Congo Actualité n. 262

SOMMAIRE

ÉDITORIAL – DERRIÈRE LES ADF: SOUTIENS, INFILTRATIONS ET COMPLICITÉS

  1. LE KIVU DANS L’ÉTAU DES GROUPES ARMÉS
    1. Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)
    2. Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)
    3. Le Mouvement du 23 mars (M23)
    4. Les Maï-Maï
  2. VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME

 

ÉDITORIAL – DERRIÈRE LES ADF: SOUTIENS, INFILTRATIONS ET COMPLICITÉS

 

 

1. LE KIVU DANS L’ÉTAU DES GROUPES ARMÉS

a. Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)

Le 29 novembre, des centaines d’assaillants identifiés comme des rebelles ougandais ADF ont mené plusieurs attaques simultanées contre les positions de l’armée congolaise, de la Monusco et différentes structures d’Eringeti, une localité du territoire de Beni. Bilan: 25 personnes tuées, dont des femmes et des enfants. Une attaque d’une violence inouïe qui surprend plus d’un observateur.

Si pour d’autres attaques, certains observateurs ou experts avaient émis des doutes, estimant que la technique des ADF était parfois imitée pour cacher des règlements de compte politiques, économiques ou fonciers, cette fois, pas de doute: les rebelles des Forces Démocratiques Alliées (ADF) faisaient bien partie des assaillants qui ont attaqué Eringeti car, selon plusieurs sources, parmi les douze rebelles tués, un commandant des ADF a été «positivement» identifié.

Toutefois, ce qui suscite plus d’interrogation, c’est la manière dont l’attaque s’est déroulée. Quatre attaques simultanées à partir de 15h contre les positions de l’armée, de la police et de la Monusco et contre l’hôpital d’Eringeti. Attaques qui, malgré la résistance, se sont poursuivies jusque tard dans la nuit. Les assaillants ont notamment investi la position des forces armées de RDC (FARDC) pour attaquer celle de la Monusco où militaires congolais et casques bleus s’étaient repliés pour tenter de faire face. Ils ont utilisé les armes abandonnées par les FARDC pour pilonner le camp onusien. Des compétences militaires inhabituelles pour les ADF, mieux équipés, mieux armés et mieux formés, selon l’avis de plusieurs observateurs congolais comme étrangers. Deux questions lancinantes: les ADF ont-ils agi seuls? Et surtout, d’où proviennent les armes qu’ils ont utilisées?[2]

Ce qui est nouveau dans l’attaque d’Eringeti c’est le professionnalisme dont les ADF ont fait montre, comme des soldats, donc des commandos bien formés, ce qui n’était pas le cas chez les ADF qui n’ont jamais fait preuve de formation militaire. Alors la question lancinante c’est de savoir qui a pris en charge cette formation militaire des ADF qu’on a vu opérer comme des soldats réguliers à Eringeti. Le regard ne peut se tourner que vers l’Ouganda. Il n’y a que ce pays qui peut secrètement apporter ce soutien aux ADF, pour créer le chaos au Nord-Kivu, plus particulièrement la région de Beni-Mutwanga que le Président Museveni ne cesse de convoiter.[3]

Le Centre d’Étude pour la Promotion de la Paix, la Démocratie et les Droits de l’Homme (CEPADHO) a affirmé que, suite aux attaques de l’ADF sur la localité d’Eringeti le 29 novembre, il dispose d’éléments probants attestant que certains morts et blessés de l’ADF-NALU ont été accueillis par l’UPDF en District de Bundibugyo/Uganda, pour y être enterrés soignés, sans être dénoncés à la RDC. Nombreux d’entre eux ont été identifiés comme étant des militaires réguliers de l’Armée Ougandaise (UPDF). Parmi les blessés, voici les noms de quelques Officiers-UPDF: les Capitaines Aly, Mugisa, Njologo et Oyo ainsi que le Major Subuka, tous admis aux soins au Centre Hospitalier de Kibuku 1, en District de Bundibugyo (en Ouganda).

Les sources du CEPADHO renseignent aussi qu’un Célèbre Commandant ADF, le Colonel Braida serait légèrement blessé lors des affrontements d’Eringeti et a été traité dans la Structure sanitaire précité où il a été pris en charge pendant une Semaine avant de regagner discrètement le Territoire de Beni, en RDCongo.

S’agissant de ceux qui sont tombés sur le front à Eringeti et dont les dépouilles ont été amenés en Ouganda, le Cepadho a réussi à identifier: le Sergent Kyamwenda enterré à Busunga, le Capitaine Businge Julias et le Major Sanyo, tous enterrés à Bundibugyo.

