Congo Actualité n. 192

SOMMAIRE:

EDITORIAL: Avant qu’il ne soit trop tard

1. LA REPRISE DES COMBATS ENTRE LE M23 ET L’ARMÉE CONGOLAISE

2. LA BRIGADE D’INTERVENTION DE L’ONU À CÔTÉ DES FARDC CONTRE LE M23

3. LES DÉCLARATIONS DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

 

EDITORIAL: Avant qu’il ne soit trop tard

 

1. LA REPRISE DES COMBATS ENTRE LE M23 ET L’ARMÉE CONGOLAISE

Le 21 août, après un mois de trêve, les affrontements ont repris entre l’armée congolaise et le M23. Les combats se poursuivent autour de Kibati, Mutaho et Kanyarucinya à une quinzaine de km au Nord de Goma. Comme toujours les deux parties se rejettent la responsabilité du déclenchement des combats. Par ailleurs, des unités de l’armée régulière rwandaise, RDF, venues en renfort au M23, auraient été aperçues au front. Ce qui constitue, au vu et au su de tout le monde, y compris de la Monusco et Mary Robinson, une violation flagrante de l’Accord- Cadre signé, le 24 février 2013, à Addis-Abeba. Le nom d’un des officiers rwandais, un certain Gatama, serait de plus en plus cité à la tête du peloton rwandais, venu en renfort au M23.[1]

Selon le porte-parole militaire de la Monusco, le lieutenant colonel Prosper Félix Basse, «il faut rappeler que les 13, 14, 16 et 20 août, nous avons observé des combats sporadiques à l’arme légère entre les deux parties. Depuis le 21, les choses se sont accélérées aux environs de 19h30. Les deux parties se sont engagées à coups de mortiers, de lance-roquettes multiples et aussi d’artillerie. Repris vers 5 heures du matin du 22 août, ces combats ont été très intenses jusqu’aux environs de 13 heures, où nous avons observé que les FARDC gagnaient du terrain».[2]

Le 22 août, dans un communiqué publié à la suite de la reprise des combats, le chef de la Monusco, Martin Kobler, a affirmé avoir «donné l’ordre à la Force de la Monusco de réagir et de prendre les mesures nécessaires pour protéger les civils et empêcher toute avancée du M23». Le porte-parole militaire de la Monusco, Félix-Prospère Basse, a expliqué que, «conformément à leur mandat, les troupes onusiennes sont bien là pour protéger les populations civiles et apporter un appui, en cas de besoin, aux FARDC qui se comportent, pour le moment, très bien au front».[3]

Le 22 août, dans l’après-midi, plusieurs obus sont tombés dans deux quartiers de la ville de Goma, loin de la ligne de front. A Katindo gauche, on a recensé d’importants dégâts matériels et le domicile d’un fonctionnaire de la Monusco a été partiellement endommagé. Dans le quartier Murara, le bilan fourni par les chefs locaux fait état de cinq personnes gravement blessées, dont trois enfants. Les autorités municipales et le service de la protection civile, arrivés sur les lieux, n’ont pas voulu  se prononcer sur la provenance de ces obus. Ils disent attendre une enquête balistique pour déterminer l’origine de ces obus et la nature de l’arme  qui les a tirés. Une bombe serait même tombée sur le territoire rwandais.[4]

Le gouverneur de la province, Julien Paluku, a déclaré que «au total, nous avons essuyé cinq obus. Il y a une partie qui est tombée autour de l’université de Goma, une autre autour de la prison centrale. Et d’autres dans des quartiers habités de la ville de Goma, ce qui a inquiété l’ensemble de la population. Le bilan actuel et provisoire est de quatre morts, dont trois enfants et une femme, et douze blessés enregistrés».

Une source onusienne a rapporté, plus tard dans la journée, qu’au total « 11 obus » sont tombés en deux temps et ont touché les quartiers « Katindo, Murara, Birere, Muzenze et le nord de l’aéroport ». Pour le colonel Olivier Hamuli, porte-parole des FARDC au Nord-Kivu, les obus tombés dans la ville de Goma « pourraient provenir du Rwanda » et non de positions des rebelles du M23 qui ont été, selon lui, « repoussés » lors des combats en cours à Kibati, à plus de quinze km de la ville.

Le vice-gouverneur du Nord-Kivu, Feller Lutahichirwa, a souligné que les premiers constats établis sur les sites d’impact révèlent que ces obus auraient été tirés depuis le territoire rwandais et non pas des positions du M23. Mais, il a estimé qu’une enquête balistique régionale est nécessaire pour obtenir plus de détails sur leur provenance. «Les obus que nous avons vus venaient de l’Est de la ville vers l’Ouest et à l’Est de la ville de Goma, c’est bel et bien le pays voisin du Rwanda», a déclaré Feller Lutahichirwa. Autre élément qui fait dire au vice-gouverneur que ces obus seraient venus du Rwanda: les rebelles du M23 se trouvent au delà de 20 km au Nord de la ville de Goma, après avoir été repoussés par les Forces armés de la RDC (FARDC). Certains habitants de Goma ont, en effet, affirmé avoir observé la trajectoire de quelques obus qui seraient venus du côté de Rubavu, en territoire rwandais. Selon certaines sources, il pourrait s’agir de représailles de l’armée rwandaise en réponse à des tirs partis du territoire congolais qui auraient endommagé quelques édifices au Rwanda. À ce propos, on accuse le M23 d’être à l’origine de cette provocation destinée en réalité à donner un prétexte à l’armée rwandaise pour réagir.

Selon le porte-parole du M23, le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, les tirs ont été lancés par l’armée congolaise depuis Sake, où se trouve son artillerie lourde, et visaient la communauté rwandophone installée à Goma.[5]

Selon un communiqué du ministère rwandais de la Défense publié dans la soirée, le Rwanda a accusé l’armée congolaise d’avoir délibérément lancé une roquette sur le village rwandais de Bugu, situé à quelques kilomètres au nord de Gisenyi, ville frontalière près de Goma. Selon le communiqué, le tir de roquette n’a pas fait de mort ni de blessé, mais des dégâts matériels. Dénonçant un « acte de provocation », le porte-parole de l’armée rwandaise, le général Joseph Nzabamwita, a affirmé que «les bombardements d’aujourd’hui sont complètement injustifiés et insensés».[6]

Le 23 août, dans une déclaration à Radio Okapi, le porte-parole militaire de l’ONU, le lieutenant-colonel Prosper Basse, a affirmé que «le 22 août, vers 14 heures, le M23 a tiré des obus au sud de Munigi provoquant la mort d’une femme et d’un enfant et dix-sept civils ont été blessés. Aux environs de 15h30, nous avons vu que le M23 a encore tiré des roquettes en direction de Munigi. Mais ces roquettes sont tombées à Kanyaruchinya et ont provoqué 9 neuf blessés et fait deux morts». Il a ajouté que «la Monusco est désormais engagée aux côtés de FARDC (Forces armées de la RDCongo) dans la prise en compte de la menace sécuritaire que pose le M23 contre les populations de Kibati mais aussi et surtout de Goma».[7]

