Rapport Mapping de l’Onu sur les crimes en R.D.Congo: 1^Sortie

Le 1° Octobre, le Haut Commissariat des Nations Unis pour les droits de l’homme avait publié un rapport Mapping sur les crimes les plus tragiques commis en République Démocratique du Congo de 1993 jusqu’en 2003, un rapport dramatique qui a fait émerger une longue série de crimes de geurre, crime contre l’humanité  e crime de génocide , perpétrés contre une population civile indéfendue, déjà victime de la misère et de l’injustice.

Comme signe de reconnaissance envers l’organisme qui a finalement osé soulever un exorde de ce qui s’est passé au Congo, et continue a avvenir, pour montrer notre humble solidarité avec les victimes survecues, et surtout pour garder mémoire des victimes assassinéesatrocement et revendiquer que justice soit faite, nous divulguons, petit a petit, par étape, certaines parties importantes de ce rapport.


RAPPORT DU PROJET MAPPING CONCERNANT LES VIOLATIONS LES PLUS GRAVES DES DROITS DE L’HOMME ET DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMISES ENTRE MARS 1993 ET JUIN 2003 SUR LE TERRITOIRE DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO.

Août 2010.

SOMMAIRE:
PREFACE.
RÉSUMÉ EXÉCUTIF:
HISTORIQUE ET MANDAT

I. INVENTAIRE DES VIOLATIONS COMMISES ENTRE MARS 1993 ET JUIN 2003
A. Mars 1993–juin 1996: échec du processus de démocratisation et crise régionale
B. Juillet 1996–juillet 1998: première guerre et régime de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL)
C. Août 1998–janvier 2000: deuxième guerre D. Janvier 2001–juin 2003: vers la transition. E. Qualification juridique des violences commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003: a) crimes de guerre – b) crimes contre l’humanité – c) crimes de génocide.
II. INVENTAIRE DES ACTES DE VIOLENCE SPECIFIQUES
A. Inventaire des actes de violence commis contre les femmes et violences sexuelles
B. Inventaire des actes de violence commis contre les enfants
C. Inventaire des actes de violence liés à l’exploitation des ressources naturelles
III. ÉVALUATION DES MOYENS DONT DISPOSE LE SYSTEME NATIONAL DE JUSTICE
IV. MECANISMES DE JUSTICE TRANSITIONNELLE
Mécanismes judiciaires – Commission Vérité et Réconciliation (CVR) – Réparations – Réformes – Vetting – Cour Pénale Internationale – Conclusion.
«Aucun rapport ne peut vraiment décrire les horreurs vécues par la population civile au Zaïre, aujourd’hui devenu République démocratique du Congo (RDC), où presque chaque individu a une expérience de souffrance et de perte à relater».

PREFACE

Ce rapport est le fruit d’entretiens avec plusieurs centaines d’interlocuteurs, tant Congolais qu’étrangers, qui ont été témoins des atrocités commises dans le pays. Il documente leurs témoignages et reflète leurs aspirations à la justice. Cependant, aucun rapport ne peut vraiment décrire les horreurs vécues par la population civile au Zaïre, aujourd’hui devenu République démocratique du Congo (RDC), où presque chaque individu a une expérience de souffrance et de perte à relater. Dans certains cas, des victimes sont devenues auteurs de crimes et certains responsables de crimes ont été eux-mêmes victimes de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans un cycle de violence qui n’est pas encore terminé. Le rapport est destiné à représenter les actes de violence graves qui ont affecté – directement ou indirectement – une vaste majorité de la population vivant en RDC. Bien qu’il ne vise ni à établir de

responsabilités individuelles ni à jeter le blâme, le rapport- en toute candeur- reproduit les récits souvent choquants des tragédies vécues par les victimes et témoins. Le rapport se veut un premier pas, après un violent conflit, vers un processus de vérité parfois douloureux mais nécessaire.

Ce rapport plaide pour un engagement renouvelé du Gouvernement à s’assurer que la justice devienne l’un des piliers fondamentaux de la démocratie congolaise. Enfin, il se tourne vers l’avenir en identifiant plusieurs chemins que pourrait emprunter la société congolaise pour composer avec son passé, lutter contre l’impunité et faire face aux défis présents de façon à empêcher que de telles atrocités ne se reproduisent.

