Congo Actualité n. 317

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: LA NOMINATION D’UN NOUVEAU PREMIER MINISTRE → SOLUTION OU COMPLICATION DE L’ACTUELLE CRISE POLITIQUE?

  1. LA RÉSOLUTION 2348 DU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU
  2. LA JOURNÉE « VILLES MORTES » DÉCRÉTÉE PAR L’UDPS
  3. LES CONSULTATIONS DU PRÉSIDENT JOSEPH KABILA
    1. L’attitude du Rassemblement de l’Opposition / aile Félix Tshisekedi
    2. Les consultations
  4. LE DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE AU PARLEMENT
  5. LA NOMINATION DU NOUVEAU PREMIER MINISTRE
    1. Les réactions locales
    2. Les réactions internationales

 

ÉDITORIAL: LA NOMINATION D’UN NOUVEAU PREMIER MINISTRE → SOLUTION OU COMPLICATION DE L’ACTUELLE CRISE POLITIQUE?

 

 

 

 

1. LA RÉSOLUTION 2348 DU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU

 

Le 31 mars, le Conseil de Sécurité de l’ONU a publiée la Résolution 2348 sur l’actuelle situation en République Démocratique du Congo. À propos de l’actuelle situation politique, le Conseil

« – Réaffirmant son appui résolu à «l’accord politique global et inclusif» signé à Kinshasa le 31 décembre 2016, saluant les efforts inlassables qu’ont déployés les médiateurs de la Conférence épiscopale nationale du Congo pour faciliter cet accord, et appelant à une mise en œuvre sans délai de l’accord, en toute bonne foi et dans son intégralité, afin que soient organisées, au plus tard en décembre 2017, des élections crédibles, inclusives, apaisées et conduisant à une passation pacifique du pouvoir;

– Rappelant qu’il est essentiel de mettre en œuvre intégralement et promptement l’accord du 31 décembre 2016, pour appuyer la légitimité des institutions de transition, soulignant qu’il est crucial que le prochain cycle électoral se déroule de façon pacifique et crédible, et demandant l’application immédiate des mesures de renforcement de la confiance, conformément aux dispositions de l’accord, notamment en mettant un terme aux restrictions de l’espace politique dans le pays, en particulier aux arrestations et aux détentions arbitraires de membres de l’opposition politique et de représentants de la société civile ainsi qu’aux restrictions imposées aux libertés fondamentales, telles que la liberté d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse;

– Soulignant l’importance pour le Gouvernement de la République démocratique du Congo et ses partenaires nationaux de prendre sans plus attendre toutes les mesures nécessaires, afin d’accélérer les préparatifs des élections, et de créer les conditions nécessaires pour que les activités politiques soient libres et inclusives, y compris de garantir la sécurité de tous les acteurs politiques, et se  réaffirmant déterminé à agir en conséquence envers tous les acteurs congolais, dont les actions et les déclarations entravent la mise en œuvre de l’accord et l’organisation des élections;

  1. Demande à toutes les parties prenantes, y compris au Président Kabila, à la majorité présidentielle et à l’opposition, de mettre en œuvre sans délai l’accord du 31 décembre 2016, en toute bonne foi et dans son intégralité, et à redoubler d’efforts en vue de parvenir rapidement à la conclusion des pourparlers en cours sur les «arrangements particuliers», afin de nommer, sans tarder, un Premier Ministre présenté par le Rassemblement, conformément à l’accord conclu, de mettre en place le Conseil national de suivi de l’accord et d’appliquer pleinement les mesures de confiance, afin de commencer sans plus tarder la préparation des élections présidentielle et législatives qui doivent avoir lieu avant la fin de 2017;
  2. Réaffirme sa volonté d’appuyer pleinement la mise en œuvre de l’accord du 31 décembre 2016;
  3. Demande au Gouvernement de la République démocratique du Congo et à ses partenaires nationaux, en particulier la Commission électorale nationale indépendante (CENI), de veiller à la transparence et à la crédibilité du processus électoral, étant donné qu’il leur incombe au premier chef de créer des conditions propices à la tenue des prochaines élections, en vertu de l’accord du 31 décembre 2016;
  4. Prend note des progrès accomplis dans l’établissement des listes électorales avec le concours de la MONUSCO, demande à la CENI de publier immédiatement un calendrier électoral complet révisé, conformément à l’accord du 31 décembre 2016, et de procéder sans tarder à une mise à jour crédible des listes électorales, demande au Gouvernement de la République démocratique du Congo d’établir rapidement un budget électoral suffisant et crédible pour assurer le déroulement des élections en décembre 2017 au plus tard, conformément à l’accord du 31 décembre et rappelle que, à cet égard, il importera d’instaurer effectivement le Conseil national de suivi de l’accord et le Gouvernement d’unité nationale;
  5. Demande au Parlement, pendant la session ordinaire ouverte le 15 mars 2017, de modifier la loi électorale selon qu’il conviendra, pour que le calendrier électoral soit conforme à l’accord du 31 décembre 2016;
  6. Exhorte le Gouvernement et toutes les autres parties concernées à créer les conditions nécessaires, pour que le processus électoral soit libre, juste, crédible, ouvert, transparent, pacifique et conforme au calendrier électoral et à la Constitution congolaise, qu’il s’accompagne d’un débat politique libre et constructif, et que soient assurés la liberté d’opinion et d’expression, y compris pour la presse, la liberté de réunion, un accès équitable aux médias, y compris aux médias d’État, la sécurité de tous les acteurs politiques et la liberté de circulation de tous les candidats, ainsi que des observateurs et témoins, des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des acteurs de la société civile, notamment des femmes;
  7. Souligne qu’une mise en œuvre complète et rapide de l’accord du 31 décembre 2016 est essentielle, pour appuyer la légitimité des institutions chargées de la transition, exprime son plein appui à la médiation conduite par la Conférence épiscopale nationale du Congo, demande instamment à toutes les parties prenantes nationales de poursuivre la concertation de manière transparente et ouverte et de coopérer avec la Conférence à cet égard, et prie le Secrétaire général de fournir un appui politique à ces efforts, conformément aux dispositions de la présente résolution, notamment en usant de ses bons offices».[1]

 

 

2. LA JOURNÉE « VILLES MORTES » DÉCRÉTÉE PAR L’UDPS

 

Le 3 avril, la journée ville morte décrétée par l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) sur toute l’étendue du pays, pour protester contre la non application de l’Accord du 31 décembre, a été suivie de façon différente dans les différentes villes du territoire national.