Le Cepadho rappelle que par le passé, l’ex-Commandant des Opérations Sukula1, le Général Muhindo Akili Mundos, avait réussi à capturer un certain nombre des Combattants ADF qui se déclaraient être de l’UPDF avant de rejoindre les ADF. Parmi eux: Abdalah Kisembo, Ndungwa Hussein, Ramadhan Musene. Le Cepadho veut ainsi attirer l’attention sur un probable soutien de Kampala aux ADF et à leurs alliés.[4]

Le 18 décembre, à Kakuka (en District de Bundibugyo, en Ouganda), la population locale s’est opposée à une nouvelle incursion en RDCongo à partir de l’Ouganda. Selon des sources du CEPADHO, les militaires de l’Armée Ougandaise (UPDF) avaient vidé leur camp de Kakuka, officiellement pour une relève. Quelques jours après, le Camp sera réoccupé par une centaine d’éléments armés et portant des uniformes militaires. Les autorités locales ont approché les Commandants de ces combattants pour s’enquérir de leur identité. Au cours des échangent, ces derniers s’identifieront comme étant de Combattants de la Yira-Rwanzururu, mouvement armée du Royaume Businga Bwa Rwanzururu, du District de Kasese, recrutés par l’armée Ougandaise pour rejoindre d’autres combattants infiltrés en RDC. C’est à ce moment que les habitants de Kakuka se sont mobilisés pour chasser ces combattants du village, en incendiant le Camp militaire.[5]

Le 20 décembre, les ADF ont attaqué la position des FARDC à Sesele, en Groupement Bambuba-Kisiki, dans le Secteur de Beni-Mbau. Les FARDC ont repris le contrôle de Sesele le jour suivant.

Sous réserve de confirmation formelle par les FARDC, des sources du CEPADHO parlent d’au moins 12 militaires morts dans ces affrontements, dont un Officier supérieur du 1er Bataillon au sein du 3402e Régiment-FARDC.[6]

Le 23 décembre, on a retrouvé au moins 8 civils massacrés par les ADF en territoire de Beni. La plupart des victimes ont été tuées par armes blanches. Selon des informations recueillies par le Cepadho, c’est dans la vallée longeant la rivière Nzuma, à 4 km à est de Mavivi, que 5 Civils ont été tués lorsqu’ils étaient dans leurs champs. Parmi eux, 3 corps, dont un couple, ont été retrouvés en localité Ngite et 1 autre à Vemba. Jusqu’au soir du 24 décembre, la recherche du 5e corps se poursuivait encore dans cette zone. Par ailleurs, à Mayangos, proche de Katota, en plein Parc National de Virunga, 3 Civils d’une même famille ont été exécutés dans leur champ.[7]

Le 26 décembre, les FARDC se sont affrontées avec les ADF à Malolu, proche de Mayangos, à la limite entre la Ville de Beni et le Parc National de Virunga. Selon des sources du Cepadho, les ADF se seraient introduits dans le village de Malolu autour de 2h00 du matin. Ils ont attaqué la position des FARDC incendié le village. Dans le même village, indiquent des sources concordantes, au Bloc appelé 46, l’on parle d’au moins 3 Civils tués par les ADF et 2 militaires blessés dans les affrontements. L’Armée régulière a pu garder le contrôle de la situation.[8]

Le 26 décembre, pendant la nuit, les FARDC ont repoussé une attaque des présumés ADF à Linzo Sisene, un village situé à plus ou moins 50 Kilomètres au nord-est de la ville de Beni. Selon les sources militaires, les assaillants ont tenté de prendre contrôle le camp locale de l’armée pour se ravitailler en munitions et armements. Selon des sources locales, les assaillants venaient du parc national des Virunga et étaient lourdement armés et bien équipés. Ces rebelles auraient été repoussés après des violents affrontements durés une vingtaine des minutes.[9]

b. Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)

Le 7 décembre, les FDLR ont tué trois paysans pendant qu’ils se rendaient dans leurs champs, en localité de Mulinde, Groupement d’Itala, Territoire de Lubero (Nord Kivu).[10]

Le 11 décembre, les May-May de l’Union des Patriotes pour la Défense des Innocents (UPDI) ont attaqué et pris le contrôle sur le village de Kanune, dans lequel se concentraient les FDLR-RUD.