Le 23 août, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations-unies en RDC, Martin Kobler, en séjour à Goma, accompagné du Commandant de la Force de la Monusco, a visité la ligne de front de Kanyaruchinya, à une dizaine de km au nord de la capitale du Nord-Kivu pour s’assurer de l’application du mot d’ordre qu’il a donné la veille aux casques bleus de protéger les civils et d’empêcher toute avancée du M23 vers Goma. Juché sur la haute colline de Munigi, Martin Kobler a observé, pendant une heure au moins, le déroulement des combats. Il a constaté les échanges des tirs au mortier entre les FARDC et le M23, mais aussi et surtout l’engagement de l’aviation des troupes de l’Onu aux côtés de l’armée régulière.[8]

Le 23 août, dans un point de presse à Kinshasa, le porte parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, a confirmé que «l’initiative de la reprise des hostilités a été bel et bien le fait des mutins du M23 et de leurs alliés rwandais qui ont lancé une attaque contre les positions des FARDC à Kibati. Les forces gouvernementales soutenues par la Brigade Internationale de la Monusco ont réagi, en défensive». Il a ensuite affirmé que cette contre offensive des Fardc appuyées par la Monusco, a permis d’infliger de nouveaux revers aux assaillants, dont 17 ont été tués, parmi lesquels deux de leurs chefs, le colonel Hama et le colonel Tambwe. Il a aussi déclaré que une douzaine d’éléments M23 ont été capturés. Il a ajouté que «les FARDC ont en outre pu détruire le dépôt des munitions des M23 à Kibumba qui a brûlé tout au long de la journée, ce qui donne une idée du volume des approvisionnements acheminés à partir du territoire rwandais en faveur de cette force négative». Par ailleurs, il a fait état des «onze obus tombés jeudi en début d’après midi en deux temps dans divers quartiers de la ville de Goma notamment les quartiers Katindo gauche, Murara, Office et dans la proche banlieue de Munigi. Cette pluie de bombes a provoqué des pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels, notamment une femme morte à Munigi avec ses trois enfants, 12 blessés».

Lambert Mende a accusé le Rwanda d’être intervenu aux cotés du M23 et d’avoir tiré des roquettes depuis son territoire sur les faubourgs de Goma. «Selon les premières indications fournies par nos experts, le plus grand nombre de tirs à la roquette provenaient du territoire de la République du Rwanda. Ils ont été localisés précisément des localités de Mukamira et de Rugero dans le district frontalier de Rubavu et dans une autre localité, celle de Mahuku», a-t-il déclaré, en ajoutant: «On notera que ces attaques sanglantes visaient délibérément la population civile de Goma, car les affrontements militaires proprement dits entre les FARDC et la coalition dénommée M23 se déroulaient à plus de 15 kms du chef lieu du Nord Kivu. Il faut bien en déduire qu’on se trouve en face de crimes de guerre au sens du droit international. Le Gouvernement de la RDC invite les Nations unies et la CPI à les traiter comme tels. Nous sommes tristes de devoir constater que la déstabilisation systématique du Kivu et la balkanisation de la RDC restent bel et bien à l’agenda de certains cercles à Kigali en dépit des engagements en sens contraire pris lors des rencontres internationales par nos collègues de ce pays voisin». Lambert Mende a aussi jugé «infondée» l’information contenue dans le communiqué du ministère rwandais de la Défense,  selon laquelle l’armée congolaise aurait délibérément lancé une roquette sur le territoire rwandais. «Des sources très crédibles ont attesté depuis hier (jeudi) déjà aussi bien auprès de notre gouvernement qu’auprès de certaines instances de la Communauté internationale que des bombes sont effectivement tombées au Rwanda à partir du territoire congolais sans faire de victimes humaines mais que, détail très important, c’est le M23 qui a lancé ces bombes au Rwanda pour ensuite accuser l’armée congolaise afin de justifier l’entrée en guerre contre la RDC de ce pays qui le soutient déjà de manière officieuse», a soutenu le porte-parole du gouvernement-congolais.[9]

Le 23 août, le Représentant permanent de la RDCongo auprès de l’Onu, l’ambassadeur Ignace Gata Mavita, dans une lettre adressée à Mme Maria Cristina Perceval, président du Conseil de Sécurité pour le mois d’août, a demandé au Conseil de Sécurité de :

– Condamner fermement les attaques de la force négative M23 et ses alliés sur les populations civiles de Goma et ses environs ;

– Ordonner le retrait immédiat et sans conditions des unités régulières de l’armée rwandaise du territoire de la RDCongo ;

– Inviter le Rwanda à respecter les engagements auxquels il a librement souscrit, conformément à l’accord-cadre signé à Addis Abeba, le 24 février 2013 ;

– Considérer les actes criminels commis par la force négative M23 et leurs commanditaires comme crimes de guerre et crimes contre l’humanité et demander à la CPI de les traiter comme tels.[10]

La sortie médiatique du porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende et la lettre de l’ambassadeur Ignace Gata Mavita au Conseil de Sécurité  mettent la communauté internationale devant ses responsabilités. Les Nations unies ont été les premières à dénoncer l’implication du Rwanda dans la nouvelle rébellion menée par le M23. Mais cela ne suffit pas du tout. Kinshasa estime qu’il faut aller plus loin en prenant des mesures contraignantes, voire coercitives. Malheureusement, les condamnations faites ça et là n’ont pas été suivies d’actions, au point où le Rwanda s’est conforté dans sa situation d’intouchable. Le constat est là: Kigali continue à entretenir son entreprise meurtrière dans les Grands Lacs en se faisant passer pour l’éternelle victime d’un génocide dans lequel la RDC n’y est pour rien. Les derniers événements interpellent la communauté internationale. Aucune capitale des puissances planétaires ne peut donc fermer les yeux sur la tragédie récurrente de l’Est de la RDC.[11]

Selon certains observateurs, les derniers attaques du M23 contre les Fardc constituent une manière pour lui de clamer qu’il n’est pas mort, mais qu’il est bien vivant, surtout avec son artillerie lourde qui n’a pas encore été détruite. Ce que le M23 veut dire c’est qu’il est encore incontournable pour toute solution de paix au Nord-Kivu, où il dispose encore des moyens impressionnants pour faire perdurer la guerre. Par ces attaques, le M23 serait en train de faire pression sur le gouvernement congolais, pour obtenir sa participation aux concertations nationales.

