Congo Actualité n. 272

EXPLOITATION AURIFÈRE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE CONFLIT, COHABITATION OU COOPÉRATION?

Le cas de la mine d’or artisanale de Mukungwe, au Sud-Kivu, République Démocratique du Congo

Organisation pour le Commerce et le Développement économique (OCDE)

Novembre 2014[1]

SOMMAIRE

I. INTRODUCTION ET PRINCIPALES CONSTATATIONS

  1. Contribution de l’or aux recettes fiscales officielles nettement inférieure à ce qu’elle devrait être
  2. Insuffisance de sources légitimes d’approvisionnement en or et concurrence déloyale
  3. Exploitation artisanale et industrielle: les différents niveaux de connaissance du Guide de l’OCDE sur le devoir de Diligence
  4. l’exploitation aurifère artisanale à petite échelle, source de financement des conflits
  5. Le progrès est possible: des initiatives pour la démilitarisation des mines
  6. Les Zones d’Extraction Artisanale (ZEA) et “l’alternative SOMINKI”

II. UN APERÇU DE L’EXPLOITATION AURIFÈRE DANS LA PROVINCE DU SUD-KIVU

  1. Sociétés actives dans la Province du Sud-Kivu
  2. Types d’exploitations minières et volumes de production
  3. Les niveaux de formalisation pour l’exploitation aurifère artisanale du Sud-Kivu sont très faibles
  4. La chaîne aurifère au Sud-Kivu: de la mine à l’exportation
  5. La chaîne aurifère de Banro

III. LIENS DES CONFLITS ET AUTRE RISQUES

  1. Soutien direct ou indirect aux FARDC et groupes armés non étatiques
  2. Violations graves liées à l’extraction, au transport et au commerce des minerais
  3. Corruption et représentation frauduleuse des origines des minerais
  4. Blanchiment d’argent et paiement de taxes, de frais et de redevances

IV. LE CAS DE MUKUNGWE

  1. L’exploitation minière et le volume de production
  2. Les niveaux de démilitarisation
  3. Perspectives pour l’avenir

V. PRISE DE CONSCIENCE ET NIVEAUX DE MISE EN ŒUVRE DU GUIDE DE L’OCDE SUR LE DEVOIR DE DILIGENCE

  1. Initiatives pour atténuer les risques selon l’Annexe II

VI. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

  1. Conclusions
  2. Recommandations

Cette étude est le deuxième d’une série de cinq, visant à identifier et évaluer les chaînes d’approvisionnement en or issu de l’artisanat minier congolais potentiellement traçables et « libres de conflit », et à déterminer les obstacles empêchant l’exercice du devoir de diligence. L’étude porte sur Mukungwe, au Sud-Kivu, République démocratique de Congo.

 

I. INTRODUCTION ET PRINCIPALES CONSTATATIONS

1. La contribution de l’or aux recettes fiscales officielles est nettement inférieure à ce qu’elle devrait être.

La Province du Sud-Kivu possède parmi les gisements miniers les plus riches de la République Démocratique du Congo (RDC) et l’or extrait là apporte une contribution vitale à l’économie de la province. Les recettes fiscales provinciales et nationales provenant des secteurs miniers ont augmenté depuis le commencement de la production industrielle de l’or en 2011 par la société Banro cotée à la bourse de Toronto, la seule exploitation minière à grande échelle dans la Province, et du fait d’une augmentation enregistrée dans les exportations d’or des unités de traitement[2] basées à Bukavu. Cependant, la contribution de l’or aux taxes fédérales au Sud-Kivu est limitée, pour deux raisons. La première étant que, bien que l’exploitation aurifère artisanale et son commerce dans la province font l’objet de nombreux prélèvements semi-légaux et illégaux par les fonctionnaires, presque aucun de ces derniers ne sont dirigés vers les caisses de l’État. La deuxième repose sur le fait qu’une grande partie de l’or extrait artisanalement de la province est exportée en contrebande du pays, généralement vers l’Ouganda, mais aussi le Kenya, le Rwanda et le Burundi et, à partir de là, prétendument à Dubai.

2. Insuffisance de sources légitimes d’approvisionnement en or et concurrence déloyale

Les Unités de traitement ont une insuffisance de sources légitimes d’approvisionnement en or et souffrent de la concurrence déloyale des contrebandiers.

Une réduction des taxes à l’exportation sur l’or a encouragé l’établissement des unités de traitement de l’or enregistrées officiellement au Sud-Kivu et dans d’autres provinces. Mais les unités de traitement à Bukavu se sont plaintes d’une grande pénurie de mines d’or validées[3] – et notamment validées « vertes » par une équipe d’évaluation multipartite – pouvant les approvisionner. Les unités de traitement ont aussi allégué une concurrence déloyale de la part des négociants en or qui ne déclarent ni leurs achats d’or, ni leurs exportations.

3. Exploitation artisanale et industrielle: les différents niveaux de connaissance du Guide de l’OCDE sur le devoir de Diligence

On constate un manque de conscience et de connaissance du Guide sur le devoir de Diligence de l’OCDE parmi les négociants en or à Bukavu. Les exploitants industriels sont mieux informés et ils ont modifié leur approche envers les mineurs artisanaux.

La connaissance ou même la sensibilisation au Guide sur le devoir de Diligence de l’OCDE pour des chaînes d’approvisionnements responsables en minerais provenant des Zones de Conflits et à Haut Risques[4] parmi les négociants en or à Bukavu varie de minime à inexistante, en contraste aux maisons de négoce de la ville en étain et tantale, lesquels ont reçu de nombreuses formations à ce sujet. Les représentants de Banro connaissent parfaitement le Guide de l’OCDE, et la société a une série de contrôles et de recoupements mis en place prévus pour préserver l’intégrité de sa chaîne de documentation. L’approche de Banro concernant l’activité de l’artisanat minier a évoluée au fil des années, d’une position de départ visant à la pleine application de ses droits sur les permis attribués par l’Etat, à une approche plus pragmatique visant à permettre aux mineurs artisanaux voulant continuer à creuser pour gagner leur vie de poursuivre leurs activités. Casa Minerals, opérant dans le sud de la province, a accepté de céder la moitié de ses permis aux mineurs artisanaux, en échange de la restitution des portions restantes.

