Congo Actualité n. 185

SOMMAIRE

EDITORIAL: À la recherche de la signification d’un mot

1. LA CONVOCATION DES «CONCERTATIONS NATIONALES»

a. L’ordonnance présidentielle

b. Le projet de règlement intérieur

c. Les réactions de l’opposition politique après la convocation des concertations nationales

2. LE DEBUT DES TRAVAUX DE LA NOUVELLE COMMISSION ÉLECTORALE

3. LE COMMUNIQUÉ DES ÉVÊQUES CONGOLAIS

 

EDITORIAL: À la recherche de la signification d’un mot

 

 

1. LA CONVOCATION DES «CONCERTATIONS NATIONALES»

a. L’ordonnance présidentielle

Le 27 juin, dans une ordonnance lue à la télévision publique, le chef de l’Etat Joseph Kabila a annoncé la création d’un forum national dénommé «concertations nationales».

Selon l’ordonnance présidentielle, «ces concertations nationales ont pour objet la réunion de toutes les couches sociopolitique de la Nation, afin de réfléchir, d’échanger et de débattre, en toute liberté et sans contrainte, de tous les voies et moyens susceptibles de consolider la cohésion nationale, de renforcer et étendre l’autorité de l’Etat sur tout le territoire national, en vue de mettre fin aux cycles de violence à l’Est du pays, de conjurer toute tentative de déstabilisation des institutions et d’accélérer le développement du pays dans la paix et la concorde».

Les modalités d’organisation et de fonctionnement de ce forum, les dates,  les questions à débattre, les compétences des organes du forum, le nombre et le critère de participants, les droits et devoirs des participants seront précisés dans son règlement intérieur.

Les concertations nationales vont compter trois organes: l’assemblée plénière, le présidium et les états généraux.

L’assemblée plénière est l’organe de validation des conclusions et recommandations issues des états généraux. Elle est chargée de débattre des toutes les questions inscrites à son ordre du jour. Elle comprend des délégués issus des composantes suivantes: les institutions nationales (Présidence de la République, Parlement, Gouvernement, Cours et tribunaux, institutions d’appui à la démocratie), les institutions provinciales et locales (assemblées provinciales et gouvernement provincial), les partis politiques (Majorité et opposition politique au Parlement et en dehors du Parlement), les autorités coutumières, la société civile, des personnalités historiques, des experts et des invités du chef de l’Etat. Les délégués aux concertations nationales y participent en qualité ou sur désignation de leurs composantes respectives et sont accrédités par le présidium.

Le présidium est l’organe coordonateur des concertations nationales. Il est constitué du président de l’Assemblée nationale et du président du Sénat assistés d’un secrétariat technique.

Les Etats généraux sont chargés de l’examen des questions soumises aux concertations nationales relevant de leurs thématiques, assorties des recommandations et conclusions adressées à l’assemblée plénière.

Les groupes thématiques composant les états généraux des concertations nationales sont les suivants: Gouvernance, démocratie et reforme institutionnelle; Economie, secteur productif et finances publiques; Désarmement, démobilisation, réintégration sociale ou rapatriement des groupes armés; Conflit communautaire, paix et réconciliation nationale; Décentralisation et renforcement de l’autorité de l’Etat.

Les Concertations Nationales se tiennent à Kinshasa, capitale de la RDCongo. Les Etats Généraux peuvent se tenir respectivement à Kinshasa, Lubumbashi et Kisangani, sur décision du Présidium.
Leur durée est de quinze jours au maximum, à raison de cinq (05) jours de travaux en plénière et de dix (10) jours de travaux en Etats Généraux. Toutefois, en cas de nécessité, le Présidium peut fixer une durée supplémentaire qui ne peut excéder cinq (05) jours.

A l’issue de ces concertations nationales, les délégués vont remettre au chef de l’Etat les conclusions auxquels ils ont abouti, assorties des recommandations.

Le président de la République va rendre compte de ces conclusions et recommandations à la nation devant l’Assemblée Nationale et le Séant réunis en Congrès.