Le président de la Société Civile du Nord Kivu, Thomas D’Aquin Mwiti, rejette avec force cette possibilité, car il assure qu’il s’agit de marionnettes, de valets du Rwanda, sans aucune responsabilité. Puisque c’est le Rwanda qui, selon lui, leur dicte tout ce qu’ils disent, comme ils l’ont fait à Kampala, il estime que «il serait mieux traiter directement avec le Rwanda, plutôt qu’avec des irresponsables». Effectivement, si les négociations de Kampala sont toujours en impasse, c’est du fait que le M23 n’a pas un cahier de charges propre. Tout ce qu’il présente comme revendication est confectionné dans les officines de ses parrains rwandais et ougandais avec leurs plans de balkanisation de la RDCongo qu’ils tentent vainement de matérialiser depuis 1996.[12]

Le 23 août, l’armée rwandaise a accusé la RDCongo d’avoir à nouveau bombardé son territoire et averti qu’elle ne resterait pas indéfiniment sans réagir. « Ces bombardements continuels et insensés de l’armée congolaise sont inacceptables et doivent cesser immédiatement », a déclaré dans un communiqué publié par le porte-parole de l’armée rwandaise, le général Joseph Nzabamwita.

Selon le général rwandais, cinq obus ont atterri vendredi après-midi dans plusieurs villages rwandais frontaliers de la RDC et leur trajectoire laisse penser « qu’ils ont été tirés depuis les positions des FARDC (Forces Armées de la RDCongo) près de Mutaho », un village situé à une vingtaine de km au nord de Goma et près de la ligne du front avec le M23. « Les Forces rwandaises de défense demeurent préparées à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de la population », a-t-il affirmé, estimant que ces tirs n’étaient  » pas accidentels ». « Les actes de provocation qui mettent en danger les vies de citoyens rwandais ne resteront pas sans réponse indéfiniment », a-t-il poursuivi.[13]

2. LA BRIGADE D’INTERVENTION SE L’ONU À CÔTÉ DES FARDC CONTRE LE M23

Le 24 août, trois personnes ont été tuées et cinq autres blessées dans des explosions d’obus tirés par le M23 à l’ouest de Goma. Deux premiers obus sont tombés simultanément dans le quartier Ndosho où, selon le chef du quartier, une femme de 37 ans et un garçon de 14 ans ont été tués. Un troisième obus est tombé à Rusayo, dans la zone de Mugunga, faisant plusieurs blessés. Ces derniers ont été conduits à l’hôpital Cebca Ndosho. Selon la Monusco, les tirs venaient du territoire congolais.

La chute de ces projectiles a provoqué une vive tension à Goma où des habitants ont manifesté pour protester contre la passivité apparente de la Monusco. Des manifestants ont formé un cortège, portant le corps d’un enfant tué par la chute de l’obus dans le quartier de Ndosho (ouest de Goma). Toutes les boutiques y étaient fermées et la circulation a été réduite. Des véhicules de la Monusco ont été pris pour cible et le personnel des Nations unies a été invité à limiter ses déplacements dans la ville. La police nationale congolaise a dispersé les manifestants à coups de gaz lacrymogènes. Deux manifestants ont été tués sur le coup.

Exaspérés, les habitants de Goma demandent depuis des mois à la Monusco d’aller combattre la rébellion du M23. Ces civils ne comprennent pas que des obus puissent encore tomber sur la ville, alors que la Mission de l’ONU avait annoncé la mise en place d’une zone de sécurité autour de Goma pour protéger la population.

Le chef de la Monusco, Martin Kobler, a déclaré que «ces actes des éléments du M23 ne sauraient être tolérés, et toute attaque contre les populations civiles et les Nations Unies constitue un crime de guerre». Il a assuré que «ces agressions contre les populations civiles ne resteront pas impunies» et, dans un communiqué, il a affirmé d’avoir «donné l’ordre à la Force de la Monusco de réagir avec toute l’énergie nécessaire contre ces crimes effroyables et innommables».

Il a demandé de «laisser la Monusco faire son travail, car c’est la seule façon de l’aider à faire revenir la sécurité dans et autour de Goma, ainsi qu’au Nord-Kivu en général». Par ailleurs, Martin Kobler a dit comprendre la colère de la population. «Pour nous, une personne tuée est un mort de trop pour la population du Nord-Kivu. Et je comprends donc parfaitement votre douleur, à laquelle moi-même personnellement et la Monusco compatissons», a-t-il affirmé.

Le porte-parole de la Monusco, le lieutenant-colonel Prosper Basse, a assuré comprendre « la frustration de la population civile » et il a réitéré le « soutien indéfectible » de la Monusco aux forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).

L’envoyée spéciale de l’Onu pour les Grands Lacs, Mary Robinson, a jugé « inacceptables » les attaques contre des civils et des Casques bleus, appelant à éviter une escalade. Dans son communiqué, elle souligne l’urgence d’une solution politique à la crise en RDC: «Nous devons tout mettre en œuvre pour éviter une escalade des tensions dans la région, privilégier le dialogue, respecter la lettre et l’esprit de l’Accord Cadre d’Addis-Abeba».[14]

Le 24 août, au cours d’une conférence de presse qu’il a animée à Goma, conjointement avec le patron de la Monusco, Martin Kobler, le commandant de la force de la Monusco, le général Carlos Alberto Do Santos Cruz, a qualifié de crime de guerre le fait de tirer des obus sur la population civile. «Cette situation est inacceptable compte tenu qu’on s’attaque aux populations civiles. La population civile n’est pas un objectif militaire. C’est un crime contre l’humanité», a déclaré le général Carlos Cruz. L’officier onusien a également affirmé que la Monusco est engagée sur le champ de bataille et est prête à prendre tous les risques pour défendre la population de Goma.

Les Casques bleus se sont engagés aux côtés de l’armée suite aux tirs de roquettes et d’obus tombés

les derniers jours sur les quartiers de Goma. Pour sa part, le porte-parole des FARDC au Nord-Kivu, colonel Olivier Hamuli, qui a également pris part à cette conférence de presse, a confirmé la participation et l’appui de la Brigade d’intervention de la Monusco aux cotés des militaires congolais depuis la reprise des combats.[15]

Le 24 août, le M23 a adressé une lettre ouverte au secrétaire général des Nations unies accusant Kinshasa de bombarder les populations et demandant à Ban Ki-moon de former une commission d’enquête indépendante. Selon le M23, «le gouvernement congolais a repeint en couleur blanche ses hélicoptères de combat, afin de les faire passer pour ceux des Nations unies pendant les opérations» contre ses forces».[16]