Kanune est une localité située à cheval entre les Groupements Tama et Ikobo, à la limite entre les Territoires de Lubero et Walikale. 9 FDLR et 1 May-May sont tombés sur le champ de bataille.[11]

Selon l’ASADHO, de la mi-octobre à la mi-décembre courant, dans les deux Groupements d’Ikobo et de Kisimba, au nord du Territoire de Walikale, les rebelles rwandais des FDLR ont tué 27 Civils, les uns par balles et les autres par armes blanches. Ils ont également incendié 2.650 maisons dans le groupement d’Ikobo et 650 dans le groupement de Kisimba. Les FDLR ont ainsi voulu se venger contre les attaques des May-May (NDC et UPDI) contre leurs positions.[12]

Le 16 décembre, les rebelles rwandais des FDLR on tué un habitant de Miriki à Mukeberwa, en Groupement Itala, dans le Territoire de Lubero et 3 autres à Misambo, le 17 décembre, quand ils étaient dans leurs champs.[13]

Le 19 décembre, des affrontements ont opposé les rebelles rwandais des FDLR à la milice May-May/UPDI à Mumbangwe, en Groupement Itala, dans le Territoire de Lubero. Trois miliciens FDLR ont été tués.[14]

Le 22 décembre, les May-May de l’UPDI (Union des Patriotes pour la Défense des Innocents) ont attaqué de nouveau les rebelles rwandais FDLR à Buleusa, dans le Groupement Ikobo, en Territoire de Walikale. Le bilan provisoire fait état de 5 morts, dont 4 FDLR et 1 May-May. Pour l’instant, ce sont les May-May qui occupent Buleusa après y avoir chassé de nouveau les FDLR. Le mois dernier, les May-May avaient affronté les FDLR dans ce même village, jusqu’à les y déloger. Mais comme ces miliciens avaient abandonné la localité pour poursuivre leurs ennemis dans d’autres entités, les FDLR s’étaient réinstallés dans ce qui était leur ancien bastion.[15]

Le 22 décembre, 16 corps sans vie ont été retrouvés à Buleusa, en Groupement Ikobo, en Territoire de Walikale. 12 autres corps ont été découverts à Mashuta, toujours en Groupement Ikobo. Parmi les victimes, 4 seraient identifiés comme des habitants de Luofu et 1 de Kanyabayonga. Par ailleurs, à Mukeberwa, dans le Groupement Itala, en Territoire de Lubero, 5 corps de Civils tués par les FDLR ont été aussi découverts. De ces 5, deux seraient des habitants de Luofu. Des informations parvenues au CEPADHO, les divers massacres seraient intervenus entre le 16 et le 21 décembre courant. Certains corps découverts se présentent déjà en état de décomposition. Les personnes tuées seraient pour la plupart des otages ou des prisonniers parmi les civils kidnappés ou arrêtés par ces rebelles rwandais, sous le commandement du Colonel Kizito de la branche FDLR-FOCA.[16]

Le 23 décembre, des hommes armés présumés FDLR on attaqué un minibus provenant de Butembo pour Goma et kidnappé 14 civils à Kabasha, en territoire de Rutshuru. Une équipe des FARDC et Gardes parc de l’ICCN en patrouille a poursuivi les ravisseurs et a pu libérer 11 otages.[17]

Le 26 décembre, vers 4h30 du matin, les May-May/UPDI commandés par Marungu Muliro ont attaqué les May-May/PARECO de Kakule Sikuli Lafontaine (alliés des FDLR) à Mbuavinywa et à Kanyatsi en Groupement Tama, au sud du Territoire de Lubero. Les combats se sont arrêtés vers 7h00 du matin.[18]

Le 27 décembre, en réponse aux revers leur infligés par l’UPDI à Mbuavinywa et à Kanyatsi, vers 6h00 du matin les FDLR/PARECO ont attaqué la position des May-May UPDI sur la Colline Ihavula, dans le Groupement Tama, au sud du Territoire de Lubero. Les combats ont duré environs 3 heures. Le bilan provisoire fait état de 7 morts, dont 4 de la Coalition FDLR/PARECO et 3 de l’UPDI.[19]

