Dans une interview exclusive/ Herman Cohen : « Au département d’Etat, le Kivu fait partie du Rwanda »

12-08.2011.  Reçu par Luakabwanga dans sa tranche «Code 243» Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines, a parlé de l’Afrique, et particulièrement de la République démocratique du Congo. Quasiment, tous les problèmes du Congo ont été passés en revue. C’est-à-dire, de l’arrestation de Jean-Pierre Bemba à la balkanisation de la RDC en passant par la proposition de la création d’un Tribunal pénal international pour la RDC et la situation au Kivu. Cette interview est disponible sur You Tube

A la question de savoir si le sénateur Jean-Pierre Bemba pourrait être relâché, Herman Cohen a déclaré que cela serait possible si le gouvernement congolais en faisait la demande. « Le président Joseph Kabila pourrait relever que cette situation était consécutive à la guerre et que la RDC, ayant recouvré la paix, il y a lieu de reconsidérer cette question. Mais je ne pense pas que le président Kabila soit disposé de le faire pour le moment », a-t-il dit.

A une question du journaliste sur la mise en place d’un tribunal pénal international pour la RDC et comment expliquer que les Etats-Unis ne se prononcent pas officiellement sur le génocide en RDC alors qu’il y a eu des ONG privées qui soutiennent le nombre de 5 millions de morts en RDC, plus qu’au Rwanda. « Les Etats-Unis soutiennent cette enquête menée par les ONG privées. Voire même que ce sont les Etats-Unis qui ont été les premiers à demander une enquête par les Nations unies, enquête menée par Garreton. Le Rapport Garreton accuse le Rwanda d’être responsable des morts en RDC après l’occupation. Demandez aux populations locales, elles vous diront comment les choses se sont déroulées. Au départ, c’est Laurent-Désiré Kabila qui s’y était opposé à cause de ses rapports avec le Rwanda. Lorsqu’ils se sont détériorés, il a demandé aux Nations unies de poursuivre son enquête. Quant à la mise en place d’un tribunal pénal international pour la RDC, il y a des réticences de la part de certains pays étrangers qui, jusque là, prennent le Rwanda pour un « enfant chéri ». Toutefois, les choses sont en train de changer depuis qu’au Rwanda, le processus de démocratisation connaît bien des problèmes avec l’arrestation des personnalités politiques et des journalistes. Ce n’est pas la faute du Congo, mais de quelques pays étrangers encore réticents pour protéger le Rwanda ».

Mais l’on parle de plus en plus de l’annexion du Kivu au Rwanda, a enchaîné le journaliste. Washington a décidé d’envoyer un envoyé spécial dans la région et personnellement, Herman Cohen a adressé une note sur ce point au président Barack Obama, souligne encore le journaliste. L’ancien sous-secrétaire d’Etat américain répond : « Dans ma lettre au président Obama, j’ai suggéré que l’on légalise le commerce des minerais au Kivu qu’exploitent les hommes d’affaires rwandais. Le Rwanda a envahi le Kivu en 1998. Pendant six ans, il a mis en place des réseaux pour l’exploitation des minerais, surtout le coltan qui rapporte des milliards de dollars. Je pense que tout le monde trouvera son compte et la RDC percevra des impôts. J’ai proposé que le commerce des minerais soit légalisé. Mais j’ai rencontré une farouche opposition de la part des Congolais qui évoquent la question de souveraineté. Souveraineté ? Au Département d’Etat, le Kivu fait partie du Rwanda ».

Légalisation du commerce des minerais, donc, légalisation de la balkanisation ? « Non. L’Union africaine n’acceptera pas une quelconque sécession. Si les choses ont évolué pour l’Ethiopie et l’Erythrée, c’est parce que l’Ethiopie était d’accord. Il en est de même du Sud-Soudan avec l’accord de Karthoum. La balkanisation de la RDC ne peut se faire qu’avec l’accord de Kinshasa. Personne et aucun Etat ne peut se substituer à la République démocratique du Congo. Ce serait une très mauvaise chose», a-t-il conclu.

Elections 2011 en RDC : vivre ou disparaitre

L’une après l’autre, les étapes préélectorales sont en train d’être franchies : de l’enrôlement des électeurs à la signature problématique du Code de bonne conduite en passant par les congrès des partis politiques, la constitution précoce des plates-formes et l’adoption par le Parlement des annexes à la loi électorale. Très bientôt, ce sera le dépôt des candidatures avant qu’elles ne soient jugées valables, pour verser ensuite dans la campagne électorale et les élections à proprement parler.