Le suivi de l’application de ces conclusions est confié au président de la république, aux présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale et au gouvernement.[1]

b. Le projet de règlement intérieur

Quelques extraits:

+ Chapitre II: composition et fonctionnement des organes

Article 5:

L’Assemblée Plénière est composée de 469 délégués … repartis de la manière suivante:

1°. Institutions politiques nationales: 63 délégués dont 5 de la Présidence de la République, 30 de l’Assemblée Nationale, 15 du Sénat, 07 du Gouvernement, 04 des Cours et Tribunaux, 01 de la Commission électorale Nationale Indépendante et 01 du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication;

2°. Institutions publiques provinciales et locales: 22 délégués dont 11 Gouverneurs de province et 11 présidents des Assemblées Provinciales;

3°. Partis politiques: 163 délégués dont 144 au prorata de leur représentation dans les deux Chambres du Parlement, 14 des partis non représentés au Parlement à raison de 7 de la Majorité présidentielle et 7 de l’Opposition politique et 5 délégués d’anciens mouvements armés transformés en partis politiques ;

4°. Autorités coutumières : 11 délégués dont 1 par province ;

5°. Société Civile : 91 délégués dont 12 des confessions religieuses, 08 des associations de défense des droits de l’homme, 09 des associations des femmes, 05 des associations des jeunes, 08 des associations d’éducation civique et électorale, 08 des syndicats de l’Administration publique, de la magistrature, de l’enseignement primaire, secondaire et professionnel ainsi que de l’enseignement supérieur et universitaire, 03 des associations paysannes, 02 de l’ordre des avocats, 02 de l’ordre des médecins, 02 de l’ordre des pharmaciens, 02 de l’ordre des ingénieurs civils, 02 de l’ordre des architectes, 18 de la diaspora, 02 de l’associations des journalistes, 05 de l’associations des artistes et 03 des populations pygmées;

6°. Personnalités politiques : 44 délégués dont 3 anciens Vice-présidents de la République, 10 anciens Présidents des chambres parlementaires, 07 anciens Premiers ministres, 06 anciens participants à la Table ronde politique de Bruxelles de 1960, 06 anciens Premier Présidents de la Cour Suprême de justice, 07 anciens Procureur Généraux de la République, 04 anciens Gouverneurs de la Banque centrale et 04 anciens Chefs d’État-major général des Forces Armées;

7°. Experts : 60 délégués choisis dans le milieu universitaire en raison de leur notoriété, de leur objectivité, de leur impartialité et de leur compétence scientifique;

8°. Invité(e)s du Chef de l’État : 15 délégué(e)s.

Article 6:

Sur convocation du Présidium, l’Assemblée Plénière se réunit deux fois en séance solennelle à l’occasion de l’ouverture et de la clôture des travaux. Elle se réunit en séance ordinaire à l’occasion de l’examen et de l’adoption des rapports des États généraux.

Les séances de l’Assemblée Plénière sont présidées par le Présidium. Toutefois, le Président de la République prononce l’ouverture et la clôture des Concertations nationales.

Les décisions de l’Assemblée Plénière se prennent de préférence par consensus; à défaut, elles sont prises à la majorité absolue des délégués.

Article 11:

En fonction de leurs compétences et de leurs centres d’intérêt, les Délégués aux concertations nationales sont repartis en ateliers ou groupes thématiques de travail …

Chaque atelier ou groupe thématique est composé de nonante cinq (95) membres au maximum, dont quinze (15) experts désignés et affectés par le Présidium…..

Article 12:

Dans le cadre de l’examen des questions leur soumises, les États généraux font un diagnostic et développent une analyse prospective de la situation du pays dans le secteur examiné et en dégagent des recommandations.

+ Chapitre III: Déroulement des concertations

Article 14:

Les concertations nationales sont ouvertes par le Président de la République. A cette occasion, il prononce un discours d’orientation générale devant tous les délégués réunis en séance solennelle.

Dans sa communication, le Président de la République fait le diagnostic de la situation générale du Pays, esquisse les pistes de solution aux problèmes posés et suscite le consensus des forces vives  dans la résolution des différents problèmes en vue de la cohésion nationale.

Article 16:

Le rapport final de chaque atelier ou groupe de travail est transmis et expliqué au Présidium.

Article 17:

A la fin des travaux, une séance plénière des Concertations nationales est convoquée et présidée par le Présidium en vue de la mise en commun des conclusions et recommandations des États généraux.