Le 6 janvier, pendant la nuit, quatorze personnes ont été tuées dans une attaque menée par des rebelles hutu rwandais et semblant avoir visé la communauté Nande. L’attaque a eu lieu à Miriki, dans le Groupement Itala, au sud du Territoire de Lubero, à environ 110 km au nord de Goma. Parmi les 14 civils massacrés, on fait état de 7 femmes tuées, d’ un homme et de 6 enfants. Outre les morts, on dénombre 9 blessés graves essentiellement des enfants. En dernière minute, on a appris qu’un blessé parmi les 9 a succombé à l’Hôpital Général de Kayna où il venait d’être transféré. Le 7 janvier, dans la matinée, les Jeunes en colère ont barricadé les routes de Miriki, pour dénoncer la passivité aussi bien des FARDC que de la MONUSCO pour empêcher ce massacre des civils en plein centre de l’agglomération contrôlée par les deux Forces. Dans une altercation entre jeunes manifestants et militaires déployés pour rétablir l’ordre, le représentant local du CEPADHO parle d’un mort dans le rang des manifestants. Il serait atteint d’une balle tirée par un militaire dans l’opération de dispersion des jeunes ayant barricadé la voie publique. Ce qui fait qu’à l’instant le bilan passe de 14 à 16 morts. Pendant ce temps, le village de Miriki se vide de ses habitants. Des familles entières fuient à direction de Luofu, Kayna, Kirumba et Kanyabayonga.

Selon la Société civile locale, l’attaque aurait une dimension communautaire: «Toutes les victimes sont de la même ethnie nande». Dans cette zone, les chefs nandes s’opposeraient depuis plusieurs mois au retour de déplacés hutu congolais, en les accusant d’être de connivence avec les FDLR.[20]

Le porte-parole de la Monusco aussi, Charles Bambara, a évoqué des tensions ethniques dans la localité qui seraient à l’origine de l’incursion de la milice hutu rwandaise: «Ces dernières semaines, les déplacés hutus congolais présents dans le territoire de Lubero n’avaient pas suffisamment de vivres et ont dû piller les récoltes des voisins ce qui a exacerbé une fois de plus la tension dans ce territoire et qui a dû très certainement faire intervenir ces Hutus rwandais, les FDLR, qui d’une certaine façon soutenaient les Hutus congolais pour défendre leur cause».

Mais les principaux intéressés nient toute implication dans l’attaque de Miriki. La Forge Fils Bazeye, porte-parole des FDLR, a déclaré: «Nous déplorons ce massacre et nous déclinons toute responsabilité. Nous ne sommes pas à Miriki. Tout ce que nous pouvons recommander, c’est une enquête internationale neutre pour déterminer les auteurs de cet odieux massacre». La Monusco a fait savoir qu’une mission d’enquête avait été dépêchée sur le terrain.[21]

L’arrestation de Ladislas Ntaganzwa

Le 9 décembre, le Mécanisme pour les Tribunaux Pénaux Internationaux (MTPI) des Nations Unies a annoncé l’arrestation de Ladislas Ntaganzwa, l’un des neuf présumés génocidaires rwandais qu’il recherchait.

«Les autorités de la RDCongo ont arrêté aujourd’hui [9 décembre] Ladislas Ntaganzwa», a annoncé devant le Conseil de sécurité à New York, Hassan Bubacar Jallow, procureur du MTPI, structure siègent à Arusha (Tanzanie) et qui est chargée d’achever les travaux du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) et de son homologue pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), à l’achèvement des mandats respectifs de ces deux tribunaux spéciaux.

Un porte-parole de l’armée congolaise au Nord-Kivu, le capitaine Guillaume Djike, a déclaré que «Ntaganzwa avait été interpellé à la suite d’une offensive militaire contre une position des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), où se trouve la résidence du général Sylvestre Mudacumura, chef militaire de ce mouvement». «Nous avons tué quatre FDLR (…) et les autres ont pris la fuite. Pendant la nuit entre le 5 et le 6 décembre, la police nationale congolaise de Nyanzale (60 km au nord de Goma, NDLR) a arrêté Ladislas Ntaganzwa et l’a ramené à Goma le 9 décembre», a ajouté l’officier.

Toutefois, des sources policières ont indiqué que Ladislas Ntanganzwa aurait été arrêté par ses propres compagnons d’armes le 3 décembre dernier à Kiyeye, une localité située à 10 kilomètres à l’Ouest de Nyanzale, à Rutshuru. C’est justement dans cette localité qu’il avait trouvé refuge il y a quelques jours. Après son arrestation, Ladislas Ntanganzwa a été livré à la Police nationale congolaise (PNC) par les mêmes compagnons. Le présumé auteur du génocide au Rwanda avait trouvé refuge à Kiyeye, après avoir fui le groupement Ikobo, dans le territoire de Walikale, à cause de l’offensive de la coalition Maï-Maï, NDC/Rénové et Union des patriotes pour la défense des innocents (UPDI), qui traque les FDLR, depuis le 22 novembre dernier dans cette partie de Walikale. Selon des sources locales, Ladislas Ntanganzwa aurait été présenté à la police le 8 décembre comme étant «un génocidaire». Toutefois, les motifs de son arrestation et de sa remise à la police nationale congolaise par ses compagnons à Nyanzale, ne sont pas encore bien établis.

