Congo Actualité n. 277

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: LES INCONNUES DU 27 NOVEMBRE 2016

  1. LE DIALOGUE POLITIQUE PIÉTINE
    1. L’UA nomme Edem Kodjo facilitateur du dialogue national
    2. Des retards enregistrés dans la mise en place du comité préparatoire
    3. L’UDPS entre illusion et irréalisme
  2. LE RECOURS DE LA MAJORITÉ À LA COUR CONSTITUTIONNELLE
  3. PROCESSUS ELECTORAL

 

ÉDITORIAL: LES INCONNUES DU 27 NOVEMBRE 2016

 

 

1. LE DIALOGUE POLITIQUE PIÉTINE

a. L’UA nomme Edem Kodjo facilitateur du dialogue national

Le 6 avril, la présidente de la commission de l’Union africaine, Dr Nkosazana Dlamini Zuma, a nommé l’ancien Premier ministre togolais Edem Kodjo facilitateur du dialogue national. Dans un communiqué, l’Union africaine indique que cette nomination «vise à aider à la convocation d’un dialogue global en vue de régler les problèmes liés aux prochaines élections». La présidente de la commission de l’Union africaine invite toutes les parties prenantes à coopérer avec le facilitateur Edem Kodjo.[1]

Le 7 avril, au lendemain de la désignation d’Edem Kodjo comme facilitateur du dialogue national, le secrétaire général de la Majorité présidentielle (MP), Aubin Minaku, a annoncé la mise en place imminente du comité préparatoire du dialogue. Dans un point de presse à Kinshasa, il a appelé l’opposition à participer à ce forum pour «lever des options responsables face aux contraintes majeures» du processus électoral.[2]

Le 8 avril, le député national de l’opposition Clément Kanku a appelé tous les leaders de l’opposition à «se rencontrer pour trouver un point de vue commun» au sujet du dialogue national,

pour exiger le respect de la constitution. «Aujourd’hui que la communauté internationale a décidé à travers la résolution [2277 du conseil de sécurité de l’ONU] de nous accompagner dans ce processus et qu’Edem Kodjo a été désigné facilitateur, nous n’avons pas d’autre choix que de nous rencontrer pour trouver un point du vue commun, c’est-à-dire un cahier de charge commun qui viendra barrer la route à toute velléité de violation de constitution par la majorité présidentielle», a indiqué Clément Kanku. L’idée de ce dialogue ne fait pas l’unanimité au sein de l’opposition congolaise. Certains opposants la rejettent. D’autres conditionnent leur participation. D’autres encore ont annoncé vouloir y participer. L’opposition soupçonne le chef de l’Etat Joseph Kabila dont le deuxième et dernier mandat s’achève à la fin de cette année, de vouloir user des manœuvres pour se maintenir au pouvoir après 2016.[3]

Le 9 avril, le porte-parole du Front citoyen 2016, Jean-Claude Katende, a demandé au facilitateur du dialogue politique, Edem Kodjo, de donner des garanties sur le respect de la constitution. Il a aussi rappelé que son mouvement ne participera pas au dialogue convoqué par le Chef de l’Etat.[4]

Le 9 avril, au cours d’une conférence de presse, le Groupe des 7 (G7), une plateforme politique de l’opposition, a réaffirmé son rejet catégorique du Dialogue National convoqué par le Président de la République car sans objet et extra-constitutionnel. Le peuple congolais n’acceptera jamais un troisième faux penalty: «Le G7 s’inscrit dans la logique de la résolution 2277 du Conseil de Sécurité qui réaffirme le respect de la Constitution et l’organisation des élections dans les délais qu’elle prescrit. Lesquels peuvent encore être respectés.

Le G7 note que Monsieur Edern Kodjo vient d’être nommé par Madame la Présidente de la Commission de l’Union Africaine en qualité de facilitateur du Dialogue.