A cette séance, seuls les membres des Bureaux des États généraux prennent la parole. Ils font la synthèse des travaux et suggèrent la mise en forme des recommandations.

Les conclusions et recommandations de chaque atelier sont formellement adoptées par l’Assemblée plénière. Les conclusions et recommandations adoptées par l’Assemblée plénière sont remises au Président de la République par le Présidium, sous forme d’un rapport général des travaux rédigé par ce dernier.

Article 18:

A la clôture des Concertations nationales, le Présidium donne lecture du rapport général des travaux, assorti des conclusions et recommandations. Le Président de la République prononce son discours de clôture et annonce à la Nation les options levées ainsi que les mesures envisagées pour le maintien et le renforcement de la cohésion nationale. La séance de clôture est rehaussée, outre des participants aux Concertations nationale, de la présence des Chefs des Corps constitués, des membres des deux Chambres du Parlement, des membres du Gouvernement, des membres de la Cour Suprême de Justice, des membres des institutions d’appui à la démocratie et des membres du Corps diplomatique invités.[2]

c. Les réactions de l’opposition politique

Le 30 juin, la Majorité Présidentielle Populaire, MPP en sigle, Plateforme de soutien au Président élu S.E. Etienne Tshisekedi wa Mulumba, a rendu publique, dans une déclaration, sa position par rapport aux «Concertations Nationales» décrétées unilatéralement par Joseph Kabila par ordonnance présidentielle.

La MPP note que la structure, l’organisation ainsi que la composition de ce forum se caractérisent par la présence débordante et un rôle directif absolu attribué aux animateurs actuels des institutions issues de la fraude électorale de novembre 2011 et à ceux qui continuent à y siéger hors mandat.

Ce choix unilatéral pose le problème de l’inutile répétition par rapport au fonctionnement des institutions politiques déjà en place. En effet, si ces institutions ont failli par rapport à leur rôle d’apporter des solutions politiques pour le pays, à cause de leur manque de légitimité et la mauvaise gouvernance de ses animateurs, dès lors il est difficile de comprendre et accepter passivement le choix d’attribuer aux mêmes animateurs de ces institutions défaillantes la présidence et l’organisation des concertations nationales ayant l’objectif déclaré de trouver des solutions nouvelles et définitives pour la relance du processus de démocratisation en panne.

En plus de ce paradoxe organisationnel, la marginalisation de l’opposition politique et la multiplication des composantes artificielles de ces négociations politiques préfigurent la mise en place d’une énième caisse de résonance de l’actuel régime kabiliste.

En effet, plutôt que lancer un forum doté d’une facilitation neutre et capable d’affronter sincèrement les vrais problèmes consécutifs à la crise de légitimité des institutions politiques depuis novembre 2011, et, plus en général, les problèmes très graves qui frappent la nation congolaise en ce moment si délicat de son histoire, le régime Kabila préfère donner à ces mêmes institutions le contrôle d’un forum qui s’apparente plus à un SEMINAIRE INTERINSTITUTIONNEL dans lequel le rôle des forces de l’opposition politique est dilué dans un ensemble incohérent de nombreuses composantes artificielles scrupuleusement sélectionnées, pour sanctionner et avaliser passivement un projet politique conçu d’avance par la majorité au pouvoir.

Cette vision «autiste» du dialogue national est particulièrement vicieuse car elle vise à faire sanctionner, par ce SEMINAIRE KABILISTE INTERINSTITUTIONNEL caché derrière la pompeuse dénomination de «Concertations Nationales», deux objectifs politiques majeurs de l’actuelle majorité issue de la fraude électorale:

1. Faire semblant de répondre aux exigences du volet politique de l’Accord Cadre d’Addis- Abeba par la programmation d’un «Séminaire Politique» dont les résolutions politiques sont connues d’avance et ne pourront jamais résoudre les questions fondamentales découlant de la crise de légitimité des institutions politiques en place.

2. Ce SEMINAIRE DE LA MAJORITE a la prétention de sanctionner la fin du contentieux électoral en faveur de la majorité factice au pouvoir, aux moindres frais, ainsi que de faire adopter et avaliser aux nombreuses composantes contrôlées et sélectionnées par elle-même, la modification de la Constitution en vigueur, adoptée par referendum populaire, et particulièrement la modification de l’Art. 220 de ladite Constitution qui sanctionne l’intangibilité de certains principes, comme celui de l’interdiction de la multiplication ainsi que du prolongement du mandat du président de la République.