Le 25 août, des habitants de Goma ont accusé les Casques bleus uruguayens d’avoir tué, en tirant sur la foule, deux civils lors des manifestations du jour précédent, lorsque les manifestants tentaient de pénétrer dans leur camp situé en bordure de l’aéroport. Selon une source militaire occidentale, «le détachement uruguayen a été débordé par la foule qui tentait d’entrer dans son campement et a tiré pour la disperser». Le président uruguayen Jose Mujica rejette ces accusations, et rejette la faute sur la police congolaise. «A aucun moment les casques bleus uruguayens n’ont tiré contre la population avec des balles réelles. S’il y a eu des tirs avec des balles en caoutchouc, cela a permis d’éviter que (les manifestants) n’entrent dans la caserne de la Monusco», a rétorqué le porte-parole de l’armée uruguayenne, le colonel Mario Stevenazzi. Le responsable de la Monusco, Martin Kobler, a déploré la mort des deux manifestants lors des évènements de la journée du 24 mars à Goma, sans en préciser les circonstances. Kobler a aussi «demandé l’ouverture d’une enquête conjointe conduite par la police de la RDC et celle de la Monusco».[17]

Le 25 août, le ministère britannique des Affaires étrangères a annoncé avoir retiré, par mesure de précaution, son personnel basé à Goma. Londres dispose, en effet, d' »un bureau de représentation » à Goma.[18]

Le 25 août, une accalmie relative est observée sur la ligne de front à Kibati, à environ 20 km au Nord de Goma (Nord-Kivu). Le porte-parole des Forces armées de la RDC (FARDC) au Nord-Kivu, colonel Olivier Hamuli, a affirmé que l’armée régulière maintient toujours ses positions dans cette zone de combats et est prête à riposter contre toute avancée des rebelles du M23 vers Goma. Des sources de la région affirment que la brigade d’intervention de la Monusco combat à côté des FARDC pour empêcher l’avancée du M23. A Goma, aucune détonation n’était audible, la circulation se déroulait normalement et les boutiques étaient toutes ouvertes.[19]

Le 26 août après-midi, des accrochages ont été signalés entre les FARDC et le M23, précisément autour de la zone communément appelée «Trois Antennes», à Kibati, à environ 20 kms au nord de Goma dans le territoire de Nyiragongo.[20]

Le 28 août, les combats entre les FARDC et le M23 se sont intensifiés dans la matinée  à proximité de Kibati, à une vingtaine de kilomètres au nord de Goma. Les FARDC ont engagé des hélicoptères de combats, des chars d’assaut et des troupes au sol, tandis que les forces de la Monusco, “y compris la Brigade d’intervention“, ont utilisé leurs hélicoptères et ont tiré au mortier et à l’artillerie. Un casque bleu tanzanien a été tué et cinq autres blessés, trois Tanzaniens et deux Sud-Africains, suite à un tir d’obus par le M23 sur une position des Nations Unies près des hauteurs de Kibati.

Le Colonel Olivier Hamuli, porte-parole de l’armée congolaise au Nord-Kivu, a indiqué que les FARDC se comportaient bien sur le champ de bataille.

Au cours de la conférence de presse hebdomadaire des Nations Unies à Kinshasa, le porte-parole militaire de la Monusco, Madnodge Mounoubai, a déclaré que la mission onusienne avait engagé ses hélicoptères d’attaque et ses moyens d’artillerie pour appuyer les militaires congolais sur les collines de Kibati et des Trois antennes. Il a expliqué que «depuis ses positions de collines de Kibati, le M23 depuis le 21 août pilonne de temps en temps la ville de Goma mettant en danger la population civile» et tire aussi sur les installations de la mission onusienne. «Parmi les objectifs de notre mandat, figure la défense de la population civile. Donc, nous sommes engagés aux côtés des FARDC pour de les déloger de cet endroit, afin de mettre la population civile à l’abri de leurs tirs», a-t-il poursuivi.

Lors de cette même conférence, le nouveau Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en RDC, Martin Kobler, a condamné fermement les attaques contre les civils à Goma. Il a par ailleurs souligné que la Brigade d’intervention de la Monusco n’était pas une solution magique pour la crise dans l’Est du Congo: «La Brigade d’intervention ne peut pas résoudre [seule] le problème, ni politique ni militaire. Le but, c’est de restaurer l’autorité de l’Etat dans tout le territoire de la RDC. Et pour atteindre ce but, il faut une triple collaboration entre le peuple, le gouvernement et la communauté internationale». La collaboration entre la Monusco et Kinshasa inclue des «taches assez difficiles», a-t-il poursuivi, précisant que la réforme du secteur de sécurité constituait la première priorité. «C’est très important de reformer les FARDC, parce qu’on ne peut pas restaurer l’autorité de l’Etat avec une armée qui ne peut pas le faire», a-t-il expliqué. «Il n’y a pas de solution militaire à ce conflit», a estimé Martin Kobler, appelant à la poursuite des entretiens de Kampala entre le gouvernement congolais et le M23. Mais «ces discussions, actuellement dans l’impasse, n’excluent pas l’utilisation de moyens militaires», a-t-il nuancé.

Le nouveau Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en RDC a, par ailleurs, mis en garde tous les auteurs des violences sexuelles, actes qu’il a qualifié de «terrorisme sexuel». Pour Martin Kobler, un seul cas de viol est un cas de trop et mérite des sanctions exemplaires. Il a également annoncé avoir lancé une lutte acharnée contre le phénomène «enfant soldat».[21]

Le 28 août, selon des informations reçues par la Société Civile du Nord Kivu, le Colonel Ninja, ancien FDLR, aujourd’hui RDF-Gisenyi, vient de recevoir l’ordre de la hiérarchie militaire de l’armée rwandaise, de pouvoir lancer un assaut sur Goma. Une arme lourde était installée au niveau de Rusura au Rwanda (en face de Kanyanja) en train de pilonner sur les FARDC, pour appuyer les M23 en déroute. Aussi, une autre arme de même type était placée au niveau de Kibaya, au lieu communément appelé Kamakoma. Les autorités gouvernementales, la Monusco et les Missions diplomatiques accréditées en Rdc sont donc alertées.[22]