Le G7 relève que dans le communiqué de l’Union Africaine y afférent, il n’est nullement fait mention de la résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il souligne que la mission confiée à Monsieur Kodjo n’a de chance de réussir que si elle s’intègre dans la résolution 2277 du Conseil de Sécurité.

En tout état de cause le G7 espère que Monsieur Edem Kodjo ne vient pas ici pour remettre en cause la résolution 2277 du Conseil de Sécurité, ni pour aider la majorité présidentielle actuelle à créer une nouvelle légitimité extra-constitutionnelle, ni pour cautionner l’organisation d’une énième transition qui durerait trois ou quatre ans, encore moins pour transformer la grand messe voulue par la majorité présidentielle en assemblée constituante qui élaborerait une nouvelle constitution et instituerait un nouvel ordre politique sur le modèle de la Deuxième République».[5]

Le 10 avril, dans un communiqué de presse, le leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Étienne Tshisekedi, a affirmé d’avoir pris acte de la nomination d’Edem Kodjo comme facilitateur du dialogue politique. «Je reste fidèle à ma vision quant à la nécessité d’utiliser le dialogue comme la voie royale pour sortir le processus électoral de l’impasse dans laquelle le pouvoir de Kinshasa l’a plongé», a-t-il expliqué. Il a précisé qu’il voudrait que le dialogue politique «[conduise] effectivement le peuple congolais à des élections, notamment à la présidentielle, conformes à la Constitution et aux délais qu’elle prescrit [avant fin 2016, NDLR]». «Si d’ici le 24 avril, il n’y a rien de convainquant, je compte demander à mon parti, aux forces de changement et à l’ensemble du peuple qui m’a porté à la Magistrature suprême en 2011, de tirer toutes les conséquences de la persistance de l’impasse, dont on sait qu’elle a été artificiellement créée autant qu’entretenue par le pouvoir (…)», a-t-il menacé.

Les regroupements de l’opposition anti-Kabila, que sont notamment la Dynamique et le G7, ont affirmé qu’ils n’ont pas été concertés au préalable sur la composition du « comité préparatoire » du dialogue. Celui-ci comprendrait, selon leurs informations, des représentants de la majorité, de l’opposition (avec Bruno Mavungu, secrétaire général de l’UDPS) et de la société civile (Cathy Kalenga, réputée très proche du parti au pouvoir dont elle fut une militante). «Nous ne participerons pas à ce dialogue made in Kabila», a martelé un proche de Moïse Katumbi, ancien gouverneur de l’ex-Katanga, désigné candidat du G7 à la présidentielle.[6]

Le 11 avril, dans un communiqué conjoint rendu public à Kinshasa avec le Centre pour la gouvernance, la Nouvelle Société Civile a invité la classe politique congolaise à s’engager dans le dialogue politique pour trouver un consensus sur l’organisation des élections dans le délai constitutionnel. La nouvelle société civile a aussi invité le facilitateur du dialogue, Edem Kodjo, à s’en tenir à la résolution 2277 et à la tenue des élections dans le délai constitutionnel. D’autre part, Jonas Tshombela estime en effet que les élections peuvent encore être organisées dans les délais constitutionnels. Le calendrier électoral publié l’année passée par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) prévoit l’élection présidentielle le 27 novembre 2016.[7]

Le 14 avril, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) a demandé au facilitateur Edem Kodjo d’apporter la réponse à chacune de ses préoccupations pour participer au dialogue national. Dans un communiqué, le parti d’Etienne Tshisekedi pose quelques conditions, notamment le respect de la constitution et des délais pour les élections présidentielle et législatives. Pour Bruno Mavungu, secrétaire général de l’UDPS, Edem Kodjo devra aussi répondre à la préoccupation de son parti consistant à organiser la passation pacifique du pouvoir à l’issue des élections crédibles et apaisées prévues en novembre prochain.[8]

Le 15 avril, en répondant à l’opposition, Edem Kodjo, le facilitateur désigné par l’Union africaine, a affirmé de ne trouver aucune contradiction entre son rôle et le contenu de la résolution 2277 votée le 30 avril par le Conseil de sécurité de l’ONU. Il s’engage à respecter la Constitution ainsi que les délais constitutionnels. «Nous sommes tous pour la résolution 2277», clame le facilitateur. Selon Edem Kodjo, le paragraphe 10 de la résolution 2277 de l’ONU soutient fermement le dialogue tel qu’initié par l’Union africaine (UA). «Nous sommes pour le respect scrupuleux de la Constitution et nous sommes pour le respect scrupuleux des délais constitutionnels requis», insiste Edem Kodjo.

