Congo Actualité n.231

SOMMAIRE

  1. PROCESSUS ÉLECTORAL

  2. Le discours du Président de la République devant le Parlement

  3. Une interview au président de la Commission Électorale

  4. Assemblée Nationale: Delly Sessanga retire sa proposition de loi électorale

  5. L’opération de consultation populaire des listes provisoire des électeurs

  6. TURBULENCES AU SEIN DU MLC APRES L’ENTRÉE DE TROIS DE SES MEMBRES

    DANS LE NOUVEAU GOUVERNEMENT

  1. LE RETRAIT DES LIBÉRAUX DÉMOCRATES SOCIALISTES DE L’OPPOSITION

    RÉPUBLICAINE

 

1. PROCESSUS ÉLECTORAL

 

a. Le discours du Président de la République devant le Parlement

 

Le 15 décembre, dans son discours sur l’état de la nation prononcé devant les deux chambres du Parlement réunies en congrès, le Chef de l’Etat, Joseph Kabila, a affirmé que «les élections sont incontournables pour l’accès aux plus hautes charges de l’Etat. Nous ne pouvons donc pas en faire l’économie quelles que soient nos difficultés. Toutes les élections prévues par les lois de la République seront organisées conformément aux dispositions qui seront prises par l’institution compétente pour ce faire, à savoir la Ceni [commission électorale]».

Le chef de l’Etat congolais a plaidé pour que l’Assemblée nationale et le Sénat dotent la Ceni des lois dont elle a besoin pour mieux programmer les différentes échéances électorales.

Au gouvernement, il a demandé de «mobiliser et mettre à la disposition de la commission électorale «les ressources nécessaires pour la bonne organisation des élections».

Joseph Kabila a également évoqué le recensement de la population. Il a exhorté le gouvernement à appuyer «comme il sied» l’Office national d’identification de la population, chargé d’organiser ce recensement. «Les résultats du travail de ce service public étant nécessaires pour la bonne fin du processus électoral», a fait savoir le président congolais.

Joseph Kabila a également évoqué les réactions suscitées à l’intérieur comme à l’extérieur du pays par le débat politique interne en RDC. Il a reconnu aux acteurs politiques congolais le droit de susciter ou d’entretenir le débat au sujet du processus électoral. Toutefois, le chef de l’Etat s’est interrogé sur «la tendance fort remarquée de certains compatriotes d’en appeler systématiquement à l’étranger pour régler les différends entre Congolais, comme si dans ce pays, nous n’avions pas collectivement assez de sagesse pour le faire nous-mêmes». Il a aussi ajouté que «on peut s’interroger sur le bien-fondé de l’auto-invitation dans ce débat des personnalités non congolaises aussi bien intentionnées soient-elles. De nos partenaires et pourvu que cela soit fait dans le respect de notre souveraineté, nous sommes toujours prêts à recevoir des avis, conseils et suggestions, mais jamais des injonctions». Visés par cette phrase: l’américain John Kerry, qui était arrivé à Kinshasa en mai dernier pour demander à Joseph Kabila de respecter la Constitution et de ne pas se représenter. L’autre cible pourrait être également François Hollande, qui à Dakar avait demandé aux présidents africains «de ne pas changer l’ordre constitutionnel par intérêt personnel».

Dans son discours, le président congolais a évité les questions relatives à son avenir politique (s’il se présentera ou pas comme candidat aux prochaines élections présidentielles de 2016)  et aux délais des prochaines élections (calendrier complet des différentes élections). Les scrutins locaux sont fixés dans 6 petits mois et aucun calendrier, ni financement complet n’ont été annoncés.[1]

Le 31 décembre, le chef de l’Etat Joseph Kabila a adressé dans la soirée à la nation congolaise un discours de vœux pour la nouvelle année 2015. A travers son message radiotélévisé, le président de la République a annoncé l’organisation, cette année 2015, des élections locales, municipales et provinciales ainsi que le démarrage des opérations du recensement de la population. Dans ce message, il n’a pas évoqué les élections présidentielles, censées se tenir au plus tard fin 2016.[2]