Le 28 août, le gouvernement a appelé la population de Goma à se méfier de la désinformation qui règne dans cette ville depuis qu’elle a été frappée par des obus. Au cours d’une mission dans cette province, le ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, a aussi appelé les habitants de Goma à faire confiance en la Monusco dont les forces sont engagées aux côtés de l’armée congolaise dans les combats contre le M23. Au cours d’une conférence de presse, le ministre de l’Intérieur a affirmé la volonté du gouvernement de redonner rapidement espoir aux populations du Nord-Kivu. Il a mis en garde les acteurs sociopolitiques de la région contre les pièges de l’intoxication orchestrée, selon lui, par le Rwanda pour créer la panique et détourner l’attention des autorités de la province de leur mission de défendre le territoire. Concernant la reprise des combats à Kibati, Richard Muyej a invité la population à garder son calme et à éviter les réactions épidermiques ainsi que les conflits intercommunautaires. «Soyons prudents. Nous sommes peut-être infiltrés. Identifions ces infiltrés, présentons les devant les services pour qu’ils soient politiquement neutralisés. Oublions nos divergences. Nous n’accepterons pas qu’on vienne marcher sur nous», a-t-il déclaré. Le ministre de l’Intérieur a souligné l’engagement et l’appui de la Monusco aux Forces armées de la RDC (FARDC). Il a demandé à la population de soutenir, de faire confiance et de croire en l’action de la brigade d’intervention de la Monusco engagée actuellement sur le champ de bataille. Quant à la RDCongo, la discipline retrouvée dans les rangs des FARDC, le professionnalisme qui prend de plus en plus de l’ancrage et la logistique qui suit désormais sont autant d’atouts pour défendre les frontières nationales des convoitises étrangères.[23]

Le 28 août, dans la soirée, vers 20h00, quatre obus sont tombés sur la ville de Goma (Nord-Kivu), faisant un mort et douze blessés graves dans le quartier Mabanga Nord. Une habitation a été complètement endommagée dans le quartier Bujovu. Aucune information officielle n’a pu être obtenue sur la provenance de ces obus. Toutefois, selon un cadre du gouvernorat de la province du Nord-Kivu, deux bombes «ont bel et bien été larguées à partir de Gisenyi, en territoire rwandais». Un tir d’obus a touché la ville voisine rwandaise de Gisenyi, près du marché de Mbugangari, non loin du centre-ville, qui jouxte Goma, de l’autre côté de la frontière, tuant une femme et blessant gravement son enfant, selon le vice-maire de la ville Ezechiel Nsengiyumva Buntu, qui a parlé de tirs « volontaires », sans indiquer quel camp en était à l’origine.[24]

Le 29 août, à Kibati, après une nuit relativement calme, les tirs ont repris peu avant 07h00 (09H00 GMT) en direction des positions tenues par le M23. Ils visent à «dégager le M23 des positions à partir desquelles il tire sur les positions civiles» a dit le porte-parole militaire de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco), le lieutenant-colonel Prosper Basse. La nouvelle brigade d’intervention des Nations unies en RDC mène l’offensive avec son artillerie et ses hélicoptères, en appui de l’armée régulière congolaise contre le M23. Selon des militaires occidentaux soucieux de garder l’anonymat, ces bombardements pourraient précéder une avancée des troupes régulières qui sont appuyées par la brigade d’intervention des Nations unies.[25]

Le 29 août, d’autres obus sont tombés le matin dans la ville de Goma. L’on n’a pas été en mesure d’en indiquer la provenance. Le M23 a été, toutefois, formellement mis en cause pour ces tirs visant les populations civiles. Les détonations de ces explosifs entendues autour de Goma ont créé la panique au sein de la population. Malgré la peur, les activités sociales et économiques tournent normalement dans la ville. Les bus et les taxi-motos qui assurent le transport en commun sont visibles sur les routes. Les magasins, boutiques et les banques sont également ouverts dans la capitale provinciale du Nord-Kivu malgré la reprise des combats entre les FARDC et le M23, à Kibati, à 20 km du chef-lieu du Nord-Kivu.

Le chef de bureau de la Monusco au Nord-Kivu a affirmé, au cours d’une conférence de presse, qu’un obus tombé à Goma et deux autres au Rwanda provenaient de la zone occupée par le M23. Il a confirmé le bilan d’une personne tuée et de plusieurs autres blessées, invitant la population locale à vivre ensemble et à ne pas s’attaquer «aux populations rwandophones». Pour sa part, le porte-parole militaire au Nord-Kivu, colonel Olivier Hamuli, a assuré que les FARDC gardaient leurs positions depuis le déclenchement des hostilités, à Kibati.[26]

Le 29 août, après la mort d’une Rwandaise tuée par un obus, le Rwanda a dénoncé, dans un communiqué publié en fin de journée, le bombardement « inacceptable » de son territoire, accusant la RDCongo voisine de viser la population civile rwandaise. «Le bombardement incessant du territoire rwandais est inacceptable, comme il le serait pour quelque nation souveraine que ce soit. Les civils rwandais sont visés par les forces de la RDCongo», a affirmé la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, citée dans un communiqué officiel. «Nous avons exercé de la retenue aussi longtemps que possible mais cette provocation ne peut plus être tolérée», a-t-elle averti, «nous n’hésiterons pas à défendre notre territoire. Le Rwanda a la responsabilité de défendre sa population». Les autorités de Kigali accusent l’armée de la RDCongo (FARDC), d’avoir tiré « volontairement » sur Gisenyi. Elles ajoutent que moins de deux heures après, un autre obus a frappé Gisenyi, près du point de passage avec Goma, blessant une personne, et que huit autres obus sont tombés dans le village frontalier de Busasamana, à une vingtaine de kilomètres au nord de Gisenyi. «Un total de 34 obus ont été tirés sur le Rwanda au cours du mois écoulé par les forces de la RDCongo», affirme Kigali dans ce communiqué.

Kinshasa rejette l’accusation de Kigali et affirme même que le Rwanda a tiré des obus sur son propre territoire. C’est en tout cas ce qu’indique le porte-parole du gouvernement congolais,

Lambert Mende Omalanga: «Des témoins ont vu un tir d’obus près de la frontière du lieu-dit la Grande barrière, tiré par les forces rwandaises vers le Rwanda. Donc ce sont des mises en scène qui n’impliquent même plus le M23. L’armée rwandaise elle-même a tiré à midi aujourd’hui, du Rwanda sur le Rwanda». Selon des journalistes, des véhicules militaires rwandais, dont des blindés, ont été vus, le soir, sur la route reliant Kigali à Gisenyi, en direction de la frontière avec la RDCongo.[27]

Le 29 août, des diplomates ont déclaré que l’ONU a des « informations crédibles et cohérentes » sur un soutien de l’armée rwandaise aux rebelles du M23 dans les combats. Ces troupes rwandaises se sont infiltrées en RDC « pendant ces derniers jours », ce qui a conduit le secrétaire général Ban Ki-moon à contacter le président rwandais Paul Kagamé pour l’inciter à la retenue, selon ces diplomates citant un compte-rendu du sous-secrétaire général aux opérations de maintien de la paix, Edmond Mulet, qui s’adressait au Conseil de sécurité lors de consultations à huis clos sur la situation en RDC. Toujours selon les diplomates, il a indiqué au Conseil que la Monusco (Mission de l’ONU) avait « constaté des tirs d’artillerie du M23 sur le Rwanda », alors que Kigali accuse les forces de Kinshasa d’avoir tiré sur son territoire. M. Mulet a indiqué par contre que la Monusco n’avait pas constaté de tirs sur le Rwanda de la part des forces gouvernementales congolaises (FARDC). Les tirs d’artillerie venaient « de zones où les FARDC ne sont pas présentes », a-t-il expliqué, en précisant que «les observations de tirs qui sont effectués sur le territoire rwandais viennent des positions tenues par le M23». La thèse de l’ONU est que le Rwanda cherche un prétexte pour intervenir en RDCongo. A l’issue de ses consultations, le Conseil a publié une déclaration «condamnant en termes les plus fermes les attaques répétées et ciblées du M23 contre les civils et la Monusco». La déclaration unanime des 15 pays membres réclame le désarmement et le démantèlement des groupes armés, dont le M23.[28]