Ainsi, le Togolais explique qu’à la fin du processus, «des élections crédibles, libres et transparentes» sont fermement souhaitées. Pour lui, «l’UA et son facilitateur ne peuvent pas ne pas respecter les délais fixés par la Constitution».[9]

b. Des retards enregistrés dans la mise en place du comité préparatoire

Le 11 avril, au cours de sa première conférence de presse depuis sa désignation comme facilitateur du dialogue politique en RDC, Edem Kodjo a annoncé qu’il va «essayer de mettre en place le comité préparatoire dès la fin de cette semaine». Edem Kodjo a déclaré que ce dialogue doit être inclusif. Il a dit avoir besoin d’un peu de temps pour consulter ceux qui sont encore opposés à ces assises. Il a aussi indiqué que le dialogue va tout de même s’ouvrir avec ceux qui sont favorables à sa tenue. «Nous laisserons toujours la place pour nos frères [qui sont opposés au dialogue]. Dès qu’ils auront exprimé le besoin de venir s’asseoir avec nous, on travaillera tous ensemble», ajoute Edem Kodjo, selon qui le dialogue devrait durer 2 semaines, même si l’on pourra accepter « un petit débordement », et se tiendra avec l’idée du respect des délais constitutionnels. «Je ne viens pas dans un pays que je respecte avec l’idée de violer sa constitution, je ne peux pas le faire, c’est contre ma nature», a précisé Edem Kodjo en conférence de presse. Toutefois, le facilitateur de l’Union africaine (UA) pour le « dialogue national », Edem Kodjo, a estimé que le respect du « délai constitutionnel » était un « problème » pesant sur l’organisation de la présidentielle censée avoir lieu avant la fin de l’année. «Le problème est qu’il y a le délai constitutionnel, qu’il faut respecter, [mais] il y a aussi le problème que tous les jours qui passent sont des jours qui ne permettent pas de dire que nous allons respecter ce délai», a déclaré l’ancien Premier ministre togolais à la presse. Aucune précision de lieu ni de date n’a été donnée sur la tenue du forum.[10]

Le 15 avril, le facilitateur Edem Kodjo a annoncé que le comité préparatoire du dialogue sera composé de 30 membres: 12 personnes pour la Majorité, 12 pour l’Opposition et 6 pour la société civile. La Dynamique de l’opposition et le G7 ont confirmé de ne pas vouloir participer, ni au comité préparatoire, ni au dialogue. Dans les rangs de l’opposition, l’Udps d’Etienne Tshisekedi a obtenu six délégués. En plus, trois places ont été attribuées à ses alliés (Lisanga avec sa plateforme, la Dtp et les autres). Par contre, l’opposition républicaine de Kengo et le G5 avec Ruberwa, Z’haidi, Bitakwira, Bonane et Mbikayi devront se partager les trois places restantes.[11]

Une source bien placée a fuité les noms des personnalités de la Majorité présidentielle(MP) et de la société civile qui vont y siéger. Selon la source, il s’agirait des personnalités ci-après pour la MP: She Okitundu (principal négociateur de la MP pour l’Udps), maître Nkulu (ancien conseiller spécial de Kabila), Adolphe Lumanu (ancien dircab de Kabila), Nehemie Mwilanya (actuel dircab de J.K), Félix Kabange (ministre de la santé, initiateur de la campagne «j’aime la RDC, je soutiens le Dialogue»), Ramazani Shadari (président du Groupe parlementaire PPRD), de Geneviève Inagosi (députée et ancien ministre genre), de Tambwe Mwamba Alexis ( ministre de la Justice) et enfin de Henri Mova Sakany (le patron du Pprdd). La 12è personnalité qui manque fait encore l’objet des tractations. Côté société civile, les noms qui circuleraient sont ceux de: Mbeleji, Kathy Kalanga, Jerome Bonso, pasteur Milenge (ECC), Maguy Kiala et Ntatu Mey.

