Congo Actualité n.308

 

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: NORD KIVU → DEUX ALERTES POUR UNE ENQUÊTE

  1. DES INDICES PRÉMONITOIRES D’UNE NOUVELLE GUERRE AU NORD KIVU
    1. La révolte gronde parmi les Tutsis congolais réfugiés au Rwanda depuis vingt ans
    2. Une incursion du M23 sur le territoire congolais à partir de l’Ouganda
    3. L’écrasement de deux hélicoptères militaires
    4. Quelques éléments pour une enquête
    5. e. A qui profite la guerre?

 

 

ÉDITORIAL: NORD KIVU → DEUX ALERTES POUR UNE ENQUÊTE

 

 

 

 

1. DES INDICES PRÉMONITOIRES D’UNE NOUVELLE GUERRE AU NORD KIVU

 

a. La révolte gronde parmi les Tutsis congolais réfugiés au Rwanda depuis vingt ans

 

Les Tutsis du Nord et du Sud Kivu, communément appelés Banyarwanda ou Banyamulenge, ont été les fers de lance de toutes les guerres menées au Congo depuis un vingt ans.

Au Congo nul n’a oublié que, leur origine congolaise étant mise en cause, les jeunes hommes s’engagèrent en masse, en 1996, dans les rangs de l’AFDL(Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) et, aux côtés de soldats rwandais et ougandais, réussirent à s’emparer de Kinshasa en mai 1997. Une année plus tard, les Tutsis congolais repartaient en guerre, poussés par le Rwanda. Par la suite, en dépit des accords de paix de Sun City (2002) qui ouvrirent la voie à la réunification du Congo, les mêmes combattants tutsis de l’Est alimentèrent plusieurs rébellions, toujours téléguidées depuis Kigali, celle du CNDP de Laurent Nkunda et, plus récemment, celle du M23, finalement mise en échec par l’armée congolaise épaulée par les forces des Nations Unies. A part quelques politiciens et quelques généraux qui reçurent postes et promotions pour sceller les accords de paix conclus avec Kinshasa, les Tutsis congolais, dans leur grande majorité, estiment que ces guerres successives téléguidées par Kigali ne leur ont rien rapporté: les Banyamulenge du Sud Kivu, en froid avec Kigali, ont été intégrés au sein de l’armée congolaise tandis que les Banyarwanda du Nord Kivu et de l’Ituri ont du fuir en masse vers l’Ouganda et le Rwanda.

Aujourd’hui, leurs parents restés sur les collines du Masisi ou de l’Ituri éprouvent le plus grand mal à défendre leurs terres convoitées par des groupes armés hutus qui n’hésitent pas à perpétrer des massacres à l’arme blanche.

De l’autre côté de la frontière, la situation n’est pas meilleure: au fil des années, près de 100.000 Tutsis du Congo ont été amenés à se réfugier au Rwanda et en Ouganda et ils se présentent aujourd’hui comme les «oubliés du Kivu». En effet, désireux peut-être de préserver cette armée de réserve, Kigali n’a pas veillé à intégrer ces «cousins» congolais dans une société rwandaise en pleine mutation. Selon les chiffres du HCR, 94.700 réfugiés congolais se trouvent toujours dans cinq camps installés au Rwanda et dans trois camps en Ouganda.

Depuis deux décennies, ils y vivent dans des conditions précaires, les jeunes n’ayant pas accès à l’éducation au-delà de 14 ans.

Selon nos informations, la révolte gronde non seulement parmi les adultes qui estiment avoir été sacrifiés mais aussi parmi les jeunes qui, manquant de perspectives dans un Rwanda surpeuplé, rêvent de retourner sur les vertes collines du Masisi dans le Nord Kivu ou l’Ituri.

