Congo Actualité n. 282

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: LE DIALOGUE POLITIQUE À UN TOURNANT DÉCISIF?

  1. LE DIALOGUE POLITIQUE NATIONAL
    1. La position de l’UDPS
    2. La mise en place d’un groupe de travail
    3. Vers un changement de stratégie?
  2. LA COMMISSION ÉLECTORALE
  3. LE MESSAGE DES EVÊQUES DE LA PROVINCE ECCLÉSIASTIQUE DE BUKAVU
  4. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

ÉDITORIAL: LE DIALOGUE POLITIQUE À UN TOURNANT DÉCISIF?

 

1. LE DIALOGUE POLITIQUE NATIONAL

a. La position de l’UDPS

Le 19 mai, le Secrétaire général adjoint et porte-parole de l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social), Bruno Tshibala, a réitéré l’attachement d’Etienne Tshisekedi au Dialogue ainsi qu’à son Comité préparatoire, car c’est l’unique alternative qui s’offre aux Congolais pour résoudre la crise de légitimité au sommet de l’Etat et relancer la machine électorale présentement enrayée.

S’agissant de la controverse qui persiste autour de la liste de participation de l’Opposition au Comité préparatoire et dont le pilotage a été confié à l’UDPS, Bruno Tshibala a martelé qu’elle est prête mais qu’elle ne peut être communiquée au Facilitateur Edem Kodjo que si des garanties de transparence, d’indépendance, d’efficacité ainsi que de bonne fin de ce forum sont données à son parti. Selon ce proche collaborateur de Tshisekedi, ce dernier n’entend pas participer à une rencontre sans lendemain, dont les résolutions seraient jetées dans une poubelle aussitôt après sa clôture.

Il insiste aussi sur l’encadrement d’Edem Kodjo par un panel qui devrait comprendre les Nations Unies, l’Union Européenne, l’Union Africaine, l’Organisation Internationale de la Francophonie et les Etats-Unis d’Amérique. Le président de l’UDPS les considère comme des garde-fous contre les dérapages éventuels du Dialogue.

Bruno Tshibala a fait également savoir qu’avant de venir au Comité préparatoire ou au Dialogue, le président de l’UDPS voudrait s’assurer qu’il y a concordance entre la vision qu’Edem Kodjo se fait du Dialogue et la «Feuille de route» de l’UDPS qui, connue depuis février 2015 prescrit, entre autres, la tenue des élections dans les délais prévus à l’article 73 de la Constitution du 18 février 2006 et l’alternance démocratique en décembre 2016.

Bruno Tshibala a souligné que l’UDPS attend la satisfaction de tous les préalables liés à la mise en place du Comité préparatoire et à l’organisation du Dialogue avant de faire connaître la liste de ceux qui devraient y participer dans le quota de l’Opposition. Il n’est donc pas question, pour Etienne Tshisekedi, de transmettre la liste de l’Opposition à la Facilitation si tout le flou qui entoure l’organisation et le contenu du Dialogue n’est pas évacué.[1]

Le 20 mai, lors d’une conférence de presse à Kinshasa, le facilitateur du dialogue national, Edem Kodjo, a déclaré que «Tout peut commencer en attendant la liste de l’opposition qui devrait être présentée par l’UDPS. Mais tout peut encore s’arrêter si l’opposition ne vient pas à ce forum. Il n’y aura pas de dialogue politique sans l’UDPS». Le facilitateur Kodjo a dit avoir l’impression que l’UDPS est en train de prendre le dialogue en otage. Mais il a précisé que le dialogue sans ce parti est un non-sens: «Quel est le sens de ce dialogue qui laisserait de côté des acteurs importants de l’opposition, comme l’UDPS?». Il a dit compter toujours sur ce parti pour avoir la composition de la délégation de l’opposition politique à ce comité préparatoire. «Je continue d’attendre la liste de l’opposition que l’UDPS m’a promise depuis le 26 mars», a déclaré Edem Kodjo.[2]

