Congo Actualité n. 205

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: La double voie de la Communauté Internationale

1. LA POLITIQUE INTERNATIONALE DES DEUX POIDS ET DEUX MESURES

2. LES FORCES DÉMOCRATIQUES POUR LA LIBÉRATION DU RWANDA (FDLR)

a. Les FDLR disposées à déposer les armes, mais à une condition

b. Lancement des opérations militaires contre les FDLR

3. LES GROUPES ARMÉS DE PLUS EN PLUS SOUS PRESSION

4. LES DÉCISIONS DU GOUVERNEMENT ET DU PARLEMENT

 

ÉDITORIAL: La double voie de la Communauté Internationale

 

1. LA POLITIQUE INTERNATIONALE DES DEUX POIDS ET DEUX MESURES

Le 4 décembre, l’envoyé spécial des Etats-Unis pour la région des Grands Lacs, Russ Feingold,  était à Kigali, où il a rencontré le président rwandais Paul Kagame. Le Rwanda s’engage à supporter les efforts visant à rétablir la paix en RDC et l’envoyé spécial des Etats-Unis réitère l’engagement de la communauté internationale à faire de la neutralisation des FDLR une priorité, comme le souhaite Kigali. C’est en substance ce qui est ressorti officiellement de la rencontre entre le président rwandais Paul Kagame et Russ Feingold. Les deux hommes ont également évoqué, la possibilité de la tenue d’un «dialogue régional» qui inclurait le Rwanda, la RDC, l’Ouganda ou encore le Burundi. Ce dialogue aborderait notamment des questions chères à Kigali comme la question du retour des réfugiés congolais et, plus généralement, la situation de la communauté rwandophone dans l’est de la RDC. Enfin, Russ Feingold a même indiqué qu’il n’est pas exclu que, dans les tout prochains jours, le gel de la coopération militaire entre les Usa et le Rwanda soit levé car visiblement le fait qui l’avait motivé, l’enrôlement forcé des enfants soldats par le M23, n’existe plus.[1]

Après avoir rencontré le président rwandais Paul Kagame, l’envoyé spécial des Etats-Unis pour les Grands Lacs, Russ Feingold, répond aux questions de Sonia Rolley, de RFI.

RFI: Pensez-vous qu’un accord va finalement être signé entre le M23 et le gouvernement congolais?

Russ Feingold: Je pense qu’un document concluant les pourparlers de Kampala sera signé dans un futur proche. Cela nous permettra d’aller de l’avant et régler plusieurs problèmes comme trouver une solution pour les combattants du M23 qui, pour la plupart aujourd’hui, se trouvent dans des pays étrangers, ou encore obliger ceux qui ont commis des crimes de guerre de rendre des comptes. Et je suis optimiste sur la conclusion prochaine de ces pourparlers.

Aujourd’hui, d’autres groupes armés comme les FDLR demandent eux aussi à ce que des discussions politiques soient ouvertes avec leur propre gouvernement. Pensez-vous que c’est souhaitable?

Le président Museveni a appelé à l’ouverture des pourparlers de Kampala, suite à l’offensive du M23 l’an dernier. Le gouvernement congolais a accepté mais ce que je pense, c’est que pour régler le problème des autres groupes armés, il faut soutenir la Monusco mais aussi l’armée congolaise dans leurs efforts pour éliminer ces groupes qui sont des groupes armés illégaux. Je ne pense pas que la solution soit que chaque gouvernement commence à négocier avec un groupe armé particulier. Si un dialogue doit s’ouvrir, il faut que ce soit entre les pays de la région. Les groupes armés n’ont pas leur place à cette table. Les pays, oui.

Ce pour quoi vous plaidez, c’est pour l’ouverture d’un dialogue régional?

Nous avons besoin d’un dialogue plus large qui, bien sûr, inclurait ce qu’on appelle les pays des Grands Lacs: la RDC, le Rwanda, l’Ouganda et peut-être le Burundi. Ces discussions devraient inclure – si nous parvenons à lancer cette initiative – des problématiques comme celles des groupes armés; les questions de frontière, mais aussi des thématiques qui concernent la région dans son ensemble, comme par exemple la question des opportunités économiques qui pourraient naitre non seulement pour l’est du Congo mais aussi pour toute la région des Grands Lacs.