En outre, entre les diverses communautés de l’Est du Congo est née une alliance appelée «umoja wa majamaa» ce qui signifie «familles unies». Recrutant dans les camps de réfugiés en Ouganda et surtout au Rwanda, cette alliance s’est dotée d’un volet militaire et aurait pris contact avec d’autres forces en présence. Quatre mille jeunes gens auraient été recrutés, dont d’anciens rebelles du M23. Cette force nouvelle serait prête à se porter au secours des populations civiles du Nord Kivu attaquées par les groupes armés hutus, disposée aussi à se battre pour forcer le retour des réfugiés tutsis et la récupération des terres… Fait nouveau, ces combattants issus des camps de réfugiés opéreraient de manière autonome, sans être des supplétifs de l’armée rwandaise. Reste à savoir où ils trouveront les armes nécessaires et comment ils s’affranchiront de la tutelle et de la surveillance que Kigali exerce depuis vingt ans sur les cousins du Congo.[1]

 

b. Une incursion du M23 sur le territoire congolais à partir de l’Ouganda

 

Le 15 janvier, le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, lors d’un point de presse qu’il a organisé dans sa résidence à Goma, a affirmé que une nouvelle guerre contre la République Démocratique du Congo (RDC) est en préparation à partir de l’Ouganda. Selon lui, l’ancien colonel Sultani Makenga de l’ex-Mouvement du 23 mars (M23) avec d’autres officiers de cette rébellion viennent de s’échapper pour la deuxième fois de leur résidence surveillée en Ouganda, en direction de Bunagana, localité frontalière entre la RDC et l’Ouganda, à 70 km au Nord Est de Goma. D’après le gouverneur du Nord Kivu, on vient d’arrêter certains d’entre eux du côté du territoire ougandais, à Kisoro, avec 7 armes AK 47 et 1 PKM. Toujours selon le Gouverneur, une trentaine de personnes armées ont quitté l’Ouganda et tentent de «rassembler les mécontents du M23», pour attaquer une nouvelle fois la RDC et déstabiliser le pays.[2]

 

Le Mouvement du 23 mars (M23) avait occupé une bonne partie des territoires de Nyiragongo et Rutshuru, au Nord-Kivu, pendant environ 18 mois. C’est le quatrième mouvement armé à occuper Rutshuru entre 1996 et 2013, après l’AFDL, le RCD et le CNDP. Dernier mouvement des rébellions à dominante tutsi soutenues par le Rwanda et l’Ouganda dans l’est de la RDC, le M23 avait été défait en novembre 2013 par l’armée congolaise, appuyée par les Casques bleus de la mission de l’ONU en RDC (Monusco), après dix-huit mois de guérilla au Nord-Kivu. Suite a leur défaite, les miliciens de l’M23 avaient fui vers l’Ouganda. En décembre 2013 à Nairobi, le M23 et Kinshasa avaient signé des engagements, notamment pour ouvrir la voie au rapatriement de la plupart des combattants de l’ex-rébellion en vue de leur réinsertion dans la vie civile. Mais depuis, selon Kinshasa, seuls 193 miliciens sur 1.500 ont été rapatriés d’Ouganda et 13 sont volontairement rentrés du Rwanda sur les centaines qui y étaient hébergés.[3]

 

Ce n’est pas la première fois qu’on assiste à une telle alerte. Le 11 novembre 2016, sur Twitter, le gouverneur Julien Paluku avait déjà déclaré que Sultani Makenga, le chef d’état-major du M23 en Ouganda, avait fui sa zone de cantonnement pour une destination inconnue.

Ensuite on avait parlé d’un accrochage à la frontière avec une patrouille, confirmé de sources militaires congolaises. Quand les renforts de l’armée s’étaient rendus sur place, ils avaient découvert quelques uniformes et des documents, notamment une liste d’ex-éléments du M23 et une feuille de présence, en anglais. C’est ce que disaient ces mêmes sources militaires congolaises. Mais le gouvernement congolais n’avait rien dit à l’époque.[4]

 

Le ministre de la Communication et des Médias et porte parole du Gouvernement, Lambert Mende, parle d’environs 300 rebelles M23 qui, lourdement armés et en provenance de l’’Ouganda, seraient arrivés à Ishasha, sur le territoire congolais. Ils seraient commandés par Makenga et Mboneza. Le ministre congolais de la défense nationale, Crispin Atama Tabe, a saisit le mécanisme de vérification de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), pour vérifier les informations faisant état de cette agression.[5]