4. l’exploitation aurifère artisanale à petite échelle, source de financement des conflits.

En dépit des efforts d’atténuation, l’exploitation aurifère artisanale à petite échelle du Sud-Kivu demeure une source importante de financement des conflits.

L’exploitation aurifère artisanale au Sud-Kivu demeure depuis les années 1990 une source importante de financement des conflits pour les forces armées Congolaises et de nombreux groupes armés non étatiques. L’exploitation artisanale de l’or du Sud-Kivu a aussi permis à de nombreux politiciens de la province et hauts représentants de l’État de se construire des positions confortables, et a bénéficié à un grand nombre de figures nationales à Kinshasa. La militarisation des mines d’or du Sud-Kivu a au fil des années provoqué de nombreux abus graves associés avec l’extraction de l’or, y compris des exécutions, l’obligation des habitants à quitter leurs foyers, le travail forcé, la torture et les détentions illégales, à tel point que l’identification des mines d’or artisanales sans conflits dans la province est devenue un défi majeur. Les autorités provinciales ont pris des mesures pour enrayer le financement des conflits de l’or artisanal et réduire les risques selon l’Annexe II[5], notamment par l’établissement d’un comité multipartite nommé le Comité Provincial de Suivi (CPS) pour le secteur de l’exploitation minière artisanale. Le CPS du Sud-Kivu vise à suivre les développements dans le secteur artisanal et à traiter les problèmes dès qu’ils surviennent.

5. Le progrès est possible: des initiatives pour la démilitarisation des mines

Le progrès est possible: des initiatives prises par la société civile, les autorités Provinciales et locales, par exemple, ont mené à la démilitarisation de la mine Mukungwe et ont favorisé la réconciliation des belligérants.

Mukungwe est un vaste gisement d’or exploité artisanalement au Sud-Kivu sur la concession de la société Banro. Par exemple: l’Observatoire Gouvernance et Paix (OGP) a organisé des ateliers pour les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) du Sud-Kivu qui ont été suivi par un retrait des troupes de Mukungwe.

6. Les Zones d’Extraction Artisanale (ZEA) et “l’alternative SOMINKI”

Le gouvernement veut que les creuseurs artisanaux sur des permis d’exploitation industrielle soient relocalisés sur des nouvelles mines artisanales, mais jusqu’à présent peu d’attention a été accordé à “l’alternative SOMINKI”, laquelle consiste à laisser les creuseurs où ils se trouvent, tout en s’engageant à acheter leur production.

La politique officielle des autorités provinciales et nationales est que les creuseurs artisanaux travaillant sur les permis des sociétés minières industrielles devraient être relocalisés sur des Zones d’Exploitation Artisanale (ZEA). Ceci est sur le point de se produire sur le site Namoya de Banro, qui se trouve à 225 kilomètres au sud-ouest de Bukavu, juste à l’intérieur des frontières de la province Maniema, où les mineurs artisanaux sont supposés se relocaliser tout près à Matete pour extraire de l’or, le début de production étant prévu pour 2014. La relocalisation sur une ZEA est aussi la solution privilégiée des autorités à Mukungwe, une grande exploitation aurifère artisanale avec le statut ‘rouge’ qui est inscrit sur le permis 43 de Banro, celle-ci faisant l’objet d’une étude de cas dans ce rapport.

Cependant, comme le montre l’étude de cas, il n’est absolument pas certain qu’une ZEA appropriée s’y trouve. Une alternative qui n’a pas été essayé, toutefois, est que les creuseurs restent sur le site et que Banro facilite, supervise et soutienne la production aurifère et/ou éventuellement achète la production résultante. C’est de cette façon que l’ancienne Société Minière et Industrielle du Kivu (SOMINKI) opérait normalement au Sud-Kivu.

II. UN APERÇU DE L’EXPLOITATION AURIFÈRE DANS LA PROVINCE DU SUD-KIVU

La province du Sud-Kivu est généreusement dotée en gisements aurifères. Presque tous ces gisements sont exploités par des creuseurs artisanaux, dans des nombres variant d’une poignée de personnes à des milliers. Les principaux groupes de gisements aurifères exploités au Sud-Kivu sont:

 Sud-ouest de la capitale provinciale Bukavu, dans les territoires de Walungu et Mwenga, y compris Mukungwe;

 Ouest de Baraka, dans le territoire de Fizi, comprenant les sites tels que Butende et Michikachika;

 Sud-est de Lubi, aussi dans le territoire de Fizi, incluant les sites tels qu’Israel et Masumu;

 Près de la frontière du Nord- Kivu, dans le territoire de Kalehe, comprenant des sites tels que Kairenge et Kitendebwa; et

 À l’ouest de la province vers Maniema, dans le territoire de Shabunda, avec des sites incluant Kalanda et Kalutindi.

Il existe au Sud-Kivu depuis l’indépendance une longue tradition de milices rebelles découlant des financements du commerce illicite d’or. Par exemple, le Président Laurent Désiré Kabila passait en contrebande de l’or du Sud-Kivu, via le Lac Tanganyika, à la Tanzanie quand il était un combattant rebelle durant les années 1960 et 1970.

Même lorsque les milices non étatiques n’ont pas participé à la chaîne d’approvisionnement des ressources minérales, la tendance dominante au Sud-Kivu, comme dans les autres provinces productrices d’or en RDC, a été l’exportation de pratiquement tout l’or produit artisanalement de manière officieuse et non enregistrée.

Depuis 2006, des Groupes successifs d’Experts des Nations Unies sur la RDC ont identifié l’exploitation artisanale au Sud-Kivu, particulièrement pour l’or, comme une principale source de financement de conflits.