À Kinshasa, la vie tournait au ralenti. A 8h45, des commerces sont fermés, les marchés quasiment vides et plusieurs supermarchés n’ont pas encore ouvert. La circulation est très timide sur les principales artères de la ville. Les moyens de transports en commun sont rares, alors que des piétons déferlaient à pied des quartiers populaires de l’est de la capitale congolaise vers le centre des affaires pour rejoindre leurs lieux de travail ou de débrouille.

Vers 6h30, des vendeuses de patates douces et autres produits agricoles étalaient leurs marchandises dans un marché de Kingasani. «Nous n’avons rien à faire avec des mots d’ordre des politiciens de tous les bords. Notre problème c’est de trouver de quoi nourrir nos enfants, les envoyer à l’école. La vie est devenue intenable pour nous le petit peuple tandis que eux (politiciens) vivent aisément», s’enflammait Albertine Bulanga, vendeuse de maïs dans un marché de Kingasani.

Au centre-ville de Lubumbashi (Haut-Katanga), la plupart des magasins et marchés ont ouvert comme à l’accoutumée. Les véhicules de transport en commun sont visibles sur les différentes artères de la ville. Cependant, au quartier Matshipisha et dans la commune de la Kenya, deux points chauds de la ville, tout a tourné au ralenti et la plus part des commerces étaient fermés.

Les activités sont restées paralysées au port de Matadi (Kongo-Central) et dans le reste de la ville, les magasins et boutiques n’ont pas ouvert.

Même situation dans la ville de Beni, située à 350 km au Nord de Goma (Nord-Kivu). Le Boulevard Nyamwisi, l’artère principale de la ville, la circulation a été fluide et la majorité des boutiques et magasins le long de cette chaussée ont été fermés, à l’exception de quelques banques commerciales et stations-service.

A Kananga, capitale du Kasaï central, une région en proie à une rébellion qui a fait plus de 400 morts depuis septembre, toutes les banques, les marchés, les magasins et les sociétés de télécommunication sont fermés. Tous les bureaux de l’administration publique n’ont pas ouverts.

Au centre-ville de Goma, toutes les activités ont tourné normalement: les magasins, les banques et les petits commerces ont ouvert leurs portes, comme d’habitude. La circulation était normale.

Dans les villes de l’ex-Equateur, les fonctionnaires se sont rendus au service. Les marchés, magasins et échoppes ont ouvert à Mbandaka (Equateur), à Lisala et à Bumba (Mongala), à Boende, Basankusu (Tshuapa) et à Gbadolite (Nord-Ubangi). La situation était normale à Bunia (Ituri), à Bandundu (Kwilu) et à Kisangani (Tshopo).[2]

 

L’appel à la grève était considéré comme un test de l’opposition après la mort de M. Tshisekedi, président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Augustin Kabuya, porte-parole de l’UDPS, a déclaré: «C’est une réussite parce que la population a répondu favorablement à notre appel. Il n’y a pas eu d’activités sur toute l’étendue du pays. La population est avec nous».

Cependant, selon Célestin Tunda, un des porte-paroles de la majorité, «la journée a été troublée, mais elle est restée ouverte (…) il y a eu quelques perturbations le matin». L’absence des élèves, qui sont en congé de Pâques, a accentué l’impression de « ville morte » à Kinshasa. D’autre part, une bonne majorité de ceux qui sont restés à la maison ne l’ont pas fait par conviction, mais par peur d’éventuels troubles.[3]

 

Le Rassemblement, initiateur de cette journée ville morte pour exiger l’application de l’accord du 31 décembre, a affirmé que son appel a été suivi par la population. Selon Christophe Lutundula, cadre du G7 et du Rassemblement, cette action a permis de faire valoir les revendications de la population. Il a affirmé que «la journée ville morte a été suivie. C’est le premier signal de la reprise des manifestations pacifiques par la population pour soutenir les revendications et l’action du Rassemblement. La mise en œuvre de l’accord est bloquée par ceux qui nous gouvernent, plus précisément par le Président de la République et ses partisans. Il faut recourir à ce qui est autorisé par la loi et par les règles les plus élémentaires de la démocratie pour obtenir le déblocage de la mise en œuvre de l’accord». Christophe Lutundula a estimé que le pouvoir en place doit plutôt «tenir compte de la portée politique de cette action».

Par contre, le vice-ministre de l’Intérieur, Basile Olongo Pongo, a fait «le constat d’échec de la ville morte décrétée par l’opposition». Selon lui, la population a vaqué à ses occupations habituelles. Il a appelé le Rassemblement à se mettre autour d’une table avec la Majorité pour résoudre la crise politique de l’heure.[4]

 

 

3. LES CONSULTATIONS DU PRÉSIDENT JOSEPH KABILA

 

Le 2 avril, deux membres d’une commission créée par le Président Kabila pour préparer la tenue des consultations, Aubin Minaku et Adolphe Lumanu, ont rencontré une délégation du Rassemblement /  aile de Joseph Olenghankoy pour des discussions informelles autour de l’application de l’accord du 31 décembre. Selon certaines informations, Aubin Minaku et Adolphe Lumanu ont rencontré Bruno Tshibala, Roger Lumbala et Joseph Olenghankoy pour des discussions qui ont essentiellement tourné sur la nomination du Premier ministre et la désignation du président du Conseil national de suivi de l’accord. Par ailleurs, l’aile de Joseph Olenghankoy aurait dit être prête à remettre au président Kabila les trois noms des candidats Premiers ministres issus de son rang, alors que cette question constitue un des principaux points de blocage pour l’application de cet accord.[5]

 

Le 3 avril, après l’échec des négociations directes au Centre Interdiocésain, le président de la République, Joseph Kabila, a entamé des consultations avec la classe politique sur la mise en œuvre de l’accord du 31 décembre dernier, pour cogérer la transition qui doit aboutir à l’organisation des élections avant la fin de cette année.[6]

 

a. L’attitude du Rassemblement de l’Opposition / aile Félix Tshisekedi

 

Le 3 avril, intervenant sur les Antennes de Top Congo, un des membres du Rassemblement, le député Delly Sessanga Ipungu, a affirmé que leur plateforme dirigée par Félix Tshisekedi et Pierre Lumbi n’a pas été officiellement notifiée pour prendre part aux consultations initiées par le Président Kabila. Delly Sessanga a toutefois fait savoir que le Rassemblement est prêt à rencontrer Joseph Kabila comme partie à la crise et non comme arbitre dans un cadre institutionnel. Il a rappelé que, par la bouche de son président Félix Tshisekedi, le Rassemblement a toujours réclamé des négociations directes avec le président Kabila, pour résoudre les questions qui n’ont pas été réglées au niveau des arrangements particuliers, notamment le mode de désignation du Premier ministre, la présidence du Conseil national de suivi de l’Accord et le rôle de la Cenco.[7]

 

Le 3 avril, dans la soirée, le Rassemblement / aile Félix Tshisekedi a levé l’option de ne pas répondre à l’invitation du président Kabila. Après une très longue réunion, les membres du Rassemblement de l’opposition ont considéré que le président Kabila arrivé fin mandat, est le problème. «Il n’a pas organisé les élections dans le délai constitutionnel. Et donc, il ne peut pas être la solution», explique l’opposant Jean Claude Vuemba, cadre du Rassemblement. Pour Félix Tshisekedi et son groupe, le président Kabila n’a qu’à appliquer l’Accord en nommant le premier ministre proposé par sa plateforme, et en laissant travailler le président du Conseil national de suivi, qui devra sortir également de son regroupement. «Toute autre démarche n’est que pure distraction», rappelle un leader G7.

