tard parce qu’ils ont voulu chercher à connaître ce qui se passait réellement dans le Kasaï Central. Certains éléments des forces de l’ordre de notre pays ont violé le code d’éthique et de déontologie militaire, en s’attaquant violemment aux civils innocents dans le village de Muanza Lomba, dans la Province du Kasaï Oriental. Ces actes qu’ils ont posés n’honorent pas notre pays.

I: Localisation du groupement de Kamuina Nsapu

Le Groupement Kamuina Nsapu est situé dans le Secteur de Dibataïe, Territoire de Dibaya, à plus ou moins 100 km à l’Est de la ville de Kananga. Il est composé de sept villages à savoir, Tshimpanga, Kalunga, Ntambue Kayembe, Nsabanga, Kena Kalamba, Nanshakale et Kamuina Nsapu.

II. Identité et situation administrative de feu Kamuina Nsapu

– Nom, Post-nom et Prénom : Nsapu Pandi Jean-Prince

– Lieu et date de naissance : Tshikula, le 06/04/1966

– Origine: Groupement Kamuina Nsapu, Secteur de Dibataïe, Territoire de Dibaya, Province du Kasaï Central.

Emigré en Afrique du Sud depuis 1998, Monsieur Nsapu Pandi Jean Prince y a obtenu le statut de réfugié politique. En 2009, il crée un parti politique dénommé «SAVEP» (Santé Verte pour le Progrès), dont le siège se trouve dans la Commune de N’Djili, avenue Kibula n°25, à Kinshasa.

En 2012, après la mort de son oncle paternel, le Chef Ntumba Mupala Kamuina Nsapu, ancien membre des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), M. Nsapu Pandi Jean Prince revient au pays pour lui succéder aux fonctions de Chef du Groupement Kamuina Nsapu. Cependant, il n’était pas encore reconnu Chef coutumier, par Arrêté du Ministre de l’Intérieur, comme prévu par la loi.

Contrairement à la rumeur, il n’y a jamais eu une quelconque démarche officielle initiée dans ce sens par le défunt Chef Kamuina Nsapu Pandi … Il n’existe à aucun niveau (Regroupement, Secteur, Territoire, Gouvernement Provincial) un dossier Nsapu Pandi au sein de l’administration du Kasaï Central, ni même de celle du Kasaï Occidental.

III. Genèse du conflit et déroulement des faits

Les faits remontent à mars 2016 par une dénonciation de M. Ngalamulume Dieumerci, militaire démobilisé, qui informe les Services de sécurité de son entretien avec le Chef du Groupement Kamuina Nsapu Pandi Jean Prince. Entretien au cours duquel ce dernier lui fait part de son projet de créer une milice, et demande à M. Ngalamulume Dieumerci d’en être le commandant et d’en assurer l’entraînement. M. Ngalamulume Dieumerci affirme aussi que, pour gagner sa confiance, le Chef Kamuina Nsapu lui a remis une arme du type GP 9 mm de fabrication russe et lui a également montré plusieurs autres armes de guerre, principalement AK-47, à distribuer plus tard aux miliciens qui seront recrutés.

L’ex militaire rend compte à sa famille biologique de son entretien avec le Chef Kamuina Nsapu et celle-ci lui recommande de renoncer à cette offre. M. Ngalamulume se décide alors de dénoncer les faits auprès du Service des Renseignements de la 21ème Région Militaire auprès duquel il dépose le GP 9 mm reçu du Chef de Groupement.

Par la suite, l’Auditeur Supérieur Militaire signera un mandat de perquisition, pour approfondir les enquêtes et, le cas échéant, récupérer les armes et munitions détenus par le Chef Kamuina Nsapu Pandi. Arrivée sur place, la Commission trouvera ce dernier absent de sa résidence, parce qu’en voyage en Afrique du Sud. Plus tard, ces recherches d’armes n’aboutiront à aucun résultat.

Non convaincu des conclusions du mandat de perquisition et sur base de nouveaux éléments en sa possession, le Commandant de la 21ème Région Militaire écrira au Gouverneur de Province du Kasaï Central, M. Alex Kande Mupompa, pour solliciter l’arrestation du Chef Kamuina Nsapu, pour détention illégale d’armes de guerre. En réaction, le Gouverneur de Province exigera préalablement l’approfondissement des premières enquêtes.