Egalement, il sied de dénoncer le «circuit fermé» qui caractérise le cycle d’adoption des décisions de ce forum politique conçu par le pouvoir kabiliste.

En effet, il est prévu que les résolutions prises par le séminaire interinstitutionnel dénommé «Concertations politiques», seront toilettées par la «présidence de la république», pour être enfin présentées et à nouveau avalisées par…les mêmes institutions politique actuelles, unanimement décriées pour leur manque de crédibilité, suite aux résultats contestés des élections présidentielle et législatives de novembre 2011.

Il serait malsain de la part de la communauté internationale signataire de l’Accord Cadre d’Addis-Abeba, d’accepter passivement qu’une initiative visant à promouvoir la Démocratie et la Paix en RDC soit détournée, afin de constituer une structure politique artificielle ayant l’objectif politique d’instaurer une dictature ad vitam en RDCongo.

De ce qui précède, la Majorité Présidentielle Populaire estime que le schéma organisationnel de ces prétendues « concertations nationales » n’est qu’un  » ballon d’essai  » qu’il revient aux Congolais de rejeter, car il ne répond nullement aux exigences minimales de neutralité, d’ouverture politique et de cohésion nationale nécessaires pour garantir un véritable dialogue politique en RDC.

Refusant de se faire instrumentaliser pour des objectifs politiques pernicieux qui n’apporteraient aucune solution aux problèmes politiques fondamentaux des Congolais, la MPP ne voit pas d’opportunité de participer à un séminaire politique dit «Concertations Nationales» qui, de par leurs formule et leurs objectifs politiques, risque de constituer, tout simplement, le soubassement et l’alibi politique sur lequel Joseph Kabila veut pérenniser sa gouvernance monolithique, effaçant le principe de l’alternance politique sanctionnée par la Constitution de la RDC, afin de s’éterniser au pouvoir.[3]

Le 1er juillet, dans une déclaration, l’opposition politique congolaise a rejeté les “Concertations nationales” telles que formulées dans les ordonnances du président Joseph Kabila. En tête des signataires de la déclaration, il y a le MLC, l’UNC et le groupe parlementaire des libéraux ainsi que divers partis politiques et organisations de l’opposition. Le groupe parlementaire UDPS qui fait cavalier seul depuis un certain temps a boycotté la réunion. Sa position est proche de l’aile dure de Limete qui s’est déclarée pas concernée par l’initiative de Joseph Kabila. Les principaux points de discorde entre les opposants et le pouvoir tiennent au préalable d’un comité préparatoire et à la mise en place d’une médiation internationale. Les opposants trouvent qu’une facilitation nationale favorise la main mise de Kabila sur les discussions. Selon la déclaration,

«2. L’Opposition Politique Congolaise rappelle que le dialogue politique national a été fermement recommandé par la Communauté Internationale dans l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et la Résolution 2098 l’a confirmé (Cfr Résolution 2098 page 5, point 5 et page 8, point 14 b).

6. L’Opposition Politique Congolaise relève l’unilatéralisme du Président de la République et sa volonté à confondre le dialogue inclusif à un Congrès de la majorité présidentielle.
7. En effet, la convocation du dialogue devrait être précédée par la mise en place d’un Comité préparatoire incluant toutes les parties prenantes afin d’en définir le format, l’ordre du jour, le projet du Règlement Intérieur, les mécanismes de suivi et d’exécution des décisions.

8. L’Opposition Politique Congolaise dénonce la confiscation de l’initiative et la mise à l’écart, par le Président de la République, de l’Envoyée Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies qui, en vertu de la Résolution 2098, a pour mission de promouvoir et de superviser un processus politique global sans exclusive. Partant, l’initiative du dialogue, c’est-à-dire, sa préparation (identification des parties prenantes, proposition de l’ordre du jour, la convocation) devrait revenir à l’Envoyée Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies, travaillant aux côtés du Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en RDC (Rés. 2098, page 5 pt 4 et page 8, pt 14 b).[4]

10. L’Opposition Politique Congolaise dénonce la composition déséquilibrée de ce forum avec une forte dominance des membres de la majorité présidentielle. Elle réclame la représentation égalitaire entre composantes que sont la majorité présidentielle, l’opposition politique, civile et armée, la société civile y compris la diaspora. De même, l’Opposition Politique Congolaise n’est pas d’accord avec la dispersion ou l’éparpillement des travaux entre trois villes du pays, alors que les questions à traiter sont transversales.