 

Le 16 janvier, dans la matinée, la police ougandaise a confirmé l’information donnée par le gouverneur de la province du Nord-Kivu, à savoir que des armes avaient été saisies à la frontière. Mais la police ougandaise dit soupçonner l’arrivée d’éléments de l’ex-M23 depuis le Congo, et qu’ils essaieraient de se regrouper en Ouganda.[6]

 

Le 16 janvier, des sources militaires ougandaises ont démenti que des ex-rebelles congolais du Mouvement du 23 mars (M23) vivant en Ouganda avaient pénétré en République démocratique du Congo, assurant qu’ils se trouvaient toujours dans leur camp en Ouganda. Le porte-parole de la Défense ougandaise, le commandant Henry Obbo, a précisé dans un communiqué que les ex-rebelles se trouvaient toujours dans le camp de l’armée ougandaise de Bihanga, en Ouganda, à 320 km à l’ouest de la capitale, Kampala, où il se trouvent depuis 2013. Le ministre ougandais des Affaires étrangères, Henry Okello Oryem, avait déjà vivement réagi aux affirmations des autorités congolaises. « Le fait que l’Ouganda armerait ou autoriserait les rebelles du M23 à se baser ici (en Ouganda) pour déstabiliser la RDC est le fruit de leur imagination », s’était exclamé le ministre.[7]

 

Le 18 janvier, le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, a sévèrement critiqué le fait que Roger Lumbala, président du RCD-N ait été pompeusement accueilli, le 15 janvier à Kinshasa, après une période d’exil. Julien Paluku a dit considérer Lumbala comme l’«auteur intellectuel» du bureau politique de l’ancienne rébellion du M23.[8]

 

Le 18 janvier, le commandant intérimaire de la 34ème région militaire, le général François Kamanzi, a présenté deux présumés combattants de l’ex-Mouvement rebelle du M23 au gouverneur de la province du Nord-Kivu, Julien Paluku. Il s’agit du major Zimurinda James et de l’Adjudant-chef Désiré Karangwa, arrêtés il y a quelques jours, avec leurs armes dissimulées dans des sacs de pommes de terre. Selon le général Kamanzi, ces individus voulaient attaquer la province en faisant jonction avec les groupes de Sultani Makenga.

Selon le gouverneur Julien Paluku, le réseau du M23 se situe à deux niveaux: le niveau externe et le niveau interne. Il a expliqué que «le réseau au niveau externe est constitué par les troupes de Makenga et Mboneza et tous ceux qui ont quitté le camp de Bihanga, en Ouganda. Le réseau interne était constitué effectivement de ces gens qui devaient se joindre à ceux qui, provenant de l’Ouganda, étaient déjà arrivés à Bunagana».[9]

 

Le 19 janvier, dans un communiqué, le Gouvernement ougandais a annoncé avoir interceptés quatre véhicules à bord desquels se trouvaient 101 combattants M23 qui se rendaient en RDC.

Selon le communiqué, «des rebelles M23 qui ont été cantonnés à l’école d’entraînement militaire de Bihanga, dans le district d’Ibanda, depuis l’accord de 2014 se sont échappés. Hier soir, la sécurité de l’Ouganda a intercepté quatre véhicules à Mbarara qui transportaient 101 anciens combattants M23 qui se rendaient en RDC. Ils s’étaient déguisées en voyageurs ordinaires. Ils ont été appréhendés et sont maintenant détenus à Makenke Barracks, le quartier général de la deuxième division près de la ville de Mbarara». Les autorités ougandaises ont également avoué être sans nouvelle de 40 autres ex rebelles du M23 qui restent encore introuvables. Elles ont aussi précisé que 270 autres ex-combattants se trouvent toujours dans le camp de Bihanga, dans l’ouest du pays, où ils sont cantonnés. Une source militaire rappelle que ce camp n’est pas une prison et que certains ont de la famille à proximité de la frontière.[10]

 

c. L’écrasement de deux hélicoptères militaires

 

Le 27 janvier, deux hélicoptères de combat des Forces armées de la RDC (FARDC) se sont écrasés dans le territoire de Rutshuru. Des sources militaires ont affirmé qu’il s’agit d’un accident provoqué par des mauvaises conditions atmosphériques (un tourbillon de vent) et ont précisé que les deux appareils n’ont pas été attaqués, ni abattus. Le général Léon Mushale, commandant de la troisième Zone de défense des FARDC a démenti l’hypothèse selon laquelle les appareils auraient été abattus: «Les deux hélicoptères étaient en patrouille, ils n’ont aucunement été touchés par balle, il s’agit d’un accident».