Avec le refus de cette aile du Rassemblement de rencontrer le chef de l’État, une nouvelle page de la confrontation musclée s’ouvre de nouveau entre le régime Kabila et le Rassemblement.

La Majorité pourrait brandir le refus du camp Félix Tshisekedi, comme une preuve de mauvaise foi, pour composer avec l’aile Kasavubu du Rassemblement. C’est le schéma que redoute d’ailleurs le Rassemblement / aile Félix Tshisekedi. Pour ce regroupement, les consultations du président Kabila visent à légitimer son plan de nomination du premier ministre dans les rangs de la dissidence du Rassemblement (Bruno Tshibala?). Cette dissidence a dit haut et fort qu’elle était prête à donner 3 noms pour que le président nomme l’un d’eux comme chef du gouvernement. Ce Plan de Kabila viserait aussi à déposséder le Rassemblement du poste du président du CNSA. D’où la floraison des candidatures des personnalités qui n’appartiennent même pas au Rassemblement conformément à l’accord du 31 décembre.[8]

 

Le 3 avril, dans un communiqué publié et signé par Félix Tshisekedi, le Rassemblement de l’opposition / aile Félix Tshisekedi a fait savoir que «le président Kabila, à l’origine de la crise actuelle, ne peut pas s’ériger en arbitre». Le Rassemblement a indiqué qu’il a dénoncé à plusieurs reprises «les manœuvres de blocage de l’application de l’accord du 31 décembre 2016 entreprises par Monsieur Kabila et sa famille politique, qui ont systématiquement saboté les négociations sur l’arrangement particulier». Le Rassemblement de l’opposition / aile Félix Tshisekedi a estimé que «la mise en œuvre de l’accord du 31 décembre 2016 implique la finalisation de l’arrangement particulier, la poursuite des concertations de manière transparente et ouverte, avec la coopération de la CENCO ainsi que les bons offices du secrétaire général des Nations unies, conformément à la résolution 2348 du Conseil de Sécurité de l’Onu».[9]

 

Le 4 avril, dans une interview, Martin Fayulu, membre de la Dynamique de l’opposition, explique les raisons du rejet par le Rassemblement des consultations menées par Joseph Kabila au Palais de la Nation. Le Président du l’ECIDE a dit que le Rassemblement ne croit pas en la bonne volonté de Joseph Kabila, qui aurait pu être manifestée au moment du blocage à la CENCO.

Selon Martin Fayulu, «le Rassemblement refuse les consultations de Joseph Kabila tout simplement parce qu’il est lui le problème. C’est lui qui a fait bloquer l’arrangement particulier. Ses gens n’ont pas pu signer les négociations simplement parce qu’ils ont reçu ses instructions. Alors étant lui-même le problème, il ne peut pas être la solution. Il veut nous consulter en qualité de qui, puisqu’il a terminé son mandat depuis le 19 décembre 2016? Aujourd’hui, il est un citoyen congolais comme tout le monde. Si l’accord n’est pas appliqué, toutes les institutions sont illégitimes, y compris la Présidence de la République. Donc nous serons autour d’une table avec Kabila seulement  s’il y a un médiateur extérieur. Au dialogue du Centre interdiocésain il y avait les signataires et les non-signataires de l’accord du 18 octobre. Ce sont ces deux parties prenantes qui doivent régler l’affaire. Donc Monsieur Kabila est une partie prenante et il ne peut pas se placer au dessus de la mêlée».[10]

 

b. Les consultations

 

Le 3 avril, dans l’après midi, au Palais de la Nation, Joseph Kabila a reçu quatre délégations: celle de la Société civile signataire de l’accord du 18 octobre, celle de l’Opposition signataire de l’accord du 18 octobre et celle de l’Opposition Républicaine.[11]

 

En marge de ces consultations, la délégation de l’opposition signataire de l’accord du 18 octobre a remis au président de la République sa proposition du candidat à la présidence du CNSA. Le nom n’a pas été révélé dans la presse. Vital Kamerhe, qui a conduit cette délégation, a plaidé pour une personne consensuelle. «A partir du moment où Étienne Tshisekedi n’est plus, le poste de la présidence du Conseil national de suivi de l’accord est désormais ouvert à toutes les composantes», a affirmé le président de l’UNC. Ainsi Vital Kamerhe a invité toute la classe politique à se concentrer sur la priorité, à savoir les élections, et à éviter le débat autour des postes qu’il qualifie d’une distraction.[12]

 

Le 4 avril, dans le cadre des consultations entamées en vue de parvenir à la mise en œuvre de  l’Accord du 31 décembre, le Président Joseph Kabila a reçu les délégations du Rassemblement de l’Opposition / aile Olengha Nkoyi, de la société civile non signataire de l’accord du 18 octobre, du Front pour le Respect de la Constitution et de la Majorité Présidentielle. Le Rassemblement a maintenu sa décision de boycotter cette rencontre avec le président Joseph Kabila.[13]

 

Le 4 avril, la délégation du Rassemblement / aile Olengha Nkoy a rencontré le Président Joseph Kabila dans le cadre des consultations. Conduite par Bruno Tshibala, cette délégation a évoqué deux points qui permettront, selon elle, la mise en œuvre de l’accord. «En ce qui concerne la désignation du Premier Ministre, le Rassemblement / aile Olenghankoy a fait une proposition au Chef de l’Etat et c’est à lui d’en donner la teneur au peuple congolais», a dit Bruno Tshibala au sortir de l’audience. D’après certains informations, le Rassemblement/ aile Joseph Olenghankoy a déposé auprès du président Joseph Kabila une liste des 5 noms pour le choix et la nomination d’un premier ministre. Bruno Tshibala, Valentin Mubake, Felix Tshisekedi, Raphaël Katebe et Roger Lumbala sont les candidats proposés.