Ce que je suggère c’est que, à partir de l’accord-cadre, il y ait de sérieuses discussions qui permettront de trouver des solutions pour les causes profondes du conflit, comme par exemple le fait que les réfugiés ont peur de rentrer chez eux. Il y a des tensions ethniques dans l’est du Congo qui ne vont pas être réglées par les pourparlers de Kampala ou simplement par la signature d’un bout de papier. Il faut que les parties soient représentées au plus haut niveau, négocient directement sous l’égide de l’accord-cadre.

Et cette sorte de dialogue pourrait être la meilleure option. Ce dialogue ne serait pas piloté par l’ONU ou par un pays extérieur mais ce qu’on peut espérer, c’est qu’il le soit par la CIRGL ou par la SADC. Certains problèmes sont régionaux par nature – comme les problématiques frontalières et les tensions ethniques – mais d’autres sont des problèmes internes comme la nécessité, pour la République démocratique du Congo, de lancer des réformes dans des secteurs clefs pour avoir un système démocratique plus efficace ou encore des élections dont les résultats soient respectés, mais aussi la réforme de l’armée. Vous ne pouvez pas avoir un espace sécurisé pour les populations dans l’est du Congo sans avoir une force armée crédible et respectée. Il y a eu des améliorations, ces derniers temps, mais beaucoup reste encore à faire pour donner l’impression aux populations – mais aussi aux Etats de la région – qu’il s’agit d’une zone bien gérée d’un point de vue militaire. C’est pourquoi on doit se souvenir qu’il faut non seulement un dialogue régional – comme celui dont je parle – mais aussi des réformes entreprises en République démocratique du Congo.[2]

Il y a beaucoup de contradictions dans le chef des tenants de la Communauté internationale dans l’approche de la résolution de la crise dans l’Est de la Rdc. Pour le M23, la Communauté internationale a exigé au Gouvernement congolais une solution politique passant par les négociations de Kampala avec des criminels. Pour être rationnel, il fallait imposer la même voie de dialogue aux gouvernements ougandais et rwandais comme réponse à la question de leurs propres forces, les ADF-Nalu et les FDLR, sévissant en RDC. Que non!

Pour Russ Feingold, envoyé spécial d’Obama pour les Grands lacs, il n’est pas du tout question pour le Rwanda et l’Ouganda de négocier avec leurs forces négatives. Et de poursuivre que ces questions doivent plutôt être vidées dans un dialogue régional entre les pays concernés.

Pourquoi cette politique de deux poids deux mesures au détriment de la RDC et en faveur de ceux qui l’agressent en créant des rébellions à la pelle? Ce n’est pas le même Feingold qui, avec Mary Robinson, s’était fait le chantre de la voie politique, seule issue à la guerre du M23 à l’Est de la Rdc?

Ce n’est pas le même qui continue jusqu’à ce jour à se battre pour que le gouvernement s’humilie en allant signer un Accord de paix avec une rébellion déjà taillée en pièces mais qu’il cherche à tout prix à légitimer?

Mais pour les FDLR, il préconise la force et non le dialogue avec Kigali comme imposé à Kinshasa.

Les FDLR sont-elles plus nuisibles que le M23 pour ne pas leur laisser la possibilité de dialoguer avec leur Gouvernement? Mais ce qui est vrai, c’est que la solution pour une paix durable dans tout le « Grands lacs » et non seulement à l’Est de la RDC passe obligatoirement par une approche régionale qui impliquerait un dialogue interwandais et interougandais, piste qu’avait vivement conseillée en son temps le Président tanzanien Jakaya Kikwete.