Le 29 août, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies et chef de la Monusco, Martin Kobler,  a effectué un voyage-éclair à Kigali. Si les raisons de son déplacement restent encore inconnues, des sources crédibles renseignent que le chef de la Monusco est allé s’entretenir avec des dirigeants politiques et militaires rwandais, en rapport, sans aucun doute, avec la reprise des hostilités autour de la ville de Goma. Très précisément, l’agenda de Martin Kobler prévoyait des échanges avec James Kabarebe, le ministre rwandais de la Défense et avec Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise des Affaires étrangères. Des sources onusiennes indiquent que le chef de la Monusco a apporté des preuves tangibles qui mettent en cause l’implication du M23 dans les derniers bombardements du territoire rwandais, que les dirigeants de Kigali ont imputé, à tort, précise la Monusco, aux FARDC. Pour la Monusco, les tirs d’obus sur le territoire rwandais constituent une diversion, montée de toutes pièces par le M23, dans le but de susciter la colère de Kigali, pour l’impliquer contre l’offensive menée actuellement par la coalition FARDC-Brigade d’intervention des Nations Unies.[29]

Le 30 août, le porte parole du gouvernement congolais, Lambert Mende Omalanga, a dénoncé des «infiltrations rwandaises» en RDC. Affirmant que «le soutien de Kigali au M23 ne s’est jamais démenti à aucun moment», il a cité «la présence aux côtés du M23 de quelques centaines d’éléments des forces régulières rwandaises infiltrés en RDC au cours de ces derniers jours, après les avoir lourdement équipés avec armes, munitions et équipements sophistiqués comme des lunettes de vision nocturne (rapport des Nations unies)».[30]

Le 30 août, le directeur du projet Afrique centrale au centre de réflexion International Crisis Group (ICG), Thierry Vircoulon, a estimé que le Rwanda se retrouve actuellement « très isolé sur la scène internationale ». Et c’est peut-être là un tournant dans la crise au Nord-Kivu. La marge de manœuvre de Kigali semble aujourd’hui très limitée, notamment en raison de la présence importante de l’ONU au côté des FARDC dans les combats face au M23. «Maintenant les Casques-Bleus sont très impliqués. Il y a donc un risque de confrontation entre les Casques-Bleus et le Rwanda, ce qui serait catastrophique pour ces derniers», a-t-il affirmé.[31]

3. LES DÉCLARATIONS DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

Le 13 août, au cours d’une visite effectuée en RDCongo, le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, s’est entretenu avec le président Joseph Kabila, le Premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon et le Ministre des Affaires Étrangères Raymond Tshibanda.

Il a estimé que le gouvernement congolais a fait le « maximum » dans les pourparlers de sortie de crise avec le Mouvement du 23-Mars (M23), un des groupes armés actif dans l’est du pays et il a affirmé que les rebelles du M23 ne devraient plus être réintégrés dans l’armée congolaise. «Je crois qu’en matière d’impunité et de réintégration il y a des limites, une ligne rouge à ne pas franchir. J’ai le sentiment que le maximum a été fait par le gouvernement congolais», a-t-il déclaré lors d’un point de presse. «Je pense que l’autorité congolaise est allée au-delà de ce qui est possible. (. . .) On ne peut pas demander aux Congolais, et moi je souhaite d’ailleurs qu’ils ne le fassent pas, de réintégrer dans l’armée, et sur place, des gens qui se sont rebellés une fois, deux fois, trois fois», a-t-il ajouté. «À force d’incorporer des indisciplinés on incorpore l’indiscipline», a-t-il insisté.

«L’autre voie (à côte de la négociation), c’est d’intervenir militairement», a-t-il lancé, en remarquant que l’armée congolaise avait fait des progrès en matière d’organisation. C’est ainsi que Didier Reynders a évoqué la possibilité que l’armée congolaise, appuyée par les Casques bleus de la Monusco, mène dans les prochaines semaines des actions contre les groupes armés présents dans l’est, dont, en premier lieu, le M23. «Il faut donner du temps au temps (. . . ) mais les attentes sont très, très élevées dans la population et à un moment donné, ça va être une perte de crédibilité totale pour la communauté internationale si rien ne change après l’envoi d’une brigade d’intervention de l’ONU», a-t-il prédit. Le chef de la diplomatie belge a aussi rencontré les nouveaux responsables de la Monusco, le chef politique, le diplomate allemand Martin Kobler, et le commandant militaire, le général brésilien Carlo Alberto dos Santos Cruz. Selon Didier Reynders, les chefs militaires de la Monusco n’ont « aucun doute » sur la réalité du soutien accordé par le Rwanda et l’Ouganda au mouvement du 23 mars (M23). Il est donc revenu sur l’accord-cadre de Addis Abeba signé le 24 février par onze pays africains, dont le Rwanda et l’Ouganda. «Il faut que tous les 11 pays, y compris le Rwanda et l’Ouganda,  participent de manière positive à la mise en œuvre de cet accord», a-t-il martelé.[32]

Le 18 août, le 33ème Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), qui s’est tenu à Lilongwe (Malawi), a recommandé aux autorités de la RD Congo et à la rébellion du M23 d’envisager «un délai raisonnable» pour finaliser leurs pourparlers engagés le 9 décembre 2012 à Kampala (Ouganda).[33]

Le 25 août, six sénateurs des États-Unis en mission dans la région des Grands lacs, ont préconisé une solution politique au conflit de l’Est de la RDC. À Goma, un représentant de ces sénateurs, Graham Lindsey, a affirmé que «la présence des Nations unies ici est très importante mais la solution ne viendra pas de Nations unies. Il doit y avoir une solution politique. Il doit y avoir une solution entre le peuple de cette région et du Congo entier mais également avec les voisins».[34]

Le 25 août, les Etats-Unis ont exprimé leurs inquiétudes à propos de l’aggravation des affrontements qui opposent l’armée gouvernementale aux rebelles du M23. «Nous appelons de façon urgente les gouvernements de la RDC et du Rwanda à faire preuve de retenue afin d’évider une escalade militaire du conflit ou de toute action qui présente un risque pour les civils», a déclaré Marie Harf, porte-parole du département d’Etat américain. «Nous sommes profondément préoccupés par les preuves d’une intensification des tensions ethniques à Goma et nous demandons à toutes les parties d’éviter toute action qui pourrait aggraver ces tensions», a-t-elle ajouté.[35]