Le 21 mai, le président de la Nouvelle classe politique et sociale, Steve Mbikayi, a demandé le départ du facilitateur du dialogue Edem Kodjo qu’il a accusé de « partialité », pour « se focaliser » sur le parti UDPS d’Etienne Tshisekedi. «Un facilitateur ne peut jamais faire un discours public où il vante les mérites d’une partie au dialogue. Il n’est plus neutre. C’est comme ça que l’opposition pro-dialogue le récuse pour partialité et manque de sagesse», a affirmé Steve Mbikayi, en ajoutant que «On n’a jamais vu qu’on donne le rôle à un parti politique de gérer d’autres partis politiques».[3]

Le 24 mai, pointé du doigt comme celui qui bloque la mise en place du comité préparatoire du dialogue politique, Étienne Tshisekedi a répondu à Edem Kodjo, reprochant à la médiation de n’avoir pas toujours satisfait à ses préalables. Pour Étienne Tshisekedi, le blocage du processus de dialogue politique incombe au facilitateur qui n’a pas toujours répondu aux préalables posés par l’UDPS. Dans un communiqué, Étienne Tshisekedi rappelle que sa formation politique et lui-même veulent avant tout «s’assurer de la concordance des vues entre la perception du dialogue politique par le facilitateur et la résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations unies» qui souligne, entre autres, la nécessité d’organiser les élections dans les délais. Étienne Tshisekedi attend également une réponse claire d’Edem Kodjo sur sa requête relative à «l’implication des autres membres de la communauté internationale», notamment l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Concrètement, l’UDPS sollicite la mise en place d’un panel de facilitateurs, Edem Kodjo ayant été «désigné sans avis préalable de différentes parties congolaises». Autre grief: le leader de l’UDPS dit n’avoir toujours pas réuni les garanties quant à «l’inclusivité du dialogue et la libération des détenus politiques».[4]

Le 27 mai, dans une conférence de presse organisée à Bruxelles, Bruno Tshibala, Secrétaire Général-Adjoint et Porte-Parole et Félix Tshisekedi, Secrétaire National aux relations extérieures, ont déclaré que «l’UDPS reste attachée au Dialogue politique qui est la voie royale pour sortir de l’impasse et éviter le chaos qui se profile à l’horizon. L’UDPS a cependant, exprimé quelques préoccupations qui tiennent à la concordance de la perception du Dialogue par la facilitation à la Feuille de route du 15 février 2015, à la résolution 2277 et à l’encadrement du facilitateur par le panel de quatre organisations, à savoir, l’ONU, l’Union Européenne, l’OIF et les Etats-Unis d’Amérique, de manière à assurer la garantie de bonne fin des résolutions et recommandations du Dialogue. Aussitôt que ces préoccupations seront satisfaites, le Président Etienne Tshisekedi, Autorité politique et Chef de file des forces du changement transmettra la liste des membres de l’opposition au Facilitateur».[5]

b. La mise en place d’un groupe de travail

Le 18 mai, dans une interview accordée à Radio Okapi, le facilitateur du dialogue, Edem Kodjo, a reconnu faire face à «quelques difficultés à surmonter».

Alors qu’il l’avait annoncé lors de sa première conférence de presse, le comité préparatoire n’est toujours pas mis en place. «De toute façon, nous gardons l’espoir qu’une formule sera trouvée. Il n’est pas exclu que l’on fasse préparer ce dialogue par une sorte de groupe de travail», a-t-il expliqué. «Les difficultés viennent de ce que les partis politiques, notamment ceux de l’opposition, n’arrivent pas à nous donner leurs représentants pour aller à ce dialogue. La société civile a pu fournir des indications qui nous ont permis de composer la liste de la société civile. La majorité présidentielle a envoyé sa liste. Il ne manque que la liste des partis de l’opposition que le parti UDPS doit fournir, compte tenu des discussions que nous avons eues avec ce parti et des accords qui ont été conclus avec ce parti», a-t-il ajouté.[6]

Le 20 mai, en attendant la mise en place du comité préparatoire, Edem Kodjo a décidé de démarrer les travaux préparatoires avec dix délégués de la société civile, dont cinq proches de la Majorité présidentielle (MP) et cinq autres proches de l’opposition. Il s’agit de: Abbé Donatien Nshole de la CENCO, Révérend pasteur François-David Ekofo, Marie-Madeleine Kalala (CNC), Jonas Tshombela (CNC), Jérôme Bonso (RECIC et AETA), Maguy Kyala (Forces vives), Albert Yuma (FEPC), Dirk Shaka (LUCHA), Jean-Pierre Alumba (Diaspora) et Juliette Mughole.[7]