11. L’Opposition Politique Congolaise note que le mode de prise de décision doit être le consensus et que les décisions, recommandations ou résolutions selon le cas devront être opposables à tous. Elle rejette le fait que le Président de la République, les Présidents de deux Chambres du Parlement et le Premier Ministre assurent le suivi en lieu et place d’un Comité de suivi incluant toutes les parties prenantes, à savoir la majorité, l’opposition, la société-civile et le représentant de la Communauté internationale.

12. S’agissant des groupes thématiques, l’Opposition Politique Congolaise relève que la situation sociale des congolaises et congolais n’a pas été prise en compte. De même, il n’est pas clairement indiqué que les problèmes de légitimité du pouvoir, des violations massives des droits humains, des viols et violences faites à la femme, de l’enrôlement des enfants dans les groupes armés, des pillages et bradages des ressources naturelles, des biens mal acquis, etc  seront débattus.

13. L’Opposition Politique Congolaise met en garde contre toutes tentatives de révision de la Constitution, en particulier des dispositions verrouillées de l’article 220, s’agissant du mandat du Président de la République.

14. L’Opposition Politique Congolaise considère dans le cadre du dialogue que des signaux de décrispation soient lancés par le Président de la République notamment: libérer les prisonniers politiques et les prisonniers d’opinion, décider l’amnistie pour permettre à tout le monde de participer aux travaux, enlever la ceinture policière autour de la résidence du Président Etienne TSHISEKEDI ; libérer l’organisation des manifestations publiques, ouvrir les médias proches de l’opposition (Canal Futur TV et RLTV).

15. L’Opposition Politique Congolaise dit ne pas être concernée par tout dialogue ou concertations nationales qui ne prend pas en compte ses préoccupations de forme et de fond ci-dessus mentionnées.[5]

Pour le Groupe parlementaire de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social et Alliés (UDPS et Alliés), le dialogue national est justifié par l’échec du processus politique initié à Sun-city, l’effritement continuel de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendu de la République, l’émergence de la mauvaise gouvernance, les violations répétées des droits de l’homme et la mauvaise gestion des ressources naturelles. Le point culminant de justification de ce dialogue reste et demeure les élections chaotiques de 2011 en ce qu’elles ont considérablement affaibli les institutions étatiques en érodant leur légitimité et en créant les conditions d’une grave déflagration sociale. Dès lors, suivant la teneur tant de l’accord-cadre d’Addis-abeba que de la résolution 2098, il est question de jeter les bases d’une refondation de l’Etat en vue de résoudre durablement et radicalement la crise multiforme qui affecte la RDCongo. Dans cette perspective, la cohésion nationale est tributaire de la capacité du Gouvernement Congolais à respecter les engagements auxquels il a librement souscrit au paragraphe 5 de l’Accord-cadre d’Addis Abeba.

En prenant l’initiative des concertations nationales, le chef de l’Etat, partie prenante à la crise politique, se place dans une position délicate de juge et partie. Le Groupe UDPS et Alliés refuse, par conséquent, ces concertations ainsi initiées pour conférer une légitimité indue à une institution contestée.

L’idée de fixer à l’avance les organes du dialogue national est contraire à la liberté d’action et d’esprit qui doit caractériser ces travaux. Cette question et tant d’autres devraient refléter la dynamique interne des travaux et le droit des participants à l’auto-détermination.

En plus, le principe de consensus devrait être retenu comme mode de prise de décision, en lieu et place de celui de la majorité et la représentation des participants devrait être strictement égalitaire, de sorte à éviter que la présence d’une composante ne revêt qu’un caractère purement décoratif, sans pouvoir influer sur la dynamique des assises. Le Groupe UDPS et Alliés refuse ainsi de participer à un forum pour ne servir que de faire valoir, sans pouvoir se faire entendre et influer sur le processus décisionnel.