Le 5 janvier, au cours d’une réunion à Lubumbashi avec les notables de la province du Katanga, le président Joseph Kabila est resté plus que vague sur ses intentions réelles pour 2016, quand s’achèvera son deuxième et dernier mandat, selon les dispositions de la Constitution. Il a simplement déclaré qu’il s’en remettrait au peuple pour juger son bilan fin 2016: «C’est de la pure distraction. J’ai un mandat et je dois rendre compte en 2016».[3]

b. Une interview au président de la Commission Électorale

Apollinaire Malumalu Muholongu, 53 ans, est un prêtre catholique du diocèse de Beni-Butembo, dans le Nord-Kivu, sa province natale. De retour à Butembo en 1997 après avoir obtenu un doctorat en sciences politiques à Grenoble (où il fut curé de 1993 à 1996) et un DEA à Lyon, c’est en 2003 que l’abbé fait son entrée dans la vie politique congolaise. Il est alors nommé expert au service d’études stratégiques attaché au cabinet du chef de l’État et désigné membre de la Commission électorale indépendante (CEI), qu’il présidera jusqu’en 2011. Depuis son retour, en juin 2013, à la tête de l’institution (rebaptisée Commission électorale nationale indépendante, Ceni), il s’attelle à organiser les élections urbaines, municipales et locales de façon qu’elles se tiennent dès 2015. Une démarche très critiquée par certains partis d’opposition, qui craignent un report de la présidentielle prévue en 2016.

Jeune Afrique: La Conférence épiscopale nationale du Congo s’était prononcée contre la désignation d’un membre du clergé catholique à la tête de la Ceni. N’avez-vous pas violé sa « consigne »?

Apollinaire Malumalu: Je n’ai jamais été candidat à ce poste. Je suis revenu à la Ceni parce que j’ai été choisi par les confessions religieuses, l’une des composantes de la société civile chargées de désigner l’un de ses membres. J’ai obtenu 7 voix sur 8, le suffrage de l’Église catholique étant le seul à ne pas se porter sur moi. Cela dit, je reste prêtre diocésain. Il appartenait à l’évêque [du Nord-Kivu] de décider si je pouvais être membre de la Ceni ou pas. Après s’être concerté avec ses pairs, il a accepté.

J.A. : Et que répondez-vous à ceux qui vous accusent d’être proche du président Kabila et de vouloir faciliter sa réélection?

A.M. : Il faut éviter de vouloir trop personnaliser les choses. Je n’ai jamais travaillé avec Joseph Kabila dans un cadre qui ne soit pas institutionnel. En outre, les décisions de la Ceni sont prises de manière collégiale avec les autres membres du bureau, qui sont issus de la majorité, mais aussi de l’opposition parlementaire.

J.A. : La plateforme Sauvons la RDC estime que le cycle engagé en novembre 2011 avec la présidentielle et les législatives devait se poursuivre avec les sénatoriales et l’élection des gouverneurs. Pourquoi avoir décidé de faire passer avant les élections urbaines, municipales et locales?

A.M. : La loi électorale, telle qu’elle a été modifiée pour les scrutins de 2011, porte sur toutes les élections, et c’est pure cécité que de penser que les locales n’étaient pas prévues. Nous sommes dans un État fortement décentralisé. Pourtant, de nombreux conseils municipaux n’ont jamais été élus et l’on continue à nommer l’exécutif de ces collectivités [en avril 2012, le gouvernement a créé des centaines de nouvelles entités : au moins 3 villes et 10 communes dans chacune des 10 provinces du pays, hors Kinshasa]. On ne peut pas faire comme si de rien n’était! Le passage de 21 à 88 villes et de 97 communes urbaines et non urbaines à 601 constitue un énorme bouleversement sur le plan local. Dans ces conditions, pour stabiliser le pays, nous estimons que la tenue d’élections locales est une urgence.

J.A. : Ne risquent-elles pas de retarder l’organisation de la présidentielle?