Le 21 mai, le député Steve Mbikayi s’est dit opposé à la mise en place d’un groupe de travail annoncée par Edem Kodjo. «Nous avons constaté que M. Kodjo est dépassé par les événements. Il est en train de violer tous les textes convoquant ce dialogue en commençant par la résolution 2098 qui a parlé de l’inclusivité du dialogue. Il viole notamment la résolution 2277 et même l’ordonnance convoquant le dialogue qui n’a pas prévu un groupe de travail mais qui a prévu un comité préparatoire», a expliqué Steve Mbikayi.

Deux regroupements de la société civile aussi, le Conseil national de la culture et la Dynamique de la société civile pour des actions concertées, ont désapprouvé la composition de ce groupe de travail. D’après Ntantu Mey, président du comité des sages de la société civile, certains membres du groupe de travail n’ont pas été mandatés par la société civile. «Nous regrettons le fait que nos confrères n’ont pas été mandatés par nous et n’engagent pas la société civile», a-t-il affirmé. Il a dit souhaiter que le comité préparatoire du dialogue qui sera mis en place tienne compte de la «représentativité de l’espace national de la société civile».[8]

Le 22 mai, le Secrétariat Général de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) s’est empressé de fixer l’opinion en rappelant clairement que «l’Eglise Catholique, représentée par le Premier Secrétaire Général Adjoint de la CENCO, n’est ni du coté de la MP, ni du coté de l’Opposition. Bien au contraire, elle est et reste « au milieu du village« ». Sur ce, le Secrétaire Général Adjoint de la CENCO, l’Abbé Donatien NSHOLE, a demandé de procéder rapidement à une mise au point de cette information et de ne pas ranger l’Eglise Catholique en RDCongo dans un regroupement politique déterminé.[9]

Le 22 mai, Roger Mwamba, cadre de la « Société civile dans toutes sa diversités », a dénoncé la présence des responsables politiques dans le groupe de travail annoncé par le facilitateur du dialogue, Edem Kodjo. Roger Mwamba n’a pas cité les noms des politiques qui figurent sur cette liste. Mais il s’est plaint du fait que des politiciens se soient transformés en défenseurs des droits humains. Il a accusé Edem Kodjo d’avoir voulu exclure des responsables de la société civile de la préparation du dialogue politique.[10]

La porte-parole de la société Civile dans toute sa diversité, Kathy Kalanga, a dénoncé la présence d’une députée de MSR/MP en la personne de Juliette Mughole, députée nationale élue du Lubero, sur la liste de la Société civile. Les dirigeants de la formation politique MSR pro pouvoir ont confirmé l’appartenance de Juliette Mughole à leur parti, mais ils estiment que la députée a été retenue à cause de l’ONG qu’elle dirige. Kathy Kalanga a également fustigé la présence d’un membre de la Lucha, Dirk Shaka, à son insue, sur la liste de Kodjo. Pour preuve, ce membre de ce mouvement a décliné l’offre, pour n’avoir pas été consulté par le facilitateur à cette fin. Kathy Kalanga a demandé à l’ancien premier ministre togolais de revisiter la liste entachée de beaucoup d’irrégularités. Cette frange de la Société civile n’exclut pas de saisir la présidente de l’Union Africaine pour la désignation d’un autre facilitateur.[11]

Le 24 mai, le mouvement Lutte pour le Changement (Lucha) a, dans un communiqué, posé certaines conditions avant de participer au dialogue politique. Trésor Akili, l’un des membres de la Lucha, a expliqué que l’éventuelle participation ou non au dialogue repose sur deux préalables: «La Lucha exige, préalablement, la libération de tous les prisonniers politiques et tous les prisonniers d’opinions. En deuxième lieu, la Lucha exige une garantie de la part du pouvoir à pouvoir débloquer le processus électoral et garantir le respect du délai constitutionnel». Lucha a aussi précisé que, pour l’instant, ses délégués ne prenaient pas part aux travaux préparatoires du dialogue politique. Le mouvement a toutefois reconnu avoir été invité par le facilitateur pour un entretien auquel ont répondu ses délégués.[12]