L’ordre du jour du dialogue national doit refléter les aspects concrets de la problématique de la crise congolaise. Principalement: la résolution de la crise de légitimité des institutions issues des élections de 2011, la relance du processus électoral sur des bases saines, l’assainissement ou la dépolitisation de l’appareil sécuritaire, le rétablissement des institutions étatiques dans leurs fonctions républicaines, la restauration et la protection des libertés publiques, les questions de gouvernance, les violations répétées des droits civils et politiques et l’assainissement du secteur des ressources naturelles…

Tel qu’énoncé dans l’ordonnance présidentielle, l’ordre du jour des concertations nationales reproduit des thématiques appelant plus à une réflexion abstraite qu’à la formulation de solutions aux problèmes ci haut cités.

Sensées apporter une réponse nationale à la crise qui frappe le pays, les résolutions du dialogue devront avoir un caractère impératif et devront logiquement être exécutoires et opposables à tous. Le mécanisme de suivi et d’évaluation devra être neutre et consensuel et impliquer toutes les parties prenantes. En laissant le suivi et l’évaluation des résolutions des concertations nationales au président de la république et aux présidents du parlement, l’ordonnance présidentielle les expose à une application sélective à des fins politiciennes. Pour cela, le Groupe UDPS ET ALLIES refuse de participer à un simulacre de dialogue qui prendrait la forme d’un congrès des forces politiques affiliées à la majorité présidentielle.[6]

2. LE DEBUT DES TRAVAUX DE LA NOUVELLE COMMISSION ÉLECTORALE

Le 27 juin, la nouvelle équipe dirigeante de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a tenu sa première séance plénière à Kinshasa. Au cours de son mot de circonstance prononcée à l’ouverture de cette plénière, le nouveau président de la commission électorale, abbé Malu-Malu, a promis que son institution allait fonder son action sur les valeurs d’impartialité et d’indépendance: «L’impartialité: cette capacité d’agir d’une manière impartiale en évitant de favoriser des intérêts politique. Capacité de traiter toutes les parties prenantes sur le même pied d’égalité. L’indépendance: cette capacité d’accomplir le travail sans être sous l’influence d’une force extérieur telle que les institutions de la République, l’opposition, les groupes d’intérêts, la communauté internationale». Le président de la Ceni a également promis que l’action de cette institution allait s’inscrire dans la transparence, l’efficacité et le professionnalisme. Par ailleurs, l’abbé Malu-Malu a promis d’élaborer rapidement un calendrier électoral pour fixer les dates d’organisation des scrutins en fonction des exigences du cycle électoral.[7]

3. LE COMMUNIQUÉ DES ÉVÊQUES CONGOLAIS

Du 24 au 28 juin, les Evêques membres de la Conférence Épiscopale Nationale de la RDCongo (CENCO) se sont réunis à Kinshasa. Selon un communiqué de presse signé le 29 juin par le secrétaire général de la Cenco, l’Abbé Léonard Santedi,  «ils ont examiné la situation tragique de trois prêtres assomptionistes: pères Jean-Pierre Ndulani, Anselme Wasikundi et Edmond Bamutupe et de nombreux autres compatriotes enlevés dans le Diocèse de Butembo-Beni. Ils ont réitéré l’appel pour leur libération. Pour ce faire, ils demandent instamment au Gouvernement de la République de prendre cette situation en mains pour identifier les ravisseurs, retrouver et libérer tous ces otages. Ils lui suggèrent de constituer un Comité de crise chargé de la gestion de cette question jusqu’à la libération effective de tous ces compatriotes enlevés. Ils sollicitent également l’implication ferme de la Monusco pour trouver solution à cette tragédie. Conformément à son mandat d’assurer la protection de la population civile et compte tenu des moyens dont elle dispose, les évêques restent convaincus que la Monusco est en mesure de contribuer efficacement à la libération de tous ces otages.