Ladislas Ntaganzwa faisait partie des 9 présumés génocidaires rwandais encore recherchés par le TPIR. Une récompense de 5 millions de dollars était offerte pour l’arrestation de Ntaganzwa, comme pour celle des huit autres accusés encore en fuite: Félicien Kabuga, Augustin Bizimana, Protais Mpiranya, Fulgence Kayishema, Pheneas Munyarugarama, Aloys Ndimbati, Ryandikayo (un seul nom) et Charles Sikubwabo.

Après avoir remercié les autorités congolaises pour cette arrestation, Hassan Bubacar Jallow leur a demandé de transférer «sans délai» le suspect vers le Rwanda, le TPIR ayant renvoyé l’instruction du dossier à la justice rwandaise. Ladislas Ntaganzwa est poursuivi pour entente en vue de commettre le génocide, génocide, complicité de génocide, incitation directe et publique à commettre le génocide et crimes contre l’humanité.

Le ministre congolais de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, a pour sa part déclaré que les autorités de Kinshasa veulent entendre le prévenu, et que toutes les dispositions sont prises pour le ramener à Kinshasa. Il a aussi précisé que la justice congolaise saisirait le gouvernement rwandais qui avait émis un mandat d’arrêt international contre M. Ntaganza. Il a ajouté que «c’est un des membres importants des FDLR, donc qu’on puisse l’arrêter démontre notre détermination à traquer les FDLR. Nous allons l’extrader vers le Rwanda, mais nous allons également en profiter pour poser la question au Rwanda sur certaines personnes contre qui nous avons lancé des mandats d’arrêt internationaux et qui se trouveraient au Rwanda». Maire de la localité de Nyakizu, dans le sud du Rwanda, au moment des massacres de 1994, il aurait à ce moment fait appel à tuer les tutsi. Mais l’incriminé a nié cette accusation. C’est en 2000 qu’il aurait rejoint les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR). «Ladislas Ntaganzwa n’est pas membre des FDLR, il n’était pas non plus sous notre protection», dément le porte-parole des FDLR, La Forge Fils Bazeye qui ajoute: «Sinon, ils ne l’auraient pas ramassé comme ça». Le 11 décembre, Ladislas Ntaganzwa a été transféré à Kinshasa, où la justice congolaise compte l’interroger.[22]

Le 11 décembre, le Centre d’Etude pour la Promotion de  la Paix, la Démocratie et les Droits de l’Homme (CEPADHO) a félicité les Forces et Services des Sécurité Congolais pour l’arrestation de Ladislas Ntaganzwa et croit qu’elle contribuera énormément à la paix, la sécurité et la justice dans la Région. Le CEPADHO estime cependant que c’est le moment pour l’Etat Congolais d’exiger la contre partie au Rwanda avant toute éventuelle extradition de Ladislas Ntangazwe vers son pays. L’organisation, au nom de la réciprocité, exhorte qu’avant toute livraison de Ladislas Ntangazwe au Rwanda, la RDCongo obtienne de ce pays voisin l’extradition du Général déchu Laurent N’Kunda ainsi que d’autres criminels recherchés par la Justice Congolaise à l’occurrence Jean Marie Runiga, les Colonels Baudouin Ngaruye, Éric Badege et Innocent Zimurind, toujours hébergés par le Rwanda. Le CEPADHO rappelle qu’il est inadmissible que la RDC serve de chien de chasse ou de policier pour les autres États pendant que ceux-ci violent de manière flagrante les accords de coopération judiciaire, les pratiques et les conventions de bon voisinage.[23]

Les ex FDLR cantonnés à Kisangani

Le 12 décembre, une délégation des Envoyés spéciaux de l’Union européenne, l’Union africaine, des Etats-Unis d’Amérique et des Nations unies pour la région des Grands Lacs et le Chef de la Monusco sont arrivés à Kisangani pour s’entretenir avec les ex-combattants FDLR cantonnés au camp lieutenant-général Bauma, situé à 10 Kilomètres du centre-ville. Cette délégation a appelé ces ex-combattants à retourner au Rwanda, leur pays natal, sans condition. La communauté internationale promet de faciliter ce retour au Rwanda dans un cadre humanitaire. Koen Vervaeke, Envoyé spécial de l’Union européenne dans les Grands Lacs, a rassuré: «Nous pouvons les aider pour l’encadrement humanitaire, pour faciliter leur réintégration au Rwanda, leur pays natal. Rester ici n’est une solution pour eux». Malgré cette promesse, les ex-combattants ont affirmé de na pas vouloir rentrer au Rwanda et ont demandé qu’on leur trouve un pays d’accueil, autre que le Rwanda. Le Représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu, Maman Sidikou, a promis de revenir à Kisangani pour approfondir la question.[24]

c. Le Mouvement du 23 mars (M23)