Le 25 mai, à Kinshasa, neuf de ses dix membres du groupe de travail mis en place par le facilitateur du dialogue politique, Edem Kodjo, se sont réunis pour la première fois en plénière. Jonas Tshiombela, de la Nouvelle société civile congolaise, a rappelé que ce groupe ne va pas se substituer au comité préparatoire.[13]

Le 27 mai, à propos du groupe de travail mis en place par le facilitateur Edem Kodjo, dans une conférence de presse organisée à Bruxelles, Bruno Tshibala, Secrétaire Général-Adjoint et Porte-Parole et Félix Tshisekedi, Secrétaire National aux relations extérieures, ont déclaré que, selon l’UDPS, «les problèmes qu’on a dans le pays sont politiques et appellent des solutions politiques de la part de la classe politique. La société civile, mouvement associatif apolitique, est invitée au Dialogue comme témoin dans le cadre de la démocratie participative prônée par le pacte républicain. Le Groupe de travail mis en place est une cellule informelle au service du facilitateur, mais seul le Comité préparatoire sera l’organe attitré chargé de la préparation du Dialogue».[14]

Le 30 mai, le facilitateur du dialogue, Edem Kodjo, s’est rendu à Addis-Abeba, siège de l’Union africaine. Steve Mbikayi, membre de la plate-forme « Nouvelle classe politique et sociale », a souhaité que le voyage d’Edem Kodjo en Ethiopie soit un départ définitif. En effet, il l’accuse de partialité dans le traitement qu’il réserve à l’opposition.

Par ailleurs, Mbikayi a salué l’initiative prise par Etienne Tshisekedi de réunir certains opposants à Bruxelles. «Maintenant qu’il consulte les gens, nous sommes contents et nous l’encourageons», a-t-il noté. Steve Mbikayi reprochait notamment à l’opposant historique de vouloir seul déterminer les noms des opposants qui devaient prendre part au comité préparatoire du dialogue.[15]

c. Vers un changement de stratégie?

Depuis Bruxelles, son lieu de convalescence, Etienne Tshisekedi, président de l’UDPS, a invité tous les leaders des partis et des regroupements politiques de l’Opposition pour un rassemblement de l’Opposition autour de l’idéal de changement. Cette rencontre de l’Opposition dans la capitale belge pourrait se tenir du 8 et du 9 juin. Une question taraude les esprits. Que vise exactement Etienne Tshisekedi? Certains pensent qu’il tente aujourd’hui de rassembler toute l’Opposition autour d’un seul et unique combat, à savoir l’alternance démocratique en 2016.

Or avec le dialogue, l’Opposition a émis des sons discordants qui ont fini par la fragiliser. L’UDPS en est bien consciente. Etienne Tshisekedi est convaincu que l’Opposition, dispersée comme c’est le cas, ne peut pas prétendre à une victoire face à la machine de la Majorité présidentielle. A Bruxelles, c’est l’unité de l’Opposition qui est donc à l’ordre du jour.[16]

Selon certaines indiscrétions, l’objectif poursuivi par la rencontre de Bruxelles serait d’investir Etienne Tshisekedi comme l’unique personnalité qui pourrait conduire une transition après la fin du deuxième et dernier mandat constitutionnel du président Joseph Kabila, à la fin de cette année 2016. Le même Félix Tshisekedi avait déclaré haut et fort qu’à l’UDPS, «si transition il y aura, ce sera avec Tshisekedi à la tête du pays».

Dans le contexte actuel, les observateurs les plus avertis sont d’avis que la Céni ne dispose plus de temps matériel nécessaire pour la tenue effective d’élections dans les délais constitutionnels. Vu sous cet angle, une transition s’impose à tous. A Bruxelles, la question sera à l’ordre du jour. Sur la table, Etienne Tshisekedi est prêt à soumettre le sujet tabou, à savoir l’éventualité de la mise en place d’une courte transition pour préparer en toute priorité et accalmie les élections, afin d’assurer l’alternance au sommet de l’Etat, aux termes de la Constitution.