 Ce n’est pas du tout la vision de  Feingold qui lui voit un dialogue réunissant les Etats, pour débattre de nombreuses questions qui restent pendantes comme, par exemple, le retour des réfugiés congolais. Il est aisé de comprendre comment, après son passage à Kigali la semaine dernière, Russ Feingold fait tout d’un coup de la question du retour des réfugiés tutsis sa principale préoccupation. Il ne sait peut être pas que, en l’absence des documents administratifs fiables, il est difficile d’établir la nationalité de ces réfugiés dont on sait qu’ils ne sont pas tous Congolais. S’il y avait un retour dans cette confusion, comme d’habitude Kigali en profiterait pour y infiltrer ses sujets. En effet, Paul Kagame tient à infiltrer, dans les rangs de ces réfugiés candidats au retour, des faux Tutsi congolais qui deviendraient d’office Congolais. Il s’agit donc d’une stratégie de transformation des populations rwandaises en Congolais pour leur transplantation légale au Kivu par le biais du HCR. C’est cela que Kagame vise par son exigence du retour des refugiés tutsi.[3]

2. LES FORCES DÉMOCRATIQUES POUR LA LIBÉRATION DU RWANDA (FDLR)

Le 5 décembre, le lieutenant-colonel Félix Prosper Basse, porte-parole militaire de la MONUSCO, a déclaré que les rebelles hutu rwandais des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) doivent déposer les armes, comme tous les groupes armés basés dans l’est de la RDC, sinon elles seront désarmées par la force. «Les FDLR sont une force négative. Elles sont dans le territoire congolais. Elles n’ont pas le droit de porter les armes ni de mener des exactions contre les populations civiles. Notre mandat étant de désarmer tous les groupes armés, nous ferons à l’heure venue, comme nous l’avons fait pour le M23, avec les FARDC», a-t- il affirmé.[4]

a. Les FDLR disposées à déposer les armes, mais à une condition

De leur part, les FDLR sont prêtes à déposer les armes. C’est ce qu’affirme leur secrétaire exécutif, le colonel Wilson Irategeka. Les FDLR figurent sur la liste des prochains groupes armés qui devraient être visés par des opérations militaires conjointes de la Monusco et des FARDC. Ils sont prêts à déposer les armes immédiatement, à une condition: l’ouverture d’un dialogue avec Kigali sous l’égide de la communauté internationale, comme ce fut le cas pour le M23. Le colonel Wilson Irategeka répond aux questions de Sonia Rolley, de RFI.

Est-ce que la Monusco et le gouvernement congolais vous ont donné un ultimatum pour rendre les armes?

On demande à ce que nous puissions déposer les armes. Mais nous y sommes disposés à une condition: nous demandons à ce que le gouvernement de Kigali accepte de négocier avec les partis d’opposition.

Mais quel est votre objectif? Vous aimeriez vous transformer en parti politique au Rwanda?

Effectivement. Mais nous les FDLR, nous sommes déjà un parti politique qui a en son sein une armée. Ce sont les forces combattantes Abacunguzi. Donc, elles ont été créées pour défendre les réfugiés rwandais qui se trouvent en RDC, qui sont depuis longtemps exterminés par l’armée patriotique rwandaise. C’est pourquoi les FDLR existent, pour assurer leur défense et leur permettre de rentrer dignement dans leur pays natal.

Qu’est-ce que vous demandez précisément à la Monusco et au gouvernement congolais avant de déposer les armes?

En ce qui concerne le gouvernement congolais, nous lui demandons de ne pas attaquer les FDLR. A l’instar de son excellence, le président tanzanien Jakaya Kikwete, le gouvernement congolais devrait aussi inciter le régime de Paul Kagame à accepter des négociations politiques. A la communauté internationale, nous demandons également de s’impliquer pour convaincre le régime de Kigali d’accepter ces négociations auxquelles d’autres partis politiques d’opposition doivent eux aussi adhérer, puisque c’est la seule voix pour établir une paix durable au Rwanda et dans la région.

Nous voulons aussi que les réfugiés rwandais qui se trouvent à l’est de la RDC soient donc assistés et protégés pour qu’ils puissent rentrer chez eux dignement. Au gouvernement de Kigali, nous lui demandons d’accepter l’idée d’un pouvoir fondé sur le principe d’égalité, de dignité et de démocratie.
Quand vous parlez des autres partis politiques d’opposition, quels sont ceux avec lesquels vous êtes en discussion ? Est-ce que vous avez fait des démarches communes?

Les démarches sont en cours. On est en contact avec le parti de monsieur Faustin Twagiramungu, avec le RNC dirigé par le général Kayumba Nyamwasa. On est en contact avec Théoneste Rudasingwa. Il y a aussi le parti dirigé par le général Emmanuel Habyarimana et celui de Paul Rusesabagina. Avec tous ces partis, nous sommes en contact et nous voulons ensemble construire un avenir meilleur pour le pays.