Les premiers discours électoralistes ont été prononcés. Mais jusque là, rien n’indique encore avec beaucoup plus de précision que la classe politique a pris à cœur les véritables enjeux des élections 2011. Et pourtant, l’avenir de la République démocratique du Congo, en tant qu’Etat et Nation, est en train de se jouer maintenant ; avant, pendant et après les élections 2011.

Un fait social qui, aux yeux de plusieurs compatriotes congolais, serait certainement banal, s’est déroulé en Afrique du Sud. C’était lors des municipales sud-africaines. Présent sur place, Le Potentiel a été attentif à cette échéance électorale et la manière dont elle s’est déroulée. C’est ainsi qu’il a été constaté qu’au moment crucial de ces élections, les « Toilettes, WC », étaient devenues l’enjeu électoral. En effet, construites lors de la dernière Coupe du monde de football que ce pays a organisée en 2010, elles n’avaient pas pris en compte la dimension « dignité humaine ». Juste ce qu’il fallait pour que l’Opposition monte sur ses grands chevaux afin de dénoncer la « politique sociale » du gouvernement. Touché de plein fouet par cette attaque, l’ANC, par le biais du gouvernement, a réagi, toutes affaires cessantes, en trouvant une solution palliative. Hélas ! L’Opposition avait bien joué que l’ANC, parti au pouvoir, a dû perdre certaines voix précieuses.

Leçon à tirer de ce fait social : c’est que l’homme doit être au centre de toute action politique, économique et sociale. Que dans le projet de société, il importe d’élaborer des projets, des programmes qui visent le mieux-être social de la population pour sous-tendre toute politique de développement dans la perspective d’une nation prospère.

Comme on peut le constater, c’est sur le terrain des idées, des programmes et des projets de société que se jouent toutes les élections démocratiques en Afrique du Sud depuis 1994 jusqu’ à ce jour. C’est ici l’origine de la « puissance » de l’Afrique du Sud en tant qu’Etat et Nation, disposant d’« institutions fortes », grâce à la vision politique de ces leaders, de ces formations politiques, sans oublier une Société civile dynamique, au sens élevé de responsabilité. La COSATU, cette puissante organisation ouvrière, fer de lance de la Société civile sud-africaine, est un partenaire incontournable dans la gestion de l’Etat sud-africain.

Autant les municipales sud-africaines ont renforcé les institutions dans leurs convictions de disposer d’un « Etat arc-en-ciel », autant les élections 2011 offrent la meilleure opportunité aux Congolais de déjouer tous les pronostics des commanditaires des « Etats nains » de balkaniser ce pays. Prise de conscience

La première chose à s’imposer est de s’interroger et d’interroger tous ceux qui concourent à l’exercice du pouvoir s’ils ont une idée exacte d’une élection, des enjeux nationaux, régionaux et internationaux. Il n’est pas exagéré, dans le même élan, de vérifier si au-delà des crises et guerres qu’a connues la RDC, l’on a su évaluer les principaux enjeux.

Il est important de retenir que par cet exercice que l’on doit s’imposer, il y a toute l’importance accordée aux élections 2011 qui n’ont rien de commun avec les élections 2006. Ces dernières, force est de le rappeler, se sont déroulées en « période de grâce » pour soutenir un «peuple moribond », une «classe politique malléable et encore sous le choc de la guerre pour avoir déboulonné une dictature».

Mais cette période de grâce est révolue au regard des exigences internationales. Les élections 2011 se déroulent au moment où de profondes mutations sont déjà perceptibles. Mutations marquées par la conquête des « espaces économiques » consécutive aux revers du capitalisme avec cette crise économique et financière impitoyables. L’Occident est aux abois, comme diraient les autres, à l image autrefois de l’effondrement de l’économie socialiste des pays de l’Est et qui a entraîné l’éclatement de l’Empire soviétique. Même en ces temps-là, l’Afrique n’avait pas été épargnée. La perestroïka et la glasnost avaient emporté les «roitelets et maréchaux» qui résistaient au changement. Les Etats qui n’avaient pas adapté leurs structures politiques et économiques aux exigences de l’heure ont été submergés, subi la loi des vainqueurs d’hier.