A travers leurs témoignages inscrits dans ce rapport, les Congolais ont démontré leur engagement vis-à-vis de la vérité et de la justice. L’impact final de ce projet dépendra des actions de suivi par le Gourvernement et le peuple de la RDC. Bien qu’il appartienne en premier lieu au Gouvernement de la RDC et à son peuple de définir et mettre en œuvre une approche sur la justice transitionnelle, ils doivent aussi pouvoir compter à cet égard sur le soutien de la communauté internationale.

Navanethem Pillay

Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

RÉSUMÉ EXÉCUTIF

HISTORIQUE ET MANDAT

1. (Après) la découverte par la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République

Démocratique du Congo (MONUC) de trois fosses communes dans le Nord-Kivu à la fin de 2005, il a été recommandé de procéder à un inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur l’ensemble du territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003 et, à partir des résultats de cette opération, d’évaluer les moyens dont le système national de justice congolais dispose pour traiter ces violations et de formuler différentes options possibles de mécanismes appropriés de justice transitionnelle qui permettraient de lutter contre l’impunité régnant en RDC.

5. Le Mapping présente une description des violations, de leur situation géographique et temporelle, en révèle la nature en les qualifiant en droit, dévoile qui en sont les victimes et leur nombre approximatif et à quel groupe – souvent armé – appartiennent les auteurs présumés. L’exercice s’est effectué «de façon chronologique et province par province».

7. L’objectif premier du Mapping étant de «rassembler les informations de base sur les incidents découverts», le niveau de preuve requis était de toute évidence inférieur à ce qui est exigé en matière criminelle devant une instance judiciaire.

8. L’objectif du Projet Mapping n’était pas d’établir ou de tenter d’établir la responsabilité pénale individuelle de certains acteurs, mais plutôt d’exposer clairement la gravité des violations commises, dans le but d’inciter une démarche visant à mettre fin à l’impunité et d’y contribuer.

10. Le rapport du Projet Mapping comprend une description de plus de 600 incidents violents survenus sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003.

Plus de 1 500 documents relatifs aux violations des droits de l’homme commises durant cette période ont été rassemblés et analysés en vue d’établir une première chronologie par province des principaux incidents violents rapportés.

Par la suite, les Équipes Mapping sur le terrain ont rencontré plus de 1 280 témoins en vue de corroborer ou d’infirmer les violations répertoriées dans la chronologie.

I. INVENTAIRE DES VIOLATIONS LES PLUS GRAVES DES DROITS DE L’HOMME ET DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMISES SUR LE TERRITOIRE DE LA RDC ENTRE MARS 1993 ET JUIN 2003

15. La période couverte par le présent rapport, de mars 1993 à juin 2003, constitue probablement l’un des chapitres les plus tragiques de l’histoire récente de la RDC. Ces dix années ont, en effet, été marquées par une série de crises politiques majeures, de guerres et de nombreux conflits ethniques et régionaux qui ont provoqué la mort de centaines de milliers, voire de millions, de personnes. Rares ont été les civils, congolais et étrangers, vivant sur le territoire de la RDC qui ont pu échapper à ces violences, qu’ils aient été victimes de meurtres, d’atteintes à leur intégrité physique, de viols, de déplacements forcés, de pillages, de destructions de biens ou de violations de leurs droits économiques et sociaux. Le but ultime de cet inventaire, consiste à fournir aux autorités congolaises des éléments pour les aider à décider de la meilleure approche à adopter pour rendre justice aux nombreuses victimes et combattre l’impunité qui sévit à cet égard.

16. Le rapport du Projet Mapping est présenté de façon chronologique, reflétant quatre grandes périodes de l’histoire récente de la RDC.

Chaque période est divisée par province et parfois subdivisée par groupe de victimes et présente la description des violations commises, les groupes prétendument impliqués et le nombre approximatif de victimes.

A. Mars 1993–juin 1996: échec du processus de démocratisation et crise régionale

17. La première période couvre les violations commises au cours des dernières années de pouvoir du Président Mobutu et est marquée par l’échec du processus de démocratisation et les conséquences dévastatrices du génocide survenu au Rwanda sur l’État zaïrois en déliquescence, en particulier dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Au cours de cette période, 40 incidents ont été répertoriés.