Est-ce que vous ne craignez pas en rentrant au Rwanda, d’être jugé pour génocide, puisque Kigali vous accuse d’avoir participé au génocide de 1994?

Comment est-ce que les enfants qui font partie des FDLR pour le moment, qui ont quitté le pays à l’âge de cinq ans, de dix ans, de quinze ans, qui viennent de passer presque 20 ans dans l’est de la RDC peuvent être des génocidaires ? C’est une campagne de diabolisation organisée par le pouvoir de Kigali contre les FDLR.[5]

Les rebelles hutus rwandais des FDLR acceptent donc de désarmer, mais sous conditions. Ils exigent l’ouverture des négociations avec le régime de Paul Kagame sous forme d’un dialogue interwandais. C’est donc au cours de ce dialogue qu’ensemble avec le pouvoir de Kigali ils pourraient fixer les conditions de leur désarmement et surtout régler les questions liées à leur rapatriement et leur réinsertion dans la société rwandaise. En dehors de cette voie politique du dialogue interwandais, les FDLR continueraient leur combat contre le dictateur rwandais Paul Kagame.[6]

Pour les autorités rwandaises, il est toujours hors de question d’ouvrir un dialogue avec les FDLR, comme le rappelle Olivier Nduhungirehe, représentant permanent adjoint de Kigali au Conseil de sécurité de l’ONU: «Ça ne peut pas être une option puisque les FDLR ne sont pas un mouvement politique comme les autres mouvements… Les FDLR sont un mouvement, non seulement qui a commis le génocide au Rwanda en 1994 – beaucoup de leaders et de commandants de cette force sont inculpés par la justice rwandaise pour les crimes qu’ils ont commis – mais aussi parce que les FDLR véhiculent une idéologie génocidaire à l’aide de la RDC, (à l’égard) des enfants qui sont dans les camps, déclarent qu’ils veulent tuer les Tutsis où qu’ils se trouvent. Donc c’est un problème plutôt qui concerne le désarmement, la démobilisation et la justice. Ce n’est pas un problème politique».[7]

Avançant son antienne selon laquelle on ne négocie pas avec les génocidaires dont le sort passe uniquement par la justice, Kigali n’a pas attendu pour rejeter la proposition de dialogue présentée par les FDLR comme condition pour leur désarmement volontaire.

Mais si l’ONU a institué une brigade d’intervention en RDC pour lutter, aux côtés des FARDC, contre les groupes armés nationaux et étrangers, y compris les FDLR, il reste de trouver une issue à cette lutte lorsque ces forces seront anéanties. Faudra-t-il exterminer tous ces individus avec femmes et enfants? Faudra-t-il les renvoyer dans leurs pays respectifs pour des poursuites judiciaires, comme l’estime Kigali?

Hervé Ladsous, Secrétaire Général adjoint de l’Onu chargé du maintien de la paix, a affirmé, à propos des miliciens du M23 et des autres groupes armés, qu’«il faut offrir aux ex-combattants une perspective», ajoutant qu’«il faut donc tout faire pour créer un processus de réinsertion dans la vie normale du pays». Mais personne n’évoque la moindre perspective pour les membres des FDLR.

On est ici en plein dans la politique internationale de deux poids deux mesures. Sans méconnaître la responsabilité de certains membres des FDLR dans le génocide rwandais, on ne doit pas faire l’autruche, face au fait que de nouvelles générations non liées au génocide existent aujourd’hui et qu’il est question de traiter autrement avec eux. Sur cet aspect, Kigali a toujours trouvé une parade pour dire que ces générations ont été idéologisées quant aux clivages ethniques. Bref, le Rwanda exclue toute forme de perspective pour ses citoyens vivant en territoire congolais. Et même la communauté internationale ne prend aucune initiative pour proposer une perspective à ces gens comme l’avance Ladsous à propos du M23 et des autres groupes armés.