Du côté opposition, il demeure un blocage presque insurmontable, car l’UDPS revendique la totalité de 12 places. Quitte à elle de les repartir entre ses alliés et ceux qu’elle qualifie de vrais opposants». Les Steve Mbikayi, Bitakwira, Azarias Ruberwa, Zahidi Ngoma, qui désirent ardemment participer au Dialogue, qualifiés de « faux opposants» ou «d’opposition accommodante», n’ont quasiment aucune chance d’être cooptés par l’Udps d’Etienne Tshisekedi.

Mais les «Opposants pro Dialogue», Bitakwira et Steve Mbikayi, ne veulent rien savoir de la position de l’Udps. Les deux députés nationaux menacent de boycotter le Dialogue car, pour eux, l’Udps ne peut pas parler pour eux. Mais la MP n’hésitera pas à les sacrifier si l’Udps demeure intransigeante sur la question. On ne pourra pas se plaindre de ne pas avoir été prévenu: dès sa «feuille de route», l’UDPS a fait savoir qu’elle considérait qu’il n’y avait que deux camps: JKK + ses copains vs/ Thitshi et alliés, ces derniers étant propriétaires exclusifs de l’appellation contrôlée «Opposition». Cela signifie aussi que, pour l’UDPS, la question n° 1 reste la liquidation du contentieux de 2011 et que Tshisekedi garde la ferme conviction que c’est à lui seul que revient le titre de chef de l’Etat… Il continue à prétendre qu’on lui a «volé» sa victoire.[12]

«Il y a des gens qui se réclament de l’opposition et qui se trouvent au gouvernement. Il y a des opposants qui ont déjà fait des déclarations en disant que le dialogue va accoucher d’une période de transition qui sera dirigée par Joseph Kabila. Nous ne nous inscrivons pas dans cette logique. Et nous ne voulons pas de ce genre d’opposants dans nos rangs», a fait savoir Félix Tshisekedi, secrétaire national en charge des relations extérieures du parti.[13]

Le 28 avril, lors d’une conférence de presse, le porte-parole de la Nouvelle Classe Politique et Sociale (NCPS) /opposition Nationaliste, Steve Mbikayi Mabuluki, a dénoncé cette démarche de l’UDPS: «L’opinion nationale suit ces derniers jours des déclarations faites par l’UDPS qui s’arroge le droit de choisir souverainement les 12 délégués de l’opposition au Comité Préparatoire du dialogue. L’UDPS ajoute que la délégation de l’opposition au dialogue sera conduite par son Président national, au motif que l’UDPS est le fer de lance de ce dialogue pour avoir eu des rencontres bilatérales avec le pouvoir à Venise et à Ibiza. L’UDPS estime qu’il lui revient le droit de choisir les 12 places réservées à l’opposition au comité préparatoire, parce que certains opposants auraient soutenu une transition dirigé par Kabila. Dans son argumentaire, l’UDPS soutient de manière voilée, une transition qui serait dirigée par son Président National comme Chef de l’Etat. L’UDPS estime que pour prétendre figurer parmi les 12 délégués de l’opposition au Comité préparatoire du dialogue, il faut s’aligner d’une manière obligatoire sur les positions de l’UDPS. La Nouvelle Classe Politique et Sociale lui dit un « non » catégorique.