A.M. : Pour le moment non. En revanche, pour les élections des députés nationaux, le législateur a introduit dans la loi organique une disposition selon laquelle le recensement administratif doit être fait préalablement à la tenue du scrutin. Très tôt, sans ambages et en toute transparence, la Ceni a attiré l’attention des responsables politiques sur ce problème. Ils ne peuvent pas dire qu’ils ne savent pas. Il leur appartient de revenir, ou pas, en arrière. C’est-à-dire de revenir à la délimitation des circonscriptions électorales en fonction du nombre d’électeurs, telle qu’elle existait auparavant, et non en fonction du nouveau recensement. Si l’on n’accepte pas de la déconnecter des législatives, la présidentielle risque d’être rattrapée à son tour par ce problème.

J.A. : Que pensez-vous du débat sur une éventuelle révision de la Constitution?

A.M. : C’est un débat légitime, mais il ne doit pas se transformer en procès d’intention. Il faut arrêter d’agiter la population, d’écrire des livres sur le sujet… En tant que citoyen, je souhaite que la Constitution soit respectée et je note que pour l’instant, concernant les articles verrouillés [portant notamment sur la limitation du nombre de mandats présidentiels], personne n’a pris l’initiative de leur révision. Tout le reste n’est que spéculation.[4]

c. Assemblée Nationale: Delly Sessanga retire sa proposition de loi électorale

Le 7 décembre, le député national Delly Sessanga a annoncé la suspension de l’examen de sa proposition de loi portant modification de la loi électorale en République démocratique du Congo (RDC). Lors d’une conférence de presse, il a fait savoir que sa proposition de loi présentée en 2012 visait à «renforcer le mécanisme de transparence» du processus électoral et il a regretté que son texte soit soumis à examen à l’approche de la clôture de la session parlementaire de septembre 2014. Il a expliqué que le contexte politique actuel ne permet plus l’examen de cette proposition de loi. Le contexte politique actuel exige des clarifications qui émaneraient d’un débat politique inclusif autour du bureau de l’Assemblée nationale, a estimé le président d’Envol, Delly Sessanga.

A l’en croire, sa proposition de loi devrait être présentée à la conférence des présidents pour une discussion. «Je pense que le débat doit être élargi à l’ensemble des forces politiques pour voir quelles sont les grandes questions qui, actuellement, s’imposent à la loi électorale», a ajouté Delly Sessanga qui pense que ces questions ne font pas l’objet d’un consensus de la classe politique.[5]

Le 12 décembre, le député Delly Sessanga a retiré sa proposition de modification de la loi électorale. Le président du parti politique «Envol» a accusé le bureau de l’Assemblée nationale d’avoir apporté des ajouts à son texte sans son consentement. Des ajouts qui modifient la substance même de la proposition. Il a aussi accusé le bureau d’avoir modifié le texte et de l’avoir distribué dans sa nouvelle version sans le consentement de l’auteur.

Selon le député national Delly Sessanga, ces ajouts touchent aux conditions d’éligibilité, au mode de scrutin et au mode de représentativité de certaines catégories de citoyens. Certains de ces ajouts risquent de faire reporter les prochaines élections, assure Delly Sessanga: «La supposée proposition, telle qu’elle est distribuée par le bureau comporte l’abrogation de l’obligation de pouvoir procéder à l’enrôlement des électeurs avant d’organiser les cycles électoraux, soustrayant ainsi à tout nouveau majeur le droit d’être électeur ou éligible. La nouvelle proposition comporte aussi la réalisation d’un recensement général de la population, entraînant le glissement du calendrier électoral de 2016, jusqu’à des années où l’on aura achevé le recensement des électeurs».

Sautant sur l’occasion, l’opposition à l’Assemblée nationale, qui craint que Joseph Kabila ne puisse rester au pouvoir au-delà de 2016, a fait une déclaration dans laquelle elle affirme que le pays n’a pas besoin d’une autre loi électorale et que l’on peut organiser les élections avec celle qui existe.[6]