En 2010, une interdiction de l’exploitation artisanale de neuf mois au Maniema, Nord et Sud-Kivu, imposée par le Président Joseph Kabila, pour lutter contre le problème du financement de conflits, ainsi que la décision de certaines sociétés internationales de cesser l’approvisionnement en RDC plutôt que de dénoncer leurs activités, comme l’exige l’article 1502 de la loi Dodd-Frank sur la Réforme de Wall Street et la Protection des Consommateurs (intitulée Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act[6]) ont eu un impact significatif sur l’exploitation minière de la cassitérite et du coltan au Sud-Kivu, entraînant une réduction marquée de leur production et de leur commerce et, donc, une diminution du financement des groupes armés, mais effleurant à peine le secteur aurifère artisanale, où la production et le commerce semblent avoir continués comme auparavant.

1. Sociétés actives dans la Province du Sud-Kivu

Pendant la fin des années 1980, SOMINKI commença à perdre de l’argent et se dirigea vers la faillite, principalement à cause de la chute du prix international de l’étain.

La production de tous les minerais métalliques de SOMINKI diminua de plus en plus, et pendant que la société abandonnait l’exploitation semi-industrielle minière, site après site, sa présence fut remplacée par un nombre croissant de creuseurs artisanaux.

Les actionnaires privés de SOMINKI vendirent leurs participations aux sociétés américaines Cluff Mining et Banro, cotées à la bourse de Toronto.

En 1996, Banro acheta Cluff et créa la Société Aurifère et Industrielle du Kivu et du Maniema (SAKIMA) comme sa filiale. SAKIMA était active au Maniema, dans les provinces Nord et Sud-Kivu.

En 2003 Banro vendit les mines d’étain et de coltan de SAKIMA à une société Sud-Africaine nommée Kivu Resources, permettant à Banro de se concentrer sur les actifs aurifères de SAKIMA. Le plan de Banro était de procéder à l’exploitation industrielle minière, tout d’abord à Twangiza, près de Bukavu, dans la Province du Sud-Kivu, puis à Namoya, dans la Province de Maniema et, ensuite, à Kamituga et à Lugushwa, au Sud-Kivu.

En octobre 2011, Banro a produit son premier lingot d’or à Twangiza, celui-ci était le premier or Congolais exploité industriellement depuis plus de cinquante ans.

Banro avait précédemment transféré plus de 1.000 creuseurs artisanaux pour ouvrir la voie à la production industrielle à Twangiza, qui furent immédiatement remplacés par d’autres mineurs artisanaux qui commencèrent à travailler sur une partie de la mine que la société a l’intention de débuter à développer à la fin de l’année 2016.

Banro a au fil des années considérablement changé son attitude à l’égard des mineurs artisanaux.

Jusqu’en 2010, les responsables de la société parlaient toujours d’une application complète des droits d’exploitation de Banro sur ses concessions et de la relocalisation des mineurs artisanaux, alors que quatre ans plus tard sa direction démontrait une position bien plus nuancée. La société a indiqué qu’elle envisage toujours de relocaliser les mineurs artisanaux des concessions, afin de les développer industriellement, mais elle s’est engagée simultanément à aider au développement de moyens de subsistance alternatifs pour les creuseurs, et à identifier et préparer partiellement, conjointement avec le Gouvernement de la RDC, des ZEA alternatives sur lesquelles les creuseurs pourraient emménager.

À Namoya, dans la Province du Maniema, où Banro avait planifié de commencer la production aurifère à la fin de 2014, un plan est actuellement en cours impliquant la relocalisation des creuseurs artisanaux à Matete, un site proche où des gisements qui pourraient potentiellement être exploités artisanalement ont été identifiés. Le plan est mis en oeuvre avec l’assistance de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) et la Mission des Nations Unies en RDC (MONUSCO). La société souhaite qu’une approche pragmatique soit retenue permettant une analyse au cas par cas des différentes situations, et l’octroi d’exemptions visant à permettre la présence de mineurs artisanaux sur des permis d’exploitation minière industrielle.

Un peu au sud de la ville du Sud-Kivu nommée Fizi, près du Lac Tanganyika, Leda Mining, une filière d’Anvil Mining auparavant cotée à la bourse de Toronto et en Australie (à présent retirée de la cotation, et devenue une filière de China Minmetals) détient six permis d’exploration, et a signé une convention d’option pour les développer avec Casa Mining, une société d’exploration aurifère enregistrée dans les Îles Vierges Britanniques. Cependant, plusieurs milliers de creuseurs artisanaux actifs sont sur les permis, où il y a un long passé d’activités régulières de groupes armés non étatiques persistant. Malgré cela, Casa Mining chercherait à convertir ses droits d’exploration en droits miniers auprès du Cadastre Minier (CAMI) à Kinshasa. Le gouvernement du Sud-Kivu a déclaré travailler en collaboration avec Casa Mining, et affirme que la société a accepté de céder la moitié de ses permis aux zones d’exploitation artisanale si ses permis sont convertis.

2. Types d’exploitations minières et volumes de production

Avec l’exception importante de l’exploitation aurifère industrielle à Twangiza, l’activité minière au Sud-Kivu est entièrement artisanale pour tous les minéraux. L’échelle de la production aurifère de la province est difficile à estimer, puisque les statistiques provinciales ne saisissent que les achats et les exportations des unités de traitement aurifères officielles dans la capitale du Sud-Kivu, Bukavu. Ces statistiques indiquent que les unités de traitement achetaient 79,3 kg (2.797 oz) d’or en 2013, mais 120,829 kg d’or pendant seulement le premier trimestre de l’année 2014 (4.262 oz), 49,3 kg (1.739 oz) en avril 2014 et 51,7 kg d’or (1.823 oz) en mai 2014, et exportaient approximativement la même quantité pendant ces périodes.

La hausse dramatique était attribuée à l’allègement des taux d’imposition pour les acheteurs, ce qui a encouragé une plus grande proportion de la production totale d’or artisanal de la province par la voie officielle.

Ces statistiques, cependant, ne saisissent qu’une partie du commerce aurifère; le volume total et la valeur de la production aurifère et le commerce dans la province sont inconnus.

Les négociants en or à Bukavu ont signalé que la plupart de l’or au Sud-Kivu continue à passer par des circuits non officiels, alors qu’en 2011 le Groupe d’Experts des Nations unies estimait que “la chaîne officielle représente moins de 1% des centaines de kilogrammes de commerce aurifère dans la province”.