Trois membres d’équipage d’un des appareils, tous de nationalité russe, et deux officiers FARDC, ont été blessés et secourus par les FARDC en collaboration avec la Monusco. Par contre les trois membres d’équipage de l’autre appareil et un officier FARDC, qui était à bord, ont été «capturés» par Sultani Makenga et ses hommes du M23, peu après l’écrasement de leur hélicoptère. Selon des sources militaires, deux membres de ce deuxième équipage, originaires de l’Europe de l’est, et l’officier congolais ont été tués après avoir été torturés.

Les deux hélicoptères étaient partis dans la région de Karisimbi et Mikeno, en territoire de Rutshuru où l’on avait signalé la présence des ex-rebelles du M23. Selon des sources au sein des FARDC, les deux appareils volaient à basse altitude lorsqu’ils se sont écrasés. Ils avaient pour mission de bombarder le lieu où était signalée la présence des ex-M23. Les hélices du premier hélicoptère ont touché les arbres, entrainant son crash. Ayant perdu le contact visuel avec le premier appareil, le deuxième appareil est revenu pour des recherches. Il connaitra le même sort que le premier, rapportent les mêmes sources. Les informations tirées de l’armée révèlent que les membres d’équipage de ces deux hélicoptères n’étaient pas dans la possibilité de communiquer.[11]

 

Le 29 janvier, l’armée a mené une opération sur les zones des crashes et sur la position du M23. Un affrontement a éclaté, quatre rebelles ont été tués et un a été capturé. Le même jour, une trentaine de personnes « non armées » se présentant comme des « combattants » du Mouvement du 23 mars (M23), se sont réfugiées au Rwanda, affirmant fuir une offensive de l’armée congolaise. Par ailleurs, le général Léon Mushale, Commandant de la troisième Zone de défense des FARDC, a affirmé que Sultani Makenga aussi serait en fuite, laissant «derrière lui des nombreux morts». De plus, le général des FARDC laisse entendre que cet énième retour du Mouvement du 23 Mars viendrait «des pays voisins».[12]

 

d. Quelques éléments pour une enquête

 

Selon les premiers éléments d’enquête, il s’agirait de deux hélicoptères de combat MI-24/35 qui auraient été touchés par des missiles sol-air russes portatifs (MANPADS) SAM-7 Strela, les mêmes types de missiles que possède l’armée rwandaise, les RDF, autrefois utilisés contre l’avion du président Habyarimana en avril 1994 ou par la rébellion pro-rwandaise, le RCD-Goma, contre un avion de ligne de l’ancienne compagnie aérienne congolaise, LAC, le 10 octobre 1998.

Selon des sources militaires au Nord-Kivu, les services de sécurité tentent de savoir si ces missiles ont été tirés du territoire rwandais ou en territoire congolais. Dans un cas ou dans l’autre, la main noire rwandaise, via notamment ses éléments de la cinquième colonne infiltrés au sein des FARDC, ne fait pas l’ombre d’un doute. Et même si les premières hypothèses attribuent ces attaques au M23, la question que l’on est en droit de se poser est de savoir qui l’a armé? Comment une rébellion censée être désarmée et placée dans des camps de réfugiés ait pu se procurer ces missiles sans bénéficier des appuis logistiques des pays voisins ou des complicités internes au sein des FARDC. Une autre question qui nous pousse à penser à des complicités internes au sein des FARDC, porte sur les lieux de l’attaque des hélicoptères, dans le territoire congolais. Certainement, il y a fort à croire que l’on ne peut pas mener une pareille opération au hasard, sans disposer au préalable des plans de vol de ces hélicoptères.[13]