C’est prenant en compte cette éventualité que Tshisekedi a pris l’initiative de convoquer l’Opposition pour parler d’un seul langage lorsqu’il s’agira de s’engager dans cette transition. Ça sera l’un des thèmes majeurs de la réunion de Bruxelles. De l’avis de l’UDPS, cette transition devrait être la plus courte possible – soit 120 jours au maximum – avec pour seul objectif celui de l’organisation des élections essentielles, c’est-à-dire la présidentielle et les législatives nationales.

Selon Tshisekedi, Kabila étant bloqué par la Constitution, puisqu’arrivé à la fin de son deuxième et dernier mandat présidentiel, l’Opposition devrait faire prévaloir son droit de gérer cette petite transition. L’arrêt de la Cour constitutionnelle, qui s’est limitée à interpréter l’article 70 de la Constitution, ne devait pas, se défend-on à l’UDPS, légitimer l’implication du chef de l’Etat dans la mise en œuvre d’un tel schéma. La difficulté majeure pourrait surgir au niveau du choix du principal animateur de cette brève transition. L’UDPS le prédit déjà. Connaissant bien les habitudes de l’Opposition, on sait que la rencontre de Bruxelles ne sera pas facile à manœuvrer.

Tout se jouera par le jeu de concessions. L’UDPS qui a toujours affiché la ligne dure lorsqu’il sera question de se répartir les tâches devra sûrement mettre de l’eau dans son vin pour ne pas faire échouer la rencontre. A tout prendre, la réussite de prochaines tractations de Bruxelles dépendra de l’attitude de l’UDPS. Si Tshisekedi affiche sa mine triomphaliste, comme il en a souvent l’habitude, il va hypothéquer une belle occasion de fédérer l’Opposition et de sauver le pays de l’impasse. Bref, il ne pourra sortir quelque chose de consistant à Bruxelles que si l’UDPS et Tshisekedi acceptent de jouer à la conciliation et, pourquoi pas, à l’humilité avec ses pairs de l’Opposition, principalement ceux du G7, de la Dynamique de l’Opposition, du Front citoyen, de l’Alternance pour la République et bien d’autres.[17]

2. LA COMMISSION ÉLECTORALE

Le 20 mai, la Commission électorale a déclaré qu’elle attend encore la révision, par le Parlement, de la loi électorale et de la loi sur l’enrôlement des électeurs, pour pouvoir déclencher le processus de révision du fichier électoral. «Telle qu’elle est aujourd’hui [la loi sur l’identification et l’enrôlement des électeurs] ne permet pas à nos compatriotes qui sont à l’étranger, (la diaspora), de se faire identifier, enrôler», a expliqué Corneille Nangaa.

Dans son intervention à la plénière, le vice-Premier ministre et ministre de l’intérieur, Evariste Boshab, a insisté sur l’importance de réviser immédiatement la loi sur l’enrôlement des électeurs. Mais en même temps, il a plaidé pour le sursis de la modification de la loi électorale, en attendant que le dialogue politique lève de grandes options.

Le vice-président de la CENI, Norbert Basengezi, avait annoncé mercredi 13 avril dernier que l’opération de révision du fichier électoral débuterait au mois de juillet et qu’elle déboucherait sur la délivrance d’une nouvelle carte d’électeur.[18]

Le 21 mai, le Mouvement National Congolais/Lumumba, parti politique membre de la Majorité présidentielle, a demandé aux parlementaires de discuter lors de la prochaine session ordinaire de l’invalidation des mandats des élus qui disposent de la double nationalité. Il a invité également la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) à ne pas recevoir des candidatures des Congolais disposant de plusieurs nationalités. La question de la nationalité multiple suscite beaucoup des controverses en RDC. En 2007, des députés disposant d’une double nationalité avaient été menacés d’invalidation. Mais ils avaient bénéficié d’un délai de grâce pour régulariser leur situation. Ce moratoire n’a jamais été levé. La constitution congolaise consacre l’exclusivité de la nationalité congolaise. «La nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre», indique son article 10.[19]