Le Président tanzanien, Jakaya Kikwete, avait recommandé que le Rwanda et l’Ouganda négocient avec leurs rébellions respectives. Kigali avait vigoureusement rejeté cette proposition, sans que la communauté internationale ne réagisse. De sa part, Joseph Kabila a réaffirmé l’engagement de la RDCongo dans la recherche de la paix et la sécurité dans les Grands Lacs, tout en demandant à ce que les neuf voisins de la RDC la respectent désormais. Ce respect doit se traduire, notamment, par l’engagement de ces pays, notamment le Rwanda et l’Ouganda, à résoudre leur problèmes internes dont souffre la RDCongo.[8]

Quant à la neutralisation des FDLR, la Communauté internationale ferait mieux d’examiner d’abord leur offre de dialogue plutôt que d’épouser aveuglément le point de vue du Rwanda qui estime qu’il s’agit des génocidaires. Est-ce vrai? Tous en bloc sont-ils génocidaires?

C’est justement au cours de la négociation que les deux parties répondront à ces questionnements. Le génocide étant un crime imprescriptible, ceux parmi eux qui seraient reconnus comme tels seraient jugés. Le désarmement des FDLR par la force risque de faire flops. Ce n’est pas la première fois qu’une opération de ce genre soit lancée contre leur mouvement. Sans résultat. Ils vont se disperser sur les collines congolaises, et en forêts qu’ils connaissent très bien pour y avoir vécu près de 20 ans. Ce serait la guérilla rurale. Comment les en déloger? Avec quelles unités, que ce soient les Fardc ou la Monusco, quand on sait que là il s’agirait d’une guerre asymétrique et non conventionnelle? Comme toujours, ce sont les villageois congolais qui risquent de payer un lourd tribut. Comme par exemple en 2009, lors de l’opération conjointe des Fardc et de l’armée rwandaise. C’est cela qu’il faut à tout prix éviter.[9]

b. Lancement des opérations militaires contre les FDLR

Le 9 décembre, la brigade d’interventions de la Monusco a lancé des opérations offensives contre les rebelles rwandais des FDLR dans la région de Kalembe, dans le territoire de Masisi, à une centaine de kilomètres au nord de Goma. Le commandant des forces de la Monusco, le général Dos Santos Cruz a affirmé que ces opérations s’inscrivaient dans un vaste plan contre les groupes armés locaux et étrangers actifs dans la région. Selon lui, l’offensive lancée contre les FDLR a pour objectif de libérer la route Kitshanga-Kalembe-Pinga. Le général Cruz a indiqué que la Monusco allait également renforcer son appui aux FARDC dans la traque contre les rebelles ougandais de l’ADF/NALU et des groupes armés locaux. Le commandant des forces de la Monusco a ajouté que la mission onusienne avait pris des dispositions pour sécuriser la frontière entre la RDC et les pays voisins pendant ces opérations.[10]

Le 11 décembre, après deux jours d’offensive, l’armée congolaise, appuyée par 200 militaires de la Monusco, a pris le contrôle de la piste qui mène de la localité de Kichanga à Pinga. Quelques accrochages se sont produits, mais il y aurait eu peu de combats, selon une source onusienne. Les miliciens des FDLR et des APCLS, un autre groupe armé posté le long de cet axe, ont pour la plupart fui. Selon le Général Carlos Alberto dos Santos Cruz, commandant de la Monusco, l’idée est d’utiliser Pinga, à 90 kilomètres au nord-ouest de Goma, comme base pour poursuivre l’offensive contre les FDLR dispersées dans la région. Et c’est là toute la difficulté de cette nouvelle opération. Les FDLR sont éparpillées entre le Nord et le Sud-Kivu. Ils ne tiennent pas des positions fixes et se déplacent très facilement. Enfin, ces combattants hutus, originaires du Rwanda au départ, vivent depuis plus de vingt ans en terre congolaise et connaissent donc très bien le terrain. Autant d’éléments qui vont compliquer cette opération de désarmement forcée.[11]

Le 11 décembre, le chef du groupement de Kanyabayonga (Nord-Kivu), Muhindo Lukira, a affirmé que des rebelles rwandais des FDLR sont signalés, depuis une semaine, dans six localités: Ndaka, Kayanza, Iyobora, Mirangi, Kyaghala et Muhimole. Selon des sources locales, les rebelles des FDLR prennent de force les récoltes des paysans, qui ne vont plus aux champs, craignant leur présence. Le chef de groupement invite les autorités gouvernementales à mettre fin à cette situation.[12]