 

Les premières informations ont attribué l’attaque aux combattants du M23. Il est toutefois peu probable qu’ils aient pu recevoir du Rwanda ou de l’Ouganda des armes aussi dangereuses que des missiles sol-air dans une zone survolée en permanence par des avions civils. Le commando qui s’est servi de ces missiles contre les deux hélicoptères congolais pourrait donc être une unité des RDF, l’armée rwandaise, ce qui fait de cet incident, un acte de guerre et une agression.[14]

 

En analysant la photo d’un des deux hélicoptères tombés au sol, on peut constater qu’il se trouve en position normale, sur un terrain relativement ouvert et au bord d’une forêt qu’il a pu éviter. D’ailleurs, des indices du déchargement de matériels, dont des armes et autres effets militaires, sont bien visibles du côté de la portière ouverte de l’ épave de l’appareil cloué au sol. L’on peut donc déduire que cet appareil, qui n’a pas été bombardé ni a été objet d’une panne technique, s’est écrasé au cours d’une manœuvre d’atterrissage programmée d’avance. Les causes de ce crash (atmosphériques?) sont encore à élucider. Un des objectifs de cet atterrissage pourrait être celui de ravitailler les rebelles du M23 par des armes du gouvernement congolais et en utilisant des moyens de l’Etat congolais. Cette hypothèse révèle, encore une fois, l’existence d’une complicité de certains officiers de l’armée congolaise avec l’ancien Mouvement du 23 mars (M23).

Au fil des guerres à répétition, le Rwanda et l’Ouganda ont réussi l’exploit d’installer des milliers de leurs agents dans tous les rouages de l’appareil de l’Etat congolais, et surtout dans la hiérarchie de l’armée. Il s’agit de milliers de «taupes» qui ne se cachent même plus: ils sabotent les opérations de l’armée et facilitent les victoires des agresseurs. Les guerres du Kivu sont aussi l’histoire de trahisons orchestrées du haut de l’Etat congolais: existence de centres de commandement militaires parallèles, ordres contradictoires, refus d’ordres, ordres de trêve et/ou de cessez-le-feu à chaque fois que les troupes sont en position avantageuse, fuite d’informations, vente d’armes, munitions et uniformes en échange de minéraux …

A Goma, après l’attaque contre les deux hélicoptères et l’exécution du colonel Ezéchiel Kwasundowe, les soldats continuent à se poser la questions: Pourquoi dans les postes stratégiques de l’armée congolaise y-a-t-il autant d’officiers issus des mouvements (AFDL, RCD, CNDP,…) parrainés par le Rwanda?[15]

 

e. A qui profite la guerre?

 

– Sur le plan économique, bien évidemment, cette guerre est partie pour être l’occasion d’un enrichissement par le pillage pour les dirigeants rwandais et ougandais, un business qu’ils relancent tous les deux à quatre ans depuis les vingt dernières années (1996-97; 1998-2003; 2004; 2008-09; 2012-13). A chaque fois, les biens des Congolais sont pillés et acheminés au Rwanda et en Ouganda. Par ailleurs, l’occupation des terres congolaises qui s’en suit est l’occasion pour les deux pays de contrôler les circuits économiques et les gisements miniers. Dans son rapport 2011, l’ONG britannique Global Witness a fait remarquer que le Rwanda est devenu un important exportateur de minerais qu’il n’a pas dans son sous-sol, alors que les autorités «refusent de publier les données complètes sur la production» nationale. Depuis 2014, le Rwanda est le premier exportateur mondial de coltan, un minerai qu’il puise dans le sous-sol de l’Est du Congo. En août 2016, la compagnie minière AB Minerals a annoncé la construction au Rwanda de la première usine africaine de séparation du coltan à échelle industrielle. La société a déclaré que l’usine sera opérationnelle à la mi-2017. L’avenir de cette usine est conditionné par le drainage au Rwanda des minerais de l’Est du Congo et l’impossibilité de voir implanter une usine concurrente sur le sol congolais. Une nouvelle guerre dans l’Est du Congo découragera les investisseurs et laissera au Rwanda et à cette compagnie le champ libre.