Le 23 mai, la plénière de l’Assemblée nationale, présidée par Aubin Minaku, a déclaré recevable le projet de loi modifiant et complétant la loi numéro 04/028 du 24 décembre 2004 portant identification et enrôlement des électeurs. Ce projet de loi est, pour le moment, envoyé à la commission politique administrative et judiciaire (PAJ), pour examen approfondi.[20]

Le 25 mai, au cours de la 5e réunion mensuelle du comité de partenariat tenue à Kinshasa, le président de la Commission électorale, Corneille Nangaa, a affirmé que la Commission électorale n’attend qu’une option consensuelle de la classe politique congolaise pour pouvoir publier le calendrier électoral. «Nous devrions publier le calendrier électoral en tenant compte d’un consensus. C’est encore l’occasion pour nous, d’appeler les uns et les autres à lever ces options politiques le plus tôt possible et nous allons publier le calendrier», a-t-il déclaré.

Corneille Nangaa a aussi indiqué que les problèmes de financement et d’appui logistique ne constituent plus de blocage pour la CENI. «La publication du calendrier dépend des indications claires sur l’appui logistique. Et, aujourd’hui, la Monusco à travers le représentant résident du PNUD, a plus ou moins indiqué clairement que nous ne devrions plus nous soucier de toutes ces questions», a indiqué M. Naanga. Parlant des indications sur le financement du processus électoral, le président de la CENI a précisé que les éléments techniques permettent de dire que cette question aussi a été élaguée.[21]

Le 31 mai, au cours d’une plénière à l’Assemblée nationale, le président de la Commission électorale, Corneille Nangaa, a affirmé que «la Commission électorale est en mesure de prendre en charge la question de l’enrôlement des Congolais de l’étranger». Tout en reconnaissant que cette question va soulever d’autres débats sur la double nationalité, Corneille Nangaa a annoncé que la CENI s’appuierait sur la loi électorale. Ce texte dispose que «ne peut s’enrôler que celui qui a une carte consulaire ou un passeport». Le nombre des Congolais vivant à l’étranger est estimé entre 7 et 8 millions de personnes.[22]

Le 3 juin, l’Assemblée nationale a examiné et adopté le projet de loi sur l’identification et l’enrôlement des électeurs. Avant l’adoption de ce texte, les députés étaient divisés sur la disposition relative à l’enrôlement des Congolais de la diaspora.

Dans sa motion, le député Henri Thomas Lokondo a estimé que l’enrôlement des Congolais de l’étranger devrait être élagué de la loi, pour éviter d’ajouter d’autres problèmes techniques et sécuritaires. Pour lui, il s’agit d’une question de réalisme. «Aujourd’hui, enrôler les Congolais qui sont dans les neuf pays voisins, c’est consacrer l’octroi facile de notre nationalité aux étrangers», a estimé l’élu de Mbandaka. D’après lui, la RDC connaît de gros problèmes financiers, techniques et sécuritaires qui ne peuvent pas favoriser une telle opération.

Pour sa part, le président du groupe parlementaire PPRD, Emmanuel Ramazani Shadari, pense qu’on ne peut pas priver les Congolais de la diaspora de leur droit légitime à cause des problèmes technique et sécuritaires. A la question de savoir les dispositions prévues pour éviter d’enrôler des gens à nationalité multiple, le député Ramazani a réagi: «Il y aura un contentieux électoral quant à l’enrôlement des électeurs pour dénicher évidemment ceux qui ont deux ou plusieurs nationalités». Il a assuré que cette question sera réglée sur une décision de la CENI, qui va définir les modalités d’application de cette loi. Après débat, la motion d’Henri Thomas Lokondo a été rejetée par la plénière qui a opté pour l’enrôlement des Congolais de la diaspora.[23]