Entre temps, le Chef Kamuina Nsapu Pandi, de retour d’Afrique du Sud au mois d’avril 2016, réunira les Chefs des villages de son Groupement, leur demandera à chacun de mettre à sa disposition des jeunes, en vue, selon lui, de «se prendre en charge et de sécuriser sa contrée», contre les militaires qui ont perquisitionné sa résidence en son absence, désacralisé ses attributs de pouvoir traditionnel et qui auraient tenté de violer sa femme.

Il ressort des enregistrements sonores propagés, qu’une allusion est faite à une audience prétendument sollicitée auprès du Gouverneur de la Province du Kasaï Central, mais les Services du protocole du Gouverneur renseignent qu’aucune demande dans ce sens n’avait été enregistrée. Il en est de même des fausses déclarations faisant croire, à l’opinion publique, des exigences politiques d’adhésion préalable de Nsapu Pandi à un parti politique, pour qu’il puisse obtenir son arrêté de reconnaissance.

Le Chef Kamuina Nsapu Pandi réussira en définitive à mobiliser plus de 800 jeunes de son Groupement ainsi que ceux d’autres Groupements voisins, pour renforcer sa milice. Les recrues seront soumis à plusieurs cérémonies ésotériques, à des pratiques fétichistes, à la consommation du chanvre et autres stupéfiants, afin de les rendre invulnérables face aux armes à feu et invincibles face aux balles réelles.

Mais le Chef Kamuina Nsapu Pandi ne se limite pas là. Il va recruter également dans les Groupements voisins. Les Chefs de ces regroupements lui opposent une résistance farouche.

Le Chef Kamuina Nsapu Pandi en colère, envoie des expéditions punitives contre des populations civiles des Groupements hostiles à son mouvement.

C’est ainsi que le Groupement voisin de Ntenda a totalement été ravagé et incendié en date du 20 juillet 2016, du fait que son Chef avait refusé d’adhérer à la cause Kamuina Nsapu. Toutes les cases, une église des Témoins de Jéhovah, le marché local ainsi que les écoles ont été systématiquement brûlés; plusieurs personnes tuées à l’arme à feu et à l’arme blanche; tous les survivants chassés, certains vers le Kasaï Oriental et d’autres vers la ville de Kananga.

La milice de Kamuina Nsapu Pandi dicte ainsi sa loi et impose la terreur dans tout le Secteur de Dibataïe. Elle pourchasse les hommes en uniforme, érige des barrières et procède à des fouilles systématiques de tous véhicules et des passagers. Par la suite, le mouvement s’étend dans les autres Secteurs du Territoire de Dibaya. C’est ainsi que dans la nuit du 21 au 22 juillet 2016, la milice attaque dans le Secteur de Kasangidi, le Sous-Commissariat de Mfuamba et un train en gare, tuant à son passage, tous les hommes en uniforme qui s’y trouvaient.

Le 08 août 2016, elle se rend à Tshimbulu où elle saccage la Mairie, le bureau et la résidence du Commandant de la Police Nationale Congolaise, détruisant méchamment les bureaux de la Commission Electorale Nationale Indépendante, ainsi que tous les symboles de l’Etat. Elle poursuit sa terreur en brûlant publiquement des policiers vifs et en s’attaquant à un autre train à bord duquel se trouvaient des éléments de la Police Nationale Congolaise (PNC) et des Forces Armées de la République Démocratique du Congo qu’elle exécute sans sommation …

Etant donné que le conflit touchait à la sécurité et à la stabilité de la République Démocratique du Congo, le Vice Premier Ministre en charge de l’Intérieur et Sécurité, Evariste Boshab, arriva à Kananga début août 2016, accompagné de tous les responsables nationaux des services de sécurité:

L’Administrateur Général de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR), le Directeur Général des Migrations (DGM), le Commissaire Général de la Police Nationale Congolaise (PNC), le Chef d’Etat Major Adjoint chargé des Renseignements Militaires (DEMIAP), le Directeur National des Renseignements de la Police Nationale Congolaise, l’Administrateur Principal chargé du Département Intérieur de l’ANR. Sept Députés Nationaux faisaient également partie de la délégation, en vue d’obtenir un règlement pacifique de ce conflit: les Honorables Députés Nationaux Clément Kanku, Kapongo, Kalombo, Kankonde, Martin Kabuya, Kamukuni, Manshimb et le Mwami Godefroid Munongo, Sénateur et Président de l’association dénommée Alliance Nationale des Autorités Traditionnelles du Congo (ANATC) dont la suite comprenait les Chefs coutumiers Difima, Mbueshi, Kapena et Mwant Yav. Mais toutes les missions de bons offices menées également par les députés et chefs coutumiers précités ont échoué. Le Chef Kamuina Nsapu Pandi resta intransigeant. Pendant ce temps, les massacres se poursuivent.