3. LES GROUPES ARMÉS DE PLUS EN PLUS SOUS PRESSION

Le 3 décembre, les Nations unies ont lancé officiellement à Goma le premier drone, un aéronef de reconnaissance, sans pilotes. Actuellement, la Monusco dispose de deux avions de ce type, mais on en a prévu cinq, pour le contrôle du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. De sept mètres de diamètre, ces engins sont équipés de caméras de surveillance. Le centre de pilotage de ces drones est basé à Goma. L’ONU compte ainsi surveiller les mouvements des groupes armés, les déplacements de civils et surtout la frontière entre la RDC, le Rwanda et l’Ouganda. Jusqu’ici ces opérations de surveillance devaient être effectuées par des hélicoptères. Les drones peuvent voler pendant de longues périodes, de jour comme de nuit, en toute discrétion et pour un coût bien moindre. Les appareils sont conçus pour évoluer entre 2.000 et 3.000 mètres d’altitude, et ont un rayon d’action de 200 kilomètres environ. Les images seront analysées en temps réel.[13]

Le 4 décembre, participant par vidéoconférence depuis Goma à la conférence de presse hebdomadaire de la Monusco à Kinshasa, le secrétaire général adjoint des Nations unies chargé de maintien de la paix, Hervé Ladsous, a estimé qu’il n’est pas suffisant désarmer les groupes armés et que «il faut offrir aux ex-combattants une perspective, sinon ils seront tentés de repartir à leurs crimes passés. Il faut donc tout faire pour, non seulement, désarmer ces ex-combattants mais créer un processus de réinsertion sociale dans la vie normale du pays. Ça ne se fera pas tout de suite mais c’est un processus qui doit commencer tout de suite». Au terme d’un séjour de trois jours en RDCongo, Hervé Ladsous a aussi évoqué la nécessité de recréer l’autorité et la présence de l’Etat dans toutes les zones qui seront libérées de l’emprise des groupes armés et il s’est dit, enfin, confiant quant au retour de la paix dans l’est du Pays. [14]

Secrétaire général du Bureau d’études, d’observation et de coordination pour le développement du territoire de Walikale (BEDEWA), Prince Kihangi Kyamwami a affirmé, dans un message, que «la guerre a créé un sentiment de rejet, d’exclusion et d’intolérance entre les communautés locales»  et il les a appelées à «se parler» et à «se pardonner» pour le retour de la paix dans la province du Nord-Kivu. Jugeant «évident que la réinsertion sociale ne va pas résoudre tous les problèmes des ex-combattants», il recommande aux parents d’«apprendre aux enfants à aimer leur pays et à ne jamais prendre les armes contre leur nation pour quelque raison que ce soit». Prince Kihangi Kyamwami est d’avis que «les ex-combattants doivent être préparés à manger à la sueur de leurs fronts, comme tous les autres bons citoyens, sans avoir recours aux armes ou créer de l’insécurité» et que «il y a donc lieu d’investir plus dans l’homme que dans les matériels ou projets; promouvoir la culture du dialogue permanent en lieu et place du recours à la lutte armée; rebâtir la confiance entre nos communautés, renforcer la cohésion sociale et restaurer le climat de collaboration qui a été rompu suite à la situation de guerre». Il se dit convaincu qu’«en agissant ainsi, les communautés locales vont certainement contribuer à la stabilisation de la région et à la cohésion sociale en province du Nord-Kivu». Le territoire de Walikale (Nord-Kivu) est situé entre la ville de Bukavu (Sud-Kivu) et Lubutu, sur la Route nationale n° 3, dans la vallée de la rivière Lowa, 135 km à l’ouest de Goma. Divisé en 2 collectivités (Bakano: 4.238 km² et Wanianga: 19.237 km²), il compte 15 groupements, totalisant 90 localités. Les principaux peuples du territoire sont les Kano, Kumu, Kusu, Hunde, Tembo, Mbute (Pygmées) et Nyanga.[15]