Nous estimons que si le dialogue politique inclusif recommandé par le conseil de sécurité de l’ONU concerne seule l’UDPS et le pouvoir; si l’objectif du dialogue et de revenir sur le contentieux électoral de 2011; si le but du dialogue est d’aller prendre le pouvoir suprême; si pour aller au dialogue, il faut prêter le serment de fidélité à l’UDPS, ce dialogue là ne nous concerne pas et nous y renonçons. Nous ne reconnaissons pas à l’UDPS le droit de désigner au Comité Préparatoire du dialogue les délégués des autres partis de l’opposition, parce qu’ils ne dépendent pas d’elle. Nous sommes partisans d’un dialogue politique inclusif qui puisse baliser le chemin vers des élections crédibles différentes de celles de 2006 et 2011».[14]

c. L’UDPS entre illusion et irréalisme

Les exigences de la feuille de route de l’UDPS, notamment la bipolarisation de la scène politique, pourraient se révéler irréalistes. L’UDPS s’érige en seul et unique interlocuteur légitime du Pouvoir et considère que le dialogue doit mettre en présence deux blocs: l’UDPS et le Pouvoir.

Evoquant la configuration politique du dialogue, la feuille de route de l’UDPS identifie, à son Point III.A., les protagonistes de la crise politique actuelle: «Les élections ont eu le mérite de reconfigurer politiquement la classe politique congolaise et recadrer la ligne de démarcation claire entre ceux qui soutiennent le système en place et leurs alliés, d’un côté, et ceux qui réclament la vérité des urnes, de l’autre. Deux tendances se dessinent clairement entre les tenants du statu quo et ceux qui militent pour le changement».

Puis: «Ainsi, le contentieux électoral de 2011 se trouve être la cause essentielle de la crise politique actuelle en République Démocratique du Congo. Il va sans dire que ce dialogue pourra mettre autour d’une table le Président élu, Monsieur Etienne Tshisekedi, et ses alliés pour le camp du changement; Monsieur Joseph Kabila et les siens pour le camp du statu quo…».

La feuille de route de l’UDPS remet en cause l’existence d’autres ailes de l’Opposition, notamment celles qui ne sont pas en alliance avec Limeté ni de son obédience. Requête impossible, difficile à faire accepter et au Pouvoir et au reste de l’Opposition. Comment enrayer et laisser de côté les grands groupes comme l’Opposition Républicaine et son leader Léon Kengo wa Dondo ou la Dynamique de l’Opposition – avec des partis à encrage sociologique réel de la trempe du MLC de Jean-Pierre Bemba, de l’UNC de Vital Kamerhe-? Par quelle alchimie ignorer sans couac l’existence du G7 avec ses machines, notamment le MSR, l’ARC, l’UNADEF, l’UNAFEC, sans compter ses ténors Pierre Lumbi, Olivier Kamitatu, José Endundo, Gabriel Kyungu, Charles Mwando et Moise Katumbi, son candidat désigné à la présidentielle de novembre 2016?

Il est évident que la bipolarisation que demande Tshisekedi est aléatoire. Il sera impossible de l’imposer au reste de la classe politique et à la Société civile.

Côté ordre du jour, la feuille de route de Tshisekedi, à son Point III.B., propose entre autres: «Il faudra que les responsables à l’origine de la fraude électorale soient écartés de la gestion du pays à tous les niveaux et du déroulement du processus électoral en cours».

Pas besoin d’un dessin pour comprendre que Tshisekedi vise avant tout Kabila et son fauteuil. Pour le président de l’UDPS, le dialogue serait le moment inespéré de procéder à la remise-reprise avec Kabila. Tshisekedi voit-il un Président de la République reconnu par la Communauté internationale lui laisser le pouvoir pour ses beaux yeux ou son âge avancé? Utopique.[15]

2. LE RECOURS DE LA MAJORITÉ À LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Le 18 avril, plus de 200 députés ont déposé à la Cour constitutionnelle une requête en interprétation des articles 70, 103 et 105 de la constitution. Ces articles sont tous liés aux mandats du président de la République, du député et du sénateur. Parmi les signataires de la requête, il y a aussi une cinquantaine de députés de l’opposition.