En ce qui concerne le Président du CNSA, Bruno Tshibala est formel: c’est Olenghankoy qui a été désigné président du conseil des sages du Rassemblement. Pour Bruno Tshibala, le retour à l’unité du Rassemblement doit impérativement passer par le retour à l’ancienne configuration, celle de Genval: le Conseil des sages et la coordination des action.[14]

 

Le 4 avril, le Front pour le Respect de la Constitution, reçu par le Président Joseph Kabila, lui a rappelé «sa disponibilité pour la Présidence du CNSA». «En son temps, le choix d’Etienne Tshisekedi ne posait pas problème, parce que c’était à l’unanimité. Nous récusons le fait que le président du Conseil des sages [du Rassemblement] devrait automatiquement être le président du CNSA aussi», a dénoncé Fidèle Babala qui conduisait cette délégation. Le Front plaide pour un consensus autour de la désignation du Président du Conseil national de suivi de l’accord. Pour le Front, ce poste devrait lui revenir car, ne participant pas au prochain gouvernement, il serait la composante qui pourrait mieux surveiller les membres du gouvernement, censés mobiliser les fonds pour organiser les élections. Selon les déclarations de Fidèle Babala, le Front rejette l’idée de participer au gouvernement de transition, qui devrait être dirigé par le Rassemblement. Il a donc affirmé: «Nous avons réitéré notre volonté de ne pas participer au prochain gouvernement. Nous avons dit que c’est une question à régler entre la MP et le Rassemblement».[15]

 

Le 4 avril, Valentin Mubake, cadre de l’UDPS et du Rassemblement de l’opposition, a été reçu par Joseph Kabila, enfreignant ainsi une consigne de sa plate-forme qui boycotte les consultations lancées par le président de la République. «Je ne suis pas ici pour représenter un regroupement politique quelconque. J’ai été invité par le Chef de l’Etat en tant que personnalité. Nous avons échangé sur la situation politique du pays et l’accord de la St Sylvestre pour voir comment aller de l’avant pour le mettre en application de manière intégrale et le plus rapidement possible», a déclaré à la presse l’ancien conseiller politique d’Etienne Tshisekedi. Valentin Mubake a salué une «démarche louable du chef de l’Etat pour autant que c’est le Congo qui est au cœur de ces consultations». Concernant les deux points d’achoppement de l’application de l’accord du 31 décembre, Valentin Mubake dit avoir fait des propositions au Chef de l’Etat, sans les révéler, soulignant que ces propositions avaient déjà été formulées par le Rassemblement. «Le président attendait de moi des propositions concrètes. J’ai fait des propositions au chef de l’Etat, laissez au président de la République le soin d’apprécier toutes ces propositions», a-t-il répondu aux questions insistantes des journalistes.[16]

 

Le 5 avril, Valentin Mubake, membre de l’UDPS et délégué du Rassemblement au dialogue politique inclusif a été exclu du parti. Selon un communiqué signé par Jean Marc Kabund, secrétaire général de l’UDPS, il lui est reproché d’avoir rencontré mardi 4 avril le Président Joseph Kabila, dans le cadre des consultations initiées par ce dernier alors que le parti avait décliné l’invitation. Pour l’UDPS, le comportement de Valentin Mubake est un manquement grave aux statuts et règlement intérieur du parti. Il s’est rendu coupable du non-respect de la hiérarchie, des instructions du parti et de vagabondage politique, selon l’UDPS. Selon ce même communiqué, «à dater de ce mercredi 5 avril 2017, la présidence du parti prend acte et constate l’auto-exclusion de Monsieur Valentin Mubake et lui interdit d’utiliser la dénomination du parti, son logo, son insigne et de parler en son nom».[17]

 

Le 6 avril, dans une interview, le ministre en charge de relation avec le parlement, Justin Bitakwira, a considéré que «Felix Tshisekedi s’est disqualifié du fait de son arrogance vis-à-vis du chef de l’Etat», pour avoir refusé de rencontrer le président Kabila lors des dernières consultations initiées au Palais de la Nation. «Où avez-vous vu quelqu’un, qui veut devenir Premier ministre, décliner l’invitation de celui qui doit le nommer? Il a perdu l’opportunité de devenir Premier ministre avec Joseph Kabila. C’est de l’arrogance inutile qui va lui coûter cher», a dit Justin Bitakwira qui a mis en garde quiconque voudrait «prendre le pays en otage au nom de ses intérêts personnels».[18]

 

Le 7 avril, au cours d’une conférence de presse, Valentin Mubake, a expliqué les dessous de son éradication du parti, qu’il réfute pourtant. Il a affirmé que c’est Félix Tshisekedi, le fils d’Etienne Tshisekedi, décédé le 1er février dernier à Bruxelles, qui est à la base de cette «manoeuvre», En effet, Valentin Mubake conteste la désignation de Félix Tshisekedi comme candidat officiel du Rassemblement au poste du Premier ministre. Il explique pourquoi: «Le président Etienne Tshisekedi m’a fait appeler, pour me dire: tu seras le Premier ministre. Après, il a même convoquer toute sa famille, leur disant la même chose devant moi. Et il ne s’est pas arrêté là, il a appelé les chefs de toutes les plateformes du Rassemblement, leur disant de ne pas convoiter le poste du Premier ministre, il revient à un candidat de l’UDPS», en poursuivant: «Comment Etienne Tshisekedi pouvait-il dire ça et au même moment signer une lettre en mettant le nom de quelqu’un d’autre?».

Concernant sa rencontre avec le président Joseph Kabila, Valentin Mubake a affirmé que le Président congolais lui a confié que jamais il ne nommera le fils de Tshisekedi au poste de Premier ministre, lui expliquant qu’il s’était entretenu «à peine quelques jours avant», avec l’intéressé. Selon Valentin Mubake, Kabila lui aurait dit que, «pas plu tard que les jours passés, Félix [Tshisekedi] était ici, avec le Conseiller spécial du président Sassou Nguesso, Monsieur Abbas. Moi je croyais qu’il était question de parler des obsèques de son père, Étienne Tshisekedi, mais à ma grande surprise, je l’ai vu commencer à parler de la Primature. J’ai interrompu cette conversation».

De ce qu’il aurait dit au président Kabila, Valentin Mubake affirme avoir fait savoir sa désignation au poste du Premier ministre par le Lider-Maximo: «J’ai expliqué au président Kabila que Etienne Tshisekedi de son vivant m’avait choisi comme Premier ministre, mais que la signature lui revenait, et qu’il devait juste savoir la vérité avant de prendre sa décision».