B. Juillet 1996–juillet 1998: première guerre et régime de l’Alliance des forcesdémocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL)

18. La deuxième période s’intéresse aux violations qui auraient été perpétrées pendant la première guerre et la première année du régime mis en place par le Président Laurent-Désiré Kabila et répertorie le plus grand nombre d’incidents de toute la décennie examinée, soit 238. Les informations disponibles aujourd’hui suggèrent l’importance du rôle des États tiers (Rwanda, Ouganda et Burundi) dans la première guerre et leur implication directe dans cette guerre qui a mené au renversement du régime de Mobutu . Au début de la période, des violations sérieuses ont été commises à l’encontre de civils tutsi et banyamulenge , principalement au Sud-Kivu. Puis cette période a été caractérisée par une apparente poursuite impitoyable et des massacres de grande ampleur (104 incidents répertoriés) de réfugiés hutu, de membres des anciennes Forces armées rwandaises (appelées par la suite ex-FAR) ainsi que de milices impliquées dans le génocide de 1994 (les Interahamwe) prétendument par les forces de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). Une partie des troupes, de l’armement et de la logistique étaient apparemment fournis par l’Armée patriotique rwandaise (APR), par la «Uganda People’s Defence Force» (UPDF) et par les Forces armées burundaises (FAB) à travers tout le territoire congolais. Les réfugiés hutu, que les ex-FAR/Interahamwe semble avoir parfois encadrés et employés comme boucliers humains au cours de leur fuite, ont alors entrepris un long périple à travers le pays qu’ils ont traversé d’est en ouest en direction de l’Angola, de la République centrafricaine ou de la République du Congo. Cette période aurait également été marquée par de graves attaques contre les autres populations civiles, dans toutes les provinces sans exception, notamment par les Forces armées zaïroises (FAZ) en repli vers Kinshasa, les ex-FAR Interahamwe fuyant devant l’AFDL/APR et les Mayi-Mayi .

C. Août 1998–janvier 2000 : deuxième guerre

19. La troisième période dresse l’inventaire des violations commises entre le déclenchement de la deuxième guerre, en août 1998, et la mort du Président Kabila. Cette période comporte 200 incidents et est caractérisée par l’intervention sur le territoire de la RDC des forces armées régulières de plusieurs États, combattant avec les Forces armées congolaises (FAC) [Zimbabwe, Angola et Namibie] ou contre elles, en plus de l’implication de multiples groupes de miliciens et de la création de deux nouveaux mouvements politico-militaires, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), qui se scindera à plusieurs reprises et le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC).

Au moins huit armées nationales et 21 groupes armés irréguliers prennent part aux combats». Malgré la signature à Lusaka, le 10 juillet 1999, d’un accord de cessez-le-feu entre toutes les parties prévoyant le respect du droit international humanitaire par toutes les parties et le retrait définitif de toutes les forces étrangères du territoire national de la RDC, les combats ont continué tout comme les graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

Le 16 juin 2000, le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1304 (2000), a demandé à toutes les parties de cesser les combats et exigé que le Rwanda et l’Ouganda se retirent du territoire de la RDC dont ils avaient violé la souveraineté. Il faudra pourtant attendre 2002, suite à la signature de deux nouveaux accords, celui de Pretoria (31 juillet 2002 ) avec le Rwanda et celui de Luanda (6 septembre 2002) avec l’Ouganda, pour que s’amorce le retrait des ces forces étrangères du pays.

D. Janvier 2001–juin 2003 : vers la transition

21. Enfin, la dernière période répertorie 139 incidents qui décrivent les violations perpétrées malgré la mise en place progressive d’un cessez-le-feu le long de la ligne de front et l’accélération des négociations de paix en vue du lancement de la période de transition, le 30 juin 2003.

E. Qualification juridique des violences commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003

a) Crimes de guerre

23. On entend généralement par ce terme toutes violations graves du droit international humanitaire commises à l’encontre de civils ou de combattants ennemis à l’occasion d’un conflit armé, international ou interne, violations qui entraînent la responsabilité pénale individuelle de leurs auteurs.