L’opposant Moïse Moni Della, secrétaire général du Rcd-N, a dénoncé un plan savamment monté par les caciques du pouvoir en vue d’exclure des politiciens de premier rang, comme Kengo, Kamitatu, Muyambo, Endundu ou même Katumbi, de la course à la magistrature suprême. La formule est simple. Inclure dans cette loi, une disposition qui éliminerait tout candidat qui a un des parents étranger. Pour lui, cette discrimination aveugle bannirait sans justification des poids lourds sur la liste des candidats présidentiables parce que congolais métissés. Le risque, c’est de raviver encore le problème de nationalité qui avait suscité un grand débat lors des élections de 2006 et 2011. Le secrétaire général du Rcd-N ne s’explique pas comment une loi teintée racisme, d’exclusion peut passer à l’assemblée nationale. L’opposant constate seulement que le président Kabila étant coincé et se trouvant dans l’incapacité de réviser la constitution, pousse ses affidés à mener une opération aux risques incalculables. «On ne peut pas exclure quelqu’un sur base de sa race, de son ethnie, de sa tribu… , c’est une grave violation des droits de l’homme», a-t-il indiqué.

De toutes les façons, Moni Della croit que cette initiative suicidaire ne passera pas. Le secrétaire général du Rcd-N rappelle qu’on ne peut pas changer les règles de jeu en pleine compétition et il plaide pour le maintien de l’actuelle loi électorale.[7]

d. L’opération de consultation populaire des listes provisoire des électeurs

Le 22 décembre, au cours d’une conférence de presse, le président de la société civile d’Isangi, Gaston Bolila, a affirmé que plus de 15.000 électeurs des cités de Lokutu et Lokumete n’ont pas retrouvé leurs noms sur les listes électorales. D’après le président de la société civile d’Isangi, les listes affichées à Lokutu reprendraient plutôt les noms des électeurs des cités et villages voisins, notamment de Basoko. Pour éviter ces erreurs «techniques», la Ceni locale s’est résolue d’enregistrer systématiquement tous les électeurs munis de leurs cartes d’électeurs. Cet enregistrement est manuel. Une tâche difficile, selon le chef de cité de Lokutu. Ce dernier en appelle ainsi à l’implication des chefs de quartier et d’avenue pour faciliter ce travail d’enregistrement. Le président de la société civile d’Isangi estime, pour sa part, que le nombre d’agents de la Ceni commis à cette opération devrait être revu à la hausse et le délai initial de 15 jours être prolongé. La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) avait lancé le 10 décembre dernier une opération d’affichage et de consultation des listes provisoires.[8]

Le 23 décembre, dans un communiqué, la CENI a annoncé que l’opération de consultation des listes provisoire des électeurs, initialement prévue du 10 au 24 décembre dernier, est prolongée du 25 décembre au 10 janvier prochain. Le communiqué précise que les listes provisoires des électeurs sont affichées aux sites de vote installés dans les écoles, centres de santé ou tout autre lieu désigné par la Ceni. Chaque électeur enrôlé pendant la révision du fichier électoral de 2010 à 2011 n’ayant pas encore consulté les listes provisoires est invité à vérifier son nom, car aucune autre prolongation ne sera accordée, a assuré la Ceni.[9]

Le 10 janvier, la campagne de consultation des listes électorales provisoires s’est clôturée sans avoir connu d’engouement au Kasaï-Oriental. À la veille de fin de l’opération, le site installé dans le collège Saint-Léon, dans la commune de Bipemba de la ville de Mbuji-Mayi, n’a été visité que par environ 200 personnes. Pourtant, les préposés en attendaient 22 700. Dans ce site, il y a eu six cas de réclamation, et deux de changement d’adresse. Dans la commune de Diulu, le site du Complexe scolaire Mulami Muimpe, attendait 7 190 visites. Seules 107 personnes sont passées voir les listes affichées par la Ceni. Un autre site dans la même commune, l’Institut de la Révolution a enregistré environ 60 visites, au lieu de 2 616 que l’on espérait voir. A l’issue de la première période de quinze jours, les 85 sites de la ville de Mbuji-Mayi ont enregistré environ 10 mille personnes.[10]

 

 

2. TURBULENCES AU SEIN DU MLC APRES L’ENTRÉE DE TROIS DE SES MEMBRES DANS LE NOUVEAU GOUVERNEMENT

 