Pour ces députés, le président de la République comme les députés nationaux doivent rester en fonction jusqu’à l’installation des leurs remplaçants élus, comme c’est le cas des sénateurs, députés provinciaux et gouverneurs qui ont été élus lors de la législature de 2006 et qui sont toujours en fonction.

Cette interprétation de la constitution est rejetée par l’opposition qui estime qu’à l’expiration du mandat présidentiel une transition doit être mise en place jusqu’à l’élection d’un nouveau président de la République.[16]

Le 19 avril, le député national de l’UNC, Sam Bokolombe, a affirmé que la saisine de la Cour constitutionnelle par la majorité résulte d’une mauvaise lecture de l’alinéa 2 de la 70 de la Constitution. «Cette majorité pense que tant qu’il n’y a pas d’élection, le président Joseph Kabila demeurera en fonction. Erreur!», a-t-il relevé.

Cette disposition, martèle-t-il, ne se conçoit que dans l’hypothèse où l’élection présidentielle est organisée et on se retrouve en contexte de transition démocratique avec deux présidents. L’un en exercice, mais fin mandat, et l’autre nouvellement ÉLU. La Constitution tranche en prescrivant que le Président en fonction demeure jusqu’ à l’installation effective du nouveau Président ÉLU.

Sam Bokolombe indique qu’il faut se reporter sur l’article 74 alinéa 1 qui y répond: «Le Président de la République élu entre en fonction dans les dix jours qui suivent la publication des résultats définitifs de l’élection présidentielle». Et, la prise de fonction se concrétise par la prestation de serment. En clair, la fonction présidentielle du président en exercice survit et cesse au plus tard 10 jours après la publication des résultats définitifs de l’élection présidentielle par la Cour constitutionnelle.

En résumé, l’intelligence de cet alinéa 2 de l’article 70 se dégage de la lecture combinée avec l’article 73 qui engage le début de la période électorale à dater du mois de septembre, soit 90 jours avant la fin du mandat et l’article 74 alinéa 2 qui précise la durée de la transition démocratique.

De ce qui précède, Sam Bokolombe pense que la saisine de la Cour Constitutionnelle cache l’intention de voir cette institution, que d’aucuns croient inféodée au pouvoir, consacrer la lecture malveillante de la majorité et lier la fin du mandat de l’actuel Président à l’installation du « nouveau Président de la République à ÉLIRE ». «Ceci contrarierait même la lettre et l’esprit du Constituant qui a fixé de manière péremptoire le nombre et la durée des mandats présidentiels et n’a pas prévu la non tenue d’élections dans le délai constitutionnel», a-t-il regretté.

Le danger avec une telle interprétation est que tout Président en fonction repousserait l’élection de son successeur aux calendes grecques, pour demeurer le plus longtemps possible au pouvoir. Ainsi, la Constitution en vigueur n’a pas entendu ouvrir la voie à cette malicieuse et déloyale possibilité, tant dans sa lettre que dans son esprit.[17]

Pour les observateurs, le recours à la Cour Constitutionnelle pour se prononcer sur la fin du mandat du Chef de l’Etat présentement en exercice, poursuit l’objectif de contourner le dialogue. En effet, entre autres matières à débattre par les participants à ce forum, devait fatalement figurer le statut de Joseph Kabila, dans l’hypothèse de la non tenue de l’élection présidentielle le 27 novembre 2016 et de la non investiture de son successeur le 20 décembre 2016.

Si la Cour Constitutionnelle donnait raison à la Majorité Présidentielle et soutient que l’actuel Chef de l’Etat reste en fonction jusqu’à ce que le pays ait un Président de la République élu, ce forum devient sans objet. Car, de quoi devraient encore discuter les délégués de la Majorité Présidentielle, de l’Opposition et de la Société Civile, dès lors que cette haute juridiction aura donné le feu vert au Président de la République en fonction d’exercer un mandat à durée indéterminée?