Ces crimes découlent essentiellement des Conventions de Genève du 12 août 1949 et de leurs Protocoles additionnels I et II de 1977 et des Conventions de La Haye de 1899 et 1907. Leur codification la plus récente se trouve à l’article 8 du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (CPI) de 1998.

24. La vaste majorité des incidents répertoriés dans le présent rapport pourraient, s’ils sont dûment enquêtés et prouvés devant un tribunal compétent, révéler la commission d’actes prohibés, tel que meurtres, atteintes à l’intégrité physique ou à la santé, viols, attaques intentionnelles contre la population civile, pillages et destructions de biens civils, parfois indispensables à la survie de la population civile, de façon illicite et arbitraire.

La grande majorité des violents incidents répertoriés dans le présent rapport résultent de conflits armés et, s’ils sont prouvés devant un tribunal compétent, révéleront la commission de crimes de guerre, en tant que violations graves du droit international humanitaire dans un contexte de guerre.

Crimes contre l’humanité

25. La définition de ce terme a été codifiée au paragraphe 1 de l’article 7 du Statut de Rome de la CPI. Lorsque des actes tels que le meurtre, l’extermination, le viol, la persécution et tous autres actes inhumains, de caractère analogue, causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale, sont commis «dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque», ils constituent des crimes contre l’humanité.

26. Le présent rapport montre que la grande majorité des incidents répertoriés, s’ils faisaient l’objet d’enquêtes et étaient prouvés devant un tribunal compétent, s’inscrit dans le cadre d’attaques généralisées ou systématiques, dépeignant de multiples actes de violence de grande ampleur, menés apparemment de manière organisée et ayant causé de nombreuses victimes. La plupart de ces attaques ont été lancées contre des populations civiles non combattantes composées en majorité de femmes et d’enfants.

Crime de génocide

27. Depuis sa première formulation en 1948, à l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la définition du crime est demeurée sensiblement la même. On la trouve à l’article 6 du Statut de Rome, qui définit le crime de génocide «comme l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel». Cette définition est suivie d’une série d’actes qui représentent de graves violations du droit à la vie et à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe. La

Convention prévoit également que sont punissables non seulement l’exécution en tant que telle, mais aussi l’entente en vue de commettre le génocide, l’incitation directe et publique, la tentative et la complicité. C’est l’intention spécifique de détruire un groupe mentionné en tout ou en partie qui distingue le crime de génocide du crime contre l’humanité.

29. Au moment des incidents couverts par le présent rapport, la population hutu au Zaïre, y compris les réfugiés venus du Rwanda, constituait un groupe ethnique au sens de la Convention susmentionnée. Plusieurs incidents répertoriés semblent indiquer la possibilité que les multiples attaques visaient les membres du groupe ethnique hutu comme tel, et non pas seulement les criminels responsables du génocide commis en 1994 à l’égard des Tutsi au Rwanda et qu’aucun effort n’avait prétendument été fait par l’AFDL/APR pour distinguer entre les Hutu membres des ex-FAR et les Hutu civils, réfugiés ou pas.

30. L’intention de détruire un groupe en partie est suffisante pour constituer un crime de génocide et les tribunaux internationaux ont confirmé que la destruction d’un groupe peut être limitée à une zone géographique particulière.

31. Plusieurs incidents répertoriés dans ce rapport, s’ils sont enquêtés et prouvés devant un tribunal compétent, révèlent des circonstances et des faits à partir desquels un tribunal pourrait tirer des inférences de l’intention de détruire en partie le groupe ethnique hutu en RDC.

L’ampleur des crimes et le nombre important de victimes, probablement plusieurs dizaines de milliers, toutes nationalités confondues, sont démontrés par les nombreux incidents répertoriés dans le rapport (104 incidents). L’usage extensif d’armes blanches (principalement des marteaux) et l’apparente nature systématique des massacres de survivants après la prise des camps pourrait indiquer que les nombreux décès ne sont pas imputables aux aléas de la guerre ou assimilables à des dommages collatéraux . Parmi les victimes, il y avait une majorité d’enfants, de femmes, de personnes âgées et de malades, souvent sous-alimentés, qui ne posaient aucun risque pour les forces attaquantes .