Le 8 décembre, des cadres du MLC de Jean-Pierre Bemba ont signé une déclaration révoquant de ce parti leurs trois camarades nommés ministres au sein du gouvernement de cohésion nationale. D’autres cadres du MLC en appellent cependant à l’arbitrage de Jean-Pierre Bemba. Les concernés par cette disposition sont Thomas Luhaka, secrétaire général du parti, Germain Kambinga et Omer Egbwake. Parmi les signataires de cette déclaration, on compte trois secrétaires généraux adjoints sur quatre, soit Fidèle Babala, Jacques Lungwana et Alexis Lenga, soutenus par d’autres cadres de ce parti. Ils affirment agir sur ordre du président du MLC, le sénateur Jean-Pierre, retenu depuis 6 ans à la CPI. On reproche aux nouveaux ministres d’avoir accepté de participer à ce gouvernement «sans l’accord du MLC, ni de son Chef Bemba». L’une des quatre secrétaires généraux adjoint, Angelique Milemba, ne semble pas d’accord avec cette décision et a appelé à un dialogue interne pour examiner la situation, appelant même Jean-Pierre Bemba à trancher.[11]

Le doyen du Collège des Fondateurs et membre de la Coordination nationale des Bembistes (CNB), Vicky Welo Okito, a publié une déclaration politique dans laquelle il a accusé le trio Fidèle Babala, Alexis Lenga et Jacques Lunguana de chercher à mettre à mal les efforts fournis dans la recherche de la cohésion interne et harmonieuse au sein du MLC. Vicky Welo Okito est convaincu que ceux qui ont exclu et radié les Délégués du MLC au Gouvernement se sont rendus coupables de faux et usage de faux dans l’apposition de la signature du Président national du parti, Jean-Pierre Bemba. Il a dénoncé également le non respect des procédures statutaires de radiation et de l’auto-exclusion. Enfin, il a affirmé que la Coordination National soutient la participation du parti au sein du Gouvernement de Cohésion nationale, suite logique des Concertations Nationales auxquelles le parti a pris part. Vicky Welo Okito a alors demandé  au Collège des Fondateurs du MLC de se réunir en toute urgence pour annuler l’exclusion de Thomas Luhaka et consorts.[12]

Dans un communiqué, 12 des 16 membres du Collège des Fondateurs du MLC ont réaffirmé leur soutien à Thomas Luhaka, Germain Kambinga et Omer Egwake. Consécutivement aux résolutions pertinentes des Concertations nationales auxquelles le MLC a totalement adhéré par sa participation active dans un esprit républicain, le Collège des Fondateurs du Parti prend acte de la nomination de 3 Hauts Cadres du Parti au sein du Gouvernement de cohésion nationale et les encourage à travailler dans l’intérêt supérieur de la Nation, et de ne pas trahir l’esprit républicain qui a toujours caractérisé le combat du MLC.[13]

L’entrée des 3 haut cadres MLC, notamment son ex Secrétaire général, Thomas Luhaka, dans le gouvernement dit de cohésion avec la complicité de certains membres du Bureau politique, a semé la plus grande confusion dans l’opinion nationale, faisant passer le parti bembiste – pourtant de l’Opposition-, pour une nouvelle composante de la Majorité présidentielle (MP). Confusion savamment entretenue par Thomas Luhaka qui a distillé dans la presse des messages qui insinuaient qu’il avait l’accord du sénateur Jean-Pierre Bemba lui-même pour entrer au gouvernement.

Selon des membres du parti, dans une lettre datée du 10 décembre 2014 et adressée à Thomas Luhaka, le président du MLC, Jean Pierre Bemba qualifie Thomas Luhaka de double « traître », pour avoir abuser de la confiance placée en lui et pour avoir trahi les statuts du parti. Parlant de Luhaka, il dit son étonnement et sa consternation au sujet de son entrée au gouvernement. L’ex vice-président reconnait avoir autorisé son parti à participer aux Concertations nationales mais pas à se livrer au partage «équilibré et équitable du pouvoir». Bemba rappelle à Luhaka que participer à un gouvernement est un acte politique d’envergure et un engagement important qui aurait dû faire l’objet d’un grand débat au sein des instances du parti. Bemba estime que Luhaka a engagé le MLC de façon malhonnête et avec légèreté. Bemba prend acte de l’auto exclusion de Luhaka du parti et nomme à sa place la sénatrice Eve Bazaïba.[14]