Il appert, à l’analyse de l’initiative des députés de la famille politique du Chef de l’Etat, auxquels se sont joints une soixantaine de leurs collègues de l’Opposition, que l’objectif réellement visé par les uns et autres est de mettre à profit une virtuelle décision de la Cour Constitutionnelle en faveur du précité pour obtenir, sans frais, la prolongation de leur propre mandat. Dans ce cas, l’Assemblée nationale pourrait rejoindre le Sénat dans le « glissement » que cette institution a amorcé depuis 2012. La République Démocratique du Congo serait ainsi engagée dans un schéma inédit d’un Président de la République, d’un Sénat et d’une Assemblée Nationale hors mandat.

Cette situation est perçue, par beaucoup, comme un manque de respect vis-à-vis du souverain primaire, de qui les animateurs des trois institutions de la République avaient reçu des mandats clairement limités dans le temps, pour servir la Nation. Par élégance, à l’expiration de leurs différents mandats, ces élus du peuple devraient tout simplement prendre acte de leur fin mandat et revenir auprès de ce dernier solliciter de nouveaux suffrages. La volonté délibérée d’ignorer le souverain primaire fait penser à un coup de force planifié de longue date.[18]

3. PROCESSUS ELECTORAL

Dans une interview accordée à 7SUR7.CD, Olivier Kamitatu, vice-président du G7, à la question de savoir s’il est encore possible d’organiser les élections dans le délai, il a répondu que «tout récemment, les experts de l’OIF ont considéré que la révision partielle du fichier électorale pour y intégrer les jeunes majeurs pourrait prendre tout au plus cinq mois. Si nous démarrons immédiatement, cela nous porte à septembre/octobre 2016. Quant aux ressources financières, ce qui a été possible en 2011 peut être réédité en 2016. A en croire les résultats annoncés chaque semaine par la troïka et les dépenses effectuées, le gouvernement peut mobiliser les fonds nécessaires pour les élections aussi. Il ne dépend que de sa volonté politique. A ce titre, plus d’un milliard de dollars a été dépensés, ces deux dernières années, dans des projets ou acquisitions qui n’étaient pas alignées sur le Budget de l’Etat. Ces dépenses n’ont pas été autorisées par la Représentation Nationale. Cet argent aurait pu servir à financer le processus électoral et assurer la cohésion et la paix sociale. En ce qui concerne la Communauté Internationale, elle est prête à nous accompagner, à la fois sur le plan technique et financier, dès lors que le calendrier global et le plan de financement soient rendus publics par la CENI».

À propos des conséquences politiques provoquées par la non-organisation des élections dans le délai constitutionnel, il a affirmé que, «pour l’instant, il est encore temps d’organiser les élections dans le respect de la Constitution. S’il s’avère que le Président de la République, le Gouvernement et la CENI échouent dans leur mission constitutionnelle, il faudra primo qu’ils en tirent les conséquences en démissionnant, secundo, qu’ils expliquent à l’opinion nationale pourquoi il y a eu de l’argent pour une multitude de projets non budgétisés comme l’immeuble intelligent, les avions de ligne et pas pour les élections. Et tertio, il va falloir organiser le pouvoir d’intérim prescrit par la Constitution. Il ne s’agit pas d’une transition mais bien d’un interim avec un nouveau président intérimaire qui aura pour seule mission d’organiser les élections dans les 90 jours».