À Mukungwe, l’une des mines aurifères les plus productives du Sud-Kivu, un responsable de puits qui co-gérait un puits de mine employant plus de 300 personnes, signala en 2014 que la production de son puits de mine avait à plusieurs reprises et avant que ses pompes à eau ne se brisent, atteint 56 kilos par semaine.

Banro mène des activités d’exploitation minière industrielle à ciel ouvert à Twangiza. Banro a déclaré que à pleine capacité, Twangiza peut traiter 1.7m tonnes de minerais par an, et produire “plus de 10.000 onces d’or chaque mois, avec une durée de vie prévue de la mine de sept à huit ans”. En 2013, la production aurifère totale de Twangiza était de 2.812 tonnes ou 99.190 oz, donnant une production mensuelle moyenne de 8.265 oz. La production au cours du premier trimestre de 2014 était enregistrée à 859.786 kg ou 30.328,1 oz, donnant une moyenne mensuelle de 10.109 oz.

3. Les niveaux de formalisation pour l’exploitation aurifère artisanale du Sud-Kivu sont très faibles.

Les machines sont absentes des mines artisanales aurifères du Sud-Kivu. Dans la plupart des mines du Sud-Kivu, hormis celle de Misisi, les minerais sont concassés uniquement manuellement.

Quelques mines artisanales aurifères du Sud-Kivu utilisent des pompes motorisées pour retirer l’eau des puits, et certaines utilisent aussi des moteurs pour pomper de l’air frais à l’intérieur de ces derniers. Dans certaines des mines aurifères de la province, y compris Mukungwe, les puits ont été crées grâce à l’utilisation de dynamite, mais dans la majorité des mines, les creuseurs ont taillé les puits en martelant manuellement la roche.

Dans certaines mines aurifères du Sud-Kivu, comme dans d’autres provinces, les creuseurs sont organisés en ce que l’on appelle des “coopératives”, certaines ayant été reconnues par les autorités gouvernementales. L’unité d’exploitation principale dans la plupart des mines du Sud-Kivu, cependant, semble demeurer l’équipe de puits.

4. La chaîne aurifère au Sud-Kivu: de la mine à l’exportation

Les statistiques officielles ne font un suivi que des chaînes d’approvisionnement des mines artisanales aurifères passant par les unités de traitement à Bukavu pour exporter.

Au moment des recherches, les unités de traitement à Bukavu étaient Alfa Gold, Cavichi, Namukaya, Comcam, Mining-Congo et DTA. Parmi celles-ci, Alfa Gold, Cavichi et Namukaya étaient, selon les statistiques, les acheteurs d’or les plus actifs pendant 2013-14.

Namukaya a été cité à de nombreuses reprises dans les rapports des Groupes d’Experts des Nations Unies, pour avoir prétendument facilité des transactions d’or, dont les groupes armés non étatiques et les FARDC auraient tiré des bénéfices financiers. Les représentants de Namukaya ont refusé d’être interviewés pour cette étude.

La réduction des taxes gouvernementales depuis 2012 sur les unités de traitement d’or les a encouragées à s’orienter vers le commerce légal, cependant en pratique l’imposition d’un nombre de taxes légales et illégales a considérablement érodé leurs marges bénéficiaires.

Des hauts fonctionnaires du gouvernement continuent de fermer les yeux sur la contrebande d’or par des hommes d’affaires bien connectés, ceci compliquant la compétitivité des unités de traitement qui respectent les règles.

Problème majeur: très peu de mines aurifères au moment des recherches étaient validées, sans parler de la validation “verte”, donc autorisées à vendre légalement de l’or. En conséquence, les unités de traitement de Bukavu ont accès à de l’or non-validé qu’elles ne sont pas supposées acheter. Toutefois, connaissant les volumes d’or que les unités de traitement ont déclaré acheter, il semble très probable que la plupart de cet or provienne des mines non-validées “vertes”.

Un autre défi pour les unités de traitement est que, au moment des recherches, les certificats de la Conférence Internationale de la Région des Grands Lacs (CIRGL) n’étaient pas disponibles au ministère provincial des mines, apparemment en raison de l’absence de certificats fournis par le ministère national. Ceci était censé vouloir dire que les unités de traitement ne pouvaient pas exporter, comme ces certificats sont exigés légalement pour exporter l’or de la RDC.

En pratique, toutefois, les unités de traitement ont continué à exporter de l’or, en utilisant la documentation suivante:

 Preuve des impôts payés aux agences gouvernementales;

 Noms des négociants vendant des minerais à l’unité de traitement;

 La quantité d’or que les unités de traitement ont acheté des négociants;

 Le pourcentage d’or contenu dans les minerais achetés et vendus;

 Sites d’extraction, ou souvent juste le territoire, en provenance desquels les négociants ont obtenu l’or.

La majorité de l’or produit artisanalement au Sud-Kivu passe par la capitale provinciale Bukavu, où une partie est achetée officiellement par les unités de traitement, mais le reste est négocié et exporté secrètement et sans enregistrement.

Selon des sources secondaires, l’or passant par Bukavu est exporté vers Dubai, parfois par Bujumbura (Burundi), Kigali (Rwanda), Kampala (Ouganda) ou Nairobi (Kenya). Le Groupe d’Experts de l’ONU a aussi identifié un circuit d’exportation de l’or du Sud-Kivu directement vers Bujumbura et la Tanzanie.

5. La chaîne aurifère de Banro

La production aurifère de Banro provenant de Twangiza n’est pas négociée au Sud-Kivu.

Banro affine son or de Twangiza sur le site à 92% de pureté, et le lingot résultant est envoyé à la raffinerie Rand à Johannesburg (Afrique du Sud). Selon Banro, le processus d’exportation aurifère est déclenché par un représentant du ministère provincial des mines à Twangiza, qui signe un document faisant partie du dossier des documents d’exportation. Suite à quoi, les fonctionnaires de l’Office Congolais de Contrôle (OCC) et du Centre d’Expertise d’Évaluation et de Certification des substances minérales précieuses et semi-précieuses (CEEC) participent à une procédure d’analyse à la mine de Twangiza, durant laquelle chaque barre de lingot est percée trois fois, puis un échantillon est analysé par la société et les deux autres par l’OCC et le CEEC. Une fois que les rapports d’analyse des agences sont complets, la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA) signe une autorisation d’exportation, qui est aussi signée par l’agent de compensation.