Au sujet du CNSA, Valentin Mubake aurait dit au Président Kabila que «ce poste revient à l’UDPS et il ne peut pas être objet de négociations. Si l’UDPS n’a pas un profil qui fait consensus, c’est à lui de choisir cette personne au sein du Rassemblement. Mais j’ai dit au président: Pierre Lumbi (membre du G7) ne peut pas succéder à Etienne Tshisekedi (Ancien président de l’UDPS)».[19]

 

Au sujet de la primature dont le candidat doit provenir du Rassemblement, Valentin Mubake avait déjà affirmé, le 20 mars, qu’Etienne Tshisekedi lui avait rassuré le 24 janvier 2017 avant son voyage pour Bruxelles que c’était lui son choix. «Le président m’a invité et il m’a dit que j’étais son choix pour la primature», avait-il précisé.

Le débat sur l’authenticité de la fameuse lettre qu’Etienne Tshisekedi aurait laissée demeure toujours d’actualité, d’autant plus que son contenu n’a jamais été dévoilé par la CENCO à qui la lettre était remise pour transmission au chef de l’État afin de nommer le prochain Premier ministre.

Certains cadres du Rassemblement sont toujours dubitatifs quant à ce, malgré des nombreuses confirmations de la part des dirigeants actuels du Rassemblement.[20]

 

 

4. LE DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE AU PARLEMENT

 

Le 5 avril, devant le deux chambres du Parlement réunies en Congrès, le président Joseph Kabila a promis de nommer un nouveau Premier ministre dans les 48 heures. Quant au poste de Président du Conseil National de Suivi de l’Accord du 31 décembre, il a exhorté la classe politique à poursuivre les tractations pour trouver une personnalité consensuelle.

Voici, en résumé, quelques points relatifs à l’actuelle situation politique:

  1. Le pays ne doit plus être l’otage d’intérêts personnels et de lutte de positionnement des acteurs politiques.
  2. Les élections auront bel et bien lieu sans toutefois préciser quand, a-t-il promis.

Il a dit non à l’ingérence étrangère dans le pilotage et le déroulement du processus électoral.

  1. Il a invité le Rassemblement à surmonter ses querelles intestines et a harmonisé les vues sur la liste des candidats premier ministre ayant le profil.
  2. Il a annoncé la nomination d’un nouveau premier ministre dans 48 soit le 7 avril prochain.
  3. Il a appelé le Parlement à voter la loi organique sur le CNSA et a demandé à la classe politique d’accélérer les tractations pour designer une personne «consensuelle».

 

Voici la partie du discours du président Kabila relative à la crise politique actuelle:

«La recherche du consensus m’a inspiré, dans la convocation, en novembre 2015, du dialogue politique national inclusif tenu sous la facilitation internationale de l’Union Africaine.

Ce Forum, précédé lui-même du pré-dialogue entre la Majorité et l’UDPS, tenu dans plusieurs villes européennes, débouchera, à la Cité de l’Union Africaine, sur l’Accord du 18 octobre 2016, entre l’Opposition politique, la Société civile et la Majorité.

Quoique cet Accord ait jeté des bases solides à nos attentes, j’avais résolu de déférer à l’impératif de l’inclusivité en vue d’un plus large consensus des parties prenantes au processus électoral, en confiant à la Conférence Episcopale Nationale du Congo une mission de bons offices auprès du «Rassemblement» de l’Opposition.

C’est ici le lieu de rendre hommage aux Evêques de l’Eglise catholique pour l’excellent travail abattu, ayant donné lieu à l’Accord du 31 décembre dernier, et à certains points de convergence sur les modalités de mise en œuvre dudit Accord.

Hélas, en dépit de leurs efforts louables ayant permis l’atteinte de plus de 90% des résultats escomptés, les parties prenantes n’ont pu dégager de consensus sur deux points concernant respectivement la désignation du Premier Ministre et celle du Président du Conseil National de Suivi de l’Accord, tel que renseigné dans le rapport final de médiation me transmis en date du 28 mars dernier.

J’aimerais rappeler, une fois de plus, que l’objectif poursuivi en organisant le Dialogue est, et reste, l’organisation des élections apaisées.

Je félicite pour cela notre Centrale électorale qui, dans des conditions extrêmement difficiles, a abattu un travail remarquable ayant permis, à ce jour, de dépasser la barre de 21.500.000 électeurs enrôlés avec, essentiellement, le financement propre du Gouvernement de la République, évalué à ce jour, à 320 millions de dollars.

Je voudrais annoncer solennellement à notre peuple, que les élections auront bel et bien lieu. Que ceux qui en doutent encore soient rassurés. Tout sera mis en œuvre, en effet, pour atteindre cet objectif, conformément au calendrier qui sera fixé par la CENI.

L’Accord du 18 octobre, comme celui du 31 décembre 2016 ayant dégagé le consensus jadis recherché sur la problématique des séquences des élections et du fichier électoral, aussitôt celui-ci constitué, et la répartition des sièges déterminée par une Loi qui sera adoptée par les deux Chambres, plus rien ne devra empêcher la convocation du scrutin.

Ce processus étant l’œuvre des Congolais, financé par les Congolais eux-mêmes, aucune ingérence étrangère ni dans son pilotage, moins encore dans son déroulement, ne sera tolérée. Comme dans tout autre pays membre des Nations Unies, il s’agit là d’une question de politique intérieure et relevant, en conséquence, de la souveraineté nationale. Et notre devoir, c’est bien celui de défendre justement l’indépendance et la souveraineté nationales, conformément à l’engagement pris devant notre peuple, aux termes de notre serment constitutionnel.

Au cours de ces dernières 48 heures, j’ai été à l’écoute de la classe politique et sociale qui a répondu à mon invitation. J’ai noté une convergence des vues, notamment sur l’urgence qu’impose le règlement de deux points relatifs à la mise en œuvre de l’Accord, spécialement en ce qui concerne la question de la désignation d’un nouveau Premier Ministre.

A ce propos, un large consensus s’étant dégagé sur la procédure de désignation de celui-ci, et sur les compétences de l’autorité de nomination, j’invite le « Rassemblement » à surmonter ses querelles intestines et à harmoniser les vues sur la liste des candidats Premier Ministre ayant le profil requis et convenu, comme souhaité depuis plusieurs mois, en vue d’accélérer le processus de formation du nouveau Gouvernement d’Union Nationale.

Comme relevé dans mon message de novembre 2016, et tenant compte du fait que le pays ne doit plus être l’otage d’intérêts personnels et de lutte de positionnement des acteurs politiques, le Premier Ministre sera impérativement nommé dans les 48 heures.