Deux ans après la signature des déclarations de Nairobi qui devait permettre de régler la situation pour plusieurs centaines de combattants du M23 réfugiés en Ouganda, comme au Rwanda, quelques 180 seulement sont rentrés chez eux. La CIRGL avait fixé le 15 décembre comme date boutoir pour la fin des opération de rapatriement de ces ex combattants. Les autorités congolaises dénoncent des infiltrations des ex-rebelles dans l’est du Congo, ce que l’ex-rébellion dément. On parle de plus de 1.000 ex-combattants et civils du M23 qui auraient disparu d’Ouganda et du Rwanda.

Sur les quelques 1.740 enregistrés en Ouganda, il n’en reste plus que 640. 185 sont déjà rentrés au Congo et quelques 900 autres seraient donc dans la nature. «On nous dit qu’ils sont en famille, qu’ils sont en permission, qu’ils ne sont pas des prisonniers et qu’ils sont libres», dit François Mwamba, coordonnateur du mécanisme de suivi de l’accord-cadre d’Addis Abeba. Quant au Rwanda, quelques 600 ex-combattants étaient annoncés comme ayant passé la frontière, 450 étaient enregistrés. Et aujourd’hui, personne n’en sait plus rien, commente un observateur étranger.

Pour François Mwamba, le problème c’est la mauvaise foi du M23, dont des éléments s’infiltreraient dans le grand nord du Nord-Kivu et le Sud-Kivu: «C’est une inquiétude que nous avons, puisque nos services ont effectivement identifié la présence de ces gens-là, soit dans le grand Nord du Nord Kivu, soit dans le Sud Kivu». Au Sud-Kivu, il s’agirait d’ex-combattants du M23 qui collaboreraient avec «des infiltrés burundais venus du Rwanda». L’un des cas les plus récents cités, c’est l’arrestation d’un opérateur radio présenté comme un ancien du M23 avec deux officiers déserteurs burundais. Les autorités congolaises parlent également d’infiltrés burundais avec des cartes d’électeurs congolaises flambant neuves. Elles disent soupçonner que ces cartes soient issues des kits électoraux volés par M23 dans le Rutshuru et le Masisi. Dans la région de Beni, au Nord Kivu, là encore, côté Kinshasa, on évoque des «infiltrations en lien avec la dégradation sécuritaire». «C’est aussi une diversion pour cacher leur propre responsabilité dans les massacres», rétorque-t-on côté M23. «Dans le Rutshuru, nous savons qu’il y en a, mais ils sont rentrés paisiblement», avance une source officielle. «Ce sont ceux qu’on a exclus du mouvement pour trahison en décembre 2013, ils travaillent avec Kinshasa», explique-t-on du côté du M23.[25]

Les ex-combattants du M23 assurent qu’ils n’ont rien à voir de près ou de loin avec les présumés rebelles burundais qui se seraient infiltrés sur le sol congolais. Les services de renseignement congolais disent avoir intercepté 36 de ces nouveaux rebelles. Et c’est sur la base des informations recueillies auprès de ces prisonniers, qu’ils disent avoir établi des liens avec le M23.

Il y a d’abord ces cartes d’électeurs congolaises retrouvées sur plusieurs de ces présumés infiltrés. Des cartes qui selon les services congolais avaient été volées par le M23 au Nord-Kivu, puis transportées jusqu’au Rwanda… où elles auraient été distribuées. Faux répond, Elie Mutela, directeur de cabinet de la présidence du M23: «Le M23 n’a jamais volé les cartes d’électeurs. Le M23 a été créé une année après les élections. Comment est-ce que le M23 pouvait détenir des cartes une année après les élections. C’est pratiquement de la fausseté».Mais ce n’est pas tout. Toujours selon les services congolais, parmi les Burundais infiltrés et arrêtés en septembre dernier, trois appartenaient directement au M23. Et notamment le capitaine Rugamba Adalbert, qui aurait travaillé par le passé au sein de l’armée congolaise avec Sultani Makenga, devenu par la suite le chef d’état-major du M23. Mais pour Elie Mutela, cela ne prouve rien: «Le capitaine dont on parle n’est pas connu dans le M23. S’il fut un militaire FARDC, est-ce que c’est pour autant que tout collègue du général Makenga devient membre du M23 ? C’est une fausse logique».[26]

Le 16 décembre, lors de la conférence hebdomadaire de l’Onu, la responsable de la section Démobilisation, désarmement, rapatriement, réinsertion et réintégration (DDRRR) de la Monusco, Taz Greyling, a affirmé que douze ex-combattants de l’ancienne rébellion du M23, sur neuf cents attendus, ont été rapatriés sur le sol congolais pendant l’ultimatum lancé par la Conférence internationale pour la région des Grands lacs (CIRGL) pour le rapatriement de ces ex-combattants.