La nature en apparence systématique, méthodologique et préméditée des attaques répertoriées contre les Hutu est également révélée par les incidents répertoriés: ces attaques se sont déroulées dans chaque localité où des réfugiés ont été prétendument dépistés par l’AFDL/APR sur une très vaste étendue du territoire . La poursuite a duré des mois, et à l’occasion, l’aide humanitaire qui leur était destinée aurait été sciemment bloquée, notamment en province Orientale, les privant ainsi d’éléments indispensables à leur survie. Ainsi les attaques en apparence systématiques et généralisées décrites dans le présent rapport révèlent plusieurs éléments accablants qui, s’ils sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être qualifiés de crimes de génocide.

II. INVENTAIRE DES ACTES DE VIOLENCE SPECIFIQUES COMMIS PENDANT LES CONFLITS EN RDC

A. Inventaire des actes de violence commis contre les femmes et violences sexuelles

35. Cette partie met en évidence que les femmes et les filles ont payé un tribut particulièrement lourd au cours de la décennie 1993-2003. La violence en RDC s’est en effet accompagnée d’un usage apparemment systématique du viol et des agressions sexuelles prétendument par toutes les forces combattantes. Le présent rapport met en évidence le caractère apparemment récurrent, généralisé et systématique de ces phénomènes et conclut que la majeure partie des violences sexuelles examinées pourraient, si elles sont prouvées devant un tribunal compétent, constituer des infractions et des crimes au regard du droit national ainsi qu’au regard des règles des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

B. Inventaire des actes de violence commis contre les enfants

38. La décennie 1993-2003 a également été marquée par l’emploi généralisé par toutes les parties aux conflits d’enfants associés aux forces et groupes armés (EAFGA), ce qui fait de la RDC l’un des pays au monde le plus affecté par ce phénomène. Dans les camps militaires, ces enfants ont subi des violences indescriptibles, telles que meurtres, viols, torture, traitements cruels, inhumains et dégradants et ont été privés de tous leurs droits. Le rapport souligne que les EAFGA ont aussi parfois été forcés de commettre de très sérieuses violations, mais qu’en termes de justice, il est essentiel de poursuivre d’abord les dirigeants politiques et militaires responsables pour les crimes commis par les EAFGA placés sous leurs ordres

C. Inventaire des actes de violence liés à l’exploitation des ressources naturelles

40. Le chapitre III met en lumière

41. le lien entre l’exploitation des ressources naturelles et les prétendues violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

III. ÉVALUATION DES MOYENS DONT DISPOSE LE SYSTEME NATIONAL DE JUSTICE POUR TRAITER DES GRAVES VIOLATIONS REPERTORIEES

43. Il s’agissait d’analyser dans quelle mesure le système national de justice peut traiter adéquatement des crimes graves révélés par l’inventaire en vue d’entamer la lutte contre l’impunité.

45. L’analyse indique qu’il existe un corps important de normes et dispositions légales, tant en droit international qu’en droit interne, suffisant pour entreprendre la lutte contre l’impunité eu égard aux crimes documentés dans le présent rapport.

Si on peut regretter l’absence de compétence des juridictions civiles pour les crimes internationaux, force est de constater que les juridictions militaires ont compétence pour juger toutes personnes responsables des crimes internationaux commis sur le territoire de la RDC entre 1993 et 2003.

46. Pourtant, si le cadre juridique en place paraît suffisant, l’étude de la jurisprudence congolaise a permis d’identifier seulement une douzaine d’affaires, depuis 2003, où les juridictions congolaises ont traité de faits qualifiés de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Seulement deux de ces affaires concernent des incidents couverts par le présent rapport.

47. Toutes les affaires étudiées illustrent néanmoins les importantes limites opérationnelles des magistrats militaires: enquêtes bâclées et douteuses, actes judiciaires mal rédigés ou insuffisamment motivés, décisions irrationnelles, violations des droits de la défense et immixtions diverses des autorités civiles et militaires dans le processus judiciaire.

53. En résumé, devant le peu d’engagement des autorités congolaises envers le renforcement de la justice, les moyens dérisoires accordés au système judiciaire pour combattre l’impunité, l’admission et la tolérance de multiples interférences des autorités politico-militaires dans les affaires judiciaires qui consacrent son manque d’indépendance, l’inadéquation de la justice militaire, seule compétente pour répondre aux nombreux crimes internationaux souvent commis par les forces de sécurité, la

pratique judiciaire insignifiante et défaillante, le non-respect des principes internationaux relatifs à la justice pour mineurs et l’inadéquation du système judiciaire pour les affaires de violence sexuelle, force est de conclure que les moyens dont dispose la justice congolaise pour mettre fin à l’impunité pour les crimes internationaux sont nettement insuffisants.