Le 26 août, l’Union Européenne a condamné avec force la reprise des combats autour de Goma et a insisté sur « le besoin urgent » pour le mouvement M23 et les groupes armés de déposer les armes. «Les attaques contre des populations civiles et des troupes de la Monusco ne peuvent être tolérées», a déclaré Sébastien Brabant, un porte-parole du service diplomatique de l’UE. «Nous appelons toutes les parties concernées à la retenue dans l’intérêt des populations civiles et en vue de favoriser une solution politique à la crise dans l’est du Congo», a-t-il ajouté. «Conformément à son mandat, tel que stipulé dans la résolution 2098 (2013) du Conseil de Sécurité, l’Union européenne soutient les initiatives de la Monusco en vue d’assurer la protection des civils, y compris le déploiement de la brigade d’intervention internationale au Nord-Kivu», a ajouté le porte-parole.[36]

Le 26 août, le chef de la Monusco, Martin Kobler, a repondu aux questions lui posées par RFI.

RFI: Les habitants de Goma sont exaspérés. Ils ne comprennent pas que des obus puissent encore tomber sur la ville, alors que la Monusco a annoncé la mise en place d’une zone de sécurité pour protéger les civils. Que leur dites-vous?

Martin Kobler: Je comprends très, très bien l’impatience et la frustration de la population de Goma. Des obus ont été tirés sur la ville. Il y a eu des morts ici à Goma. Et je leur dis que nous sommes là pour les aider, que nous condamnons fermement les attaques sur la population civile, qui constituent un crime de guerre ! Qu’on va réagir fermement. Et j’ai donné l’ordre au commandant de la force de réagir fermement. Nous avons combattu ensemble, avec les forces armées de la République démocratique du Congo, d’une manière très, très décidée. On a utilisé tous les moyens qu’on a. J’ai vu moi-même des attaques d’hélicoptères et de l’artillerie de la part de la Monusco, contre des positions du M23.

RFI: Vous, vous avez des experts en balistique. Vous savez d’où viennent ces tirs. Alors qui tire ces obus sur Goma?

Martin Kobler: Ce n’est pas à nous de commenter qui a tiré sur qui. Nous le savons, c’est un détail très, important. Maintenant, dans cette situation de crise très importante, nous devons désamorcer la situation et ne pas risquer une escalade, en particulier entre les pays voisins. Nous avons notre position sur tout cela, et nous allons communiquer avec les gouvernements des pays voisins.

J’ai aussi informé les ambassadeurs des membres permanents du Conseil de sécurité, hier à Kinshasa, sur ce qui se passe ici, afin qu’ils puissent utiliser leurs contacts avec les pays de la région pour désamorcer la situation.

RFI: Depuis le départ, la population de Goma reproche à la Monusco d’avoir défini une zone de sécurité sur un espace restreint et qui ne comprend pas, justement, les positions du M23. Et donc la population vous demande d’aller plus avant, d’attaquer le M23 sur ses positions.

Martin Kobler: Permettez-moi de dire que la Monusco, ce n’est pas une solution magique pour tous les problèmes, ici dans l’est du Congo. La brigade d’intervention est là, mais c’est ne pas une solution magique. Il faut d’autres moyens en parallèle pour résoudre les problèmes. Ce sont des problèmes congolais, ce sont aussi des solutions congolaises. Nous ne sommes pas responsables de tout ce qui se passe ici. Ce que nous faisons, c’est que nous soutenons le gouvernement congolais à combattre les groupes armés ici. C’est très important pour tout le monde de comprendre que les attentes vis-à-vis de la Monusco sont trop lourdes. Nous ne pouvons pas défendre toute la population ici ! On fait tout ce que l’on peut ! Mais en première ligne, c’est le gouvernement congolais qui est responsable, qui doit protéger la population.

RFI: L’émissaire de l’ONU pour les Grands Lacs Mary Robinson, appelle, elle, à privilégier le dialogue en soulignant l’urgence d’une solution politique. Est-ce qu’il y a des divergences d’interprétation au sein des Nations unies sur ce qu’il faut faire face au M23?

Martin Kobler: Non, pas du tout. C’est exactement ma position ici, et je consulte très étroitement Mme Robinson. Hier, on a téléphoné quatre fois et je suis tout à fait d’accord avec Mary Robinson. Ce conflit peut être résolu seulement par la politique. Pour avoir une solution à long terme, il faut avoir une solution politique. Par exemple, les entretiens de Kampala sont en cours. Mais ce n’est pas acceptable d’attaquer la population civile. Et nous avons notre mandat, donné par le Conseil de sécurité, de défendre la population civile.

RFI: Oui, mais les négociations de Kampala sont au point mort. Alors est-ce qu’une reprise du dialogue est possible aujourd’hui?

Martin Kobler: On a des exemples dans d’autres régions du monde: les exactions militaires n’excluent pas la reprise des contacts politiques. Ça vaut aussi pour les entretiens de Kampala. Mais c’est aux facilitateurs ougandais de le décider et aux partis du gouvernement de la République démocratique du Congo et le M23. Et nous souhaitons que ces entretiens de Kampala continuent.

RFI: Est-ce que le Rwanda est un partenaire fiable pour la communauté internationale dans la résolution de la crise dans l’est de la RDC?

Martin Kobler: Nous coopérons avec tous les membres du Conseil de sécurité. Le Rwanda est un partenaire important dans la Conférence internationale des Grands Lacs. Et c’est pourquoi c’est très important d’avoir une relation très bonne, en particulier, nous, en tant que Monusco, afin de désamorcer la situation.[37]

Le 27 août, selon un communiqué émanant de l’ambassade de la Grande-Bretagne en RDCongo, le ministre britannique des Affaires Etrangères pour l’Afrique, Mark Simmonds, a condamné fermement les attaques du M23 et en a appelé à tous ceux qui ont de l’influence d’agir sur ce mouvement, afin d’aider à mettre un terme au conflit à l’est de la RDCongo. «Des informations des Nations Unies indiquent que le M23 a effectué des tirs vers le territoire rwandais», a regretté l’autorité britannique. «Une enquête rapide, exhaustive et transparente doit être menée quant à ces incidents. J’en appelle aussi aux FARDC de veiller à ce que les obus n’atterrissent de manière non intentionnelle au Rwanda», a-t-il poursuivi. «Le M23 doit cesser toutes formes de violence et j’en appelle à tous ceux qui ont de l’influence sur ce mouvement d’agir afin d’y parvenir», martèle le Ministre britannique des Affaires Etrangères pour l’Afrique. «Tout appui externe au M23 est inacceptable, nuisible à la sécurité de la région et en violation directe de la résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies», a-t-il insisté. Soucieux de la pacification dans la région des Grands Lacs, Mark Simmonds exhorte tous les signataires de l’Accord -Cadre d’Addis-Abeba de respecter leurs engagements pour éviter que le cycle des violences dégénère dans la zone.[38]