Les pressions exercées par certains chefs de l’ex-M23 auraient empêché les autres combattants à retourner au pays. «Au niveau du commandement du M-23, il y a eu une grande indifférence, des actes d’intimidation, des fausses informations et des obstruction d’accès», a déclaré Mme Taz Greyling. A l’heure actuelle, toujours d’après la même source, 573 ex-membres du M23 sont en RDC, y compris les 12 rapatriés pendant l’ultimatum, contre environ 1.500 encore à l’extérieur, dont 1.039 en Ouganda et 440 au Rwanda.​ Une délégation congolaise séjourne dans la capitale ougandaise, Kampala, depuis deux semaines environ, pour identifier les ex-combattants du M23 cantonnés au camp militaire de Bihanga et pour faciliter le rapatriement volontaire de ceux qui voudront regagner la RDC. Cette délégation est composée du général Kalume, envoyé spécial du chef de l’Etat dans la région des Grands Lacs, du chef d’état-major adjoint chargé des renseignements et du processus DDR3 du gouvernement ainsi que des représentants du Mécanisme de suivi des accords de Nairobi.[27]

d. Les Maï-Maï

Le 1er janvier, à Shabunda/Centre, dix combattants de plusieurs factions Raïa Mutomboki se sont rendus aux FARDC du 3309è régiment. Ces miliciens sont issus de factions Nisawa Songa, Makombo et Kimba.

Par contre, le territoire de Kalehe (Sud-Kivu) est toujours en proie à l’activisme de neuf seigneurs de guerre qui occupent au moins sept villages, dont Chabunda et Lukando, dans le groupement Kalima. Dans ce même groupement, cinq chefs Raïa Mutomboki ont installé leurs états-majors à Mushenge et Ekingi. Il s’agit, selon la société civile, de Bwale Hamakombo, Tumaini Kapitwa, Gyeme Munono, Masahani et Mungoro Matofali. D’autres villages sous occupation des groupes armés sont: Lailai en groupement Mubuku, Musenyi en chefferie Buloho, Ramba dans la forêt de Kinono et Mashere. Selon des sources locales, ils seraient occupés par le groupe Raïa Mutomboki Shukuru, chassé récemment de Katasomwa par les FARDC, et Butachibera, les Nyatura ainsi que par un certain Mweke. Les autorités territoriales ont confirmé l’occupation de toutes ces entités, rassurant toutefois que les opérations militaires étaient en cours pour chasser les assaillants. Mais en attendant, les populations des zones occupées restent prises en étau. Elles subissent au quotidien des exactions, des pillages de leurs biens et sont victimes d’arrestations arbitraires de la part de ces miliciens qui contrôlent même les petits marchés.[28]

Le 4 janvier, à Mbuavinywa, en Groupement Tama, au sud du Territoire de Lubero (Nord Kivu), les May-May/PARECO (milice alliée aux FDLR) ont arrêté trois jeunes allés chercher des vivres dans leurs champs. Les éléments du PARECO auraient ligoté pour les victimes avant de les acheminer dans leur Camp militaire de Karambi à près de 15 km-Est de Mbuavinywa, où ils ont été soumis à des tortures.[29]

Le 5 janvier, les militaires des FARDC ont tué six combattants Nyatura et capturé une autre à Ziralo, dans le territoire de Kalehe, dans la province du Sud-Kivu. Ils ont aussi récupéré des armes.

Le calme est revenu à Ziralo, après de violents affrontements qui ont opposé les FARDC aux combattants Nyatura depuis le 30 décembre 2015.[30]

2. VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME

Le 8 décembre, l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (Asadho/Nord Kivu) a indiqué, dans un communiqué, avoir documenté plusieurs cas de violation des droits de l’homme dans le territoire de Beni, au cours de janvier à décembre 2015. Elle fait état notamment de 350 personnes tuées à la machette et à l’arme à feu, 12 cas d’attaques de camps FARDC, 20 embuscades contre les civils sur les tronçons routiers Oïcha –Eringeti et Mbau –Kamango, plus de 100 personnes portées disparues, deux radios fermées et une autre incendiée. Cette situation a occasionné le déplacement de plus de trente-cinq mille personnes, qui sont sans assistance humanitaire et la fermeture de 15 écoles ainsi que de 7 centres de santé, précise ce communiqué.