IV. FORMULATION D’OPTIONS EN MATIERE DE MECANISMES DE JUSTICE TRANSITIONNELLE QUI POURRAIENT CONTRIBUER A LA LUTTE CONTRE L’IMPUNITE EN RDC

54. Le mandat confié à l’Équipe Mapping en matière de justice transitionnelle consistait à présenter diverses options pour aider le Gouvernement de la RDC à traiter des graves et nombreuses violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur son territoire sur le plan «de la vérité, de la justice, des réparations et de la réforme».

55. Pour mener à bien cet objectif, l’Équipe Mapping a examiné les expériences récentes de la RDC en matière de justice transitionnelle.

57. L’adoption d’une politique holistique de justice transitionnelle qui s’appuierait sur la création de mécanismes divers et complémentaires, judiciaires et non judiciaires, s’avère cruciale.

Cette stratégie doit envisager une complémentarité entre différents mécanismes, déjà disponibles ou à mettre en place, qui auront chacun une vocation particulière en matière de vérité, de justice, de réparation et de réhabilitation des victimes, de réforme des institutions de justice et de sécurité, y compris des mesures d’assainissement (vetting) des forces de sécurité et de l’armée, de réconciliation, voire de reconstruction de la vérité historique. Ces mécanismes sont complémentaires et non exclusifs.

Mécanismes judiciaires:

58. La décision de choisir quel mécanisme judiciaire serait le plus approprié pour traiter de ces possibles crimes revient exclusivement au Gouvernement congolais qui doit prendre en compte les demandes de la société civile congolaise.

59. Commises sur une vaste échelle, pendant plus de dix ans de conflits et prétendument par différents groupes armés de RDC et d’ailleurs, les violations qui pourraient atteindre le seuil des crimes internationaux sont potentiellement tellement nombreuses qu’aucun système judiciaire fonctionnant au mieux de ses capacités ne pourrait traiter autant de cas. Les crimes graves et leurs auteurs se comptent par dizaines de milliers, leurs victimes par centaines de milliers. En pareil cas, il importe d’établir un ordre de priorité en matière de poursuites pénales et de se concentrer sur «ceux qui portent la plus grande responsabilité». Or la poursuite des «personnes les plus responsables» exige une justice indépendante, capable de résister aux interventions politiques et autres, ce qui n’est certes pas le cas du système judiciaire congolais actuel, dont l’indépendance demeure gravement compromise et malmenée.

60. En soi, l’apparente nature généralisée et systématique des crimes commis pose également un défi. Pareils crimes exigent des enquêtes complexes qui ne peuvent se faire sans d’importantes ressources matérielles et humaines. Or, le manque de ressources à la disposition des juridictions congolaises, les rend incapable de mener à bien leur mandat en matière de crimes internationaux.

61. Face à ces constats, le rapport conclut qu’un mécanisme judiciaire mixte – composé de personnel international et national – serait le plus approprié pour rendre justice aux victimes de violations graves.

64. En soi, un tribunal mixte ne règlera pas la difficulté posée par la participation présumée des forces et groupes armés étrangers dans les vagues de violence qui ont déferlé sur le pays. Or, la

responsabilité des commandants, des commanditaires et des donneurs d’ordre étrangers pourrait s’avérer impossible à établir sans l’assistance des autorités des pays concernés. À cet égard, rappelons que dès 2001 le Conseil de sécurité avait rappelé aux États de la région impliqués dans le conflit armé leurs obligations internationales «de traduire les responsables en justice et de permettre… que ceux qui auraient commis des violations du droit international humanitaire aient à en répondre». Ainsi, des auteurs présumés peuvent être poursuivis sur la base de la compétence universelle par des États tiers, de la région ou non, pour les crimes commis en RDC, comme cela a déjà été le cas, bien que trop rarement. Une telle possibilité doit être encouragée.