Quant à la présidence du Conseil National de Suivi de l’Accord, je demande aux deux Chambres du Parlement d’adopter rapidement la Loi organique y relative, en même temps que j’en appelle à l’accélération des tractations au sein de la classe politique en vue de la désignation, dans la foulée de l’entrée en fonction du nouveau Gouvernement, d’une personnalité consensuelle devant présider cette structure».[21]

 

Le 5 avril, dans un communiqué, le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement dirigé par Félix Tshisekedi a réagi au discours de Joseph Kabila sur l’état de la nation et dit s’en tenir au seul accord du 31 décembre, afin d’aboutir à l’organisation des élections en décembre 2017. Le Rassemblement dit ne trouver aucun problème en son sein qui serait de nature à empêcher la présentation du premier ministre pour la nomination par le chef de l’Etat.

Le Rassemblement déclare ne s’en tenir qu’à la lettre et à l’esprit de l’accord du 31 décembre et refuse de souscrire à toute démarche contraire.

«Le Rassemblement continue à soutenir que seule la mise en œuvre intégrale de l’Accord du 31 décembre 2016 est à même d’ouvrir la voie à l’organisation d’élections crédibles et apaisées d’ici le 31 décembre 2017. Car, c’est par une alternance démocratique que le peuple congolais trouvera les solutions appropriées aux différents défis de son existence.

– Pour le Rassemblement, la finalisation et la signature de l’arrangement particulier sont une urgence nationale pour rendre effective l’application de cet accord, tel que recommandé par ailleurs par la résolution 2348 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies du 31 mars 2017.

– Dès lors, le Rassemblement ne peut souscrire qu’à une démarche qui respecte l’esprit et la lettre de l’Accord. Cette démarche doit apporter diligemment des réponses conséquentes aux deux divergences restées pendantes pour la signature de l’arrangement particulier.

– S’agissant du premier ministre, le Rassemblement affirme qu’il n’existe, en son sein, aucun problème pouvant empêcher sa présentation par lui et sa nomination par le Président de la République conformément à l’accord

– Concernant le Conseil National de Suivi de l’Accord et du processus électoral, le Rassemblement s’en tient aux dispositions pertinentes de l’accord qui lie toutes les parties prenantes.

– En conclusion, le Rassemblement affirme sa disponibilité à contribuer à la recherche de toute solution susceptible de rendre effective l’application intégrale de l’Accord, dans l’intérêt supérieur de la Nation».[22]

 

 

5. LA NOMINATION DU NOUVEAU PREMIER MINISTRE

 

Le 7 avril, le Premier ministre Samy Badibanga a officiellement démissionné de son poste, à l’issue de l’audience que lui a accordé Joseph Kabila au Palais de la Nation. Cette démission intervient deux jours après le discours sur l’état de la nation que le président Joseph Kabila a prononcé devant le Congrès. Lors de ce discours, le Président de la République avait annoncé la nomination d’un nouveau Premier ministre dans les 48 heures.[23]

 

Le 7 avril, le président Kabila a nommé Bruno Tshibala Nzenze comme premier ministre. L’ordonnance de sa nomination a été lue sur les antennes de la RTNC dans le journal de 20heures.

Cette nomination intervient sans signature de l’arrangement particulier fixant les modalités de la mise en place de l’accord signé le 31 décembre dernier entre le Pouvoir et l’Opposition.

En octobre 2016, alors secrétaire général-adjoint de l’UDPS, Bruno Tshibala avait été arrêté à l’aéroport de Kinshasa en partance pour une mission officielle du parti. Il était accusé, selon le procureur général de la République, d’avoir organisé des manifestations des 19 et 20 septembre à Kinshasa. Des événements qui avaient dégénéré en heurts sanglants entre militants anti-Kabila et les forces de l’ordre. Il avait été libéré en novembre de la même année.

Outre ses fonctions au sein de l’UDPS, Bruno Tshibala était également porte-parole du Rassemblement de l’opposition constitué en juin 2015 autour d’Étienne Tshisekedi. Après la mort d’Etienne Tshisekedi, le Rassemblement va se restructurer. Le poste du président est créé au sein de cette plateforme. Bruno Tshibala va contester cette réorganisation qui porte Félix Tshisekedi et Pierre Lumbi respectivement président et président du conseil des sages. Bruno Tshibala va se désolidariser du Rassemblement piloté par le tandem Tshisekedi-Lumbi, pour se rallier à Joseph Olenghankoyi. Il est donc exclu de l’UDPS et du Rassemblement de l’Opposition / aile Tshisehedi-Lumbi.[24]

 

a. Les réactions locales

 

Le 7 avril, le porte-parole de la Majorité Présidentielle, André-Alain Atundu, a expliqué le choix du Président de la République en affirmant que «le président de la République a estimé que Bruno Tshibala était la personne la mieux indiquée pour l’accompagner dans le processus de normalisation de notre cycle électoral jusqu’aux élections et la personne la plus compatible pour consolider la cohésion nationale d’abord, et ensuite la cohésion de la classe politique autour du leadership du chef de l’Etat».[25]

 

Dans une interview, le porte-parole de la Majorité Présidentielle (MP), André Alain Atundu, a déclaré que «la nomination de Bruno Tshibala comme nouveau Premier ministre est conforme à l’esprit de l’accord de la Saint Sylvestre» et que «le chef de l’Etat a respecté sa promesse faite lors de son adresse à la nation de nommer le chef du gouvernement dans les 48 heures». «Cette nomination est conforme à l’esprit de l’accord qui disposait que le premier ministre devrait sortir du Rassemblement. Le président de la République vient de démontrer une fois de plus sa détermination à normaliser le processus électoral et à amener notre démocratie vers une alternance souhaitée par tous», appuie Alain Atundu, en estimant que l’heure est au travail, pour justifier les attentes de la population, notamment l’amélioration de ses conditions de vie.[26]

 

Le 7 avril, le Rassemblement de l’opposition a dit ne pas être concerné par cette nomination qui, selon lui, n’apporte aucun signe de décrispation. Le Rassemblement a maintenu l’appel à manifester le lundi 10 avril. Christophe Lutundula, l’un des délégués du Rassemblement, a affirmé que, «si mérite il y a, cette nomination a deux mérites. Le premier c’est de prouver que ce qu’on appelle dissidence du Rassemblement a été le produit de la majorité présidentielle qui le reconnait aujourd’hui. Le deuxième mérite c’est d’apporter la preuve la plus éclatante de ce que le président Kabila n’entend pas exécuter l’accord du 31 décembre 2016».[27]

 