À la suite de cela, chaque barre individuelle de lingot d’or est scellée conjointement par les représentants de la DGDA et Banro. À ce stade, une société de sécurité privée retenue par la raffinerie Rand prend la garde physique du lingot, et remet un reçu à Banro. L’or est envoyé à Kinshasa, et la garde en est transférée à Kinshasa au CEEC. Une fois que Banro a payé ses taxes à l’exportation et donné sa preuve de paiement au CEEC, ce dernier recommande au ministre national des mines de signer le certificat d’exportation d’origine.

Une fois que le CEEC reçoit le certificat signé du ministre, il transfert la garde de l’or de nouveau à la société de sécurité, qui accompagne l’or à Johannesburg. Suite à cela, l’importation de l’or est autorisée par les Services du Revenu de l’Afrique du Sud (SARS), et finalement transféré à la raffinerie Rand.

III. LIENS DES CONFLITS ET AUTRE RISQUES

1. Soutien direct ou indirect aux FARDC et groupes armés non étatiques

De nombreuses mines aurifères dans la Province du Sud-Kivu ont historiquement fourni, et dans de nombreux cas continuent à fournir, des niveaux de financement significatifs aux forces armées et aux groupes armés non étatiques, y compris les Mai Mai Yakutumba, les Raia Mutomboki, les Mudundu 40 et les FDLR. Les FARDC et les groupes armés non étatiques ont principalement profité de l’exploitation aurifère artisanale en imposant des taxes aux creuseurs, aux négociants et aux transporteurs. Les commandants des FARDC ont aussi bénéficié financièrement, en “s’appropriant” certains puits de mines. Les groupes armés non étatiques et les FARDC ont en outre générés un revenu en vendant des biens et des services aux communautés minières artisanales et généralement en imposant des impôts aux économies locales dans lesquelles l’exploitation aurifère artisanale joue un rôle.

2. Violations graves liées à l’extraction, au transport et au commerce des minerais

Le Groupe des Experts de l’ONU, les chercheurs internationaux et Congolais et les ONG ont tous constaté de multiples cas d’abus graves associés à l’extraction, au transport et au commerce de l’or au Sud-Kivu. Les abus incluent la torture, des actes d’extorsion armés, des vols, des viols, des détentions arbitraires et des meurtres. Les acteurs principaux de ces abus ont été les groupes armés non étatiques et les FARDC, mais il est également démontré que des abus ont été commis par la police des mines, la Division des Mines, le Service d’Assistance et Encadrement du Small Scale Mining (SAESSCAM) et l’Agence Nationale des Renseignements (ANR).

3. Corruption et représentation frauduleuse des origines des minerais

Il continue d’exister de nombreuses allégations de corruption et de représentation frauduleuse des origines des exploitations aurifères artisanales au Sud-Kivu.

La question de la fausse représentation de l’origine de l’or ne concerne pas les négociants qui l’exportent en contrebande, puisque ces exportations ne sont pas comptabilisées.

La représentation frauduleuse est une question importante, cependant, pour l’or acheté et exporté par les unités de traitement. Les statistiques provinciales, par exemple, indiquent l’absence d’achats d’or en provenance de Mukungwe entre 2012-14, malgré le fait qu’elle soit réputée comme étant l’exploitation aurifère la plus productive de la province. Pourtant l’or de Mukungwe était en majorité vendu à l’unité de traitement de Namukaya.

Tant que la production aurifère de sites miniers validés comme étant “verts” continue à être minimale, les représentations déformées et frauduleuses persisteront, en particulier, si les unités de traitement ne sont pas tenues de fournir des preuve allant au-delà des déclarations des négociants auprès de qui elles se sont approvisionnées.

4. Blanchiment d’argent et paiement de taxes, de frais et de redevances

La production aurifère exportée légalement du Sud-Kivu recouvre une grande variété de taxes, dues à divers organismes gouvernementaux. Le paiement est dû à l’OCC, au CEEC, à la DGDA, à la Direction Générale des Recettes Administratives (DGRAD), au SAESSCAM et à la Cellule Technique de Coordination et de Planification Minière (CTCPM) de la province.

En 2012, le gouvernement réduisit les taxes à l’exportation sur l’or et les indemnités payables par les unités de traitement enregistrées, ceci étant la principale raison pour laquelle les exportations légales de l’or exploité artisanalement ont depuis augmenté.

Cependant, la combinaison des taxes officielles et des nombreux autres prélèvements semi-légaux ou illégaux imposés sur les unités de traitement officielles par les fonctionnaires de l’Etat et les groupes armés continuent de faire de la contrebande de l’or au Sud-Kivu une activité plus lucrative, même en prenant en considération les pots-de-vin versés aux fonctionnaires que les négociants doivent souvent verser pour protéger leurs affaires de contrebande.

L’une des raisons pour lesquelles certains acheteurs de l’or artisanal du Sud-Kivu peuvent offrir des prix élevés aux vendeurs est qu’ils s’adonnent au blanchiment d’argent et sont davantage intéressés par la conversion de leur argent en or que par l’achat d’or au meilleur prix.

IV. LE CAS DE MUKUNGWE

Mukungwe est située dans le territoire de Walungu du Sud-Kivu, dans le groupement Mushingwa de la collectivité Ngweshe. La mine est située dans la zone d’exploitation minière industrielle de Banro sous le permis 43 et sa population minière artisanale compte jusqu’à 10.000 personnes. La mine a été validée en 2012 et certifiée “rouge”, en raison de la présence des FARDC et des FDLR.