Commission Vérité et Réconciliation (CVR):

65. L’ampleur et la nature systématique ou généralisée des crimes prétendument perpétrés contre des groupes vulnérables, femmes, enfants et réfugiés sans défense, force à s’interroger sur les raisons d’un tel déchaînement de violence, sur l’existence d’une politique délibérée de s’attaquer à certaines catégories de personnes pour des motifs ethniques, politiques ou liés à la nationalité. L’utilisation systématique de la violence sexuelle qui perdure encore aujourd’hui doit être examinée de façon particulière. Des motifs économiques liés entre autres à l’occupation des terres et à l’exploitation illégale des ressources naturelles doivent également être considérés. Pareilles questions ne sauraient trouver de réponses satisfaisantes devant un tribunal seul, qui examinerait avant tout la responsabilité individuelle des auteurs présumés, sans chercher à comprendre l’ensemble du conflit, sa genèse et ses raisons profondes. En soi, un mécanisme judiciaire ne peut que traiter que d’un nombre restreint de cas, sans prendre en charge ni les besoins de la majorité des

victimes ni leur soif de vérité.

68. Bien qu’il n’existe pas de modèle préconçu ou type pour un mécanisme de vérité, il est possible de poser certains principes de base, entre autres :

– Un mandat réaliste et précis: Face aux nombreux conflits qui ont sévi en RDC, le mandat devrait être limité aux périodes de l’histoire qui ont donné lieu aux plus graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Certains groupes particulièrement touchés par les violences en RDC, notamment les femmes, les enfants ou certaines minorités et communautés ethniques, politiques ou nationales, devraient faire l’objet d’une attention particulière;

– Délimitation du mandat: La multiplication des divers mandats confiés à la première CVR en RDC a contribué à son échec. Ainsi une CVR ne peut se substituer à un organe de médiation ou à un mécanisme de réparation, bien qu’elle puisse bien sûr formuler des recommandations pertinentes à ces égards;

– La composition de la CVR: La possibilité de nommer des membres internationaux dans la commission devrait être explorée, vu le climat de méfiance qui persiste en RDC (de la part de la

population civile et entre les différentes parties envers les autorités);

– Les pouvoirs de la Commission: Il est primordial que le mécanisme mis en place puisse disposer des pouvoirs d’interroger des témoins, de les faire comparaître, de les protéger, de garantir que leur témoignage ne pourra pas être utilisé contre eux dans une procédure judiciaire, d’obtenir la pleine coopération des autorités, etc.

Les prérogatives d’octroyer des amnisties aux auteurs repentants doivent être compatibles avec les principes du droit international en ce domaine et ne pas s’appliquer aux crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes de génocide et autres violations graves des droits de l’homme.

– Le contenu du rapport final : Un mécanisme de vérité devrait être en mesure de pouvoir au moins faire des recommandations sur des mesures de réparation et d’indemnisation des victimes, sur des réformes institutionnelles, notamment dans les secteurs de la justice et des forces de sécurité, pour éviter que de telles violations se produisent à l’avenir et, le cas échéant, en recommander la sanction.

Réparations:

70. Le droit des victimes de violations graves des droits de l’homme à la réparation est inscrit dans de nombreux traités internationaux.

Le droit à réparation doit couvrir l’intégralité des préjudices subis par la victime et peut prendre plusieurs formes possibles: la restitution, l’indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et les garanties de non renouvellement des violations par l’adoption de mesures appropriées.

72. Les pays tiers dont la responsabilité internationale est engagée pour violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire ont également l’obligation de payer des réparations à l’État sur le territoire duquel les actes ont été commis et les dommages subis.

Il serait même possible d’envisager la poursuite de certaines compagnies privées, nationales ou étrangères ou étatiques qui auraient illégalement acheté les ressources naturelles et qui auraient contribué aux violations en RDC, en vue d’obtenir des compensations qui seraient versées à un mécanisme de réparation.

75. Le rapport conclut qu’une agence nationale, une commission pour les réparations ou un fonds d’indemnisation, qui aurait exclusivement pour mandat l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme d’indemnisation pour les victimes des conflits en RDC, constituerait le mécanisme le plus approprié pour relever le défi de la question des réparations.