L’Asadho demande l’ouverture d’une enquête internationale pour connaître les vrais auteurs de ces actes. Le communiqué de cette structure recommande au gouvernement congolais de mettre à la disposition des FARDC des moyens conséquents pour leur permettre de mettre fin à l’insécurité dans cette partie du Nord-Kivu. L’Asadho plaide aussi pour l’accélération de la demande d’extradition de Jamil Mukulu, chef des ADF et la relance des opérations Sokola I contre ces rebelles ougandais.[31]

Le 16 décembre, Human Rights Watch (HRW) a publié un rapport selon lequel, en 2015, on a recensé au moins 175 cas de personnes enlevées contre rançon par des groupes armés. La grande majorité des enlèvements documentés ont été recensés dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu, dans l’Est du pays.

Dans un incident survenu le 2 septembre, rapporte l’ONG, des hommes armés ont enlevé une étudiante de 27 ans près de l’hôpital général de Goma et l’ont emmenée au fin fond de la forêt, où elle a été détenue avec d’autres otages. Les ravisseurs frappaient et maltraitaient les otages, même en les brûlant avec des baïonnettes chauffées. «Lorsque nous avons demandé de la nourriture, ils ont choisi un homme parmi nous et l’ont tué en lui tranchant la gorge», a-t-elle confié à Human Rights Watch. «Si vous voulez manger, voilà la viande, nous ont-ils dit». Elle a été détenue pendant neuf jours, et relâchée après que sa famille ait versé une rançon.

Dans les cas documentés par Human Rights Watch, les ravisseurs ont réclamé des rançons allant de 200 à 30.000 dollars américains par otage, même si les montants payés étaient souvent bien inférieurs à la somme réclamée. Les sources des informations recueillies par HRW ont indiqué que les ravisseurs opèrent en général en groupes d’une dizaine d’individus ou plus, et sont souvent armés de kalachnikovs et d’autres armes d’assaut.Nombre d’entre eux portent des tenues militaires et semblent appartenir, ou avoir appartenu, à l’un des nombreux groupes armés actifs dans l’Est de la RD Congo. Les ravisseurs suivent souvent une procédure similaire: ils frappent, fouettent ou menacent leurs otages de mort, leur demandant d’appeler leurs proches ou leurs employeurs afin de les persuader de payer pour leur libération.

Dans certains cas, les ravisseurs ont enlevé un seul otage, et dans d’autres cas un groupe d’otages. Les ravisseurs ont souvent utilisé les téléphones portables des victimes ou bien leurs propres téléphones afin de négocier le paiement des rançons. Pour mettre fin aux enlèvements, l’ONG invite les autorités de la RDC à créer une unité de police spéciale chargée de lutter contre cette pratique.[32]

[1] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 28.12.’15

[2] Cf RFI, 17.12.’15

[3] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 24.12.’15

[4] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 17 décembre 2015

[5] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 21 décembre 2015

[6] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 21 décembre 2015

[7] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 24 décembre 2015

[8] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 26 décembre 2015

[9] Cf Radio Okapi, 27.12.’15

[10] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 08 décembre 2015

[11] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 11 décembre 2015

[12] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 18 décembre 2015

[13] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 20 décembre 2015

[14] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 20 décembre 2015

[15] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 22 décembre 2015

[16] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 23 décembre 2015

[17] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 23 décembre 2015

[18] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 26 décembre 2015

[19] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 27 décembre 2015

[20] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 7 janvier 2016; AFP – Africatime, 07.01.’16 ; RFI, 07.01.’16

[21] Cf RFI, 08.01.’16

[22] Cf AFP – Jeune Afrique, 10 et 11.12.’15 ; Radio Okapi, 10.12.’15 ; RFI, 10 et 11.12.’15

[23] Cf CEPADHO – Communiqué de presse de l’11 décembre 2015

[24] Cf Radio Okapi, 12.12.’15

[25] Cf RFI, 13 et 14.12.’15

[26] Cf RFI, 08.01.’16

[27] Cf Radio Okapi, 16.12.’15

[28] Cf Radio Okapi, 02.01.’16

[29] Cf CEPADHO – Bulletin d’Information du 5 janvier 2016

[30] Cf Radio Okapi, 06.01.’16

[31] Cf Radio Okapi, 11.12.’15

[32] Cf Radio Okapi, 17.12.’15