Le 9 décembre, à Bunia, le commandant des forces de la Monusco, le général Alberto Carlos dos Santos Cruz, a annoncé que la mission onusienne allait mener «une action musclée» contre les groupes armés de l’Ituri. Il a affirmé avoir eu une réunion de planification des actions avec le général Fall Sikabwe, commandant des opérations de l’armée congolaise en Ituri. L’officier onusien a expliqué qu’après le temps accordé par le gouvernement aux groupes armés pour déposer les armes, le moment était venu d’utiliser la force. Plusieurs groupes armés sont actifs dans le district de l’Ituri. Il s’agit notamment de la Force de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI) de Cobra Matata, qui sévit dans la collectivité de Walendu Bindi dans le territoire d’Irumu; des Maï-Maï Simba fidèles à Paul Sadala alias Morgan qui sont actifs dans le territoire de Mambasa; de la Force de libération du peuple congolais (FLPC) dans le territoire d’Aru et des miliciens ougandais des ADF-Nalu dont la présence de certains éléments est signalée au sud d’Irumu.[16]

Le 9 décembre, plusieurs sources locales ont indiqué que, depuis une semaine, des rebelles ougandais des ADF/Nalu se déplacent du territoire de Beni (Nord-Kivu) vers l’ouest, en direction de la Province Orientale. Ces ADF/Nalu quittent notamment leurs bases de Tshutshugo et Nadui, au nord-est de Beni, et se dirigent vers les territoires de Mambassa et d’Irumu en Province Orientale. Dans leur déplacement, ils sont accompagnés de leurs dépendants. Pour la société civile, ces rebelles tenteraient de rejoindre d’autres groupes des milices actives en Ituri pour se prémunir contre les prochaines opérations militaires que les FARDC préparent dans la région de Beni.

La coordination de la société civile du Nord-Kivu appelle à cet effet au lancement immédiat des opérations militaires, pour empêcher leur dispersion dans plusieurs territoires du pays.[17]

Le 9 décembre, le colonel Bwambale Kakokele, alias «Aigle blanc», a été arrêté à Beni dans la nuit. Selon le colonel Dieudonné Muhima, commandant du premier secteur des FARDC basées à Beni, il est reproché à cet officier de l’armée congolaise son séjour illégal dans cette ville du Nord-Kivu. A en croire la même source, le colonel Bwambale Kakolele est arrivé à Beni le vendredi dernier en provenance de Kinshasa sans autorisation de ses supérieurs. Mais d’autres sources sécuritaires confient que cet officier, autoproclamé général pendant la rébellion du CNDP, est suspecté de collaborer avec plusieurs groupes Maï-Maï et les rebelles ougandais des ADF/Nalu qu’il dissuaderait de faire reddition.[18]

Le 10 décembre, le commandant du groupe armé Mouvement pour la Restauration de la Démocratie au Congo (MRDC), Hilaire Kombi, s’est rendu aux Forces armées de la RDC à Mbwavinywa, un village du sud de Lubero, avec cinq officiers de sa milice. Ancien colonel des forces loyalistes, il avait déserté l’armée et s’était autoproclamé général l’année dernière.[19]

4. LES DÉCISIONS DU GOUVERNEMENT ET DU PARLEMENT

Le 1er décembre, une réunion extraordinaire du Conseil des Ministres s’est tenue à Goma, Province du Nord-Kivu, sous la présidence du Président de la République, Joseph Kabila.

Selon le Ministre de la Défense, environ 4.000 membres de groupes armés se sont rendus depuis l’accentuation de la pression militaire sur le M23 et sa défaite.

Le Ministre des Affaires Étrangères a fait part au Conseil des dispositions à prendre pour parachever et consolider le processus de rétablissement de la paix et de la sécurité dans les Provinces de l’Est. Il ressort de son exposé que le Gouvernement doit clôturer correctement le processus de Kampala afin de (i) constater, de manière formelle, y compris par la communauté internationale, la fin de la rébellion du M23; (ii) disposer d’un instrument juridique contraignant, parce que convenu entre parties avec l’aval de la région et de la communauté internationale, permettant d’organiser et de gérer efficacement le rapatriement, le cantonnement, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion sociale des ex-combattants du M23 particulièrement.

Le Ministre de la Justice et Droits Humains a présenté au Conseil des Ministres l’économie du projet de loi portant amnistie pour faits de guerre et infractions politiques.