Le 14 décembre, la députée du Mouvement de libération du Congo (MLC) Eve Bazaiba a été nommée secrétaire générale de ce parti de l’opposition. Cette décision rendue publique par l’inspecteur général du MLC, Jacques Djoli, a été prise par le président du parti Jean-Pierre Bemba, actuellement détenu à la Cour pénale internationale (CPI) à la Haye. Eve Bazaiba remplace à ce poste Thomas Luhaka, nommé vice-Premier ministre dans le nouveau gouvernement congolais.

Le président Bemba a aussi restructuré la direction du parti. Le sénateur Raymond Ramazani Baya est nommé secrétaire général adjoint chargé de l’idéologie et du programme. Les députés nationaux Fidèle Babala, Alexis Lenga et Jacques Lungwana sont reconduits à leurs postes des secrétaires généraux adjoints chargés respectivement des questions politiques et stratégiques, de la coordination des fédérations et de la logistique et des finances.[15]

Le 15 décembre, dans un communiqué de presse, le Collège des Fondateurs a dit avoir suivi avec indignation et consternation la lecture du message attribué au Président National, Jean Pierre Bemba.

Après analyse et débat dudit message, le Collège des Fondateurs émet des doutes quant à l’authenticité des documents présentés, compte tenu de la situation judiciaire contraignante du Président National, toujours détenu à la CPI. A cet effet, le Collège des Fondateurs se réserve le droit d’approcher la CPI pour vérifier l’authenticité de ces documents et d’en tirer toutes les conséquences disciplinaires à l’endroit des auteurs intellectuels de ce qui apparait comme une énième tentative de manipulation.

Le Collège des Fondateurs rappelle que sa déclaration du 09 décembre 2014 avait clos définitivement le débat sur la question de la participation de hauts cadres du parti au Gouvernement de Cohésion Nationale.

Le Collège des Fondateurs rappelle aussi que le Secrétaire Général et les Secrétaires Généraux Adjoints sont nommés et, le cas échéant, relevés de leurs fonctions par le Président National après avis du Collège des Fondateurs, et ce conformément à l’article 39 de nos statuts. Ce qui n’est pas le cas dans la procédure du soit disant message du Président National. Donc, cette décision est nulle et de nul effet.

Le Collège des Fondateurs renouvelle sa confiance à tous les membres du Comité Exécutif National du MLC en général et au Secrétaire Général, l’Honorable Thomas Luhaka, en particulier, et

réitère son soutien moral et sa loyauté au Président National, le Sénateur Jean Pierre Bemba Gombo.[16]

Selon des proches de Thomas Luhaka, Vice-Premier ministre et ministre des PTT/NTIC (Postes, Téléphones, Télécommunications/ Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), il siège dans le Gouvernement Matata II avec la bénédiction du chef du Parti, qui avait du resté donné son aval à sa participation aux Concertations Nationales (septembre-octobre 2015). Jusqu’à preuve du contraire, il bénéficie non seulement de la confiance et du soutien de Jean-Pierre Bemba, mais aussi de l’écrasante majorité des Fondateurs et des Secrétaires Nationaux (ministres du gouvernement MLC). Selon les mêmes milieux, la nomination et l’investiture d’Eve Bazaiba comme Secrétaire générale du MLC seraient nulles et de nul effet, car décidées par des personnes qui auraient falsifié un document portant la signature du «Chairman».[17]

Certains membres fondateurs du MLC continuent à soutenir Thomas Luhaka. Pour Gustave Kalenga, secrétaire national en charge de la communication de ce parti, il faut détenir une procuration spéciale du président national pour diriger le secrétariat général. Et jusqu’ici, seul Thomas Luhaka le détient, soutient-il. «Jusqu’à présent, M. Thomas Luhaka est et reste le secrétaire général», affirme M. Kalenga. Pour lui, si Jean-Pierre Bemba, poursuivi pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et incarcéré à la CPI depuis 2008, avait voulu nommer une personne à la plus haute structure de ce parti, il aurait émis une « procuration spéciale » autorisée par la signature et du cachet du greffier de la Cour pénale internationale. Assurant que Thomas Luhaka Losenjola est le seul à posséder aujourd’hui un tel document, Gustave Kalenga invite «les personnes qui s’autoproclament» à présenter le leur.