Le 7 avril, le secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Jean-Marc Kabund, a affirmé que la nomination de Bruno Tshibala comme Premier ministre est « un non-événement » pour l’UDPS et le Rassemblement d’une manière générale. Pour lui, «Kabila n’a résolu aucun problème, tout au contraire, il en a créé davantage. Cette nomination intervient dans un moment très tendu où le peuple congolais attendait la mise en œuvre sans faille de l’accord du 31 décembre 2016 qui reste l’unique cadre légal et légitime des institutions de la République». Il a ajouté que la nomination de Bruno Tshibala ne repose sur aucun cadre juridique. «La constitution étant violée par M. Kabila, l’unique cadre qui pouvait régir une telle nomination est l’accord du centre interdiocésain. Mais cette nomination ne cadre pas avec cet accord. Selon ce que j’apprends, dans l’ordonnance qui a nommé M. Tshibala, nulle part on fait allusion à l’accord du 31 décembre», s’étonne le secrétaire général de l’UDPS. Jean Marc Kabund annonce que son parti va continuer à revendiquer la mise en œuvre de l’accord pour que les élections soient organisées avant la fin de cette année.[28]

 

Jean-Marc Kabund a déclaré que «l’UDPS et le Rassemblement demandent aux Congolais de rejeter cette nomination et de résister jusqu’à ce que Joseph Kabila comprenne qu’il n’y a que l’Accord de la Saint Sylvestre qui est le seul cadre dans lequel il peut nommer un Premier ministre et dont lui-même tire la légitimité. Nous lui recommandons d’appliquer l’Accord. Et le lundi nous serons dans la rue pour exiger l’application de l’Accord de la Saint Sylvestre».

Le secrétaire général de l’UDPS explique qu’il n’était pas question de répondre aux consultations initiées par Joseph Kabila que son parti considère comme le problème, avant la signature de l’Arrangement particulier. «Il est le problème et nous n’avons pas intérêt à le transformer en solution. Nous savons qu’il a toujours voulu donner l’impression d’être la solution. Monsieur Kabila souffle le chaud et le froid. Et comment voulez-vous que nous allions nous faire consulter par Monsieur Kabila en qui nous ne reconnaissons aucune légitimité en dehors de l’Accord qu’il a intentionnellement bloqué? Nous lui avons demandé qu’avant toute rencontre avec le leadership du Rassemblement, il devait donner des signaux forts, avant tout avec la signature de l’Arrangement particulier et c’est seulement après qu’une discussion pouvait se tenir entre lui et le nouveau leadership du Rassemblement, dans le cadre de la désignation du Premier ministre».[29]

 

Le député Claudel Lubaya a eu des mots très forts pour exprimer sa rage après l’élévation de Tshibala au poste de chef de gouvernement. «La nomination de Bruno Tshibala au poste de Premier ministre de la RDC sinistrée est un suprême mépris à l’endroit du peuple congolais innocent», a écrit l’opposant Claudel Lubaya sur sa page Facebook peu après l’annonce de cette nouvelle. D’après le président de UDA Originel, c’est la dernière preuve du non respect et de l’Accord du 31 décembre et de la constitution. Pour lui, «la nomination au poste de chef de gouvernement de l’ancien porte-parole du Rassemblement est un affront au bon sens le plus élémentaire qui marque la rupture entre l’actuel président de la République et le peuple congolais désabusé et qui, ce soir, comprend qu’il n’a plus rien à espérer de lui, car il vit à contre courant de ses aspirations». «La fonction de Premier ministre est complètement dépouillée de tout prestige et de toute sa substance républicaine. Elle est désormais prenable, à condition d’être un honni, un simple quidam, un renégat», s’est-il indigné. L’ex gouverneur du Kasaï Occidental a conclu en disant que, «avec l’acte posé, la République n’a plus ni symboles ni marques, c’est un foutoir».[30]

 

Le 8 avril, le coordonnateur de la Nouvelle société civile du Congo, Jonas Tshiombela, a affirmé que, avec la nomination de Bruno Tshibala comme premier Ministre, les aspirations du peuple sont déçues. «Lorsqu’on a un premier ministre qui part sur des bases des contestations, quelle adhésion populaire à son action pourrait-il attendre? C’est le même schéma qui a amené Samy [Badibanga] et c’est le même schéma qui amène Bruno [Tshibala]», se plaint Jonas Tshiombela, qui pense qu’on est parti pour des contestations et pour ne pas avoir des élections cette année.[31]

 

Le président de l’ASADHO estime que la nomination de Bruno Tshibanda viole l’esprit de l’Accord du 31 décembre et la Constitution de la République. D’après Jean-Claude Katende, en nommant Tshibala à la Primature, Joseph Kabila a choisi la voie de la confrontation avec le peuple congolais. «En choisissant de violer respectivement la Constitution et l’Accord politique, le président a choisi la voie de la confrontation avec l’opposition et le peuple congolais. Une voie de nature à plonger encore le pays dans un chaos indescriptible», a dit Jean Claude Katende.

Le défenseur des droits de l’homme estime que, comme pour Samy Badibanga, pour Bruno Tshibala aussi il sera difficile mettre en exercice un plan de travail qui puisse conduire notamment à l’organisation des élections car, dit-il, il est nommé dans des conditions de débauchage.[32]

 

Le 9 avril, dans un communiqué publié depuis Marrakech (Maroc), l’opposant Moïse Katumbi  a appelé les Congolais et la communauté internationale à ne pas reconnaitre le gouvernement de Bruno Tshibala. Selon l’ancien gouverneur du Katanga, la nomination de Bruno Tshibala au poste de Premier ministre a violé l’accord politique du 31 décembre 2016, qu’il considère comme la source de légitimité de toutes les institutions du pays. «Cette nomination contraire à l’esprit et à la lettre de l’accord de la Saint-Sylvestre illustre encore une fois le cynisme de Joseph Kabila et son mépris vis-à-vis du peuple congolais», a fustigé Moïse Katumbi. «M. Kabila n’avait pas le droit de nommer le Premier ministre avant la signature de l’arrangement particulier qui devait fixer les modalités de l’application de l’accord [du Centre interdiocésain]», a poursuivi l’ancien gouverneur du Katanga. Il s’est étonné également que le chef de l’Etat ait préféré nommer un homme qui a été exclu de son parti (UDPS) et de sa famille politique (Rassemblement).[33]

 

b. Les réactions internationales

 