1. L’exploitation minière et le volume de production

Il n’existe pas de statistiques précises donnant le nombre exact de creuseurs artisanaux à Mukungwe. Une mission de validation ayant visité le site en 2012 a estimé qu’il y a entre 1.000 et 4.000 creuseurs actifs. Les représentants des creuseurs interrogés pour cette étude en 2014 ont estimé approximativement le nombre de creuseurs à 5.000 mineurs artisanaux. Outre les creuseurs, au moins autant de personnes travaillent à Mukungwe en tant que concasseurs et trieurs de roches, et commerçants d’une vaste gamme de marchandises allant des produits frais aux produits manufacturés, ou sont employés dans des services comprenant les restaurants, les bars, les boîtes de nuit et les maisons closes. Il y a de plus une grande population d’enfants entièrement non comptabilisée, comprenant un grand nombre d’entre eux qui ont moins de 15 ans travaillant en tant que mineurs ou concasseurs.

Les conditions de vie sont extrêmement difficiles, l’hygiène sanitaire est un énorme problème et les services de base comprenant les écoles et les cliniques sont entièrement absents, les plus proches se trouvant à une longue distance de marche.

Les représentants des creuseus ont ajouté qu’il existe 205 puits à Mukungwe, et parmi ceux-ci 100 sont en état de fonctionnement.

La production aurifère de Mukungwe n’est pas comptabilisée. L’estimation d’une mission de validation conjointe en 2012 était de 22.5 kilos/mois. Cependant cette estimation pourrait être trop basse, en effet le directeur de l’une des plus grandes fosses de Mukungwe a signalé que la seule production de son puits avait parfois atteint 56 kilos/semaine.

Un responsable de puits, en charge d’une main d’œuvre totale de 300 creuseurs, signale que son puits de mine, apparemment l’un des plus grands, s’étend sur plus de 100 mètres horizontalement et de nouveau sur 100 mètres verticalement.

De la dynamite a été utilisé pour la construction du puits, mais la majorité du travail a été réalisé manuellement avec des pioches et des pelles. Le puits de mine, comme de nombreux puits de mine à Mukungwe, exige l’utilisation de pompes motorisées afin d’évacuer l’eau, mais le responsable a signalé que les pompes ne marchaient plus. En conséquence, la production a baissé d’un maximum estimé à 56 kilos par semaine à une “toute petite” quantité.

Les creuseurs de Mukungwe lavent leur or dans la rivière qui traverse la mine. Tout le lavage d’or est réalisé à la batée, le tamisage étaient aussi fait manuellement. Le concassage de roches était fait à la main, et il n’y avait pas de broyeurs mécaniques sur le site.

La majorité de l’or de Mukungwe est négociée à Bukavu, où la transaction n’est pas comptabilisée, ou elle est comptabilisée comme provenant d’une autre source. Au moins 100 négociants achetant de l’or de la mine. Selon les témoignages reçus, l’unité de traitement principale achetant la production de la mine était Namukaya, basée à Bukavu. Cependant, aucune des déclarations officielles de Namukaya au Ministère des mines du Sud-Kivu pendant 2013-14 n’a indiqué des achats de Mukungwe.

2. Les niveaux de démilitarisation

En 2012, une mission commune de validation a évalué Mukungwe comme « rouge » pour de bonnes raisons. Les commandants FARDC avaient imposé des impôts sur les mines pendant des années et certains s’étaient même « appropriés » des puits. On a également des preuves que les FDLR et Mudundu 40 ont soutiré des rentes sur Mukungwe et des allégations que le M23 en a fait de même. Toutefois, après une présence de quinze ans, les militaires des FARDC se sont retirés de Mukungwe en 2013, sous ordre du général Masunzu, comandant de la 10ème région militaire. D’autre part, les commandants militaires, y compris Masunzu lui-même, ont conservé des enjeux financiers secrets à Mukungwe, ainsi que les principaux politiciens provinciaux. De surcroît, certains soldats des FARDC sont restés à Mukungwe, mais en adoptant des tenues civiles, apparemment pour protéger les puits de leurs commandants. En outre, la présence des FDLR aux alentours de Mukungwe a considérablement diminuée et à l’époque de la rédaction de cet étude, on ne signalait qu’une présence résiduelle de miliciens, devenus désormais des creuseurs travaillant pour leur propre compte.

3. Perspectives pour l’avenir

Alors que Banro et les gouvernements nationaux et provinciaux souhaitent que les creuseurs artisanaux quittent le site et soient relocalisés sur une des ZEA, les creuseurs désirent demeurer sur la mine.

Banro a précisé que le départ des creuseurs du site serait en toute hypothèse mené à l’issue de consultations avec l’ensemble des parties prenantes, conformément à la politique générale de l’entreprise. Banro a aussi déclaré que la société poursuivra une exploration aurifère aux alentours de Mukungwe pendant trois ans, avec l’espoir d’identifier d’autres gisements aurifères suffisamment attractifs, pour établir une ZEA incitant les creuseurs à quitter Mukungwe. Elle a indiqué qu’elle pourrait garantir l’accès à certains gisements pour les coopératives d’artisanat minier, à condition que les autorités gouvernementales les y autorise et facilite l’opération.

V. PRISE DE CONSCIENCE ET NIVEAUX DE MISE EN ŒUVRE DU GUIDE DE L’OCDE SUR LE DEVOIR DE DILIGENCE

La sensibilisation au Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence s’est considérablement développée au sein du Ministère des mines du Sud-Kivu, du SAESSCAM et du CEEC et il en est de même pour les efforts de mise en œuvre.

Cependant, la persistance, bien que secrète, des intérêts financiers privés de nombreux fonctionnaires d’Etat, politiciens et commandants militaires de la Province dans les mines d’exploitation aurifère artisanale du Sud-Kivu demeure un obstacle colossal pour continuer la mise en œuvre des Principes Directeurs dans le secteur aurifère.

En fort contraste aux unités de traitement du Sud-Kivu négociant de l’étain, du tungstène et du tantale (3Ts), la plupart desquelles ont bénéficié de formations au Guide de l’OCDE, la prise de conscience de ces principes directeurs est faible, voir absente, parmi les unités de traitement d’or de Bukavu.

L’unité de traitement de Namukaya a été informée de l’existence du Guide de l’OCDE à maintes reprises, mais rien ne semble indiquer que cela ait entraîné des changements importants dans son comportement. Le personnel de Banro montre une connaissance approfondie du Guide de l’OCDE et, par sa chaîne de documentation et ses pratiques de reporting, la société s’efforce de garantir la mise en place du Guide. Banro souligne, cependant, que les exigences de la Loi Dodd Frank ne s’appliquent pas à sa propre production, puisque celle-ci est vendue à un raffineur à qui revient la responsabilité de se conformer à la réglementation américaine.