Au cours de leurs échanges, les Evêques ont déploré la misère du peuple qui s’approfondit du jour au jour et les maigres salaires des fonctionnaires. Au regard de l’écart criant entre les salaires au sein des Institutions de l’Etat, les Evêques invitent le Gouvernement à plus d’effort pour l’amélioration des conditions de vie de la population. Ils demandent à tous les Elus du peuple de se soucier davantage de la population qui les a élus. Ils estiment inadmissible que les élus se préoccupent plus de leurs salaires et émoluments alors que le peuple croupit dans la misère. A cet effet, ils demandent que soit mise sur pied une commission d’harmonisation des salaires et émoluments au sein des institutions de l’Etat.

Les Evêques de la CENCO saisissent cette occasion pour réaffirmer leur détermination à s’opposer fermement à toute tentative de modification de l’Article 220 de notre Constitution qui stipule : « la forme républicaine de l’Etat, le principe de suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle ». Par conséquent, les Evêques demandent aux fidèles et aux hommes de bonne volonté de demeurer vigilants et prêts à faire échec à toute manœuvre éventuelle de modification de la Constitution en ses articles verrouillés. Le respect de la loi fondamentale de notre pays constitue le socle de notre jeune démocratie et le gage de la stabilité de notre pays. Ils espèrent que les concertations en perspective y veilleront absolument.

Par ailleurs, les Evêques ont confirmé la mise au point de la CENCO donnée par son Secrétariat général le 13 mai 2013. Cette mise au point rappelait les normes de l’Eglise catholique et la position commune des Evêques de la CENCO qui interdisent formellement aux ecclésiastiques dans notre pays de prendre activement part aux partis politiques et associations à caractère politique ainsi qu’à la direction des institutions étatiques, quel qu’en soit le niveau, chargées d’organiser les élections dans notre pays. En cohérence avec ces normes, les Evêques réaffirment qu’ils n’ont présenté aucun ecclésiastique à la Commission Electorale Indépendante (CENI). Partant, le cas de l’Abbé Apollinaire Malumalu, prêtre du Diocèse de Butembo-Beni qui a opté d’œuvrer au sein de la CENI sera pris en charge par son Evêque qui appliquera à son endroit les sanctions canoniques qui s’imposent. Peinés par le cas très regrettable de l’engagement de Mr l’Abbé Malumalu à la CENI, les Evêques de la CENCO l’ont, pour leur part, démis de sa fonction de Directeur général de l’Institut Panafricain Cardinal Martino (IPCM). Ce cas déplorable a donné aux Evêques membres de la CENCO, l’opportunité d’exhorter et de rappeler à tous les ecclésiastiques (prêtres, religieux et religieuses) la noblesse de leur identité dans l’Eglise et l’impératif d’honorer ses exigences dans leur vie et leur ministère».[8]

Le désaveu de l’abbé Apollinaire Malumalu par les Evêques membres de la CENCO constitue un signal fort allant dans le sens de la désapprobation, par la hiérarchie de cette confession religieuse, de la manière cavalière dont la candidature de ce prêtre a été endossée par la sous-composante «Confessions religieuses» de la Société civile et par le Bureau de l’Assemblée Nationale.

Ce qui fait tiquer les analystes politiques dans l’affaire Malumalu, c’est le manque total de transparence dans le processus de sélection de sa candidature par la sous-composante «Confessions religieuses», de son endossement par la Société Civile et de son dépôt au Bureau de l’Assemblée Nationale. Etait-ce difficile, de la part de ces fameuses «Confessions religieuses» d’engager un dialogue avec l’Eglise Catholique, pour savoir si leur «candidat» avait reçu son quitus? N’était-il pas possible, au niveau du Bureau de l’Assemblée Nationale, de se mettre à l’écoute de la CENCO, qui avait opposé son veto à toute désignation de ses ecclésiastiques au sein des institutions de la République? Si la Majorité et les confessions religieuses, qui avaient ardemment besoin des services de l’abbé Malumalu pour la direction du Bureau de la CENI, avaient joué franc jeu en se mettant à l’écoute de la CENCO, tout ce que l’on déplore pour le moment ne serait pas arrivé. Un consensus aurait certainement pu être dégagé autour de ce candidat par la voie d’une dérogation négociée avec sa hiérarchie, dans le respect mutuel. Le cas échéant, on aurait pu prendre en considération le candidat proposé la la Cenco même ou s’accorder sur un autre candidat. Mais, en imposant Malumalu, dans un style qui a tout l’air d’une intention délibérée d’humilier l’Eglise Catholique, ses «parrains» ont tout gâché.[9]