Le «Plan» mis en marche n’était qu’à moitié exécuté. Il fallait passer aux autres étapes suivantes. Le «Printemps arabe», en est une, signe annonciateur d’un vaste mouvement de changement et mutations à travers le monde.

La République démocratique du Congo ne sera pas du tout épargnée. Elle subira la loi des «plus forts» et si elle n’est pas préparée en conséquence, son existence en tant qu’Etat et Nation est sérieusement menacée. Le décor est en train d’être planté, dans la partie Est depuis des années, toujours accentué par les bruits de botte dont raffolent les va-t-en-guerre et leurs commanditaires. Ainsi, l’insécurité menace toujours les élections 2011, avant, pendant et après le scrutin. La suite est facile à deviner. Les chefs des confessions religieuses mettent tout le monde en garde : « Dès que la victoire est proclamée, tout le monde doit se soumettre à la loi. On doit, en bon démocrate, s’abstenir de recourir à des actions subversives, des moyens illégaux ou violents pour se soustraire à l’autorité de la loi. S’il existe des contentieux, il faut les traiter par voie de justice, selon les prescrits de la loi électorale, et dans la crainte de Dieu ».

Comment expliquer qu’un pays qui bénéficie d’un soutien militaire important d’une armée internationale de plus de 17000 soldats ; d’une armée congolaise de plus 100.000 soldats, bénéficiant parfois d’un appui des armées rwandaise et ougandaise, n’est jamais venu à bout des forces négatives que sont les FDLR et la LRA ?

Bien plus, l’on constate curieusement une multitude d’organisations internationales humanitaires, des droits de l’Homme, dans cette partie Est. L’on assiste avec beaucoup d’inquiétude, à l’ouverture progressive des « consulats» dans la même partie, sans oublier que 80 pour cent de l’aide du PNUD sont destinés à l’Est. Serait-ce le signe évident des pyromanes de mettre le feu à la case pour venir ensuite vite éteindre le feu dans le but de reprendre le contrôle de la situation ? Tous les indicateurs clignotent dans ce sens. Pour preuve, une structure vient d’être mise en place, EAST CONGO INITIATIVE, Initiative pour l’Est du Congo. Pourquoi pas l’Initiative pour la République démocratique du Congo qui sous-tendrait un « Plan Marshall pour la RDC » ?

Bien avant cette initiative, il y a Pole Institute, installé à Goma, qui réfléchit dans la même direction, c’est-à-dire, de façon sectorielle et non nationale. Dans les deux cas, l’on constate la présence de quelques Congolais, certainement sélectionnés pour des raisons inavouées, mais qu’à la fin, on leur fasse porter le chapeau de la probable balkanisation de la RDC, comme étant une initiative «congolaise ».

Encore le Sud-Soudan

A tout ceci, vient de s’ajouter, encore et toujours, le Sud-Soudan. Qui ne sait pas que ce pays a été secoué par une guerre civile interminable ? Qui ignore que ce pays riche et vaste, comme la RDC, a connu une famine impitoyable, plongeant sa population dans une misère effroyable ? Y a-t-il quelqu’un qui n’a pas entendu parler de Darfour ?

Plusieurs organisations internationales ont fait une « publicité » incroyable autour de ce pays. Elles ont ameuté la communauté internationale, de façon bien coordonnée par des pyromanes, de l’ampleur de la misère du peuple soudanais. La mission étant accomplie, elles ont laissé la place aux « politiques » pour qu’ils achèvent leur ouvrage. Si le Sud-Soudan est aujourd’hui indépendant, contrôle-t-il toutes ses richesses ? Comment expliquer ces offensifs tous azimuts des «nations puissantes» pour établir un partenariat problématique avec le Sud-Soudan, alors qu’il s’agit réellement de contrôler les richesses de ce pays.

Oui. Le Sud-Soudan demeure toujours une nouvelle donne qu’il faudra très bien analysée. Ce pays est voisin de la RDC, juste à côté et très proche de la RDC. C’est tout dire.

Faut-il encore d’autres mots plus sensibles à l’adresse de tous ces concurrents politiques pour qu’ils comprennent que les élections 2011 sont déterminantes ? Il s’agit ni plus ni moins de l’existence de la RDC en tant que Nation et Etat. Va-t-elle vivre ou disparaitre après les élections 2001 ?

Source : Le potentiel :