Au lieu d’un dialogue politique, Olivier Kamiatatu a proposé plutôt des négociations directes, en précisant que «quelle que soit la forme de la négociation, elle devra avoir un préalable: que le Président dise qu’il ne sera pas candidat, qu’il ne changera pas la Constitution et ne briguera pas un troisième mandat». En ce qui concerne Edem Kodjo nommé par l’UA facilitateur du dialogue national, Olivier Kamitatu a affirmé que «il devrait aujourd’hui proposer un schéma qui s’inscrit dans le respect de la résolution 2277, de la Constitution et des délais électoraux qu’elle prescrit».[19]

Le 13 avril, le vice-président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Norbert Basengezi, a annoncé que l’opération de révision du fichier électoral débutera au mois de juillet prochain. La Ceni annonce également qu’environ 100 000 agents électoraux seront bientôt recrutés pour mener cette opération de révision du fichier électoral. Une opération qui va déboucher sur la délivrance d’une nouvelle carte d’électeur.

Le rapporteur adjoint de la CENI, Onésime Kukatula Falashi, a indiqué qu’il y a nécessité de faire une différence entre une mise à jour et une révision de fichier électoral. Il a affirmé qu’il s’agit ici de la révision du fichier électoral, c’est-à-dire on enrôle à partir de 0. De cette façon, les décédés sont d’office extirpés et ceux qui ont changé d’adresse iront s’enrôler à leurs nouveaux lieux de résidence. En ce qui concerne le risque de doublons, il a averti qu’il sera difficile que quelqu’un puisse s’enrôler deux fois, parce qu’on enregistrera aussi les empreintes digitales.[20]

Le 27 avril, au cours de la réunion mensuelle du comité de partenariat d’appui au cycle électoral, le Représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’ONU en RDC, Mamadou Diallo, a déclaré que tous les partenaires de la RDC étaient mobilisés pour accompagner la Ceni afin de «permettre aux Congolais de se retrouver dans quelques mois dans le cadre des élections». Pour sa part, l’ambassadeur de l’Union Européenne, Michel Dumond, a estimé qu’un consensus politique issu d’un dialogue inclusif ouvrirait la voie à l’aide extérieure: «Dès lors que nous aurons cet accord politique permettant un calendrier consensuel, réaliste et global, l’Union européenne [va faire part] de sa disponibilité d’appuyer le processus électoral».

Le président de la Ceni, Corneille Nangaa, a annoncé, de son côté, que son institution va tester le 7 mai prochain le matériel pour la révisions du fichier électoral.

Le comité de partenariat d’appui au cycle électoral réunit des membres du bureau de la Ceni, le gouvernement congolais, les ambassadeurs et chef des missions diplomatiques accrédités en RDC, ainsi que plusieurs organisations internationales.[21]

[1] Cf Radio Okapi, 07.04.’16

[2] Cf Radio Okapi, 08.04.’16

[3] Cf Radio Okapi, 08.04.’16

[4] Cf Radio Okapi, 09.04.’16

[5] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 11.04.’16 http://www.lepotentielonline.com/index.php?option=com_content&view=article&id=14361:le-g7-n-acceptera-pas-un-3eme-faux-penalty&catid=85:a-la-une&Itemid=472

[6] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 11.04.’16

[7] Cf Radio Okapi, 12.04.’16

[8] Cf Radio Okapi, 16.04.’16

[9] Cf RFI, 16.04.’16

[10] Cf Radio Okapi, 11.04.’16 ; Gino Rehema – topcongo, via www.congosynthese.com, 11.04.’16

[11] Cf 7sur7 cd – via congoforum, 15.04.’16

[12] Cf 7sur7 cd – via congoforum, 16.04.’16

[13] Cf Radio Okapi, 27.04.’16

[14] Cf Forum des As – Kinshasa, 29.04.’16 http://www.forumdesas.org/spip.php?article7408

[15] Cf AfricaNews , via www.congosynthese.com, 20.04.’16

[16] Cf Radio Okapi, 18.04.’16

[17] Cf Tshieke Bukasa – Le Phare – Kinshasa. 20.04.’16

[18] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 22.04.’16

[19] Cf Israël Mutala – 7sur7, via www.congosynthese.com, 12.04.’16

[20] Cf Radio Okapi, 14.04.’16; Tshieke Bukasa – Le Phare – Kinshasa, 15.04.’16

[21] Cf Radio Okapi, 28.04.’16