Le 8 avril, la délégation de l’Union Européenne a fait une déclaration pour exprimer son inquiétude après la nomination de Bruno Tshibala à la primature: «L’Union européenne (UE) prend note du discours du Président Kabila du 5 avril sur l’état de la Nation, suivi par la désignation d’un nouveau Premier Ministre, contrairement à la lettre et à l’esprit de l’Accord du 31 décembre 2016. Elle observe le manque de consensus sur cette nomination et marque sa grande inquiétude à ce sujet. Le rétablissement d’un large consensus national pour un gouvernement mandaté pour des élections avant la fin de l’année est au cœur du dit Accord. A cet égard, l’UE appuie pleinement la nouvelle résolution 2348 que le Conseil de Sécurité des Nations Unies vient d’adopter à l’unanimité, qui prie toutes les parties prenantes en RDC de mettre en œuvre sans délai l’Accord du 31 décembre 2016, en toute bonne foi et dans son intégralité».[34]

 

Le 8 avril, dans un communiqué de presse, le Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères de la Belgique, Didier Reynders, a déclaré qu’il «prend acte de cette nomination qui s’écarte de la lettre et de l’esprit de l’Accord de la Saint-Sylvestre, qui prévoyait la nomination d’un Premier ministre proposé par le Rassemblement. Comme l’Union européenne, la Belgique est préoccupée par le fait que les autorités de transition ne disposent pas du large soutien nécessaire.

Faisant écho à la Résolution 2348 (2017) des Nations-Unies et aux conclusions du conseil Affaires étrangères de l’Union européenne du 6 mars, le Ministre rappelle la nécessité de mettre intégralement en œuvre l’Accord de la Saint-Sylvestre. Cela comprend également la levée des restrictions aux droits et libertés».[35]

 

Le 9 avril, dans un communiqué, le Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations unies en République démocratique du Congo (RDC), Maman Sidikou, a pris acte de la nomination par le Président Joseph Kabila, le 7 avril 2017, du nouveau Premier ministre Bruno Tshibala.

Il a souligné la «lourde responsabilité qui incombe à l’ensemble des acteurs politiques congolais en cette phase critique de l’histoire de leur pays». La retenue et l’esprit de dialogue sont plus que jamais nécessaires, a-t-il indiqué dans le communiqué. «Il revient aux acteurs congolais de faire prévaloir en toutes circonstances l’intérêt national et les aspirations de leur peuple au bien-être et à la bonne gouvernance sur toutes autres considérations. C’est à cette condition qu’ils pourront consolider la paix et la stabilité obtenues de haute lutte, avec l’appui déterminant de la Communauté internationale, et garantir une transition consensuelle devant conduire à la tenue d’élections libres, régulières et transparentes, dans le respect de la Constitution», a affirmé Maman Sidikou. Il a rappelé qu’il n’y a pas d’alternative à la mise en œuvre intégrale et de bonne foi de l’Accord politique signé le 31 décembre 2016 sous la facilitation de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO). Maman Sidikou a souligné sa disponibilité, à travers ses bons offices, à appuyer tout effort national visant à «créer des conditions qui soient de nature à permettre la pleine mobilisation de la communauté internationale et à garantir son accompagnement effectif du processus politique».[36]

 

Le 10 avril, dans un communiqué publié par son ministère des Affaires étrangères, la France dit avoir pris note de la nomination, le 7 avril, du nouveau Premier ministre, mais elle a exprimé sa «grande inquiétude face au manque de consensus sur cette nomination». Pour le gouvernement français, «cette nomination ne respecte pas les termes de l’accord du 31 décembre 2016» signé par le pouvoir et l’opposition pour mettre en place une transition et organiser des élections avant la fin de cette année. Selon le communiqué, «cet accord constitue la seule feuille de route crédible pour une sortie de crise. Sa violation est porteuse de graves risques pour la stabilité et l’avenir du pays, dans un contexte marqué par une forte dégradation de la situation sécuritaire et des droits de l’Homme».[37]

[1] Cf Résolution Onu 2348  http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/2348(2017)

[2] Cf Actualité.cd, 03.04.’17; AFP – Africatime, 03.04.’17; Radio Okapi, 03.04.’17

[3] Cf AFP – Africatime, 03.04.’17

[4] Cf Radio Okapi, 03.04.’17

[5] Cf Politico.cd, 03.04.’17

[6] Cf Mediacongo.net, 03.04.’17

[7] Cf Mediacongo.net, 03.04.’17

[8] Cf Alphonse Muderhwa – 7sur7.cd, 03.04.’17

[9] Cf Radio Okapi, 04.04.’17

[10] Cf Stanys Bujakera –  Actualité.cd, 04.04.’17

[11] Cf Actualité.cd, 03.04.’17

[12] Cf Élysée Odia – 7sur7.cd, 03.04.’17

[13] Cf Patrick Maki – Actualité.cd, 04.04.’17

[14] Cf Rachel Kitsita – Actualité.cd, 04.04.’17; Stanys Bujakera – Actualité.cd, 05.04.’17

[15] Cf Radio Okapi, 04.04.’17

[16] Cf Radio Okapi, 04.04.’17

[17] Cf Radio Okapi, 05.04.’17

[18] Cf Stanys Bujakera – Actualité.cd, 06.04.’17

[19] Cf Politico.cd, 08.04.’17

[20] Cf Stanys Bujakera – Actualité.cd, 20.03.’17

[21] Cf Alphonse Muderhwa – 7sur7.cd, 05.04.’17 http://7sur7.cd/new/2017/04/resume-en-8-points-du-discours-du-president-kabila-devant-le-congres-texte-integral-ci-dessous/

[22] Cf Actualité.cd, 06.04.’17  https://actualite.cd/2017/04/06/probleme-rassemblement-nempeche-presentation-premier-ministre-nomination-communique/

[23] Cf Actualité.cd, 07.04.’17

[24] Cf Radio Okapi, 07.04.’17

[25] Cf RFI, 07.04.’17

[26] Cf Radio Okapi, 08.04.’17

[27] Cf RFI, 07.04.’17

[28] Cf Radio Okapi, 08.04.’17

[29] Cf Rachel Kitsita – Actualité.cd, 08.04.’17

[30] Cf Zabulon Kafubu – 7sur7.cd, 07.04.’17

[31] Cf Radio Okapi, 08.04.’17

[32] Cf Franck Ngonga – Actualité.cd, 08.04.’17

[33] Cf Radio Okapi, 10.04.’17

[34] Cf https://eeas.europa.eu/delegations/dr-congo-kinshasa/24444/declaration-locale-de-la-delegation-de-lunion-europeenne_fr

[35] Cf Congoforum.be, 08.04.’17

http://www.congoforum.be/fr/nieuwsdetail.asp?subitem=41&newsid=207435&Actualiteit=selected

[36] Cf Radio Okapi, 09.04.’17

[37] Cf Radio Okapi, 10.04.’17