– Sur le plan politique, il faut dire que cette guerre était quelque part prévisible. À Kinshasa, le président Joseph Kabila est en difficulté, suite aux pressions internationales qu’il subi pour qu’il quitte le pouvoir. La Majorité Présidentielle a utilisé toutes sortes de stratagème pour lui assurer de rester au pouvoir. En provoquant une guerre à l’Est, il crée une crise sécuritaire qui bouleverse les priorités. Les faibles moyens de l’Etat congolais vont servir à gérer la crise en termes de dépenses de l’armée et d’actions diplomatiques. Pendant ce temps, le président Kabila, bien évidemment, reste au pouvoir.[16]

 

Une source politique de Goma a été récemment en contact avec des ex-commandants du M23 à Gisenyi (Rwanda). Ces derniers lui ont avoué que l’objectif recherché dans la réactivation du M23 et des autres groupes armés est de contraindre le futur gouvernement d’investir les faibles moyens budgétaires de 2017 dans l’effort de guerre. Cela justifiera le manque de moyens pour organiser les élections dans les délais prévus par l’accord de la Saint Sylvestre. Un accord dont l’objectif reste, jusqu’à preuve du contraire, l’alternance au pouvoir en décembre 2017, c’est-à-dire la passation du pouvoir par Kabila à un autre président qui sera élu. La guerre ne serait-elle pas pour Kabila une voie de diversion pour continuer à renvoyer la date des élections? Le but serait celui de gagner du temps pour se maintenir indéfiniment au pouvoir, à l’instar de la majorité de ses pairs de la région.[17]

[1] Cf Le Carnet de Colette Braeckman – Le Soir, 29.08.’16 La révolte gronde parmi les Tutsis congolais réfugiés au Rwanda depuis vingt ans

[2] Cf Radio Okapi, 15.01.’17

[3] Cf AFP – Africatime, 17.01.’17

[4] Cf RFI, 16.01.’17

[5] Cf Stanys Bujakera – Actualité.cd, 15.01.’17

[6] Cf RFI, 16.01.’17

[7] Cf AFP – Africatime, 17.01.’17

[8] Cf Patrick Maki – Actualité.cd, 18.01.’17

[9] Cf Radio Okapi, 19.01.’17

[10] Cf Actualité.cd, 19.01.’17; RFI, 19.01.’17

[11] Cf Radio Okapi, 28.01.’17; Cf Politico.cd, 31.01.’17; RFI, 31.01.’17; Actualité.cd, 31.01.’17

https://actualite.cd/2017/01/31/m23-sappreterait-a-attaquer-bunagana-puis-masisi-audio/

[12] Cf Politico.cd, 31.01.’17

[13] Cf Jean-Jacques Wondo Omanyundu – DESC-Wondo.org, 28.01.’17 http://desc-wondo.org/fr/deux-helicopteres-des-fardc-abattus-joseph-kabila-laisse-t-il-faire-le-rwanda-et-louganda-jj-wondo/

[14] Cf Boniface Musavuli – Agora Vox, 30.01.’17 http://mobile.agoravox.fr/tribune-libre/article/rd-congo-rwanda-a-qui-va-profiter-189132

[15] Cf benilubero.com, 30.01.’17; Boniface Musavuli – Agora Vox, 30.01.’17;

Voir les photos: http://www.politico.cd/encontinu/2017/01/31/images-exclusives-crash-helicopteres-fardc.html

https://actualite.cd/2017/01/31/rutshuru-crash-helicopteres-de-fardc-4-photos/

[16] Cf Boniface Musavuli – Agora Vox, 30.01.’17 http://mobile.agoravox.fr/tribune-libre/article/rd-congo-rwanda-a-qui-va-profiter-189132

[17] Cf Jean-Jacques Wondo Omanyundu – DESC-Wondo.org, 28.01.’17 http://desc-wondo.org/fr/deux-helicopteres-des-fardc-abattus-joseph-kabila-laisse-t-il-faire-le-rwanda-et-louganda-jj-wondo/