De sa part, le Gouvernement s’engage à:

– lancer, sans délai, et mener à bien les opérations de neutralisation des forces négatives étrangères, dont les FDLR et l’ADF-NALU;

– débarrasser le pays de tous les groupes armés;

– veiller au respect, par les Etats signataires, de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba;

– redynamiser les commissions mixtes entre la RDC et les pays de la région.

Compte tenu de l’urgence et du caractère particulièrement sinistré des territoires qui viennent d’être libérés par les FARDC, un programme minimum d’extrême urgence a été adopté par le conseil des Ministres. Ce programme couvre les secteurs suivants:

– accompagnement des femmes et des enfants victimes directes des conflits armés;

– organisation du retour des déplacés de guerre vers leurs milieux d’origines, avec distribution des kits de retour constitués de vivres, non vivres et semences;

– réhabilitation des infrastructures pillées et délabrées (écoles, hôpitaux, centres de santé, routes, eau et électricité);

– campagne pour la réconciliation et la cohabitation pacifique des communautés et mise en place d’un comité « Paix, Vérité et Réconciliation »;

– adoption de la loi portant création des chambres spécialisées par la répression des crimes internationaux et organisation des audiences foraines des tribunaux compétents pour juger les viols commis et autres graves exactions perpétrés à l’endroit des femmes et des enfants;
– déclenchement d’enquêtes judiciaires contre les auteurs des crimes de guerre;

– déclenchement de poursuites judiciaires contre tous les présumés auteurs de crimes graves non prescriptibles, ainsi que des violations massives des droits humains.[20]

Le 3 décembre, le Sénat a voté la loi portant prévention, contrôle et réduction des armes légères et de petits calibres. Cette nouvelle loi est en fait une mise à jour de la loi du 3 septembre 1985 portant régime général des armes et munitions et fixe les conditions de port et d’utilisation d’armes sur le territoire congolais. Selon le sénateur Jacques Djoli, de la commission défense et sécurité, cette réglementation prend en compte l’évolution du droit international en la matière et la situation sécuritaire du pays et l’évolution des conflits armés en RDC et dans la région des Grands Lacs. Selon le rapport du panel des Nations unies publié en 2011 en RDC ainsi les études de GRIP/BICC qui ont été menées à l’Est du pays sur financement des gouvernements Allemand et Belge, au moins 300 000 armes légères et de petits calibres seraient détenues par la population civile dans cette partie du territoire congolais.[21]

Le 5 décembre, l’Assemblée nationale a voté la loi portant programmation de la mise en œuvre de la réforme de la police. Elle oriente, encadre et donne des directives pour les actions à mener pour la période de 2014 à 2017, précise le député, François Kasende. Cette loi fixe aussi le budget nécessaire pour cette reforme: plus de sept cent cinquante milliards de Francs congolais (810.548.253 dollars américains). En vue de soutenir cette réforme, la loi prévoit l’exonération des droits de douane et taxes à l’importation pour les équipements. Cette loi oblige le gouvernement à présenter chaque année un rapport sur l’exécution de ce texte lors du dépôt de la loi des finances. La réforme de la police permettra de mieux garantir l’ordre public et améliorer la sécurité des personnes et leurs biens.[22]


[1] Cf RFI, 05.12.’13

[3] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 09.12.’13

[4] Cf Xinua – Africatime, 06.12.’13

[6] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 06.12.’13

[7] Cf RFI, 05.12.’13

[9] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 09.12.’13

[10] Cf Radio Okapi, 10.12.’13

[11] Cf RFI, 11.12.’13

[12] Cf Radio Okapi, 11.12.’13

[13] Cf Radio Okapi, 03.12.’13; Karim Lebhour – RFI, 02.12.’13

[14] Cf Radio Okapi, 04.12.’13

[15] Cf Angelo Mobateli – Le Potentiel – Kinshasa, 10.12.’13

[16] Cf Radio Okapi, 10.12.’13

[17] Cf Radio Okapi, 09.12.’13

[18] Cf Radio Okapi, 10.12.’13

[19] Cf Radio Okapi, 11.12.’13

[21] Cf Radio Okapi, 04.12.’13

[22] Cf Radio Okapi, 06.12.’13