1. Initiatives pour atténuer les risques selon l’Annexe II

Les initiatives principales sont:

– Le programme conjoint de Validation du Site Minier au Sud-Kivu et dans les autres provinces Congolaises, dans lequel des groupes multipartites comprenant de fonctionnaires gouvernementaux, des représentants de la CIRGL et de la MONUSCO, des représentants d’organismes de développement international, la Société civile congolaise et les membres de l’industrie visitent et évaluent des sites miniers artisanaux, puis déclarent si les mines sont ‘rouges’, ‘oranges’ ou ‘vertes’. ‘Rouge’ implique que la sécurité et la situation sociale à la mine sont problématiques à cause de la présence de groupes armés, de forces de sécurité ‘incontrôlées’, de femmes enceintes ou d’enfants ayant moins de 15 ans travaillant dans la mine. ‘Orange’ signifie que la situation sécuritaire et sociale est ‘partiellement satisfaisante’ mais pourrait s’améliorer si des réformes étaient mises en place. ‘Verte’ indique que la situation sociale et sécuritaire est ‘entièrement satisfaisante’, impliquant que le site est sous le contrôle du Ministère des mines et on ne trouve aucun groupe armé, ni de membres ‘incontrôlés’ des forces de sécurité et aucune femme enceinte, ni enfants de moins de 15 ans travaillant dans la mine. En juin 2014, dix mines aurifères du Sud-Kivu furent validées, parmi lesquelles quatre mines, comprenant Mukungwe, furent évaluées comme étant ‘rouges’, trois comme étant ‘oranges’ et trois comme étant ‘vertes’.

– Une seconde initiative liée est le Mécanisme de Certification Régionale (RCM) de la CIRGL.

D’après le RCM, la production des mines qui sont classifiées ‘vertes’ par les équipes du programme conjoint de validation des sites miniers sera autorisée à recevoir des certificats CIRGL de la Division provinciale des Mines, permettant ainsi l’exportation depuis la RDC. Lorsque le projet sera pleinement opérationnel, le projet a le potentiel de régulariser et simplifier la mise en œuvre de la vérification préalable de l’acheteur, comme – du moins en théorie – toutes les exploitations minières ayant les certificats CIRGL seront ‘libérées de conflits’. Comme indiqué précédemment, jusqu’au fonctionnement pleinement opérationnel du projet, il y a le risque que cela crée un nouveau blocage, en raison du fait qu’un nombre insuffisant de sites miniers seront certifiés comme étant « verts ».

– La politique officielle du gouvernement national et provincial implique que les mineurs artisanaux libèrent les permis détenus par les sociétés minières et qu’ils se délocalisent vers les Zones d’Exploitation Artisanale (ZEA). Les autorités ont fait appel aux sociétés pour les aider à identifier ces ZEA. Banro déclare qu’elle voudrait les ZEA soient implantées sur des permis sur lesquels les détenteurs n’ont pas exercés leurs droits, alors que la préférence du gouvernement est que les ZEA soient situées sur des parcelles ‘inutilisées’ des permis des mineurs industriels. Ceci en dépit du fait que la loi Congolaise n’autorise pas l’exploitation artisanale sur des permis d’exploitation minière industrielle. Comme indiqué plus haut, Banro tente de convaincre les parties prenantes d’adopter une approche plus pragmatique sur cette question.

Dans la Province de Maniema, Banro a identifié une potentielle ZEA nommée Matete, qui se trouve à 25 km de son permis. L’Etat a classé le gisement de Matete en ZEA, sur proposition de Banro, afin de créer des opportunités de relocalisation pour les creuseurs présents sur le permis Namoya.

En outre, Casa Mining a accepté de faciliter la création d’une ZEA sur son permis à Fizi, une fois que ces permis seront convertis de permis d’exploration miniers à des permis miniers industriels.

– Une alternative qui jusqu’à présent n’a été que peu explorée est le modèle SOMINKI, dans lequel la société détenant le permis minier laisse les mineurs où ils sont et achète leur production.

Le personnel de Banro a déclaré qu’il serait prématuré de commenter sur cette option avant que l’exploration géologique soit complète et que Mukungwe soit validée ‘verte’, mais a souligné un nombre de risques que cette option poserait à la société. L’inquiétude principale de la société serait la contamination de sa production industrielle par une production artisanale provenant d’autres sources, notamment parce que les programmes de certification dans le domaine de l’or n’en sont encore qu’à leurs débuts.

VI. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS:

1. Conclusions

À la mi-2014, l’exploitation aurifère industrielle du Sud-Kivu n’existait que depuis seulement trois ans. Son arrivée dans la province a apporté à l’administration des recettes fiscales supplémentaires, de nouvelles infrastructures essentielles et une injection de liquidité dans une économie nationale chancelante. Mais l’exploitation aurifère industrielle a aussi accru l’anxiété parmi la grande population de mineurs artisanaux de la province, qui depuis des années a travaillé sur les permis des mineurs industriels et craignent d’être expulsés, pour faire place aux détenteurs de permis.

Les mineurs de Mukungwe ont déclaré que les expériences des anciens mineurs artisanaux de Twangiza les préoccupaient grandement, affirmant que la plupart d’entre eux étaient beaucoup plus pauvres qu’auparavant, malgré les efforts de Banro visant à créer des emplois alternatifs.

Le compromis recommandé par les autorités nationales et provinciales est l’établissement de nouvelles ZEAs sur lesquelles les creuseurs artisanaux peuvent se relocaliser.

Cependant, l’expérience des ZEAs de cuivre et de cobalt dans la province de Katanga est instructive. Les ZEAs étaient, par exemple, créées près de Kolwezi au début des années 2000 pour les creuseurs artisanaux déplacés des nouvelles mines industrielles privatisées. Mais les ZEAs se révélèrent plus difficiles et moins lucratives à exploiter que les sites industriels qu’ils avaient récemment quitté, et les mineurs partaient souvent lorsque les conditions géologiques devenaient trop aléatoires, avec un grand nombre d’entre eux retournant à leur ancien lieu de travail. La même chose pourrait se produire au Sud-Kivu.