Réformes:

76. Une des finalités de la politique de justice transitionnelle est la mise en place de garanties de non-répétition des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises dans le passé. Réformer les institutions qui ont commis les violations ou qui n’ont pas joué le rôle institutionnel qui leur incombe pour empêcher ces violations est souvent primordial pour atteindre ce but.

Si tous les mécanismes de justice transitionnelle sont importants, il faut insister sur le fait que la réforme des institutions est certainement la démarche qui aura le plus d’impact à long terme pour obtenir la paix et la stabilisation du pays et qui offrira aux citoyens les meilleures protections contre le non renouvellement des violations.

77. Parmi les réformes visant la non-répétition des crimes, les plus cruciales et urgentes sont celles portant sur l’amélioration du système judiciaire, l’adoption d’une loi de mise en œuvre du Statut de Rome et l’assainissement des services de sécurité (vetting).

Vetting:

79. La procédure d’assainissement (vetting) vise à ce que « les fonctionnaires de l’État qui sont personnellement responsables de violations flagrantes des droits de l’homme, en particulier ceux de l’armée, des services de sécurité, de la police, des services de renseignements et du corps judiciaire, ne doivent plus exercer leurs fonctions au sein des institutions de l’État ».

L’assainissement est une mesure particulièrement pertinente et importante en RDC car de nombreux

responsables présumés de violations graves des droits de l’homme se trouvent dans des institutions étatiques suite aux accords de paix.

Cour Pénale Internationale:

81. Bien qu’en soi la CPI ne soit pas un mécanisme de justice transitionnelle, sa contribution en matière de justice pénale en RDC demeure très importante. Elle constitue pour l’instant le seul mécanisme judiciaire ayant la capacité, l’intégrité et l’indépendance nécessaires pour poursuivre ceux qui portent la plus grande responsabilité dans la commission de crimes internationaux sur le territoire de la RDC.

82. Toutefois, les nombreuses attentes soulevées par la CPI ont fait place à certaines déceptions parmi les Congolais et les acteurs internationaux investis dans la défense des droits des victimes, notamment à cause de la lenteur des procédures et la portée limitée des charges retenues, qui ne rendent pas justice aux centaines, voire milliers, de victimes et ne reflètent pas l’ensemble des activités criminelles des accusés.

83. Ainsi, devant l’absence de progrès dans la lutte contre l’impunité en RDC, il apparaît primordial que la CPI maintienne, voire accroisse son engagement. La CPI devrait s’intéresser particulièrement aux crimes les plus graves qui pourraient difficilement faire l’objet de poursuites en RDC en raison de leur complexité, comme par exemple les réseaux de financement et d’armement des groupes impliqués dans les crimes. Les personnes prétendumment impliquées dans ces activités semblent bénéficier d’appuis politiques, militaires ou économiques et se trouvent parfois à l’extérieur du

territoire de la RDC, hors de portée de la justice nationale. Il apparaît donc important que le Procureur de la CPI accorde une attention particulière à ces cas afin qu’ils n’échappent pas à la justice.

84. En revanche, l’incompétence de la CPI à l’égard des nombreux crimes commis avant juillet 2002 et son incapacité á traiter un nombre important de cas limitent son rôle direct dans la lutte contre l’impunité et confirment l’importance et la nécessité de créer de nouveaux mécanismes permettant de poursuivre les principaux auteurs des crimes les plus graves couverts dans le présent rapport.

Conclusion:

85. Le rapport conclut que la grande majorité des 617 incidents recensés pourrait constituer des crimes internationaux, s’ils font l’objet d’enquêtes et poursuites judiciaires complètes. Il s’agit de crimes de guerre commis pendant les conflits armés, internes ou internationaux, ou de crimes contre l’humanité commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile, ou dans de nombreux cas, qu’il s’agisse des deux. La question de savoir si les nombreux actes de violence graves commis à l’encontre des Hutu en 1996 et 1997 constituent des crimes de génocide ne pourra être tranchée que par un tribunal compétent.

86. Les options qui devront être examinées par le Gouvernement de la RDC et la société civile, comprennent: a) la création d’une juridiction mixte; b) la création d’une nouvelle Commission Vérité et Réconciliation; c) des programmes de réparation ; et d) des réformes à la fois du secteur de la justice et des forces de sécurité.