3. LE MESSAGE DES EVÊQUES DE LA PROVINCE ECCLÉSIASTIQUE DE BUKAVU

Le 29 mai, dans un message publié depuis Kindu, les Evêques de la Province ecclésiastique de Bukavu ont affirmé que «l’impasse des échéances électorales est l’un des défis les plus importants de nos jours. Le processus électoral est en panne, ce qui présagerait des violences électorales comme celles qui ont ravagé des pays entiers sur le continent. Le flou et le flottement autour des dates et des formats de ces élections sont déjà émaillés de violences physiques et de violations plus ou moins massives des droits humains. Dès à présent, les populations sont confrontées à un combat difficile contre l’intimidation et la peur qui risque de paralyser et museler les libertés citoyennes ainsi que la participation, pour donner libre cours aux manœuvres des intimidateurs. Dans cette situation confuse, les jeunes constituent la catégorie la plus visée. Ils sont la proie facile à la fanatisation politicienne et à l’enrôlement dans différentes milices déjà trop nombreuses».

Selon les Évêques, «le projet dialogue national participe considérablement à la confusion d’ensemble. En effet, l’ambiguïté règne autour du sens qu’il faut donner au dialogue national en vue. On dirait que l’Etat démissionne de ses responsabilités institutionnelles, pour se décharger sur la conscience de pauvres citoyens. On reste donc perplexes quant à la portée de ce dialogue, dont nous ne connaissons pas l’agenda et au regard de la méfiance entre acteurs politiques».

Les Évêques dénoncent aussi «une corruption trop endémique qui s’érige en système dans le Pays. Presque tous les agents de l’Etat veulent profiter chacun de sa situation personnelle pour se servir, avant qu’il ne soit tard pour eux. Dans ces conditions, c’est le sens même du bien commun qui est en péril. Cet ensemble d’incurie prélude à l’anarchie».

Enfin, les Évêques formulent une série d’exhortations.

Au peuple congolais, il adressent «un appel pressant à la vigilance, à l’ordre et à la solidarité. Nos communautés nationales seront ordonnées, démocratiques et solidaires ou ne seront pas».

Aux leaders politiques, les Évêques demandent

«– qu’ils œuvrent à l’éradication de la corruption ainsi qu’à l’avènement d’une société juste, équitable et stable.

– qu’ils renoncent à la culture du mensonge pour éclairer leur base sur les véritables enjeux du dialogue national et des échéances électorales qui approchent.

– que la rémunération des fonctionnaires et des employés soit juste et équitable, pour ne pas donner prétexte à des employés de rançonner leurs compatriotes.

– que l’Etat se mette efficacement au service du peuple et que ses représentants ne se servent pas du peuple pour des intérêts inavoués.

– qu’il forme ses agents au sens de la citoyenneté et du patriotisme, pour que les ministres et les élus du peuple fassent allégeance à la Nation congolaise et non aux personnalités politiques».

Au Chef de l’État, les Évêques adressent une respectueuse invitation à «assumer clairement et pleinement ses responsabilités de garant de la Nation, à assurer au peuple congolais la dignité due à toutes les Nations et à lui donner toutes les orientations qui lui garantissent la paix, la sécurité et la stabilité. En particulier, que sa position soit plus clairement exprimée quant aux violences en chaîne qui accablent les populations et à l’impasse du processus électoral».

4. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

Le 23 mai, l’Union Européenne (UE) a publié un communiqué des conclusions tirées par son conseil des affaires étrangères à l’issue d’une réunion consacrée à la situation qui prévaut en RDC.

«1. À quelques mois des élections, la République démocratique du Congo se trouve à un moment charnière, et les multiples défis auxquels elle est confrontée suscitent la vive préoccupation de l’Union européenne (UE). La résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), adoptée à l’unanimité le 30 mars dernier, souligne la responsabilité première des autorités congolaises pour la préparation et l’organisation des élections dans le respect des dispositions constitutionnelles pertinentes. L’UE appelle le gouvernement et toutes les autres parties concernées, en particulier la Commission électorale nationale indépendante (CENI), à créer urgemment les conditions nécessaires pour la tenue de scrutins libres, transparents, inclusifs et pacifiques, et notamment les élections présidentielle et législatives. Elle estime que seul un exécutif constitutionnellement légitime et démocratiquement élu pourra contribuer à la stabilité du Pays.

Tout en prenant note de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 11 mai 2016, l’UE souligne qu’un gouvernement démocratique fonde sa légitimité sur des élections régulières et dans les délais stipulés par la Constitution, que l’organisation des élections est la responsabilité du gouvernement, et que le manque de clarté à cet égard constitue actuellement un grand facteur d’instabilité dans le pays.