Le 28 août, le Rwanda a bloqué au Conseil de sécurité de l’ONU une initiative de la France et des Etats-Unis en faveur de sanctions contre deux commandants des rebelles du M23, jugeant que «pareille mesure mettrait en danger les pourparlers de Kampala entre le gouvernement congolais et le M23 et les preuves contre eux sont faibles», a-t-on appris auprès de plusieurs diplomates. Les Etats-Unis et la France ont présenté au Conseil des documents selon lesquels le colonel Vianney Kazarama, porte-parole du M23, et le commandant Erick Mboneza avaient commis des crimes qui les exposent à des sanctions de l’ONU. Les documents font aussi référence à un rapport d’experts de l’ONU, qui dit qu’Erick Mboneza et un autre commandant du M23, le colonel Kaina, ont été vu en compagnie d’officiers rwandais entre mars et mai 2013. Les experts de l’ONU et les Etats-Unis accusent régulièrement le Rwanda de soutenir le M23, ce que dément catégoriquement Kigali.[39]

Le 30 août, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, a confirmé dans un communiqué que les rebelles du M23 avaient tiré en direction du territoire rwandais, malgré les affirmations de Kigali mettant en cause les forces gouvernementales congolaises. Ban Ki-Moon a condamné, en particulier, les tirs émanant du M23 qui ont causé des morts, des blessés et des dégâts matériels dans la population civile à l’Est de la RDCongo et dans les zones frontalières au Rwanda ainsi que parmi les casques bleus. Le Secrétaire général de l’ONU a encouragé «toutes les parties prenantes à poursuivre un processus politique global qui s’attaque aux causes profondes du conflit» à l’Est de la RDCongo. Il a également appelé tous les acteurs régionaux concernés à exercer la plus grande retenue et à s’abstenir de tout acte ou de toute déclaration susceptible d’entraîner une détérioration supplémentaire de la situation. Ban Ki-Moon a souligné que les personnes qui entravent les processus actuels et celles qui enfreignent le droit international devront répondre de leurs actes.[40]

Le 30 août, la représentante de la diplomatie de l’UE, Catherine Ashton, a mis en garde contre « toute tentative pour internationaliser le conflit » dans l’est de la RDCongo, où le Rwanda est accusé d’ingérence par l’ONU. «Je condamne fermement les attaques répétées du M23 contre la Monusco et les populations civiles, ainsi que toute tentative pour internationaliser le conflit. Toute intervention directe de pays voisins de la RDCongo ne pourrait qu’aggraver la situation», a affirmé dans un communiqué la chef de la diplomatie européenne. Mme Ashton appelle « toutes les parties concernées à la retenue » et au « respect de l’intégrité territoriale« .[41]

Le 30 août, l’armée sud-africaine a sévèrement mis en garde le M23 contre toute tentative de reprendre la ville de Goma. «N’imaginez pas une nouvelle prise de Goma. Cette fois vous ne verrez pas Goma!», a déclaré au cours d’un point de presse à Pretoria le lieutenant général Derrick Mgwebi, chef du commandement conjoint sud-africain. L’Afrique du Sud compte quelque 1.345 soldats détachés au sein d’une nouvelle brigade d’intervention (FIB) déployée par la Monusco, soit près de la moitié de ce contingent de casques bleus qui comprend aussi des Tanzaniens et des Malawites.[42]


[1] Cf Radio Okapi, 22.08.’13; La Prospérité – Kinshasa, 23.08.’13

[2] Cf Radio Okapi, 23.08.’13

[3] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 22.08.’13

[4] Cf Radio Okapi, 22.08.’13

[5] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 22.08.’13 ; RFI, 22.08.’13; Radio Okapi, 22.08.’13

[6] Cf Belga – Africatime, 23.08.’13

[7] Cf Radio Okapi, 23.08.’13

[8] Cf Radio Okapi, 23.08.’13

[9] Cf Angelo Mobateli – Le Potentiel – Kinshasa, 23.08.’13

[10] Correspondance particulière

[11] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 24.08.’13

[12] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 23.08.’13

[13] Cf AFP – Kigali, 24/08/2013 (via mediacongo.net)

[14] Cf Radio Okapi, 24.08.’13; AFP – Goma, 24.08.’13

[15] Cf Radio Okapi, 24.08.’13

[16] Cf AFP – Africatime, 24.08.’13

[17] Cf AFP – Goma, 25.08.’13 (via mediacongo.net); L’Express – Africatime, 26.08.’13

[18] Cf AFP – Londres, 25.08.’13

[19] Cf Radio Okapi, 26.08.’13

[20] Cf Radio Okapi, 27.08.’13

[21] Cf Radio Okapi, 28.08.’13; AFP – Jeune Afrique – Kinshasa, 28.08.’13

[22] Cf L’Avenir – Kinshasa, 29.08.’13

[23] Cf Radio Okapi, 29.08.’13

[24] Cf Radio Okapi, 29.08.’13; AFP – Goma, 29.08.’13; AFP – Kigali, 29.08.’13; Le Potentiel – Kinshasa, 30.08.’13

[25] Cf AFP – Kinshasa, 29.08.’13; AFP – Goma, 29.08.’13

[26] Cf Radio Okapi, 29.08.’13

[27] Cf AFP – Gisenyi, 29.08.’13; RFI, 29.08.’13

[28] Cf AFP – La Libre, 29.08.’13

[29] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 30.08.’13

[30] Cf Angelo Mobateli – Le Potentiel – Kinshasa, 30.08.’13

[31] Cf AFP – Nairobi, 30.08.’13

[32] Cf AFP – Jeune Afrique, 14.08.’13 et Belga- Rtbf, 14.08.’13

[33] Cf Angelo Mobateli – Le Potentiel – Kinshasa, 20.08.’13

[34] Cf Radio Okapi, 26.08.’13

[35] Cf Les Echos – Africatime, 26.08.’13

[36] Cf AFP – Bruxelles, 26.08.’13

[37] Cf Sarah Tisseyre – RFI, 26.08.’13

[38] Cf Yves Kalikat – Forum des As – Kinshasa, 29.08.’13

[39] Cf Reuters – New York, 29.08.’13 (via mediacongo.net)

[40] Cf Radio Okapi, 31.08.’13

[41] Cf AFP – Bruxelles, 30.08.’13

[42] Cf AFP – Pretoria, 30. 08.’13