[1] Cf Radio Okapi, 27.06.’13; La Prospérité – Kinshasa, 01.07.’13; Texte complet de l’ordonnance présidentielle:

https://fr.africatime.com/republique_democratique_du_congo/articles/loi-complete-sur-les-concertations-nationales

[4] À ce propos, pour éviter imprécisions et approximations, la rédaction de Congo Actualité préfère renvoyer aux textes originels cités:

Le Conseil de Sécurité

4.  Invite l’Envoyée spéciale pour la région des Grands Lacs, nouvellement nommée, en coordination avec le Représentant spécial pour la RDCongo et avec le concours voulu de celui-ci, à diriger, coordonner  et évaluer la mise en œuvre des engagements régionaux pris dans  l’Accord-cadre, tels qu’énoncés dans l’annexe A:

• Ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures des pays voisins;

• Ne tolérer aucun type de groupe armé ni fournir d’aide ou d’appui à ces groupes;

• Respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des pays voisins;

• Renforcer la coopération régionale, notamment en promouvant l’intégration économique compte dûment tenu de l’exploitation des ressources naturelles;

• Respecter les préoccupations et les intérêts légitimes des pays voisins, en particulier pour ce qui est des questions de sécurité;

• Ne pas offrir de refuge ou de protection de quelque type que ce soit aux personnes accusées de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, d’actes de génocide ou de crimes d’agression ou aux personnes relevant du régime des

sanctions des Nations Unies;

• Faciliter l’administration de la justice par le biais de la coopération judiciaire au sein de la région.

Se fondant sur  l’Accord-cadre, le Conseil de Sécurité invite l’Envoyée spéciale à conduire un processus politique global ouvert à toutes les parties prenantes, en vue de remédier aux causes profondes du conflit.

5.  Demande au Représentant spécial pour la RDCongo, en collaboration avec l’Envoyée spéciale pour la région des Grands Lacs, de soutenir, coordonner et évaluer l’application en RDCongo, des engagements nationaux pris dans l’Accord-cadre, comme énoncés dans l’annexe B:

• Poursuivre et approfondir la réforme du secteur de la sécurité, en particulier s’agissant de l’armée et de la police;

• Consolider l’autorité de l’État, en  particulier dans l’est de la RDCongo, notamment pour empêcher les groupes armés de déstabiliser les pays voisins;

• Progresser sur la voie de la décentralisation;

• Aller de l’avant en matière de développement économique, s’agissant notamment du développement des infrastructures et de la prestation de services sociaux de base;

• Poursuivre la réforme structurelle des institutions de l’État, notamment la réforme financière;

• Promouvoir la réconciliation, la tolérance et la démocratisation.

14.  Demande au Représentant spécial pour la RDCongo de s’acquitter, au moyen de ses bons offices, des tâches suivantes:

a) Encourager les autorités nationales de la RDCongo à s’approprier davantage et avec diligence la réforme du secteur de la sécurité, notamment en élaborant et en appliquant en toute urgence une stratégie nationale pour la mise en place d’institutions judiciaires et de sécurité efficaces, ouvertes à tous et responsables, et jouer un rôle directeur dans la coordination de l’appui à la réforme du secteur de sécurité fourni par les partenaires internationaux et bilatéraux et par le système des Nations Unies;

b) Promouvoir un dialogue politique transparent et sans exclusive entre toutes  les parties prenantes congolaises en vue de favoriser la réconciliation et la démocratisation et encourager l’organisation d’élections provinciales et locales crédibles et transparentes;

c) Encourager la mise en place rapide et la consolidation d’une structure civile nationale efficace pour contrôler les principales activités minières et pour gérer équitablement l’extraction et le commerce des ressources naturelles dans l’est de la RDCongo. Cf: http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/2098(2013)

[7] Cf Radio Okapi, 27.06.’13;Texte intégral de l’allocution: La Prospérité – Kinshasa, 28.06.’13:

https://fr.africatime.com/republique_democratique_du_congo/articles/assemblee-pleniere-inaugurale-ceni-malumalu-promet-deja-un-calendrier

[9] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 02.07.’13  via mediacongo.net