  1. L’UE appelle les autorités congolaises à redémarrer au plus vite le processus électoral en franchissant des étapes concrètes. Conformément à la résolution 2277 du CSNU, elle invite la CENI à actualiser les listes électorales et à communiquer, dans les plus brefs délais, un calendrier révisé et des options qui permettent aux divers acteurs politiques de se prononcer sur la situation. Elle demande au gouvernement de la RDC d’élaborer rapidement un plan de déboursement pour les élections. Seul un engagement clair du gouvernement, tant politique que financier, permettra à l’UE d’apporter son soutien, au processus électoral en particulier.
  2. Devant l’impasse actuelle et la montée des tensions, l’UE souligne le besoin et l’urgence d’un dialogue politique bref et précis entre tous les acteurs politiques représentatifs, afin d’arriver rapidement à un consensus sur une feuille de route claire, sur la base d’un calendrier et des besoins financiers crédibles à présenter par la CENI, dans le respect de la Constitution, en particulier en ce qui concerne l’élection présidentielle».[24]

Le 25 mai, à l’occasion de la célébration de la coopération germano-congolaise, l’ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne en RDC, Wolfgang Manig, a recommandé: «Protégez et respectez votre constitution, pour consolider votre démocratie».

Le diplomate allemand a aussi commenté le dernier arrêt de la cour constitutionnelle sur la fin du mandat présidentiel. Wolfgang Manig a estimé que la cour constitutionnelle n’a, dans son arrêt, statué que sur l’un de deux paragraphes de l’article 70 de la constitution règlemente l’installation du nouveau président élu. «L’article 70 de la constitution se compose de deux paragraphes. La Cour constitutionnelle n’a traité qu’un seul paragraphe qui règlemente l’installation du nouveau président élu. La Cour présume ainsi que l’autre paragraphe, celui qui régit la durée du mandat présidentiel de cinq ans renouvelable une fois, c’est-à-dire deux fois cinq ans et non dix ans plus X, n’est probablement pas contesté», a analysé l’ambassadeur allemand.

L’article 70 de la constitution congolaise stipule: « Le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois. A la fin de son mandat, le président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu« . L’aide annuelle allemande à la RDC dans le cadre de la coopération bilatérale, de l’Union européenne et des Nations unies est de 250 millions de dollars américains.[25]

[1] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 20.05.’16

[2] Cf Radio Okapi, 21.05.’16

[3] Cf Radio Okapi, 22.05.’16

[4] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 25.05.’16

[5] Cf Didier Kebongo – Forum des As – Kinshasa, 30.05.’16 http://www.forumdesas.org/spip.php?article7697

[6] Cf Radio Okapi, 18.05.’16

[7] Cf Radio Okapi, 21.05.’16

[8] Cf Radio Okapi, 22.05.’16

[9] Cf La Prospérité – via www.congosynthese.com, 25.05.’16

[10] Cf Radio Okapi, 23.05.’16

[11] Cf Eric Wemba – Le Phare – Kinshasa, 23.05.’16

[12] Cf Radio Okapi, 25.05.’16

[13] Cf Radio Okapi, 26.05.’16

[14] Cf Didier Kebongo – Forum des As – Kinshasa, 30.05.’16 http://www.forumdesas.org/spip.php?article7697

[15] Cf Radio Okapi, 01.06.’16

[16] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 02.06.’16

[17] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 03.06.’16

[18] Cf Radio Okapi, 20.05.’16

[19] Cf Radio Okapi, 22.05.’16

[20] Cf Forum des As – Kinshasa, 24.05.’16

[21] Cf Radio Okapi, 25.05.’16

[22] Cf Radio Okapi, 01.06.’16

[23] Cf Radio Okapi, 04.06.’16

[24] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 24.05.’16

http://www.lepotentielonline.com/index.php?option=com_content&view=article&id=14537:kinshasa-dans-le-collimateur-de-l-union-europeenne&catid=85&Itemid=472

[25] Cf Radio Okapi, 27.05.’16