Aussi longtemps que les réseaux de commerce aurifère établis demeurent inchangés, le risque que l’exploitation artisanale basée sur des permis de mineurs industriels puisse continuer à financer les conflits persistera également. Afin d’atténuer ce risque, au moins dans les sites artisanalement exploités situés sur les permis de mineurs industriels, tel que Mukungwe, une alternative peu explorée est “l’alternative SOMINKI”, selon laquelle les artisanaux restent et les détenteurs de permis achètent leur production, sous réserve de preuves qui démontrent clairement que la diligence raisonnable en ligne avec les Principes Directeurs de l’OCDE sont mis en œuvre.

Selon l’alternative SOMINKI, les nouveaux acheteurs devraient suspendre ou cesser d’acheter l’or produit artisanalement sur leurs permis, si leur diligence raisonnable indique que le risque de financement de conflits a ressurgi. Le risque de cette situation serait qu’une suspension d’achat pourrait elle même déclencher le retour au financement de conflits, pendant que les anciens réseaux d’achats reviennent pour combler le vide d’achat. Ce risque devrait être réduit par des discussions rigoureuses entre les parties prenantes et la conclusion d’un accord sur le procédé par lequel les décisions de suspendre les achats devraient être prises, mises en œuvre et puis révisées.

Le risque supplémentaire pour l’alternative SOMINKI serait que ceux qui seraient impactés par sa mise en œuvre ne cherchent à faire échouer le projet, notamment les commandants militaires et les politiciens qui risqueraient de perdre des sources de revenus lucratives. Atténuer ce risque exigerait une volonté politique déterminée des autorités provinciales et nationales, assistée d’une collecte de preuves méticuleuses sur le terrain et d’une analyse par des tiers crédibles.

2. Recommandations

– Compte tenu des débats récents concernant la valeur des efforts internationaux pour atténuer le risque du financement de conflit à partir de la chaîne d’approvisionnement des ressources minérales, il importe de souligner que les acteurs engagés dans l’achat et la vente d’or devraient s’engager et être obligés à prendre des mesures appropriées, afin de s’assurer que leurs activités ne bénéficient pas directement ou indirectement aux groupes armés non étatiques et les FARDC.

– Les gouvernements nationaux et provinciaux du Sud-Kivu devraient poursuivre leurs efforts, en collaboration avec la société civile Congolaise, pour négocier des résolutions de conflits entre les détenteurs de permis et les mineurs aurifères artisanaux, et devraient être assistés dans cette mission par les donateurs et les organismes internationaux.

– Les autorités Congolaises souhaitent que les ZEAs jouent une part importante de la solution, mais elles devraient être conscientes des enjeux présentés par les ZEAs et ne pas imaginer que celles-ci sont une panacée pour les conflits d’intérêts entre les sociétés minières artisanales et industrielles.

– Les autorités Congolaises et autres intervenants devraient, lorsque approprié, envisager “l’alternative SOMINKI”, selon laquelle les mineurs artisanaux demeurent actifs sur les concessions des détenteurs de permis et leur vendent leur production, sous réserve de la validation des mines en tant que ‘vertes’ et des efforts démontrables des acteurs clés dans la mise en œuvre des Principes Directeurs de l’OCDE.

– La capacité des autorités de la RDC pour négocier la résolution des conflits entre les détenteurs de permis miniers et les miniers artisanaux est compromise par les intérêts financiers secrets des politiciens et des commandants militaires avec les mines et par les recherches de rentes illégales continues par un large éventail de fonctionnaires du secteur. Ce qui s’avère nécessaire, bien que non suffisant, pour réagir face à ces problèmes est une ferme volonté politique de la part des hauts fonctionnaires de l’administration provinciale et nationale.

– La communauté internationale devrait soutenir les projets qui s’attaquent aux conflits dans les exploitations aurifères artisanales et les projets qui visent à les démilitariser.

– La communauté internationale devrait de même soutenir et assister la mise en œuvre du système de certification de la CIRGL au Sud-Kivu et ailleurs dans la région, notamment par le financement d’un programme de validations des sites miniers renforcé et accéléré. Un majeur nombre de validations de sites miniers augmenterait le nombre des sources d’approvisionnement validées pour les unités de traitement, atténuant, au moins dans une certaine mesure, le risque d’achat ou d’exportation illégal d’or.

– Le Secrétariat de l’OCDE devrait mettre en place des formations spécifiques auprès des unités de traitement aurifères du Sud-Kivu, pour renforcer la sensibilisation du Guide sur le devoir de diligence.

[1] Cf texte complet: http://www.oecd.org/fr/daf/inv/mne/Gold-Baseline-Study-2-FR.pdf

[2] Les unités de traitement sont souvent nommées comptoirs, mais leur nom officiel a été modifié à unités de traitement

depuis que le gouvernement a introduit l’exigence que tous les minerais soient traités jusqu’à un certain degré en RDC avant l’exportation.

[3] Validation est le procédé par lequel des équipes constituées de représentants d’un éventail d’intervenants de gouvernance de ressources naturelles vérifient les sites miniers pour évaluer, entre autres, s’ils produisent le financement de conflits.

[4] Ci-après dénommée le Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence. Pour la deuxième édition du guide, se

référer à www.oecd.org/fr/daf/inv/mne/GuideEdition2.pdf

[5] Au sens de l’annexe II du Guide sur le devoir de Diligence de l’OCDE pour des chaînes d’approvisionnements

responsables en minerais provenant des Zones de Conflits et à Haut Risques, les risques comprennent le

travail des enfants, la représentation frauduleuse des origines des minerais, le blanchiment d’argent et la

corruption.

[6] Ci-après dénommée comme la loi Dodd-Frank. L’article 1502 de l’Acte exige que les sociétés cotées aux US et

qui produisent des biens contenant de l’or, étain, tungstène ou tantale révèlent l’origine de ces minéraux, si

les minéraux ont financé des conflits, et les étapes de diligence raisonnable suivies pour établir cela.