C’est ainsi que le Gouvernement de la République décidera de rétablir l’ordre public dans le Territoire de Dibaya. Un mandat d’amener est signé par l’Auditeur Supérieur Militaire de Kananga demandant de conduire le Chef Kamuina Nsapu Pandi à Kananga. Après moult résistance, les affrontements éclatent le 12 août 2016 entre les miliciens du Chef Kamuina Nsapu Pandi et les forces de l’ordre. Six policiers ont été abattus par le Chef lui-même et leurs armes sont arrachées par les miliciens. En colère, les policiers poursuivent les miliciens du Chef Kamuina Nsapu Pandi qui continuaient à attaquer les forces de l’ordre avec des armes à feu. Au cours de ces affrontements, malheureusement le Chef Kamuina Nsapu Pandi sera accidentellement touché par balle et succomba immédiatement.

Il sera inhumé le lendemain à Kananga, après que le Vice-Premier Ministre en charge de l’Intérieur et Sécurité, Evariste Boshab, ait demandé au Mwami Munongo et à ses pairs de contacter la famille du Chef pour que cette dernière vienne retirer le corps du défunt. Faute d’une quelconque réponse et d’une morgue appropriée à Kananga, les autorités ont ainsi décidé de l’enterrement le 13 août 2016.

En novembre 2016, la milice de Kamuina Nsapu Pandi reprend ses opérations. Elle utilise des médias locaux, notamment «Full Contact», pour proférer ses menaces contre le pouvoir public et amorce de nouveau ses attaques contre tous les symboles de l’Etat.

Du 03 au 04 janvier 2017, les miliciens amorcent des exécutions sommaires dont deux policiers et certains civils. Ces attaquent font au total 10 morts. Une trentaine de cadavres seront découverts plus tard par la Croix-Rouge le 05 janvier 2017, dont seize au bord de la rivière Moyo, à près de 125 Km de Kananga. Rien qu’à la fin du mois de Janvier 2017, on déplore 144 morts.

Il convient de relever qu’au fil du temps, ledit mouvement insurrectionnel a évolué et comprend aujourd’hui quatre différents groupes à savoir:

– milice de départ initiée par le défunt Chef Kamuina Nsapu Jean Prince;

– milice créée, dans le cadre des conflits des pouvoirs coutumiers, par les rivaux aux Chefs officiellement reconnus, en vue de conquérir le pouvoir;

– milice regroupant tous les bandits, les aigris, les repris de justice et les autres catégories de délinquants communément appelés «shégués», «kuluna»;

– milice récupérée et entretenue par certains hommes politiques de la Province.

IV. Le caractère terroriste du mode opératoire de Kamuina Nsapu

Les atrocités perpétrées par les éléments Kamuina Nsapu n’ont rien à voir avec une revendication coutumière liée aux pratiques mystiques ou à la reconnaissance d’un pouvoir coutumier.

Il s’agit purement et simplement d’une milice bien organisée, avec des velléités terroristes.

Il s’agit d’un mécanisme pensé, étudié et organisé pour des actions visant à semer la terreur. Cela, avec l’intention manifeste de déstabiliser tous les territoires environnants, la Province du Kasaï Central, voire même le pays tout entier, en menant des actions de désobéissance civile et à des fins bellicistes. Le but ultime étant de mettre toutes les Institutions de la République «à genoux», afin d’imposer leur philosophie et leur loi à tout le pays.

V. Méthodes d’actions et trafic de stupéfiants

Des jeunes combattants, endoctrinés et initiés à des pratiques mystiques, âgés de 8 à 25 ans, recrutés de gré ou de force, tuent et décapitent de sang-froid des innocents.

Ces hommes hyper drogués mènent des actions de terreur, prennent des personnes innocentes en otage et procèdent à des exécutions sommaires, publiques et aux mutilations de cadavres, de nature à maintenir la panique au sein de la population pour s’en servir au titre de levier de négociations.3