Dans un communiqué rendu public samedi 3 janvier, à l’occasion de la présentation des vœux de nouvel an 2015 en tant que vice-premier ministre en charge des Postes, Téléphones et Nouvelles technologies de l’information et de la communication, Thomas Luhaka avait fait prévaloir que 18 membres fondateurs du MLC soutenaient son maintien au secrétariat général de ce parti.[18]

Le 6 janvier, la députée nationale Eve Bazaiba, secrétaire général du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, a présenté à Radio Okapi les documents signés par le président de son parti, avec la mention du complexe pénitentiaire de La Haye, la désignant à ce poste. Pour Mme Bazaïba, les statuts et règlements de ce parti jugent incompatibles la fonction de secrétaire général et de membre du gouvernement, sans autorisation du collège des fondateurs. Pour Eve Bazaiba, selon l’article 6 du règlement particulier du collège des fondateurs, Thomas Luhaka étant devenu ministre, n’a plus à diriger au niveau du parti.[19]

 

 

3. LE RETRAIT DES LIBÉRAUX DÉMOCRATES SOCIALISTES DE L’OPPOSITION RÉPUBLICAINE

 

Les députés nationaux de dix partis politiques composant le groupe parlementaire des Libéraux démocrates socialistes ont annoncé leur retrait de l’Opposition républicaine, plate-forme dirigée par le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo. Dans une déclaration de clarification succédant à la sortie du gouvernement de cohésion nationale, le président de ce groupe parlementaire, José Makila, a par ailleurs annoncé sa démission de la coordination de l’Opposition républicaine.

José Makila a expliqué que «on ne peut pas aller à l’encontre de la loi portant statut de l’opposition dans son article 4 qui dit ceci: vous renoncez à votre statut de l’opposition si vous prenez part au gouvernement ou vous soutenez les actions du gouvernement». Le député reproche à cette plate-forme de l’opposition d’avoir accepté que quelques uns de ses membres fassent partie du gouvernement de cohésion nationale nommé le 7 décembre par le chef de l’Etat, Joseph Kabila. «L’Opposition républicaine a pris part au gouvernement et soutient les actions du gouvernement. Donc, ce n’est plus une opposition. Et le groupe parlementaire, et mon parti politique l’ATD, nous sommes de l’opposition politique congolaise», a-t-il précisé.[20]

[1] Cf Radio Okapi, 15.12.’14; Christophe Rigaud – Afrikarabia, 15.12.’14

[2] Cf Radio Okapi, 01.01.’15

[3] Cf RFI, 06.01.’15; AFP – Africatime, 06.01.’15

[4] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 17.12.’14

[5] Cf Radio Okapi, 08.12.’14

[6] Cf RFI, 13.12.’14

[7] Cf 7sur7.cd – Kinshasa, 17.12.’14

[8] Cf Radio Okapi, 23.12.’14

[9] Cf Radio Okapi, 23.12.’14

[10] Cf Radio Okapi,12.01.’15

[11] Cf Radio Okapi, 08.12.’14

[12] Cf La Prospérité – Kinshasa, 10.12.’14 (via mediacongo.net)

[13] Cf La Prospérité – Kinshasa, 10.12.’14 (via mediacongo.net)

[14] Cf Matthieu Kepa – C-News, 17.12.’14

[15] Cf Radio Okapi, 14.12.’14

[16] Cf Le Phare – Kinshasa, 16.12.’14

[17] Cf Le Phare – Kinshasa, 05.01.’15

[18] Cf Radio Okapi, 06.01.’15

[19] Cf Radio Okapi, 07.01.’15

[20] Cf Radio Okapi, 10.01.’15