Minéraux pour le peuple, pas pour les groupes armés

Editorial Congo Actualité n. 257 – Par le Réseau Paix pour le Congo

Le commerce illégal des ressources minérales et le financement illicite des groupes armés

Le Groupe d’experts de l’ONU pour la République Démocratique du Congo (RDCongo) a publié son rapport à mi-parcours de l’année 2015. Le Groupe d’expert y affirme que les groupes armés et les Forces Armées continuent à tirer profit du commerce illégal des ressources naturelles, telles que la cassitérite, le coltan, l’or et le bois, soit par une participation directe dans ce type d’activité commerciale, soit par l’imposition de taxes illégales sur la production et le transport de ces ressources. À ces injustices commises contre les opérateurs du secteur minier, s’ajoute une longue liste de violations des droits de l’homme et de crimes contre l’humanité – des attaques armées contre les villages, des meurtres à grande échelle, des vols, des enlèvements, des viols, des extorsion – perpétrés contre les populations civiles, les forçant à fuir leurs maisons et leurs champs. Le rapport confirme ainsi la persistance du lien entre le commerce illégal des ressources naturelles et le financement illicite des groupes armés.

Règlement européen sur l’importation de minéraux provenant de zones de conflit

Entretemps, l’Union Européenne est en train de discuter sur « une proposition de Règlement européen sur l’importation de minéraux provenant de zones de conflit ou à haut risque » et elle devrait tenir compte des conclusions de ce rapport.

Pour rompre le lien entre le commerce illégal des ressources naturelles et le financement illicite des groupes armés, le Guide de l’Organisation de la Coopération et du Développement Économique (OCDE) recommande l’application du «devoir de diligence» à chaque chaîne d’approvisionnement en ressources naturelles . Le devoir de diligence prévoit d’identifier, prévenir et réduire les risques pour lesquels les ressources naturelles, importée ou utilisées, puissent contribuer à financer les activités des groupes armés et, par conséquent, à alimenter les conflits.

Bientôt, les gouvernements des États membres de l’UE auront à se prononcer sur le Règlement en question et il serait, donc, souhaitable qu’ils tiennent compte de certains points.

Le devoir de diligence et la chaîne d’approvisionnement

– Le devoir de diligence devrait être appliqué à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement: de la phase de l’extraction dans la mine d’origine (en amont), en passant par l’étape intermédiaire de l’exportation vers les fonderies et affineries, jusqu’à la dernière étape de la commercialisation des produits finis contenant des minéraux, tels que le tantale, l’étain, le tungstène et l’or (en aval).

– Le devoir de diligence est une responsabilité qui incombe à toutes les entreprises, sous peine de créer des espaces vides dont les groupes armés pourraient profiter pour continuer à financer leurs activités. Le devoir de diligence implique donc un caractère contraignant et obligatoire qui puisse assurer et garantir sa mise en œuvre, ce qui serait difficile à atteindre par le biais d’une procédure volontaire. Cependant, pour faciliter sa mise en œuvre, il devrait être appliqué avec une certaine flexibilité, en tenant compte de la taille des entreprises, de leurs capacités financières et de leur position au sein de la chaîne d’approvisionnement (plus ou moins loin de la source d’origine).

– L’application du devoir de diligence en aval dans la chaîne d’approvisionnement serait facilitée dans la mesure où il serait correctement appliqué en amont. Pour ce faire, l’UE devrait soutenir, techniquement et financièrement, toutes ces initiatives prises en amont dans la chaîne d’approvisionnement telles que, par exemple, la validation et la classification des mines (autorisées pour l’exportation, autorisées sous condition, non autorisées), la procédure de certification d’origine (étiquetage) de la production avant son exportation. Dans le cas de la République Démocratique du Congo, ces deux mesures pourraient contribuer à une réduction considérable du phénomène de la contrebande de ressources minérales et de la fraude fiscale, surtout si elles étaient accompagnées par une réforme sérieuse du système judiciaire et par une application rigoureuse de la législation minière.

Un Règlement européen ainsi encadré pourrait aider à éradiquer les problèmes de l’illégalité et de la criminalité, rompre le lien entre le commerce illégal de minerais et le financement illicite des conflits et, finalement, améliorer la vie des populations locales.